Marcela Lacub
Essai. Choisir son appartenance religieuse en connaissance de cause pourrait-il permettre de combattre les intégrismes? Notre chroniqueuse Marcela Iacub le pense.
La lutte contre la radicalisation islamiste passera peut-être par une mise en cause de notre manière de concevoir la liberté religieuse. Notamment du droit des parents d’imposer à leurs enfants le culte auquel ils appartiennent. Certes, les Etats limitent les droits de faire entrer les enfants mineurs dans des sectes mais rien de tel n’a été entrepris à l’encontre des religions reconnues.
Si, une fois majeurs, ces derniers peuvent changer de religion, voire n’en pratiquer aucune, ce choix n’est nullement comparable à celui qu’ils peuvent réaliser dans d’autres domaines.
Ainsi, par exemple, les enfants ne sont pas affiliés de force au parti politique de leurs parents. Aucun baptême ne les y intègre manu militari. Je ne dirai pas pour autant que la liberté de renier la religion familiale est impossible et qu’elle serait de ce fait purement abstraite car nos sociétés, par des biais différents, se portent garantes de ces «trahisons».
Mais il est clair qu’un tel choix implique parfois tant de courage que l’on ne peut pas affirmer que la liberté religieuse soit dans les faits véritablement protégée.
On dira qu’une religion sans transmission intergénérationnelle n’en serait pas une. Mais cette manière de voir les choses est peut-être moins une caractéristique non modifiable des religions que le reliquat d’un monde beaucoup moins démocratique que le nôtre.
En effet, la transmission de sa religion à ses enfants pouvait sembler une évidence dans un monde dans lequel la famille était une structure relativement fermée.
Maladie congénitale
Le mariage bourgeois était jusqu’à il y a quelques décennies une sphère de légalité relativement intouchable. Or, cet équilibre a été fortement ébranlé depuis une quarantaine d’années. La famille n’est plus cet espace opaque aux yeux de l’Etat dans lequel les parents faisaient la loi.
Les enfants sont devenus petit à petit des sujets de leurs droits et l’Etat est censé les secourir lorsque les parents ne les respectent pas. Il est vrai que nos sociétés ne sont pas encore tout à fait capables de défendre les enfants contre les abus de leurs parents.
Mais il s’agit d’un idéal autour duquel les structures familiales vont finir par se réorganiser. Et comment ne pas inclure parmi ces «abus» parentaux le fait d’imposer à ses enfants une religion? A commencer par celles dont la pratique implique des sacrifices personnels lourds, celles qui sont «trop exigeantes».
Et je ne pense pas seulement à l’islam mais aussi au catholicisme et au judaïsme quand ces religions se pratiquent avec trop de contraintes. Ce faisant, le port des voiles et des perruques, la non-mixité, l’imposition des régimes alimentaires et les prières ne devraient être pratiqués que par des adultes, jamais par des enfants.
Car ces derniers manquent encore de maturité pour faire des choix en connaissance de cause. Penser les choses autrement implique que la pratique d’une religion n’est pas une véritable liberté de l’esprit mais une maladie congénitale, une contrainte liée à l’amour ou à la peur que nous éprouvons pour nos parents.
Un tel changement nous permettrait de combattre les intégrismes, non en rétrécissant les libertés, mais en les élargissant. Non pas les libertés des familles, certes, mais celles des individus.
Et le droit à la neutralité religieuse qu’auraient les enfants les rendrait beaucoup plus aptes à s’embarquer dans cette aventure périlleuse et fascinante qu’est la démocratie: cette déesse à laquelle tous les autres dieux doivent respect et obéissance.