Quantcast
Channel: L'Hebdo - Cadrages
Viewing all articles
Browse latest Browse all 2205

Blanchiment: une loi insuffisante

$
0
0
Jeudi, 5 Mars, 2015 - 05:49

Analyse. Si une banque ne veut pas collaborer, le mécanisme actuel de lutte contre l’argent sale ne fonctionne pas. L’affaire HSBC l’a démontré. Berne va-t-elle réagir ?

Qu’a rapporté la perquisition entreprise par Olivier Jornot, procureur général genevois, au sein de la filiale suisse de la banque britannique HSBC mercredi 18 février? Le magistrat veut vérifier si l’établissement a bien blanchi des fonds d’origine criminelle entre 2006 et 2008, comme l’a révélé L’Hebdo dans le cadre du scandale SwissLeaks.

Le nœud du problème tient au fait  que HSBC aurait dû dénoncer les fonds détenus par des trafiquants de drogue, et qu’elle ne s’est pas exécutée.

Pourtant, la loi sur le blanchiment d’argent, entrée en vigueur le 1er avril 1998, oblige les intermédiaires financiers (banques, gérants de fortune, avocats, notaires, etc.) à contrôler la provenance des fonds qui leur sont confiés ainsi que l’identité de leurs détenteurs et à annoncer tout acte délictueux en cas de soupçon fondé.

Il revient ensuite au Bureau de communication en matière de blanchiment d’argent (MROS), rattaché au Département fédéral de justice et police (DFJP), d’examiner les soupçons avant de les dénoncer, s’il y a lieu, au Ministère public de la Confédération (MPC).

Ce système est vanté depuis son instauration comme l’un des plus efficaces du monde. Par année, ce sont quelque 1500 dénonciations – plus de 5 par jour ouvrable – qui parviennent aux autorités. Le plus souvent, elles ne portent que sur des affaires mineures. Mais il arrive que de gros poissons se fassent prendre dans les filets.

Les moyens font défaut

Encore faut-il que les banques et autres intermédiaires financiers fassent leur travail, ce qui n’a manifestement pas été le cas chez HSBC. Combien de milliards échappent ainsi à la justice? Combien de criminels passent à travers les mailles?

Brûlante, la question va encore gagner en importance lorsque les intermédiaires financiers devront identifier l’argent issu de délits fiscaux lorsque le crime de blanchiment de fraude fiscale entrera en vigueur le 1er juillet prochain.

Or, la Suisse n’a pas fini d’accueillir des fortunes venues se mettre à l’abri des impôts, notamment de pays en voie de développement. Toute défaillance importante dans la détection de ces fonds ruinera les efforts de marketing de la place financière, qui dit ne plus héberger que de l’argent propre.

Pour éviter une telle issue, de nouveaux pouvoirs devraient être conférés aux autorités de poursuite, soit le MROS, soit le MPC, soit la Finma, le gendarme financier. Cette dernière peut déjà examiner le détail des comptes des banques pour y déceler tout risque de déstabilisation du système financier. Pourquoi ne pas faire de même avec l’argent du crime?

On s’en doute, un tel durcissement ne met pas en joie tout le personnel politique. D’abord parce qu’il vient juste, en décembre dernier, de boucler la dernière révision de la loi, celle qui introduit le délit de blanchiment de fraude fiscale.

Mais surtout parce que, à droite, on n’en voit pas l’utilité: «Parle-t-on d’un échec du code pénal lorsque quelqu’un écope d’une peine pour avoir assassiné sa belle-mère?» interroge le conseiller national UDC Yves Nidegger. «Il faut faire confiance aux banques», estime, pour sa part, son collègue PLR Christian Lüscher.

A gauche cependant, on se montre plus offensif: «Le mécanisme actuel a montré ses lacunes», tonne le socialiste Jean Christophe Schwaab. Son groupe exige que le scandale soit encore traité par les Chambres lors de la présente session parlementaire.

Muscler une loi est nécessaire quand une défaillance apparaît. Mais cela n’est utile que lorsque les autorités chargées de son application travaillent sérieusement. Or, dans le cas HSBC, la Finma et le MPC ne cessent de se rejeter la responsabilité de leur incapacité à engager des poursuites.

De plus, rien n’est prévu pour les renforcer: «Combien de magistrats et experts fiscaux supplémentaires pour les ministères publics de la Confédération et des cantons? Aucun», regrette Paolo Bernasconi, le «père» de la loi sur le blanchiment d’argent.

Si la perquisition d’Olivier Jornot aboutit à des condamnations, la route sera grande ouverte pour le durcissement des règles et l’embauche de nouveaux gendarmes.

Edition: 
Rubrique Print: 
Image: 
Rubrique Une: 
Auteur: 
Pagination: 
Pagination visible
Gratuit: 
Contenu récent: 
En home: 
no

Viewing all articles
Browse latest Browse all 2205

Trending Articles