Vécu. Robin, petit Vaudois de 4 ans, est atteint d’une maladie rare. Il ne sera jamais un enfant comme les autres. Sa mère raconte leur quotidien, les hauts, les bas et les espoirs.
Un soleil. C’est le premier mot qui vient à l’esprit quand on pousse la porte de l’appartement de la famille Mayor, au Mont-sur-Lausanne, et que l’on découvre Robin, 4 ans, yeux bleus et cheveux blonds. Le garçonnet est vif et souriant. Il babille et tient absolument à présenter Suzanne, une enseignante spécialisée du Service éducatif itinérant du canton de Vaud.
Il peine à prononcer le prénom de celle qui vient jouer avec lui, une fois par semaine, depuis 2011. Décontractée, sa mère, Florence Mayor, vient à son secours. Elle est aussi souriante que son garçonnet. Pourtant la vie ne l’a pas épargnée. Son fils unique est atteint de macrocéphalie-malformation capillaire.
Cette maladie rare (lire l’encadré ci-contre) a pour caractéristiques une croissance excessive de la tête et de certaines parties du corps ainsi que des malformations aux niveaux cutané, vasculaire, neurologique et des membres.
«Apparemment, ni mon mari ni moi ne sommes porteurs de la maladie. Ce sont des cellules qui ont dégénéré durant la grossesse. C’est la faute à pas de chance.»
Soins multiples
Robin a une tête plus volumineuse que les autres bambins de son âge. Il a également un côté du corps plus développé que l’autre, ce qui pose des problèmes pour le chausser et l’habiller. «Il lui faut des souliers orthopédiques.
L’AI ne rembourse que deux paires par an», explique Florence Mayor. Ses deux jambes ont également une différence de 2 à 3 centimètres de hauteur. «De sa maladie découlent encore d’autres problèmes, par exemple un manque de tonus au niveau des muscles. Il a dû faire de l’ergothérapie dès sa naissance et n’a marché qu’à 20 mois.
Il n’arrive pas à sauter d’un mur et ne tient pas sur un vélo. Il a également beaucoup de peine à parler. Il ne dit trois mots de suite que depuis quelques mois. Il doit également faire un scanner abdominal tous les six mois, car il a plus de risques de développer des tumeurs aux intestins.
Il souffre également d’une grande faiblesse pulmonaire et atterrit souvent à l’hôpital pour une bronchiolite. Retourner à l’hôpital me fiche les boules. Je dois gérer mes vieux démons.»
A la naissance de leur bébé, en septembre 2010, Florence et Patrick Mayor ne se doutent pas que leur vie va basculer. Agée de 33 ans, la jeune Vaudoise mène une grossesse parfaite jusqu’au sixième mois, suivie par son gynécologue. Mais à la 27e semaine, elle ressent les premières contractions et est hospitalisée d’urgence au CHUV.
Elle reste alitée près d’un mois et demi, avant d’accoucher à 33 semaines. «Avant la naissance, personne n’avait vu que mon bébé avait une tête plus grande que la moyenne.» A peine son premier cri poussé, Robin doit être intubé. «Il est né le matin, mais je ne lui ai pas rendu visite avant 21 heures. J’avais peur de le voir.»
Pour le jeune couple, c’est le choc. «Le monde s’écroule. Dans l’urgence et la peur, nous n’arrivions pas à partager nos sentiments. Nous faisions ce que le personnel médical nous disait de faire. Nous étions en mode survie et n’arrivions pas à réfléchir.» Le nouveau-né restera huit semaines au CHUV. «On nous a dit qu’un truc n’allait pas, que c’était génétique.»
Groupe Facebook
Le diagnostic tombe lorsque Robin a 3 mois. La généticienne qui les reçoit leur parle de 150 cas dans le monde. «Elle nous a dit: «N’allez pas sur l’internet, mais je sais que vous n’écouterez pas mon conseil.»
Et effectivement, nous ne l’avons pas écoutée. La chance de notre vie c’est que le site sur la macrocéphalie-malformation capillaire venait d’être créé en novembre, aux Etats-Unis. Nous avons pu en savoir davantage que ce que les médecins nous disaient sur la maladie et avons pu communiquer avec d’autres parents.
Il y a également un groupe sur Facebook. En 2011 nous étions 40 personnes. Aujourd’hui nous sommes 300.» La spécialiste en génétique avertit les Mayor: ils doivent s’attendre à ce que Robin ne marche pas tout de suite. Ou pas du tout. A l’annonce du diagnostic, Florence se sent perdue.
«J’ai été directement chez la psy et lui ai dit que je ne savais pas quoi faire de ces paroles. Par la suite, on s’habitue et on prend ce qu’on nous donne.»
Florence Mayor, qui travaille alors dans l’hôtellerie à 80% – elle a fait l’Ecole hôtelière de Lausanne –, doit laisser tomber son poste. Sa vie quotidienne est ponctuée de rendez-vous chez les spécialistes – ophtalmologue, dermatologue, orthopédiste – et par trois ou quatre séances de thérapie par semaine.
A 10 mois, Robin est opéré. «A force de me documenter sur sa maladie, j’ai insisté pour qu’il fasse une IRM.» Les médecins constatent alors que le périmètre crânien du bambin augmente de 1 à 1,5 centimètre par mois. «Il avait aussi une hydrocéphalie. Le chirurgien a misé sur une nouvelle technique d’opération et lui a évité la pose d’un drain à vie.»Tout se passe bien et l’existence de la petite famille reprend son cours.
A 18 mois, Robin se met debout, mais, à cause du poids de son crâne, tombe tout le temps. «Lorsqu’il a commencé à marcher, durant une année, il avait des bleus sur toute la tête et il s’est même cassé une jambe. Il n’arrivait pas à courir, s’emmêlait les jambes.» En avril 2012, Florence reprend le travail à 40%, comme secrétaire. Son mari est physicien à l’EPFL. Robin, lui, commence la garderie en novembre 2011.
«Ça nous a changé la vie. Plus les jours passent, plus nous voyons qu’il arrive à faire les choses comme les autres. Il n’est exclu de rien.» Et les regards dans la rue? «Je les sens moins. Les gens ne demandent rien. Mais on aimerait leur dire: «Posez des questions, on répond volontiers.»
Il m’est arrivé qu’une personne s’approche de moi et me dise d’un air entendu: «Hydrocéphalie…» et me raconte sa vie.»
L’avenir? Florence Mayor et son mari n’ont pas envie de se projeter. «Les parents disent souvent: on ne sait jamais ce qui arrivera à son enfant. Nous, nous savons que ce sera difficile.
Robin ne sera jamais comme les autres. Et ça, c’est dur. J’aimerais qu’il soit autonome et je n’ai pas envie qu’il soit malheureux.» Un petit frère ou une petite sœur? «Tout le monde me pose la question. Nous ressentons la même pression que les autres parents.» Mais, même si la jeune mère sait qu’il n’y aurait quasiment pas de risque qu’un second souffre des mêmes problèmes, elle n’a pas l’énergie.
Une année après sa naissance, l’AI a reconnu l’hydrocéphalie de Robin, mais pas sa macrocéphalie-malformation capillaire, qui ne figure pas dans sa liste. «Pour les maladies qui en découlent, c’est l’assurance qui prend les traitements en charge. Il faut faire des demandes pour chaque problème, c’est compliqué.
Centraliser la prise en charge, c’est un des chevaux de bataille de ProRaris.» Membre d’un groupe de mères dont l’enfant est atteint de maladie rare, Florence Mayor reprend espoir lorsqu’elle voit à quel point certaines, aguerries par dix ans d’expérience, sont épanouies. «Elles me disent: «Toi aussi tu vas y arriver!» C’est ce que j’espère.»
Une journée internationale pour comprendre
Selon ProRaris, fondée en 2010 et qui a pour mission de regrouper les associations suisses de maladies rares, ces dernières touchent 30 millions de personnes dans l’Union européenne, soit 6,5% de la population. Une maladie est dite rare lorsqu’elle affecte moins d’une personne sur 2000. Plus de 7000 maladies ont été répertoriées.
Dans 80% des cas, elles ont une origine génétique. La plupart se déclarent tôt dans la vie d’un enfant, mais d’autres surgissent plus tard, à l’âge adulte.
Même si les maladies sont différentes, individus et familles ressentent un même sentiment de désarroi face à l’errance diagnostique, administrative, mais également face à l’absence d’informations et de recherches scientifiques.
Les personnes atteintes déplorent l’insuffisance de traitements et de prises en charge ainsi que l’isolement psychosocial.
Samedi 28 février aura lieu la 5e Journée internationale des maladies rares à l’Université de Fribourg, Pérolles II, auditoire Joseph Deiss, de 9 h 30 à 17 h, ouverte à tous. Au programme, témoignages de patients, présentation du projet pilote valaisan et table ronde (avec la présence de médecins) sur les différentes facettes des essais cliniques.