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Des avions sans pilote pour contrer le «facteur humain»

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Jeudi, 2 Avril, 2015 - 05:56

Analyse. La tragédie de l’A320 de Germanwings réactive la possibilité de vols automatisés. Utopie? Non, la technologie existe. Mais les résistances sont nombreuses.

Le dramatique accident de l’A320 de Germanwings dans les Alpes françaises exacerbe la conclusion d’une statistique: les trois quarts des crashs dans l’aviation civile ont une origine humaine, non technique ou électronique. D’où la question légitime d’un pilotage autonome dans les avions de ligne, ces gros bus de l’air qui multiplient les rotations entre aéroports. L’équipage de radars-capteurs-ordinateurs-algorithmes, supervisé par des contrôleurs au sol, ne serait-il pas le meilleur rempart contre l’erreur humaine, a fortiori le possible coup de folie d’un copilote?

La technologie existe déjà, mais elle est freinée par une série de facteurs pour l’instant insurmontables: le stade précoce de l’expérimentation, les pilotes eux-mêmes et la confiance instinctive des passagers dans un être humain aux commandes plutôt que dans des processeurs.

Bug
En Europe, aux Etats-Unis, en Asie, la recherche avance. Dernièrement, le journal Libération rappelait que le programme européen IFATS (Innovative Future Air Transport System) a été lancé il y a dix ans. S’il vise une automatisation totale du pilotage aérien sur le continent, le programme maintient par sûreté un pilote dans le cockpit. A l’image des tests actuels de voitures autonomes, qui prévoient toujours la présence d’un conducteur, au cas où la machine serait victime d’un bug.

En 2013, British Aerospace a fait voler sans encombre dans l’espace des avions commerciaux un jet de 19 places sans pilote, sur plusieurs centaines de kilomètres, sauf dans les phases cruciales du décollage et de l’atterrissage. Dans le long intervalle, le jet s’est débrouillé seul pour tenir compte des autres avions autour de lui, voire choisir un aéroport proche en cas d’urgence.

Avec son programme Single Pilot Operation, la NASA suit la piste d’un copilote qui serait au sol plutôt qu’assis à côté du commandant de bord. Le pilote automatique gérerait jusqu’à douze avions en même temps, sous la supervision d’un «supercontrôleur» au sol. Celui-ci prendrait les commandes de l’avion au cas où le pilote dans le cockpit ne répondrait plus aux appels des tours de contrôle ou si l’aéronef changeait soudainement de trajectoire. Encore faudra-t-il que la redoutable Federal Aviation Administration (FAA) américaine, qui établit les standards de sécurité pour l’ensemble des compagnies aériennes mondiales, donne son feu vert à un tel changement de paradigme aérien.

Mais là aussi, le futur est en préparation. La FAA a récemment approuvé le principe de systèmes de navigation qui feraient atterrir en mode automatique des avions sur les aéroports américains. Du côté de Boeing, le doute n’est plus permis: «Sauf le respect dû aux compagnies aériennes, nous sommes certains de pouvoir résoudre le problème des vols autonomes», a lâché en janvier dernier John Tracy, responsable de la recherche technologique chez Boeing, lors d’une conférence à l’Institut américain d’aéronautique et d’astronautique. John Tracy a ajouté que les compagnies de transport de fret par avions-cargos lui demandent aujourd’hui de concevoir des vols robotisés.

«Sortez les pilotes des avions!»
Dans la Silicon Valley, la question ne se pose même plus: le futur des transports de masse sera autonome. En particulier l’aviation. En fin d’année dernière, dans le Wall Street Journal, l’investisseur californien Steve Jurvetson, qui a investi dans les compagnies Tesla (voitures électriques) et SpaceX (fusées) d’Elon Musk, vociférait: «Sortez les pilotes des avions!» Pour Jurvetson, il n’est plus utile de rassurer des passagers en leur faisant croire qu’un humain est aux commandes, alors que les vols sont déjà largement automatisés. Après tout, le renoncement aux navigateurs dans les cockpits il y a quarante ans avait suscité l’inquiétude du grand public, avant que celui-ci ne s’habitue à l’absence du «troisième pilote».

Un système autonome serait selon Jurvetson plus sûr que les deux autres pilotes, notamment en cas d’attaque terroriste, à l’exemple des attentats du 11 septembre 2001. Pas d’humains dans le cockpit, d’ailleurs plus de cockpit du tout, pas de détournement possible.

Et un piratage à distance par des hackers? Jurvetson convient que la menace est réelle. Mais, selon lui, la prise de contrôle depuis le sol sera difficile en raison des différents niveaux de contrôle qu’exigeront les pilotages entièrement automatisés. De plus, ajoute le spécialiste des nouvelles technologies, «si un hacker a vraiment ce type de compétences, il sera plutôt amené à entrer dans le système d’un barrage, d’un réseau d’énergie ou d’autres infrastructures publiques pour causer un maximum de dégâts. Les avions ne seraient pas sa cible première.»

En attendant, dans la même Silicon Valley, la Google Car accumule les centaines de milliers de kilomètres sans conducteur. Il y a encore loin de la coupe aux lèvres, mais Google entend se débarrasser du facteur humain qui cause tant d’accidents sur la route.

La réflexion vaut également pour les airs. Comme son rival Facebook, qui vient de révéler son projet Aquila, Google estime que des flottes de drones solaires planant pendant des semaines à haute altitude résoudront la pénurie de connexions à l’internet dans plusieurs régions du monde. Selon Mark Zuckerberg, l’avion solaire de Facebook aura «une envergure plus importante que celle d’un Boeing 737, mais un poids inférieur à celui d’une voiture».

Les virtuoses
Voilà qui résonne drôlement avec la communication intense de Solar Impulse, actuellement lancé dans sa circumnavigation «sans une goutte de carburant». Mais Solar Impulse est piloté par deux virtuoses du manche à balai, comme à l’époque de la conquête des airs. Deux as à haut profil médiatique, qui plus est: qu’en serait-il du message environnemental porté par l’avion suisse si celui-ci avait été guidé depuis le sol?

A tort ou à raison, l’être humain reste toujours digne de la plus grande confiance en pareilles circonstances. Un robot pourra-t-il faire glisser en sûreté un Airbus A320 sur le fleuve Hudson, comme l’a réalisé, avec une stupéfiante dextérité, le commandant de bord Chesley B. Sullenberger en janvier 2009? Sullenberger avait pour lui un incroyable sang-froid. Mais aussi l’expérience de 20 000 heures de vol, dont 5000 à bord d’un A320.

Les limites humaines
Un être humain se caractérise aussi par ses limites, comme dans le cas étonnant du Zephyr, un grand drone solaire britannique qui est resté en l’air pendant onze jours l’an dernier. Il aurait pu voler bien plus longtemps, comme la navette spatiale sans pilote X-37B de Boeing, qui a passé des mois en orbite. Mais Zephyr était dirigé depuis le sol par des techniciens spécialisés. Au bout de deux semaines passées cramponnés à leurs commandes à distance, comme des accros aux jeux vidéo en overdose, les pilotes en chambre en ont eu marre. Assez! ■

Sur le drame de l’A320 de Germanwings, lire également les textes de nos chroniqueurs en pages 14, 51 et 52.

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