Zoom. Une vague de nostalgie s’empare des joueurs. Les fabricants et les revendeurs exploitent le filon.
Alexandre Babin
«On voit des passants en costume-cravate retomber en enfance devant notre vitrine!» Didier Matthey-Doret est bien placé pour mesurer le pouvoir d’attraction des vieilles cartouches de jeu. Pour le seul mois de décembre, le gérant du magasin lausannois Mix-Image dit avoir vendu pour «25 000 francs de consoles et jeux d’anciennes générations». Un revenu appréciable, surtout lors des mois pauvres en nouveautés, dans un secteur où les achats se font de plus en plus souvent en ligne.
La demande se concentre principalement sur les produits Nintendo. Le principe est simple: «J’achète une console d’occasion pour environ 50 francs. Je la remets à neuf pour un coût de 30 à 50 francs et je la revends à 149 francs.» Pour les cartouches de jeu, le prix oscille généralement entre 10 et 30 francs. Mais certains produits rares suscitent l’intérêt de collectionneurs toujours à l’affût. «J’ai revendu une cartouche de Little Samson pour 1000 francs!»
Filon repris par l’industrie
Cette vague de nostalgie n’a pas échappé aux géants de l’industrie. «Les fabricants misent sur les compilations des titres mythiques des années 80 et sur l’exploitation des licences connues», observe Stéphane Laurenceau, chroniqueur dans l’émission Point Barre de la RTS. A vrai dire, tous s’y sont mis: Nintendo et son Nes Remix (Donkey Kong, Mario Bros., The Legend of Zelda), l’évocateur Atari Anthology (Pong, Asteroids, Tempest) ou encore la fameuse série Sonic éditée par Sega.
Quant à la société japonaise Namco, naguère spécialisée dans les jeux d’arcade et productrice du légendaire Pac-Man, elle exploite ce filon depuis une vingtaine d’années avec ses compilations publiées sous le sigle «Namco Museum».
Le retour des années 80
Le domaine de la réédition est également en pleine expansion, à l’image du mémorable Final Fantasy VII, sorti en 1997, qui sera bientôt disponible sur la PlayStation 4. Une aubaine pour les éditeurs, qui assument seulement le prix de portage du jeu (c’est-à-dire l’adaptation à un nouveau support) et parient sur le fait que des milliers de fans nostalgiques débourseront une quinzaine de francs pour un jeu strictement identique à l’original.
Si certains passionnés sont prêts à mettre des sommes mirobolantes pour des jeux de collection, la majorité des joueurs veut simplement retrouver les sensations de leur enfance. La nostalgie est le carburant du phénomène, mais pas seulement. Le retrogaming permet aussi de résister à l’uniformisation d’une industrie qui mise de plus en plus sur la qualité graphique au détriment des mécanismes de jeux.
En marge du mainstream, on voit ainsi apparaître de nouveaux produits qui exploitent l’engouement pour le style vintage: Minecraft, développé par un studio indépendant, est devenu le deuxième jeu le plus vendu de l’histoire, en partie grâce à sa patte graphique pixellisée à l’extrême, qui contraste avec les superproductions ultraréalistes dominant le marché. De nombreux développeurs aux moyens limités optent pour un aspect et des mécanismes inspirés des années 80: cela leur permet de réduire les coûts tout en proposant une expérience très appréciée du public.
Dans son bar lausannois, le Qwertz, Nicolas Giller organise régulièrement des soirées retrogaming. «L’objectif était d’attirer les trentenaires mais, au final, on y retrouve des jeunes comme des plus âgés.» Les jeux anciens, une solution pour lutter contre la fracture générationnelle?