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Séniors: quand les médicaments font plus de mal que de bien

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Jeudi, 5 Mars, 2015 - 05:53

Analyse. Dans le cadre du programme européen de recherche Horizon 2020, la Suisse va coordonner un projet sur cinq ans visant à améliorer la santé des personnes âgées, lesquelles prennent souvent trop de médicaments aux effets secondaires néfastes.

Démence, chutes, vertiges, accoutumance… Les effets secondaires liés à la prise de médicaments chez les personnes âgées sont toujours plus pointés du doigt par les acteurs du domaine de la santé. Et pour cause: 32% des réhospitalisations et 5% des décès chez les plus de 80 ans hospitalisés seraient directement liés à la prise de médicaments.

La surconsommation de pilules en tout genre, plébiscitée par des ordonnances pléthoriques, est en passe de devenir un véritable problème de santé publique compte tenu du vieillissement inexorable de la population.

Une crainte appuyée par des statistiques européennes montrant que 15% des 70-79 ans et près de 20% des patients à partir de 80 ans ingéreraient dix médicaments ou plus par jour, alors que 50 à 60% en consommeraient au moins cinq. Un non-sens, lorsque l’on sait qu’à partir de cinq substances avalées conjointement, les interactions deviennent incontrôlables.

A quoi il faut ajouter les coûts pharaoniques que cela induit sur le système de santé…

Au rang des substances les plus fréquemment prises par les aînés et figurant au banc des accusés: les benzodiazépines. Cette classe de médicaments, comprenant notamment les somnifères et les anxiolytiques, entraîne une accoutumance très rapide, des vertiges, des chutes, et augmenterait le risque de déclin cognitif.

On retrouve aussi les anti-inflammatoires non stéroïdiens qui provoquent, dans certains cas, des hémorragies digestives ou des insu∞sances rénales aiguës en cas de prescription combinée avec un diurétique.

Egalement en cause: les inhibiteurs de la pompe à protons (protecteurs gastriques), qui auraient pour e≠ets secondaires de diminuer l’absorption du calcium et de facto d’accroître les probabilités de fractures osseuses. Enfin, les médicaments contre le cholestérol, l’hypertension ou le diabète conduiraient à une hausse des douleurs musculaires, articulaires, ou encore des vertiges et de la fatigue.

Ces effets toxiques sont accentués par le fait que le foie et les reins, les deux organes qui assurent la dégradation et l’élimination des médicaments, sont moins e∞caces avec l’âge. Les molécules chimiques restent alors plus longtemps dans le sang et les tissus avant d’être éliminées et s’accumulent au fil des prises.

Amélioration de la qualité de vie des aînés

Ces risques sont d’autant plus intolérables qu’un grand pourcentage de ces médicaments se révèlent inutiles à une amélioration concrète de la qualité de vie des personnes âgées. On estime en effet que plus de 20% des substances prescrites aux aînés par leur médecin seraient totalement inappropriées, un taux passant à 35% à la sortie d’un séjour à l’hôpital et 60% dans le cadre d’une résidence en EMS!

Afin de lutter contre ce phénomène de polypharmacie et sensibiliser la population et les professionnels aux risques de la surmédicalisation chez les aînés, la Suisse a mis sur pied, par l’intermédiaire de l’Université de Berne et de l’Inselspital, un projet à l’échelle européenne financé à hauteur de 6,6 millions d’euros.

Celui-ci s’inscrit dans le programme de l’Union européenne pour la recherche et le développement Horizon 2020.

Le but? Oter tous les médicaments inappropriés, inutiles, voire dangereux des semainiers des séniors. Et cela en testant une cohorte de 1900 personnes âgées de 75 ans et plus, présentant plusieurs maladies.

En parallèle, il s’agira de comparer l’impact des interventions médicamenteuses versus non médicamenteuses sur la qualité de vie des aînés et la prévention des causes fréquentes d’hospitalisation, comme les chutes, les fractures et les saignements.

En clair, il importera de voir si des changements dans le mode de vie, telles la pratique d’une activité physique ou une alimentation différente, pourraient avoir plus d’impact sur la santé que la prise de médicaments.

«La quasi-totalité des études portant sur l’efficacité d’un traitement médicamenteux se concentrent sur des patients n’étant porteurs que d’une seule maladie et pour lesquels on imagine que les bénéfices attendus surpasseront les effets délétères, explique le professeur Nicolas Rodondi, médecin-chef à l’Inselspital de Berne et coordinateur du projet.

Les patients polymorbides (souffrant de plusieurs maladies, ndlr) sont systématiquement exclus de ces recherches, car l’on sait qu’ils vont présenter davantage d’effets secondaires et que les bénéfices sur leur santé seront difficiles à évaluer.»

Nouvelles recommandations

En modifiant les prescriptions médicamenteuses des aînés, le projet de recherche suisse (qui comprend l’Allemagne, la Belgique, la Hollande, l’Irlande, la Grèce et l’Italie) espère pouvoir réduire de 30% le taux d’hospitalisation des personnes âgées.

Il vise aussi à développer une prise en charge novatrice des patients polymorbides en édictant de nouvelles recommandations qui prennent en compte plusieurs affections concomitantes et non plus une seule maladie à la fois, comme c’est le cas aujourd’hui. Une évolution d’autant plus importante lorsque l’on sait que 50% des personnes de plus de 50 ans présentent plus de deux affections conjointes.

Autre aspect de ce projet qui s’étend de 2015 à 2020: la mise sur pied d’un outil informatique à destination des médecins, permettant d’évaluer en quelques minutes les substances qu’il serait conseillé d’arrêter. «Nous aimerions que les patients prennent des médicaments vraiment utiles à leur santé, ajoute Nicolas Rodondi.

Face à la multiplication des prescriptions, de nombreuses personnes âgées ont tendance à stopper de leur propre chef une partie des médicaments administrés. Le problème, c’est qu’elles arrêtent rarement les bons.» D’où l’importance, en parallèle, d’un travail d’information auprès des patients de la part des médecins généralistes.

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