TRAFIC DES PAIEMENTS. Dès l’an prochain, l’Union européenne ne connaîtra plus qu’un seul système. La Suisse, embrouillée dans une multitude de normes, ne s’alignera qu’à partir de 2018.
Adieu, bulletins rouges et roses, LSV et débits directs, qui enchantent nos fins de mois. Et bienvenue, bulletin de versement unifié! La Suisse s’apprête à simplifier ses systèmes de paiement. Elle mettra ainsi un terme à des décennies de fragmentation coûteuse, marquée par une concurrence tenace entre les deux acteurs, Postfinance et les banques, chacun se réservant la moitié de ce marché.
Les paiements se feront via un formulaire unique. Au lieu du numéro de compte bancaire ou postal, l’utilisateur devra inscrire le numéro IBAN (le numéro de compte international) de son correspondant. Et pour l’aider, son bulletin comportera un code QR (Quick Response), qui permettra un décodage rapide via un œil électronique.
Le hic de ce beau rêve, c’est qu’il faudra attendre 2018 pour qu’il se réalise. Voire 2020 pour que les dernières étapes soient franchies. Quatre à six ans après les autres pays européens. Le 1er février prochain, les 28 membres de l’Union européenne, auxquels s’ajoutent les alliés de la Suisse au sein de l’AELE (Norvège, Islande, Liechtenstein) et Monaco se convertiront à un système unique baptisé SEPA, pour Single Euro Payment Area. Outre un système de paiement unifié, il offrira un format unique de cartes de débit et de crédit et de systèmes de paiement mobiles. Une simplification considérable, qui va évidemment permettre une substantielle réduction de coûts.
C’est en 2005 que la Suisse a adhéré à ce programme, lancé par l’UE cinq ans plus tôt en prévision du lancement de l’euro. Non sans hésitations, notamment liées au secret bancaire: les solutions techniques ne risquent-elles pas de permettre la transmission d’informations sur les comptes de clients?, s’interrogeait-on alors. En fait, le principal obstacle à une harmonisation en Suisse réside dans la redoutable complexité de l’architecture helvétique des systèmes de paiement.
Celle-ci résulte d’un long affrontement. «Il y a toujours eu une certaine tension entre Postfinance et les banques», résume Matthias Finger, professeur de management de la technologie à l’EPFL. Alors simple service de La Poste, la première s’est emparée de cette activité dès 1906 et s’en est fait l’une de ses principales raisons d’être.
Les établissements bancaires sont arrivés plus tard, et quelque peu dans le désordre. Ce n’est qu’en 1987 qu’ils se sont finalement réunis dans le Swiss Interbank Clearing (SIC), système de compensation chapeauté par la Banque nationale.
Résultat: cinq formats différents de paiement se côtoient, les cartes de crédit emploient encore la signature manuscrite, les automates à billets ne sont compatibles entre eux que depuis récemment. Autant d’aberrations qui appartiennent déjà largement au passé chez nos voisins.
Craintes sur le sercret bancaire. Bref, la Suisse, l’une des principales places financières du monde et championne de la logistique, n’a pas été capable d’édifier un système de trafic des paiements simple et bon marché!
Conséquence, les coûts sont nettement plus élevés qu’ailleurs. Selon Credit Suisse, la facture globale annuelle s’élève à 1,9 milliard de francs. Lorsque la Suisse sera mise en conformité avec le système SEPA, ces coûts pourront être réduits de moitié, affirment ses promoteurs.
Si ces économies n’ont pas été recherchées plus tôt, «c’est que la pression politique a fait défaut», soutient Matthias Finger. La Confédération ne s’est jamais activement impliquée dans ce dossier. Et pour l’UE, dans ce domaine, la Suisse n’est qu’une périphérie. Même si les transactions effectuées sur la plateforme SIC ont atteint le montant astronomique de 30 243 milliards de francs l’an dernier, elles n’ont guère représenté que 4% du trafic européen total.