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Nutrition: la saveur fantôme qui trompe nos papilles

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Jeudi, 9 Avril, 2015 - 05:53

Zoom. Une start-up suisse basée aux Etats-Unis a inventé une méthode pour tromper nos papilles en créant l’illusion d’un goût salé ou sucré. Les géants de l’alimentaire se pressent au portillon.

Les paquets de nouilles Maggi, de crackers en forme de poisson rouge et de biscuits salés qui traînent un peu partout tranchent avec l’assemblage de pipettes et de machines en inox du laboratoire. Il y a aussi une machine à pain, un appareil à popcorn et un micro-ondes.

Cet espace de recherche situé dans une banlieue industrielle du New Jersey, à deux pas de New York, a pour but de développer des superaliments qui donnent l’illusion de contenir du sel et du sucre alors qu’ils n’en ont presque pas.

«Nous venons de tester une barre protéinée à base d’épinards, commente une laborantine. Trop amer.» A travers l’embrasure de la porte, on aperçoit un groupe de goûteurs anonymes, sélectionnés pour leurs papilles ultrasensibles. Assis autour d’une table, ils avalent de la poudre au goût de poulet délivrée dans de petits godets en plastique et prennent des notes.

«Nous travaillons actuellement avec Nestlé pour créer des aliments qui contiennent moins de sel, raconte Christian Kopfli, fondateur de cette entreprise appelée Chromocell. Les premiers produits devraient arriver sur le marché d’ici à la fin de l’année.»

Débarqué à New York en 1997 pour y effectuer des études de droit, ce grand brun au rire tonitruant n’a jamais plus quitté les Etats-Unis, si l’on excepte deux courts séjours à Francfort et à Tokyo. En 2002, il a décidé de lancer Chromocell avec un scientifique d’origine perse, Kambiz Shekdar.

Celui-ci avait développé une méthode originale, surnommée Chromovert, pour recréer en laboratoire des lignées de cellules qui simulent ce qui se passe dans notre corps. «Normalement, lorsqu’on génère des cellules in vitro, très peu sont utilisables, détaille Kambiz Shekdar.

Le défi est de repérer et d’isoler celles qui sont les plus proches de la réalité. Notre méthode permet de le faire au moyen d’un marqueur génétique fluorescent.» Chromocell s’en est servi pour fabriquer des cellules qui reproduisent parfaitement les récepteurs de goût que nous avons dans la bouche.

Ces papilles artificielles sont ensuite utilisées pour tester des milliers de composants, issus pour la plupart de plantes. Il s’agit de découvrir de nouveaux ingrédients capables de stimuler ou de bloquer les récepteurs de goût salé, sucré, amer ou acide. Ces molécules peuvent alors être ajoutées à des aliments pour annuler certains goûts ou en amplifier d’autres.

Kraft, Coca-Cola…

«Cela a attiré l’attention de plusieurs groupes alimentaires, qui voulaient réduire la teneur en sel et en sucre de leurs aliments pour adhérer aux directives adoptées par plusieurs pays occidentaux, dont les Etats-Unis, et répondre à l’intérêt grandissant des consommateurs pour des produits sains», dit le Zurichois de 49 ans.

L’américain Kraft a été le premier à contacter Chromocell. «Ils avaient remplacé le sodium, dans certains de leurs plats précuisinés, par du potassium, relève-t-il. Mais ce dernier laisse un arrière-goût amer et métallique à environ 20% de la population.

Nous avons donc utilisé nos lignées de récepteurs de goût pour tester des composants capables de bloquer cette saveur désagréable.» Les plus efficaces ont été ajoutés aux recettes de Kraft et sont en phase de test.

En 2010, Coca-Cola a sollicité la start-up pour jouer un tour à nos papilles. La société d’Atlanta cherchait un composant qui amplifie la sensation de sucré transmise au cerveau par les récepteurs de goût.
«Le consommateur a ainsi l’impression que le soda qu’il boit a le même goût qu’une boisson normale, alors qu’il contient une teneur réduite en sucre», indique l’entrepreneur, qui se trouve à la tête d’une centaine d’employés. Un Coca light sans saccharine, en somme. Il devrait bientôt être mis sur le marché.

A partir de 2012, Chromocell s’est associée à Nestlé pour travailler sur des aliments – soupes, plats surgelés, nouilles – avec moins de sel. Ici aussi, le but était d’identifier des composants capables d’augmenter la sensation de salé pour les intégrer aux plats du groupe veveysan. Celui-ci a investi 15 millions de dollars dans cette collaboration.

La firme ne compte pas s’arrêter là. A moyen terme, elle aimerait utiliser sa méthode pour découvrir des composants capables de stimuler la production d’insuline, de faire baisser le niveau de cholestérol ou de bloquer la douleur.

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