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Et maintenant, nous, les entrepreneurs, que faire pour nous en sortir?

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Jeudi, 22 Janvier, 2015 - 05:55

Les jours d’après. Face au franc fort, les entrepreneurs disposent d’une boîte aux idées limitées ou tardives.

Si certains entrepreneurs poussent des cris d’orfraie après que la BNS a renoncé au taux plancher du franc, d’autres s’étonnent que l’on soit surpris par une situation qui, dès l’origine, était considérée comme provisoire. «Un entrepreneur qui a des filiales dans la zone euro a pris des mesures de couverture pour s’immuniser contre le risque de change (hedging)», dit un horloger aussi prudent que discret. Et qui a, il est vrai, les reins solides. Ce qui n’est hélas pas le cas de maintes PME. Quoi qu’il en soit, à l’échéance du contrat de couverture, la réalité du cours de change s’impose de nouveau! Dès lors, «il sera bien difficile d’éviter une hausse du prix des montres sur les marchés de l’UE». Augmenter le prix des produits exportés, baisser celui des biens importés comme l’ont décidé en éclaireurs les magasins Bongénie Grieder sont quelques-unes des initiatives prises. Il y en a d’autres. Mais elles ne sont vraiment pas légion (lire ci-contre). Parmi les secteurs particulièrement touchés, il y a le tourisme et les machines-outils. Le premier fait les frais d’une dégringolade des visiteurs provenant de l’UE. Le second est confronté à un renchérissement brutal de sa production exportée.

Comment attirer les touristes en Suisse

Dès qu’il a appris que la BNS renonçait au taux plancher de 1 fr. 20 pour 1 euro, Pierre-André Michoud, directeur de l’Hôtel du Théâtre (trois étoiles) à Yverdon-les-Bains, a contacté la direction financière d’un fidèle client allemand dont les collaborateurs se rendent chaque année dans la cité du Nord vaudois. Il lui a proposé de prendre à sa charge environ la moitié de la perte de change due à la brutale hausse du franc. «Une mesure unique, très ciblée et provisoire. Si l’euro remonte à 1 fr. 10, elle sera abandonnée.» Nommé tout récemment vice-président de l’association faîtière hotelleriesuisse, Pierre-André Michoud déplore la pauvreté des armes de défense à disposition de la branche touristique suisse «directement et immédiatement touchée par la quasi-parité franc-euro».

Baisser le taux de la TVA? «Les autres branches de l’économie n’accepteraient pas d’être mises à l’écart.» L’hôtelier suggère dès lors une palette de mesures indirectes, dont certaines ont déjà fait leurs preuves en 2011:

– Soutenues par des subsides fédéraux, Suisse Tourisme et Innotour donnent une nouvelle impulsion au marché helvétique et élaborent un plan de conquête des marchés où l’effet de change est moins défavorable (Amérique du Sud, Moyen et Extrême-Orient, etc.).

– La Société suisse de crédit hôtelier offre des prêts assortis d’un intérêt plus faible (-0,5%, par exemple) pour soutenir la trésorerie des entreprises. Une suspension provisoire des amortissements est aussi envisageable.

– Mesure plus insolite pour inciter les résidents à passer leurs vacances en Suisse: ils reçoivent un «chèque voyage en Suisse». Leurs frais de loisirs touristiques et d’hébergement hôtelier sont déductibles de leur feuille d’impôts, comme, par exemple, les dons offerts aux organisations caritatives!

Reste à maintenir, voire à améliorer, les prestations touristiques pour les rendre (encore) plus attractives.

Comment résister au renchérissement de la production

Aux yeux de Philippe Maquelin, ancien directeur financier de la fabrique de machines-outils Tornos, à Moutier (BE), aujourd’hui administrateur de plusieurs sociétés, toutes les entreprises de la branche ne sont pas logées à la même enseigne. Il y a celles qui ont su et pu se protéger. En faisant par exemple du «hedging naturel». Lequel consiste à acheter des composants ou des prestations et à vendre des produits finis dans la même devise, pour bénéficier d’une compensation naturelle des gains et pertes de change.

Les sociétés d’exportation qui ont diversifié leur approvisionnement sur plusieurs monnaies, dont l’euro, n’essuient pas la totalité de la différence du taux de change. Pour les autres qui n’ont rien prévu, «ce sera très compliqué». Le chômage partiel? «Certes, il peut compenser une baisse d’activité mais seulement à court terme.» Concernant les prix, «si l’on vend à perte, à quoi bon continuer à vendre?», lâche Philippe Maquelin. Qui croit cependant que les entreprises réussiront à s’adapter. «Mais ce sera dans la douleur.»


Après le Taux Plancher?

Rattachement, «euroïsation» ou adhésion: les solutions de rechange à la libre fluctuation des changes ne sont pas nombreuses.

La question fuse depuis l’abandon du taux plancher: que faire si le franc continuait de se renforcer jusqu’à étrangler l’économie helvétique? Peut-on imaginer d’autres outils pour limiter cette envolée? La bonne nouvelle: des solutions existent. La mauvaise: elles ne font envie à personne.

De nombreuses devises sont liées à l’euro. Il s’agit pour la plupart de pays récemment entrés dans l’UE et qui n’ont pas encore abandonné leur monnaie (Bulgarie, Croatie, République tchèque). La Hongrie, la Pologne et la Roumanie ont un taux de change flottant. Quant à la Croatie et à la République tchèque, elles stabilisent le taux de change sans le fixer fermement par un «peg». Il existe trois cas particuliers: le Danemark et le Royaume-Uni, qui ont passé des accords pour ne pas rejoindre l’euro, et la Suède, qui devrait le faire, mais qui évite d’en parler. La Suède connaît un change flottant, tandis que le Danemark s’est engagé à maintenir la valeur de sa monnaie par rapport à l’euro. Problème: ces cas reposent sur le même type d’intervention à laquelle la BNS a dû renoncer le 15 janvier, soit la défense unilatérale de sa monnaie. Si la pression se fait trop forte, le seuil saute, et patatras.

Serait-il alors possible, pour un pays non-membre de l’UE, de passer un accord avec la Banque centrale européenne pour fixer la valeur de sa monnaie à l’euro? Là encore, c’est possible. C’est le cas du franc CFA, du franc comorien, du dobra de São Tomé-et-Príncipe, de l’escudo cap-verdien et du mark de Bosnie-Herzégovine. Cette situation n’est toutefois pas recommandée. Pour émettre leur propre monnaie, ces pays doivent acheter des euros en quantité équivalente. Il n’est plus possible de maintenir une banque centrale indépendante.

«Avec ces solutions, vous vous liez à quelqu’un qui n’a pas de comptes à vous rendre, résume Cédric Tille, professeur à l’HEID. Autant adhérer à l’UE, ce qui permet au moins d’obtenir un siège à la BCE.»

L’ultime option est «l’euroïsation», soit l’adoption unilatérale de la monnaie unique. C’est ce qu’ont fait Andorre, Monaco, Saint-Martin, le Vatican, le Monténégro et le Kosovo.

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