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Vins suisses: les sept questions qui fâchent

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Jeudi, 23 Janvier, 2014 - 06:00

Opacité.L’affaire dite Giroud met en évidence le manque de transparence du marché des vins suisses. Pour le consommateur lambda, le tour des enjeux.

Pierre Thomas


Une affaire, deux dossiers
Les démêlés judiciaires de Dominique Giroud se déclinent en deux dossiers distincts: l’un concerne une accusation de soustraction fiscale, qui a pris une dimension politique quand le nom du réviseur de Giroud Vins, celui du conseiller d’Etat valaisan Maurice Tornay, est apparu dans cette affaire. Une affaire qui a éclaté publiquement à la fin du mois d’octobre dernier.

L’autre porte sur une enquête pénale pour falsification de marchan­dises. L’encaveur de Sion est soupçonné d’avoir vendu en sous-marque plusieurs milliers de bouteilles sous l’appellation Saint-Saphorin. Ces incertitudes suscitent un grand embarras parmi les vignerons valaisans et vaudois. Ils redoutent que la réputation de leurs produits n’en pâtisse et que leurs efforts de promotion ne soient vains.


1. Peut-on être certain d’avoir dans la bouteille ce qui est mentionné sur l’étiquette?

D’abord, une étiquette, il faut savoir la lire. La vignette qui apparaît dans le rayon des grandes surfaces (80% des vins achetés en Suisse, un peu moins pour le vin indigène) est souvent un appât. Les vraies infos se trouvent, quand elles existent, à l’arrière du flacon, sur la contre-étiquette.

Alors, on s’aperçoit que certaines chaînes de hard discounters, comme Lidl, ont leur propre ligne de produits sous une même marque, d’où que vienne le vin, embouteillé en Allemagne. Ou que tel vin des Pouilles, répondant à une appellation d’origine protégée (AOP) ou une indication géographique protégée (IGP), est pourtant conditionné dans une entreprise du nord de l’Italie, à 845 kilomètres (en train) de son lieu attesté de naissance.

En Suisse aussi, le vin voyage. Coop à Pratteln (BL) possède sa propre chaîne d’embouteillage performante. Provins-Valais a délocalisé une partie de sa mise en bouteilles à Rothenburg (LU), chez le négociant Bataillard. A Martigny, Cevins sert au groupe Rouvinez (Orsat, Imesch, Bonvin) et à d’autres clients, et le groupe Schenk (les vins vaudois signés Bolle, Obrist, Badoux et valaisans Maurice Gay, Cave Saint-Pierre, Cave Saint-Georges) a centralisé une partie de la mise sous verre à Rolle. Ce lieu n’est souvent pas mentionné mais, en revanche, il n’est pas possible d’indiquer «mise en bouteilles au domaine» si tel n’est pas le cas, pour éviter d’induire en erreur le consommateur.

Comment être certain que le contenu du flacon est bien conforme aux indications de cépage, de provenance ou de millésime? La législation européenne, reprise par la Suisse sur ce plan, tolère dans un vin 15% d’un autre cépage que celui mentionné et d’un autre millésime, sans devoir le préciser sur l’étiquette. Cette tolérance permet non seulement de gérer économiquement l’offre (entre des années de quantités disparates), mais aussi… d’améliorer gustativement des vins, parfois, fût-ce au prix de l’authenticité!

2. Quelle garantie a le consommateur que les vins suisses sont contrôlés?

Non seulement les vins suisses doivent répondre à des critères d’élaboration précis (une cinquantaine de pratiques et traitements œnologiques sont codifiés et autorisés par un document qui vient d’être mis à jour), mais les vins importés y sont aussi soumis, en vertu de la réciprocité admise par l’Union européenne.

Une partie de la branche économique vitivinicole est sous la responsabilité du Contrôle suisse du commerce des vins, à Rüschlikon (ZH). Sept inspecteurs sillonnent le pays pour surveiller les vendeurs, grands ou petits, et les producteurs inscrits auprès de cette instance, selon un mandat de prestations donné par l’Office fédéral de l’agriculture.

Les vignerons-encaveurs qui n’achètent pas plus de 2000 litres dans leur région sont soumis à un contrôle équivalent, exercé en Suisse romande par l’Organisme intercantonal de certification (OIC), à Lausanne.

Serrure fermée à triple tour. Ces deux contrôles n’ont pas le pouvoir d’instruire eux-mêmes des cas, comme peuvent le faire la brigade de répression des fraudes en France ou la gendarmerie et la garde financière en Italie. Ils se bornent à les dénoncer au chimiste cantonal, qui peut déférer le cas aux autorités judiciaires, sans obligation de retour d’information au dénonciateur. Car, à toutes les étapes, ces instances sont astreintes à la protection des données et au secret de fonction. Autant dire que la serrure est fermée à double ou triple tour! Impossible de savoir qui sont les «onze entreprises [qui] ont dû être dénoncées aux autorités cantonales compétentes pour fautes graves et/ou répétées», selon le rapport succinct du Contrôle des vins 2012. Sept cas concernaient des «coupages ou assemblages non autorisés», trois des étiquettes trompeuses. Sur un tiers des 3200 entreprises en Suisse, soit une densité énorme de petits commerces, c’est très peu…

Cuves communicantes. Au chapitre de la production, l’ordonnance sur la viticulture et l’importation de vin vient d’être complétée (au 1er janvier 2014), officiellement pour mieux cerner ce qui se passe dans les entreprises d’œnologie à façon, qui élaborent des vins pour des tiers. Cette production doit répondre à des conditions de traçabilité pour éviter le mélange des cuves. Et s’il y a un endroit où, naturellement, les vases sont communicants, c’est bien dans une cave de vinification!

Quand on contrôle la comptabilité viticole, comme le font les inspecteurs, principalement par le biais des entrées et des sorties, rien n’empêche que le contenu de la cuve identifiée A ait été mélangé avec le contenu de la cuve B et ressorti en deux vins A et B, alors rigoureusement identiques puisque mélangés, mais sous deux étiquettes différentes! Une analyse chimique parviendrait, certes, à déterminer que c’est le même vin, mais elle est coûteuse. Et encore faudrait-il qu’un dénonciateur soupçonne une malversation… Quant au contenu originel, il ne peut être déterminé par analyse chimique que si un échantillon a été prélevé et enregistré dans une base de données; c’est rarement le cas.

En Suisse, une part importante du vin – qui peut aller jusqu’à 50% pour certaines régions – s’échange en vrac (avant la mise en bouteilles). Le liquide quitte la cave où il a été élaboré en camion-citerne et se retrouve assemblé à un vin de même provenance, sous une unique étiquette, chez le distributeur. Le plus souvent, entre le producteur (petite ou grande cave) et le distributeur s’interpose un courtier. Ils sont une demi-douzaine à exercer ce rôle d’intermédiaire en Suisse romande.

3. Pourquoi les mots ne veulent-ils pas dire la même chose à Genève, Vaud, Neuchâtel ou en Valais?

En Suisse, la législation est d’une complexité retorse, fédéralisme oblige. La Confédération ne fixe qu’un cadre légal; ensuite, les cantons sont compétents pour les AOC viticoles. Dans une édition récente, le magazine Vinum a trouvé l’anagramme phonétique des AOC suisses: CAO, soit chaos.

Chaque canton, et notamment les trois plus grands, Valais, Vaud et Genève (75% de la production du vin en Suisse!), se sont ingéniés à élaborer, chacun dans son coin, une législation différente. Un consommateur suisse lambda a peu de chances de savoir ce que veulent dire grand cru (Vaud et Valais) ou même 1er grand cru (Vaud et Genève): le terme figure sur l’étiquette, mais les conditions pour obtenir ce titre ronflant sont différentes d’un canton à l’autre.

Vif débat. Par exemple, les grands crus vaudois veulent simplement dire que le vin n’a pas été coupé comme le tolère l’AOC, devenue régionale en 2009. Un grand cru vaudois est le plus souvent un vin de village – terme spécifique reconnu dans l’ordonnance fédérale, mais pas retenu dans le règlement AOC cantonal! –, par opposition à un vin régional, largement assemblé à hauteur de 40% par du vin de toute l’appellation, à quoi s’ajoute 10% de droit de coupage fédéral ou un éventuel coupage millésime de 15%. Ainsi, un vin blanc Féchy Grand Cru contient 90% de vin de ce lieu de production, tandis qu’un Féchy AOC La Côte peut être largement coupé avec du vin de Lavigny à Coppet et de 10% du reste du canton.

A Lavaux, actuellement, a lieu un vif débat pour déterminer si, après la promotion, en 2013, du calamin et du dézaley en grand cru, pur, sans possibilité ni d’assemblage ni de coupage, il ne faudrait pas restreindre les noms de village à Epesses et à Saint-Saphorin, en sus de l’appellation régionale Lavaux.

Après 2015, l’Union européenne ne devrait pas tolérer un saint-saphorin, en fait un nom de cru, assemblé à 50% (et même un peu plus…) à du vin de l’AOC régionale. Il est bien entendu interdit de couper du vin blanc vaudois avec du vin valaisan et réciproquement (mais par exemple, à Neuchâtel, le vin blanc local peut être assemblé à 10% du reste du pays).

4. Qu’attend la Suisse pour se caler sur le système européen et harmonise ses appellations?

Principale nuance avec la Suisse, l’Union européenne (UE) a transféré aux groupements de viticulteurs la tâche de se responsabiliser en syndicat d’AOP (appellation d’origine protégée) et d’IGP (indication géographique protégée). Ces organismes ont jusqu’à 2015 pour mettre leurs textes en conformité avec le (nouveau) droit communautaire.

La Suisse, elle, ne fait pas confiance à ses milieux viti­vinicoles. Le politique, soit la Confédération et les cantons, a gardé la haute main sur des textes, d’abord techniques. En Suisse, les AOC s’appuient sur la réglementation cantonale, alors que chaque AOP au diapason européen définit elle-même ses règles de production, très détaillées, sur plusieurs pages de décret ou de «disciplinaire», comme disent les Italiens.

Le consommateur n’a bien évidemment ni l’intérêt ni le temps de lire cette littérature juridique (qui plus est dans la langue du pays!) avant de passer à l’acte d’achat d’une bouteille de vin! Mais le garde-fou et la peur du gendarme existent. La France connaît un service de la consommation où l’on peut se plaindre en cas de récrimination. Les syndicats doivent aussi procéder à un contrôle en aval de la qualité qui leur permet d’aller prélever, même à l’étranger, des bouteilles pour les confronter à des échantillons obtenus à la cave d’origine et vérifier si le même vin se retrouve en (super)marché.

Coup de retard. Aucune législation suisse ne prévoit un contrôle aussi serré: on fait confiance, en raison de l’exiguïté du marché (15 000 hectares, soit l’équivalent de l’Alsace), sans pression de l’étranger, puisqu’on n’exporte péniblement que 2% de notre vin.

Qui plus est, la législation suisse, à tous les étages, conserve un coup de retard sur l’européenne. Ces jours, les vignerons se félicitent, au nom de la protection des vins AOC, d’avoir réussi à convaincre le conseiller fédéral Alain Berset, fin 2013, d’interdire la mention du cépage et du millésime sur les vins de table. Alors que, depuis 2009, l’Union européenne le permet, sous condition d’une habilitation, tout en ayant libéralisé les vins sans indication géographique (SIG), une catégorie d’entrée de gamme étendue à tout un pays («vin de France», «vin d’Italie»), mélangeant joyeusement régions et cépages, sans avoir le droit de les mentionner!

5. Les viticulteurs suisses ne produisent-ils pas trop?

Avec, dans le cadre fédéral, la possibilité de produire 1,3 litre au mètre carré en blanc et 1,2 litre en rouge (valable jusqu’à fin 2014) – quotas que les cantons ont presque tous abaissés pour les vins AOC –, la Suisse passe pour le pays viticole le plus productiviste du monde.

Ne faudrait-il pas abaisser ces quotas pour monter la qualité intrinsèque des vins? Avec une consommation moyenne de 100 millions de litres de vins indigènes (contre 160 millions de vins importés), la Suisse a produit certes davantage qu’elle n’a bu en 2011 (112 millions), puis était à l’équilibre en 2012 (100 millions) et en fort déficit sur 2013 (84 millions, la vendange la plus basse depuis 1980!).

Lisser la production. Dans ces conditions, on s’achemine plutôt vers un système de plafond limite de classement (PLC) ancré dans l’ordonnance fédérale. Ce système permet de produire plein pot chaque année, mais de ne libérer sur le marché qu’une certaine partie de la vendange, en fonction de la demande, notamment pour maintenir un prix. Le restant, bloqué, peut être libéré sur une, deux ou trois années suivantes. Appliquées aux trois derniers millésimes, le PLC aurait pu lisser la production suisse, en évitant les hauts cris des politiciens sous la Coupole en 2012, pour une aide fédérale au déstockage finalement utilisée qu’à moitié…

Et qui contrôle les rendements à la vigne? Les Valaisans ont un système, avec un focus sur l’un ou l’autre cépage, chaque été. Mais les Vaudois, eux, n’en veulent pas, malgré une démonstration de leurs voisins, tenue en grand secret à Lavaux, il y a quelques mois.

6. à quand du vin à deux vitesses, avec d’un côté des artisans, de l’autre des industriels?

Il y a quelques mois, les meilleurs vignerons alsaciens se sont révoltés contre leur propre syndicat. Pour eux, les vins d’Alsace vont, à terme, se partager en deux segments: primo, les vins produits par de grandes caves (dont plusieurs coopératives), à un rendement élevé à la vigne et vinifiés selon un protocole standardisé (levures sélectionnées, filtration poussée), vendus à vil prix en supermarché; secundo, des vins d’artisans, garants de leur nom, cultivant leurs propres vignes en bio (ou biodynamie), pour des crus élevés avec patience, aux goûts originaux, valorisés par un prix élevé… et justifié. Selon ces vignerons, le milieu de gamme est appelé à disparaître.

Fonctionnement à deux vitesses. En Suisse, ce fonctionnement économique à deux vitesses n’est pas encore envisagé. Certes, notre pays a la même surface viticole que l’Alsace (15 000 hectares), mais une diversité de cépages affolante (plus de 50 cépages cultivés, en rouge et en blanc). Les grandes caves travaillent sur tous les segments: cuvée de prestige, vins de leurs propres domaines, milieu de gamme et vins d’entrée de gamme. Pour ces derniers, qui se retrouvent chez les hard discounters, les grandes caves avancent masquées, utilisant des sociétés écrans, en fait des sous-marques. Cette dissimulation paraît vaine, dès le moment où en deux clics de souris on peut aller vérifier en ligne, sur le site du Registre du commerce, qui se cache derrière ces raisons sociales au nom de fantaisie. Exemples pris sur les rayons de Denner: Cave des Lilas SA et Jean Crittin SA: groupe Schenk; Cave du Sarment SA: groupe Fenaco; Cave des Combins SA: Dominique Giroud; Cave d’Epicure SA: un administrateur de sociétés fiduciaires genevois.

7. Alors, «arrêtons de boire de la merde»?

En 2013, Jean-Pierre Coffe publiait son 39e livre (!), chez Flammarion, sous le titre alléchant d’Arrêtons de manger de la merde! Dans ce pamphlet, où l’auteur doit d’abord s’auto­justifier pour services rendus au hard discounter Leader Price – «J’ai créé et permis d’améliorer 2000 produits pour cette enseigne, en éliminant l’huile de palme et les produits chimiques» (sic) –, il brocarde l’industrie laitière, la boucherie et la pêche industrielles. Mais pas une ligne sur les vins!

Journaliste à l’hebdomadaire Marianne, Périco Légasse, après son Dictionnaire impertinent de la gastronomie (2012), promettait, chez le même éditeur, François Bourin, un ouvrage similaire sur le vin, qu’il définit comme «vinaigre raté». Ça promettait! Selon l’éditeur, ce dico n’est plus au programme.

Opacité du système. La même maison vient de publier un petit livre, La face cachée du vin, de Laurent Baraou et Monsieur Septime, où les auteurs s’en prennent surtout aux journalistes coupables de complaisance à l’égard des producteurs de vin.

Le monde du vin, qu’il soit hexagonal ou helvétique, n’a pas pour habitude de se livrer à la critique de l’opacité d’un système. Exception: un rapport de feue la Commission suisse des cartels sur «Les conditions de concurrence sur le marché romand des vins». Il mettait en évidence les rôles entremêlés des acteurs, à la fois importateurs (de vins étrangers), négociants (de vins de sous-marques) et producteurs de crus suisses. C’était il y a trente ans exactement, en 1984, avant la libéralisation des contingents douaniers et avant les quotas qui ont conduit à l’amélioration qualitative des vins suisses.

Depuis, plus rien… Personne, jusqu’ici, n’a osé écrire, à la Coffe, «Arrêtons de boire de la merde!». Car les milieux viti-vinicoles préfèrent s’en tenir à un vieil adage, servi jusqu’à plus soif: «Les meilleures lois n’ont pas rendu les vins meilleurs.» Et les consommateurs n’ont pas voix au chapitre, sinon en se bornant à choisir avec soin leurs flacons.


Château or not Château?
Une appellation sujette à caution

Qu’est-ce qu’un château au sens de la législation? Le texte vaudois paraît plus clair que le valaisan, à en croire le différend révélé à mi-janvier par la télévision valaisanne Canal 9. En effet, l’étiquette d’un vin distribué à près de 130 000 exemplaires par Denner est sujette à un différend sur la définition du mot château. Le Tribunal cantonal valaisan devra trancher et dire si «plusieurs parcelles viticoles indépendantes des environs», comme le précise la contre-étiquette, autorisent le vin à se parer d’un nom qui peut parler au consommateur.

Pas question de «mise en bouteilles au château», et pour cause, puisque, selon le journaliste Paul Vetter, la bâtisse est un lieu à tradition culturelle (le poète Rainer Maria Rilke y a vécu), mais en aucun cas à tradition vitivinicole. A part une vigne fraîchement plantée au sud, la construction est entourée de prés… Ce vin rouge, «composition harmonieuse de cépages nobles, avec dominance de pinot noir», est élaboré pour un tiers chez un encaveur de Salquenen et pour deux tiers chez Provins, à Sion, tandis que la mise en bouteilles a lieu à Martigny, dans les locaux de Cevins.

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Jean Revillard / Rezo
Pierre-Antoine Grisoni / Strates
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Hebdo.ch » revue de blogs de la semaine

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Jeudi, 30 Janvier, 2014 - 05:45

Blogs » Politique »
Le futur, c’est tout de suite

Ci-gît le socialisme européen

En se déclarant social-démocrate, François Hollande a rompu avec le passé marxiste de la France.
Guy Sorman

L’ultime chef d’Etat en Europe qui se réclamait encore du socialisme, dans sa version marxiste non révisée, y aura formellement renoncé le 13 janvier dernier. (…) François Hollande se déclarant social-démocrate et non plus socialiste a mis un terme à une longue exception française. Car en France seulement, le Parti socialiste s’était toujours refusé à abdiquer son passé marxiste et son alliance préférentielle avec le Parti communiste, au rebours des partis socialistes espagnol, italien, allemand ou scandinave. A quoi tenait cette exception française? Depuis deux siècles, la gauche en France se pose en héritière de la Révolution de 1789, qui reste perçue et enseignée de manière positive. Il fallait donc que les socialistes se prétendent révolutionnaires pour puiser dans l’histoire nationale une légitimité non contestable. (…)

Que reste-t-il des socialistes dès l’instant où ils renoncent à remplacer le capitalisme par une économie planifiée et étatisée? Faire régner la justice, l’égalité par la redistribution partielle des revenus et l’accès généralisé à l’éducation? Certes, mais les partie de droite partagent cette même ambition en recourant aux mêmes détours de la fiscalité et de l’école. Faute de vouloir détruire le capitalisme, il ne reste à la gauche qu’à s’attaquer à ce qu’elle considère être la morale bourgeoise, la culture classique et l’héritage judéo-chrétien. (…) Etre de gauche reviendra toujours à considérer que l’on peut changer la nature humaine, par l’éducation comme l’estimait Jean-Jacques Rousseau, par la contrainte chez Mao Zedong, pour édifier une société nouvelle et forcément meilleure. Tandis qu’être de droite, ainsi que le formulèrent les libéraux d’Espagne et de France dès le XVIIIe siècle, c’est tenter d’améliorer la société en acceptant l’homme tel qu’il est. L’histoire contemporaine donne raison à ces libéraux; le miracle libéral en Europe, car l’Europe est un édifice foncièrement libéral, est d’avoir instauré la paix sur le continent, une relative prospérité et une relative équité, en acceptant les hommes tels qu’ils sont, bons et mauvais et tous différents. On doutera qu’une Europe socialiste y serait parvenue.


Blogs » Politique »
Le blog de Jacques Neirynck

Un doctorat en stupidité

Défenseur de la légalisation du don d’ovule, le conseiller national PDC s’attire les foudres d’une association «pour la vie».
Jacques Neirynck

J’ai reçu une de ces lettres que l’on ne prend qu’avec des pincettes et que l’on jette tout de suite au panier, car elle fait perdre confiance dans le genre humain, tant elle se complaît dans l’hypocrisie et la bêtise, traits du génie humain qui souvent s’accouplent. Elle est signée par le président d’une association internationale pour la vie, section suisse: il est professeur et docteur en théologie. Il me reproche d’avoir introduit une initiative parlementaire qui lève l’interdit sur le don d’ovule en Suisse, intervention qui a été soutenue en commission par 16 voix contre 7 et a donc de sérieuses chances d’être adoptée par les deux Chambres. Il s’agit de corriger la loi sur la procréation médicalement assistée, qui actuellement interdit en Suisse le don d’ovule à un couple stérile. Mon correspondant se garde bien d’avouer que sa croyance est contraire à toute forme de procréation médicalement assistée. Il me reproche sournoisement de souligner la similitude biologique entre le don de sperme, autorisé, et le don d’ovule, interdit. Selon lui, cela n’a rien à voir. A l’en croire, la donneuse court de sérieux risques et la femme qui reçoit le don met en danger sa santé et celle de son futur enfant. Première nouvelle. Pour m’en convaincre, il me renvoie à la littérature scientifique en note de bas de page où je déchiffre que l’on ne sait rien des séquelles possibles pour la mère et l’enfant. En bon sophiste, le docteur en théologie déduit qu’il y a des risques. Et il doit donc être interdit pour des raisons éthiques d’accepter un don d’ovule. Qu’une association «pour la vie» lutte contre l’avortement est compréhensible. Qu’elle empêche le traitement de la stérilité fait partie de ces contradictions et certaines personnes sont si stupides qu’elles ne parviennent pas à les discerner. Même si elles ont un doctorat universitaire. Surtout si elles ont un doctorat.


Blogs » Economie »
Les non-dits de l’économie

La nouvelle normalité

En Europe, le faible taux de croissance économique ne permet pas de résorber le chômage ambiant.
Sergio Rossi

Le spectre du chômage continue d’épouvanter les ménages en Europe et ne se limite plus aux chômeurs avérés dans les pays qui souffrent le plus à cause de la crise de la zone euro. Selon tous les sondages, même les travailleurs peu ou moyennement qualifiés, surtout les «séniors» et les personnes avec un contrat de travail à durée déterminée ou à temps partiel malgré elles, ont des soucis liés au chômage, car cela pourrait les toucher directement dans un horizon temporel proche. La reprise de l’activité économique est trop faible pour induire une augmentation considérable des places de travail, qu’un nombre de plus en plus élevé d’entreprises essaient de remplacer par des équipements censés faire augmenter la productivité, tout en réduisant les coûts de production. Le continent européen semble dès lors dans une «nouvelle normalité»: un taux de chômage très élevé, notamment pour les jeunes, et un taux de croissance économique très faible, qui n’induit pas de résorption du chômage ambiant. (…) Dans un tel contexte, le niveau d’emploi dépend plus du volume et de la valeur des produits écoulés sur le marché des biens et des services que de la flexibilité des personnes involontairement au chômage. La précarisation des contrats de travail et le remplacement des travailleurs séniors par des collaborateurs moins rémunérés diminuent la propension à consommer de l’ensemble des ménages, au détriment du chiffre d’affaires des entreprises et de la situation financière du secteur public.


Blogs » Société»
Bonjour le code (social)!

La dictature de l’informel

Le maire de New York a commis une erreur politique: il a mangé une pizza avec des couverts!
Sylviane Roche

Une amie m’envoie l’info suivante qui m’a mise en joie: le nouveau maire de New York a fait scandale en mangeant une pizza devant les caméras. On parle déjà de «pizzagate». Le New York Times juge la conduite du maire «impensable» et la twittosphère s’en donne à cœur joie. Mais quel crime a donc commis Bill de Blasio? Les New-Yorkais ont-ils été choqués de voir leur premier magistrat engloutir publiquement de la junk food alors que l’obésité et le cholestérol menacent la survie de la population des Etats-Unis? Vous n’y êtes pas. Le maire a affreusement gaffé parce qu’il a mangé sa pizza… avec une fourchette et un couteau! Or, nous apprend le commentaire, à New York tout le monde sait qu’on mange la pizza avec les doigts. On plie la tranche en deux avec les mains et on l’enfourne telle quelle. Utiliser des couverts, «cela ne se fait pas». (…) Contrairement à ce que beaucoup pensent, l’informel n’est absolument pas moins coercitif que le formel. La société qui recommande de manger avec ses doigts n’est pas plus cool que celle qui aligne quatre fourchettes et autant de couteaux de part et d’autre de l’assiette. Elle est tout aussi pointilleuse sur l’obéissance au code, et le lynchage médiatique dont est l’objet le pauvre maire de New York le prouve.


Blogs » Culture »
Notes sur l’inspiration et le talent

Tel père, tel fils: c’est arrivé près de chez vous

Les échanges d’enfants juste après leur naissance se produisent partout dans le monde. Il arrive qu’ils soient détectés.
François Schaller

L’histoire a été un peu oubliée, mais L’illustré et d’autres médias locaux y sont revenus à plusieurs reprises au fil des ans: à Fribourg, la famille Joye avait des jumeaux. L’un s’appelait Philippe, comme son père. L’autre Paul. Ils étaient nés en 1941. Six ans plus tard, lors de la Fête-Dieu, qui rassemble tous les enfants des villes catholiques, Philippe se trouve à côté d’un petit garçon de son âge qu’il ne connaît pas. Stupéfaction des adultes: la ressemblance est parfaite. Seconde surprise, début du malaise: ils sont nés la même nuit dans la même maternité. L’échange de nouveau-nés sera attesté avec les moyens scientifiques de l’époque. Une décision de justice contraindra les deux familles à échanger les enfants. On devine leur immense désarroi, celui des parents… (…) Le cinéma suisse aurait pu s’inspirer de ce drame local à portée universelle. (…) Etienne Chatiliez en a fait une comédie en 1988, dont le titre est resté dans le langage courant comme une expression à usages multiples: La vie est un long fleuve tranquille. Le cinéaste japonais Hirokazu Kore-eda a réalisé Tel père, tel fils sur le même thème, dans un tout autre registre. Son film a été sélectionné l’an dernier dans plusieurs grands festivals, obtenant le Prix du jury à Cannes. Démonstration d’habileté, de finesse, des acteurs beaux comme des dieux, au jeu légèrement stylisé, adultes et enfants, dans un environnement urbain asiatique post­industriel à la fois familier et complètement exotique. Le scénario, surtout, est d’un optimisme rare et déroutant. Le monde entier y semble habité par la volonté de bien faire. Comme sur le fleuve tranquille, les deux pères symbolisent la coexistence possible de milieux sociaux très différents s’agissant de rattraper un malheur programmé pour n’arriver qu’aux autres. Le petit commerçant glandeur à la tête de sa famille nombreuse ne cesse de faire la morale au jeune architecte parvenu, qui doit sans cesse s’excuser de ce qu’il est, de ce qu’il fait, de l’éducation volontariste qu’il aimerait simplement donner à son fils unique. (...)

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Equipe suisse de ski alpin: Sotchi en ligne de mire

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Jeudi, 30 Janvier, 2014 - 05:47

▼Les faits
Une semaine après la victoire du descendeur glaronais Patrick Küng à Wengen, c’est au tour de Lara Gut et de Didier Défago de se distinguer en super-G. Tandis que la Tessinoise a triomphé à Cortina, le Valaisan l’a imitée à Kitzbühel.

▼Les commentaires
«Une confiance retrouvée pour le ski suisse», se réjouit Le Nouvelliste, qui souligne que Défago «monte en puissance». Le Tages-Anzeiger salue le retour en forme de Lara Gut, mais explique que le super-G de Sotchi sera très différent de celui de Cortina, tandis que la RTS, comme la plupart des médias, souligne que ces succès sont «de très bon augure avant les Jeux olympiques de Sotchi».

▼A suivre
En 2010, l’équipe suisse de ski alpin a ramené trois médailles de Vancouver. Elle semble armée pour faire mieux à Sotchi, du 7 au 23 février.

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Alessandro Garofaldo / Reuters
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Succession à la Finma: durcissement

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Jeudi, 30 Janvier, 2014 - 05:48

▼Les faits
Le débat fait rage sur le profil du prochain directeur de la Finma. Le successeur de Patrick Raaflaub, chef démissionnaire de l’Autorité de surveillance des marchés financiers, devra-t-il être proche des banques ou, au contraire, afficher une sourcilleuse indépendance?

▼Les commentaires
Pour l’Association suisse des banquiers, «nous avons simplement besoin d’un régulateur qui ne se gêne pas de promouvoir à l’étranger les avantages de notre place financière de manière ciblée. Dans d’autres circonstances, la Finma surveille de près ce que font d’autres régulateurs. Mais, dans ce domaine, il serait vraiment souhaitable qu’elle s’en inspire!» rapporte L’Agefi. Sans surprise, les banquiers soutiennent une candidature de Mark Branson, nommé directeur par intérim dès le 1er février. Or Eveline Widmer-Schlumpf, cheffe du Département fédéral des finances, ne déroule pas le tapis rouge à cet ancien d’UBS: «Je suis fondamentalement dans l’idée qu’il est mieux d’être désigné à cette position selon un processus de concurrence. Lorsqu’une personne se présente comme l’unique option, elle est davantage exposée», explique-t-elle dans un entretien à la Schweiz am Sonntag. La NZZ se montre sceptique elle aussi quant aux chances de Mark Branson: «Sa capacité à motiver les forces et à régler les problèmes internes n’est pas claire. Ses compétences ne sont remises en cause par personne. Mais il faudra beaucoup de bonne volonté pour avaler son passé dans une UBS alors en pleine tourmente», souligne le quotidien zurichois.

▼A suivre
Le conseil d’administration, qui a la charge de désigner un nouveau directeur – avec l’aval du Conseil fédéral – doit se déterminer au plus vite. Patrick Raaflaub se retire le 31 janvier déjà.

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Peter Schneider / Keystone
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CFF: hausse des prix

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Jeudi, 30 Janvier, 2014 - 05:49

▼Les faits
En pleine campagne en vue de la votation sur le FAIF (Financement et aménagement de l’infrastructure ferroviaire), Ulrich Gygi, président du conseil d’administration des CFF, annonce que les billets de train vont augmenter en moyenne de 1,5% par an en raison du renchérissement, cela jusqu’en 2033. Et davantage si le peuple dit oui au FAIF, a-t-il indiqué à la SonntagsZeitung.

▼Les commentaires
«Les renchérissements de billets font partie des effets secondaires les plus délicats de l’objet FAIF», relève la Neue Zürcher Zeitung. «Une estimation très audacieuse qui tombe plutôt mal», estime l’émission Forum de la RTS. Quant au secrétaire général de la Fédération romande des consommateurs Mathieu Fleury, il s’étonne dans Le Matin: «Si le patron des CFF voulait couler le FAIF, il ne s’y prendrait pas autrement.»

▼A suivre
Y aura-t-il un effet Gygi? Réponse le 9 février.

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Superchargeurs

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Jeudi, 30 Janvier, 2014 - 05:50

Mobilité.Tesla installe en Europe des bornes qui permettent de recharger ses voitures électriques en quelques minutes. Expérience sur le trajet Genève-Zurich, à Lully (FR).

Genève-Zurich en voiture à essence revient à passer trois heures sur l’autoroute. En voiture électrique, c’était jusqu’ici une aventure rarement tentée. La plupart des modèles permettent à peine de rallier le restoroute Rose de la Broye, à Lully, à plus de 100 km de Genève. Les batteries s’épuisent trop vite sur les voies rapides. La station de la Broye est certes équipée de deux stations de recharge électrique. Mais même avec la plus puissante d’entre elles, il faut longuement patienter sur place pour espérer atteindre Zurich, une fois reparti.

La donne change avec une Tesla, la voiture électrique haut de gamme fabriquée en Californie. La marque de l’entrepreneur Elon Musk ouvre actuellement en Europe des superchargeurs, des bornes de recharge très rapides. Deux de ces stations de 120 kilowatts viennent d’être ouvertes sur le parking du restoroute de la Broye. Quatre autres seront bientôt disponibles. En vingt minutes, la voiture gagne de quoi parcourir 250 km, la moitié du rayon d’action de la version la plus performante de la berline américaine.

De puissantes stations. Pour remplir la batterie lithium-ion à 80%, il faut quarante minutes. La charge est gratuite. L’autre jour, au volant d’une Tesla sur le trajet Genève-Zurich, je me suis contenté d’un quart d’heure de charge sur l’aire d’autoroute. En arrivant dans le centre de Zurich, j’avais encore plus de 200 km d’autonomie. Un autre monde.

«En effet. Nous avons ici une évolution si rapide qu’elle représente un vrai défi pour nous, note Urban Achermann, responsable des ventes et du marketing du Groupe E, l’entreprise qui a installé les superchargeurs à Lully. Lorsqu’on a commencé à mettre en place des bornes électriques en Suisse, il y a trois ans, il fallait attendre de quatre à six heures pour espérer parcourir 100 km. Avec une Tesla, quelques minutes suffisent. Ces stations de recharge sont tellement puissantes qu’elles nous contraignent à poser des transformateurs pour éviter qu’elles ne perturbent le réseau.»

Tesla a commencé à installer ses superchargeurs fin 2012, d’abord aux Etats-Unis, puis en Europe. Elle en a implanté une demi-douzaine en Norvège, où les voitures électriques sont populaires. Le réseau s’étend désormais à l’Allemagne (4 points de recharge), aux Pays-Bas (2), à l’Autriche (1) et à la Suisse. Il est ainsi possible de faire le trajet autoroutier Genève- Amsterdam avec une Tesla. Toute l’Europe de l’Ouest devrait être couverte d’ici à deux ans. En Suisse, d’autres stations seront installées, en particulier au Tessin et sur la route des stations chics de l’Engadine. Comme celles déjà en place, elles ne sont destinées qu’aux voitures de la marque. Tesla, comme son voisin Apple dans la Silicon Valley, fonctionne en système fermé. Vous êtes de la concurrence? Circulez!

Une production à la hausse. Vendue entre 80 000 et 120 000 francs selon la puissance de la batterie et les options, la marque vise une clientèle aisée. En quatre mois, la marque a vendu 250 voitures en Suisse. Son unique magasin est situé près de la Bahnhof-
strasse à Zurich. Un centre d’entretien ouvrira bientôt à Genève. Désormais profitable, cotée avec succès en Bourse, sur le point de doubler sa production de 500 à 1000 voitures par semaine, Tesla reste une exception sur le marché encore timoré de l’auto électrique. L’an prochain, le constructeur de la Silicon Valley lancera un 4 x 4 avant de viser les gros volumes avec son modèle E, bien plus économique.

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Hypnose: êtes-vous un «bon sujet»?

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Jeudi, 30 Janvier, 2014 - 05:51

Transe.Il y a des gens plus hypnotisables que d’autres, affirme le «fascinateur» Messmer, bientôt en spectacle à Genève. Il y a surtout des hypnotiseurs plus aptes à vous captiver, rétorque le psychiatre Eric Bonvin, expert en hypnose médicale. Ses éclaircissements sur un phénomène qui conserve sa part de mystère.

«Vos mains sont de plus en plus serrées, collées, soudées. Je compte jusqu’à trois et vous ne pourrez plus les séparer…» Messmer, le «fascinateur», est à l’œuvre: voix de velours, léger accent de son Québec natal, yeux bleu métal du plus magnétisant effet.

Ça marche et ça ne traîne pas. Les gens tombent comme des mouches, oublient le chiffre 7 ou se mettent à quatre pattes à une vitesse sidérante. Et, pour sûr, ça marchera aussi à Genève, où l’hypnotiseur canadien fait halte le 6 février avec son spectacle en tournée européenne*.

Ça marche et non, il n’y a pas de truc. Les hypnothérapeutes de la famille scientifique en conviennent eux-mêmes, les transes récréatives ne sont pas nécessairement bidon. Simplement, elles visent un autre but que celles qui, depuis quelques années, retrouvent leurs lettres de noblesse dans les hôpitaux.

Née de la médecine, puis marginalisée après l’invention des anesthésiants chimiques, l’hypnose bénéficie en effet d’un regain d’intérêt auprès des soignants. Dans la plupart des hôpitaux suisses, elle est aujourd’hui utilisée, notamment dans les centres de la douleur, de soins palliatifs ou des grands brûlés. Et la formation en hypnose médicale progresse, également pour les professionnels paramédicaux.

Ça marche, mais pas sur tout le monde, explique volontiers Messmer. S’il peut mener son show tambour battant, c’est qu’il s’arrange pour choisir (par exemple avec le tour des mains levées-soudées) les élus qui monteront sur scène: les «bons sujets», plus aptes que les autres à «vivre l’expérience». «Seuls 10% des gens sont très réceptifs à l’hypnose», a-t-il précisé à une journaliste de L’Actualité de Montréal, qui résistait à ses injonctions d’endormissement. Mais alors les autres, les «mauvais sujets»? S’ils sont perdus pour le théâtre, le sont-ils aussi pour le thérapeute désireux de les soulager?

Eric Bonvin fait autorité en Suisse romande dans le domaine de l’hypnose médicale. Formateur prisé, il a intégré l’hypnose dans sa pratique de psychiatre et psychothérapeute. Nous lui avons soumis notre angoissante question. Et sa réponse nous a fait du bien. Ça marche, on vous dit. Mais comment, au fait?

Dans ses spectacles, Messmer choisit, dans le public, les «bons sujets» à faire monter sur scène. En hypnose thérapeutique aussi, il y a les bons clients, et les autres?
Non. Je dirai plutôt qu’il n’y a pas de bons ou de mauvais «clients», seulement des hypnotiseurs plus ou moins capables de s’adapter à eux. Toute personne est hypnotisable à partir du moment où elle est en mesure de focaliser son attention. Mais chacun a sa manière de l’être et toute la difficulté pour le thérapeute consiste à la trouver. Sur scène, Messmer utilise des trucs standards, il n’est pas étonnant que cela ne fonctionne que sur une partie du public.

Qu’y a-t-il de commun entre l’hypnose théâtrale et thérapeutique?
L’hypnose est une expérience par laquelle, en focalisant l’attention d’une personne, on parvient à transformer ce qu’elle ressent. A partir de là, le résultat dépend du contexte et des intentions des partenaires de la rencontre. Dans un théâtre, le but visé est le divertissement. Des centaines de personnes sont réunies pour s’amuser en se laissant impressionner, et celles qui montent sur scène sont d’accord pour s’en remettre complètement aux propositions de l’hypnotiseur, y compris en acceptant de se retrouver dans des situations ridicules. Ça marche parce que les gens sont d’accord de jouer le jeu, dans une atmosphère qui relève de la suggestion collective. L’hypnose médicale, elle, vise le soulagement, dans une rencontre à deux. Elle travaille sur la dimension subjective du ressenti du patient, notamment en cas de douleur.

Comment ça? Si vous me faites mal, j’aurai objectivement mal!
Pas si simple. Prenez les douleurs chroniques. Les analyses médicales arrivent à la conclusion que vous «n’avez rien» et, pourtant, vous avez mal. A l’inverse, dans certaines circonstances, je peux vous transpercer la joue sans que vous
ne sentiez rien. L’hypnose est une invention médicale: au XIXe siècle, alors que l’anesthésie n’existait pas encore, tous les médecins se formaient à cette pratique. Et ce n’est pas un hasard si, actuellement, c’est par les centres de la douleur et des grands brûlés qu’elle regagne de la place dans les hôpitaux: la médecine objectivante bute, avec ces malades, sur le fait que les produits anesthésiants ont des limites. En alliant les produits et le
travail sur la perception, on devient plus efficace.

Mais comment ça marche?
En fait, on ne sait pas grand-chose sur la nature du phénomène lui-même. Il n’y a pas une zone particulière du cerveau concernée ni un «fluide» spécial, comme le croyait Franz-Anton Mesmer: rien de spécifique en somme. On sait seulement que, par la focalisation de l’attention, on peut provoquer un état hypnotique et transformer l’expérience perceptive.

Mais comment fait-on pour détourner l’attention d’un grand brûlé qui crie de douleur quand on lui change son pansement?
On n’essaie pas nécessairement de le distraire; souvent, c’est exactement l’inverse. On l’accompagne dans son expérience, on l’invite à explorer sa sensation, on fait en sorte qu’il se l’approprie pour pouvoir la transformer. Le cliché de l’hypnotisé-marionnette, dominé par une force supérieure, est vraiment très loin de la réalité.

Mais la tactique de la distraction, ça marche aussi?
C’est une autre manière de faire: inviter la personne à porter attention à d’autres choses que celles qu’elle est en train de vivre. Tout dépend de ce qui mobilise son attention, ce qui est important pour elle. Certains patients ont besoin de plonger dans la sensation, d’autres de s’en détacher. Encore une fois, il n’y a pas de procédure standard, toute la difficulté consiste à trouver la manière adaptée.

Se détacher de la sensation en pensant à des choses agréables, par exemple?
Oui. Il existe une vidéo très impressionnante, filmée à l’hôpital universitaire de Liège, d’une opération de la thyroïde. En guise de narcose, le patient évoque, en compagnie de l’anesthésiste-hypnotiseur, sa dernière course en montagne. Quand on voit ce film, on est frappé par la simplicité du procédé – ce n’est que ça! –, mais aussi par l’intensité du travail de l’anesthésiste: son attention ne lâche pas le patient une seconde durant toute l’intervention. Il y a, entre les deux, un climat relationnel de grande qualité. C’est la clé de l’affaire.

Tout de même: si j’ai un esprit très rationnel, ne serai-je pas moins perméable à vos invitations, moins apte à me laisser accompagner en confiance?
Avec une personne très rationnelle, je miserai sur la rationalité. On peut entrer en hypnose par la pensée réflexive. C’est ainsi que Blaise Pascal a fait avancer l’histoire des mathématiques: il expliquait que se plonger dans le travail soulageait ses douleurs. Il avait eu un accident de carrosse et souffrait de violentes migraines. J’ai des patients qui ont besoin de continuer à parler pour focaliser leur attention, d’autres qui ne doivent surtout pas fermer les yeux…

Ah, bon? On ne doit pas nécessairement fermer les yeux?
Non, les yeux qui se ferment, le compte à rebours, toute cette imagerie, il faut commencer par l’oublier. Ce que je dis dans mes formations, c’est: «Observez la personne et adaptez-vous.»

Tout de même, il y a de temps en temps un patient qui vous résiste…
Quand cela arrive, c’est parce que je n’ai pas trouvé la manière de mobiliser son attention. Ou alors c’est qu’il vient me voir avec d’autres intentions que celles d’être soulagé. Par exemple, il veut remonter dans ses souvenirs comme un détective. Je lui réponds qu’il n’a pas frappé à la bonne porte.

L’hypnose ne permet pas de retrouver des souvenirs?
On l’a cru, mais c’est une illusion. On sait aujourd’hui qu’il n’y a pas un lieu dans notre tête où les souvenirs seraient stockés, intacts. La mémoire est instable, elle est seulement l’expérience présente des faits du passé.

Si je peux entrer en hypnose les yeux ouverts, en parlant avec vous, quelle différence avec une bonne conversation entre amis?
Au fond, rien. Comme je disais, l’état hypnotique n’a rien de spécifique. Il arrive que mes patients me disent: «Mais on n’a pas fait d’hypnose.» Je réponds: «Ce qui m’intéresse, c’est de savoir si vous vous sentez mieux.» C’est le but: redonner de l’importance à la dimension relationnelle du soin, pour mieux soulager.

En somme, l’hypnose est soluble dans la qualité de la relation.
C’est mon expérience. Elle m’a permis de m’ouvrir à la dimension perceptive de mes patients. Si l’hypnose se dissout dans l’attention qui soulage, tant mieux.

* «Messmer, le fascinateur». 6 février, 20 h 30, Théâtre du Léman, Genève.


Eric Bonvin
Né en 1961 à Crans-Montana, le professeur Eric Bonvin, psychiatre et psychothérapeute, est l’un des grands spécialistes romands de l’hypnose médicale. Il a fondé en 2006 l’Institut médical d’hypnose suisse, dispensateur reconnu de formations dans le domaine. Après avoir dirigé les Institutions psychiatriques du Valais romand, il est, depuis 2012, directeur général de l’Hôpital du Valais.

Eric Normandin, alias Messmer
Né en 1971 au Québec, Eric Normandin, alias Messmer, est un homme de spectacle qui pratique l’hypnose sur scène et sur les plateaux TV depuis 1990. Il a emprunté son pseudonyme à Franz-Anton Mesmer, fondateur, au XVIIIe siècle, de la théorie du magnétisme animal. Son spectacle Messmer, le fascinateur sera à Genève le 6 février.

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Pascal Rostain, objectif scoop

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Jeudi, 30 Janvier, 2014 - 05:52

Paparazzi.En publiant «Voyeur», étonnant livre de Mémoires sur une carrière de photographe passée à traquer les célébrités, Rostain dit des vérités, laisse filtrer une intimité et règle quelques comptes. Entretien cigare en bouche, Nikon en main.

Il est légèrement en retard, alors on se balade un peu dans le grand appartement que nous a ouvert sa fille, rue Lincoln, à Paris. C’est un endroit où vécut Daniel Filipacchi, citizen Dan lui-même, l’homme de Salut les Copains et de la réinvention de Paris Match. Deux étages, des piles de livres et de souvenirs un peu partout, photos fameuses, un désordre heureux. Gainsbourg avec Bambou nue, Soljenitsyne au tennis. Ou alors lui, assis dans le fauteuil du président de la République, avec sa copine Carla à ses côtés: oui, c’est Nicolas Sarkozy qui a pris cette photo. «Ah, tu l’as vue, celle-là, merde!» rigole-t-il en arrivant.

Pascal Rostain, 55 ans, plus fameux des paparazzis. L’homme qui a «shooté» Mazarine avec son père et fait découvrir la fille de Mitterrand à la France. L’homme qui, le premier, a surpris Cécilia Sarkozy en train de choisir un appartement avec Richard Attias à New York. Mais aussi Bardot ou Romy, Johnny ou Benoît XVI. Un culot énorme, une attitude de bandit fier de ses blagues. Il cultive une gueule d’ancien ado baroudeur qui aime la fête, tutoiement immédiat, gouaille, cigare perpétuel aux lèvres, téléphone à l’oreille, pantalon rose et Nikon toujours à disposition.

François et Valoche. Il a prêté cet appartement, il y a quelques années. Durant un mois, à un couple encore secret qui ne savait pas où aller cacher ses amours: il s’agissait de Valérie Trier­weiler (qu’il côtoya beaucoup à Match) et de François Hollande, qui était encore le compagnon de Ségolène Royal, alors candidate à la présidentielle. «Au bout d’un mois, mon ex-femme revient, elle m’appelle au téléphone: “Pascal, on a été cambriolés.”» Il explique. «Tu n’imagines pas le bordel qu’ils avaient laissé, même pour un type comme moi, qui n’est pas précisément ordonné. La vaisselle d’un mois entier dans l’évier, les draps de bain par terre, la couette n’importe où…» Une fois le couple devenu officiel, il a raconté cette histoire partout. Et Valérie lui fait la gueule. «Pourquoi? Je ne suis pas fréquentable? Alors fallait pas venir dormir ici. Ou bien, ça leur rappelle une période de leur vie pas très facile.»

Il publie un livre inhabituel, Voyeur, volume de Mémoires et anecdotes dont seules quelques-unes étaient déjà connues. D’autres livres, une BD, des expositions, les interviews: Rostain adore raconter. Mais ce qui étonne avec Voyeur, c’est le ton, une gouaille et une façon de se livrer: «J’ai vraiment raconté ça moi-même, avec mes mots. Je souhaitais me livrer plus. Après avoir passé tellement de temps à voler un peu l’intimité des autres, il semblait légitime et amusant que je m’y mette aussi.»

Aucune photo, dans son livre, mais des aventures. Traques cocasses derrière Mitterrand, le prince Albert, Orson Welles ou… Yasser Arafat. Une charge aussi, parfois, contre les collègues de la «presse sérieuse», qui savent tout mais ne révèlent rien. «C’est chronique d’une mort annoncée. Quand tu vois comme ils sont dirigés par des communicants et des marketeurs, ils s’étonnent d’aller dans le mur.» Il a donné dans le reportage pur et dur, en Afrique, au Moyen-Orient, réussissant quelques coups. «J’ai fréquenté les “nobles” journalistes. Et je ne suis pas sûr que ce soit plus digne de photographier un petit Rwandais en train de mourir de faim, ou un Tchétchène coupé en rondelles, sans demander d’autorisation, que de shooter Deneuve ou Adjani à Saint-
Tropez.» Le people l’a toujours rattrapé.

Nostalgie. Rostain conserve pourtant le sentiment d’une très belle carrière, notes de frais no limit, presque un âge d’or: «Dans les années 70, on faisait partie de l’environnement des célébrités. C’était d’une élégance folle et incroyable, magnifiée en plus par le noir et blanc. Il n’y avait pas d’agressivité. Alors oui, quand je vois les héroïnes de la téléréalité montrer leurs seins, ou les joueurs de foot à trois neurones, j’ai de la nostalgie.»

On parle un peu de Julie Gayet. Le photographe de Closer est un pote à lui. Et lui aussi connaissait l’adresse de la rue du Cirque. «C’est ambigu et schizophrène. Mais je les connaissais, et je n’ai pas voulu me mettre dessus. Au printemps dernier, je suis même passé voir Hollande à l’Elysée. Je lui ai dit: “Je ne veux même pas demander si c’est vrai ou faux. Mais si moi je sais, c’est que ça va sortir…”» Il sera interrompu par Valérie Trierweiler venant l’engueuler.

Aujourd’hui, il rêve plutôt d’un cliché avec Julie et François ensemble. «Oui, il fallait faire cette image, et la publier. Mais on voit quoi? Un Daft Punk sur une mobylette. Autrefois, nous racontions des histoires d’amour, un peu avant qu’elles ne deviennent officielles. Aujourd’hui, on est plus dans le constat d’adultère.» Il doit s’en aller, discuter de prochaines expositions. Fin février, le Centre Pompidou de Metz consacrera une exposition aux paparazzis. Il a aussi un projet avec la Maison européenne de la photo, à Paris. «Je suis à un quart d’heure du musée», dit-il en partant. C’est ça: Rostain est déjà un classique.

«Voyeur». De Pascal Rostain. Grasset, 236 p.

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L’Unesco minée par le conflit israélo-palestinien

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Jeudi, 30 Janvier, 2014 - 05:53

100 jours.Jean-Frédéric Jauslin, nouvel ambassadeur helvète auprès de l’Unesco, joue sur les qualités de médiation reconnues à la Suisse, au sein d’une institution en crise.

Le mardi 3 septembre dernier, un jour après avoir pris ses fonctions à Paris, Jean-Frédéric Jauslin se rendait à son premier rendez-vous de nouveau diplomate: une réunion du Comité politique de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF). Le nouvel ambassadeur suisse auprès de l’Unesco est en effet aussi le représentant de Berne à l’OIF. La Suisse assure une des vice-présidences de ce comité. Or, ce mardi-là, ni le président ni l’autre vice-président ne sont présents. «On m’a demandé de présider la séance qui commençait cinq minutes plus tard, devant des dizaines de délégués. Une assemblée qui devait durer trois heures et dont je connaissais seulement l’ordre du jour. J’ai pris une grande inspiration et je me suis dit qu’au moins, comme ça, les présentations seraient faites. Ça s’est bien passé.»

Le Neuchâtelois Jean-Frédéric Jauslin, depuis cent jours en fonction, apparaît aussi joyeux que motivé à l’heure de partager un moment au sommet de l’immeuble de l’Unesco, avec vue sur les sculptures de Moore ou Calder. Il a découvert dans ce grand et élégant bâtiment des années 50 un lieu où les enjeux sont loin d’être négligeables, et la parole suisse très écoutée.

Poste supprimé. Ce poste à Paris devait pourtant être supprimé, avant qu’Alain Berset et Didier Burkhalter ne ressentent la piqûre d’un gros doute: était-ce vraiment le bon timing pour diminuer la présence suisse dans de pareils sérails? Surtout – on est à la fin de l’hiver dernier – les deux ministres voient une solution avec Jauslin. L’homme n’est pas issu des rangs habituels de la diplomatie. Mathématicien de formation, il est passé par la Bibliothèque nationale avant de diriger l’Office fédéral de la culture durant huit ans. Il a déjà travaillé avec l’Unesco et l’OIF.

Il accepte le défi. «Je crois que le multilatéralisme est plutôt une valeur en hausse, à Berne», sourit-il. Et à l’Unesco, la Suisse, membre depuis 1949, a une belle carte à jouer. Car l’institution, fondée juste à la sortie de la Seconde Guerre mondiale, est en crise grave. En 2011, l’accueil de la Palestine (107 voix pour, 14 contre et 52 abstentions) a eu comme conséquence le gel des contributions israélienne et surtout américaine. Or, l’argent de Washington représente 22% du budget de l’institution, environ 150 millions de dollars sur 650. «L’Unesco se retrouve contrainte à une sorte de double comptabilité. Un budget qui tient compte de la contribution américaine, qui demeure due. Mais aussi, parallèlement, une sorte de décompte des dépenses, qui se base sur la réalité de l’argent à disposition.» S’ils ne s’acquittent pas de leur dette, les Etats-Unis et Israël pourraient-ils être exclus? «Rien n’est vraiment prévu dans les statuts pour cela.»

Exposition suspendue. Surtout, ce n’est guère le but. Cela tendrait encore les rapports dans cette Unesco rattrapée rudement par la politique. «C’est ennuyeux, explique l’ambassadeur. Car l’Unesco était précisément depuis sa fondation un lieu moins directement politisé. On y mettait en avant l’éducation, la culture, la science.» Mais, désormais, l’institution est peu à peu prise en otage par le conflit israélo-palestinien.

La dernière bataille en date a eu lieu la semaine dernière. Quelques jours avant son inauguration, l’exposition Les gens, le Livre, la Terre: la relation de 3500 ans du peuple juif avec la Terre sainte, proposée à l’Unesco et parrainée notamment par le Centre Simon-Wiesenthal, a été «suspendue» par un simple communiqué d’Irina Bokova, la directrice générale. La responsable de l’agence onusienne cédait, après la lettre de 22 pays arabes se disant préoccupés par le «possible impact négatif» de l’exposition sur «le processus de paix et les négociations en cours au Proche-Orient».

Pareille affaire est inédite. Le Département d’Etat américain s’est dit «profondément déçu». Robert Wistrich, professeur à l’Université hébraïque de Jérusalem, l’un des concepteurs de l’événement, a parlé d’«insulte à l’ensemble du peuple juif». Evidemment, dans l’autre camp, certains remarquent aussi que l’exposition suspendue pouvait apparaître comme une réponse ambiguë d’Israël à l’entrée de la Palestine au sein de l’Unesco. Les passions sont donc à leur comble. Plusieurs résolutions hostiles à Israël avaient déjà été votées l’automne dernier et l’on n’est pas près, semble-t-il, de revoir l’argent des Américains.

Ce d’autant que la directrice Irina Bokova marche elle-même un peu sur des œufs. Elle avait été élue de très peu en 2009, face au favori égyptien Farouk Hosni, rattrapé à l’époque par des propos aux relents lourdement antisémites. En 2013, sa réélection s’est passée plus facilement, mais l’équilibre du rapport de force à l’Unesco demeure précaire.

Alors, la Suisse peut-elle ressortir son expérience et son petit missel des bons offices? «Certainement, poursuit Jauslin. La réputation de notre pays reste formidable au sein de ces organisations. On reconnaît à notre pays un haut degré de démocratie, un art du compromis, celui aussi de la parole loyale, et du respect des minorités. Evidemment que tout cela a du sens dans pareilles circonstances.»

Elu par acclamation. Jean-Frédéric Jauslin vient d’ailleurs de le constater encore. Jeudi dernier, il a été élu par acclamation pour prendre la présidence du Groupe de réflexion sur la répartition des sièges au Comité du patrimoine mondial (CPM). «S’il y a 195 pays membres à l’Unesco, seuls 21 ont un siège dans cette importante instance.» Avec quel tournus, quelle répartition géographique? Cela fait l’objet d’âpres négociations où le rôle fédérateur de la Suisse est encore une fois mis en avant.

Jauslin est nommé à Paris pour quatre ans. Les chantiers ne manquent pas afin de multiplier les contacts et d’asseoir la présence de la Confédération. Il doit présenter bientôt une liste d’objectifs à Berne. Et verrait par exemple en 2015 une bonne occasion pour la Suisse de réintégrer le Comité exécutif de l’Unesco. «La Suisse n’y est plus depuis six ans», regrette-t-il. Et devant les tensions rudes qui attendent l’Unesco, il aimerait que la Suisse soit plus qu’une voix: un partenaire utile.

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David Prêtre / Strates
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Avorter, pas si simple

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Jeudi, 30 Janvier, 2014 - 05:54

«L’avortement comme préservatif gratuit?» Dans son argumentaire en ligne, le comité de l’initiative «Financer l’avortement est une affaire privée» suggère que l’interruption de grossesse est trop souvent utilisée comme moyen de contraception à l’œil. Le 9 février, le peuple suisse est invité à en radier les coûts de l’assurance de base. On s’interroge: avorter se serait-il à ce point banalisé?

Un vécu...

Histoire d’émilie*.Interrompre une grossesse serait-il devenu une formalité? Les initiants antiremboursement l’affirment. Un parcours, parmi d’autres, qui leur donne tort.

Tout commence par un coup de foudre. L’amour est instantané, le désir ardent. Dès le début, Emilie*, belle sirène aux cheveux bruns, décide de reprendre la pilule, arrêtée récemment. En attendant de voir son gynécologue, trois mois plus tard, le préservatif fait l’affaire. Sauf qu’il y a bientôt ce retard de règles. Cinq jours. «J’avais tout le temps envie de pleurer. Je sentais que quelque chose n’était pas normal.»

Premier test de grossesse: négatif. Mais on ne trompe pas l’instinct. Au bout du troisième test, la fameuse croix bleue apparaît. «C’était horrible, j’ai eu envie de hurler.» Toutes les conditions semblent réunies pour que la jeune Vaudoise accueille un enfant: 30 ans, un travail et un homme qu’elle aime. Mais l’existence échappe aux équations: Emilie ne se sent pas prête, pas du tout. Elle appelle le gynécologue qui la suit depuis dix ans. «Comme il n’avait pas de place, j’ai eu un rendez-vous chez une de ses collègues de cabinet, quatre jours plus tard.» Quatre jours pénibles. «J’avais l’impression d’être enfermée dans mon corps, j’avais très mal au ventre, j’étais fatiguée. Au travail, je devais faire comme si tout allait bien.»

Si avorter est pour Emilie une évidence, la perspective n’en est pas moins violente. «A mes yeux, il n’y avait pas de vie à l’intérieur de moi. Ce qui m’a fait mal, c’est la possibilité d’une vie. Pendant un court instant, j’ai tout remis en question.» Elle se sent coupable, envahie par un sentiment d’échec. De colère aussi. «J’en voulais à la vie. Et à mon copain. C’était irrationnel, car il souffrait aussi et me soutenait. Mais c’est moi qui vivais et ressentais tout.»

Pas de signe d’embryon. Chez la gynécologue, l’ultrason ne montre aucune trace d’embryon. Est-il trop tôt? S’agit-il d’une grossesse extra-utérine? Ou d’une fausse alerte? Après un examen et trois jours d’attente supplémentaires, une grossesse de cinq semaines est diagnostiquée. Emilie veut prendre la pilule abortive mais, pour cela, il faut aller au Centre de santé sexuelle du CHUV (le nouveau nom du planning familial), lui explique la gynécologue.

Bien que préalablement avertie, Emilie saisit mal le sens de ce transfert, qu’elle vit comme une angoisse de plus. Elle se sent «comme un numéro» et en manque d’empathie. Rendez-vous est fixé cinq jours plus tard à l’hôpital. «J’ai craqué. Encore attendre? Pourquoi ne pas m’avoir envoyée dès le départ au CHUV?» Pour accélérer le mouvement, Emilie cherche longuement un médecin qui délivre la pilule abortive. Le seul qu’elle trouve n’a pas de place. Elle attend donc son rendez-vous à l’hôpital.

Dans la salle d’attente du Centre de santé sexuelle, des patientes demandent à Emilie quand est prévue la naissance du bébé. Malaise. Mais une prise en charge efficace la soulage rapidement. «Les infirmières et les conseillères ont été les premières personnes à m’écouter, à considérer mes peurs et ma décision d’avorter.» On lui refait un ultrason. Double examen, double facture. On lui délivre la fameuse pilule abortive. «Les médecins ont considéré que les conditions de sécurité étaient réunies pour la prendre chez moi. Ma mère et mon amoureux m’ont surveillée. J’ai eu comme des grosses règles, rien de très douloureux. Je suis retournée cinq semaines plus tard au CHUV pour vérifier que «l’IG» (interruption de grossesse, avait fonctionné. C’était fini. Enfin.»

Entre l’appel à son gynécologue et la prise du médicament, Emilie aura attendu plus de deux semaines. «J’ai été élevée avec l’idée que l’avortement est un droit facile d’accès. En réalité, j’ai l’impression d’avoir dû mener bataille et subi des ralentissements visant à me faire changer d’avis. Est-ce que je me trompe?»
*Prénom connu de la rédaction

...Des questions

01. Pourquoi tant d’attente? L’avortement est un sujet sensible, profondément intime. Lorsqu’elles en ont un, les femmes en parlent spontanément à leur médecin privé. Libre au gynécologue de les diriger directement vers un hôpital. Ou pas. Pourquoi celui d’Emilie ne l’a-t-il pas fait? «Je vois toujours mes patientes en premier, aussi vite que possible, explique ce dernier. C’est important de dater la grossesse et de s’assurer qu’elle n’est pas extra-utérine.» La grossesse d’Emilie en étant à un stade peu avancé, la vérification a pris plus de temps que prévu: le gynécologue a dû faire deux prises de sang et l’ultrason effectué dans son cabinet a dû être répété au CHUV. «Cette situation est très rare», ajoute le médecin.

Au Centre de santé sexuelle, environ 900 demandes d’avortement sont enregistrées chaque année. «Les patientes obtiennent généralement un rendez-vous dans les jours suivant leur téléphone, assure Laetitia Bornoz, l’une des six conseillères du centre. Nous, ou une sage-femme, leur consacrons en moyenne une heure et demie pour les écouter, les informer et les accompagner dans leur situation.»

Mais, comme le fait remarquer Sylvie Jaquet, conseillère en santé sexuelle au centre Profa de Lausanne, les femmes désirant avorter n’ont pas la même temporalité que les institutions qui les accueillent. Les premières ont besoin que ça aille vite, alors que les secondes «donnent le temps aux femmes de penser».

02. Y a-t-il des gynécologues qui refusent de pratiquer l’avortement? Celui d’Emilie assure que ce n’est pas son cas. Il pratique des curetages en clinique, mais ne pratique pas la méthode médicamenteuse. Le malaise d’Emilie repose donc sur un malentendu, mais peut-être aussi sur des explications trop hâtives. Les gynécologues réticents à l’avortement existent, mais ils n’affichent pas ouvertement leurs réserves. Plutôt qu’un refus net, ils recourent à des tactiques de dissuasion plus ou moins subtiles. Exemple, s’épancher sur les battements de cœur du fœtus au moment de l’ultrason. Se sentant jugées par leur médecin, certaines femmes trouvent refuge à l’hôpital. «La collaboration que nous avons au CHUV avec les gynécologues privés me laisse penser que ces situations sont minoritaires», précise Laetitia Bornoz.

03. Pourquoi si peu de gynécologues délivrent la pilule abortive? Selon Cosan, distributeur de la Mifegyne en Suisse, 17 gynécologues vaudois ont commandé ce médicament pour leur cabinet en 2012. Ils étaient 31 dans le canton de Berne, deux à Fribourg, onze à Genève, un dans le Jura, trois à Neuchâtel et trois en Valais. Mais ces chiffres sont sûrement inférieurs à la réalité, car ils ne tiennent pas compte des stocks accumulés par certains médecins ni des commandes passées auprès des établissements hospitaliers. Selon l’Institut universitaire de médecine sociale et préventive à Lausanne, 31 gynécologues vaudois auraient ainsi délivré la pilule abortive dans leur cabinet en 2012. Un chiffre qui reste bas, comparé aux 159 gynécologues habilités à pratiquer des avortements dans le canton. C’est que peu de médecins ont le temps et le dispositif nécessaires pour surveiller leurs patientes pendant plusieurs jours, jusqu’à ce que le médicament fasse effet. De plus, les gynécologues pratiquant la méthode médicamenteuse sont difficiles à trouver. Il n’existe aucune liste officielle, et la publicité est déconseillée. Didier Schaad est l’un des rares gynécologues vaudois qui délivrent la pilule abortive, non seulement à ses propres patientes, mais aussi à d’autres. Il accueille notamment celles du CHUV, lorsque le planning est débordé.

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Bras de fer autour des hypothèques

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Jeudi, 30 Janvier, 2014 - 05:55

Crédit.Les gendarmes financiers cherchent désespérément à freiner la hausse de l’endettement des ménages helvétiques. A la grande colère des banquiers.

Quand la Finma et la Banque nationale ont décidé la semaine passée de durcir les conditions d’accès aux prêts hypothécaires, les nerfs des banquiers se sont mis en boule. Non seulement les gendarmes de la finance freinent leurs affaires, mais pire encore, ils n’ont pas eu le mot à dire!

Jeudi 23 janvier, la Finma, l’autorité de surveillance des banques, et la Banque nationale (BNS), responsable de la stabilité financière, ont annoncé ce que les banquiers n’aiment pas: un nouveau relèvement du volant de fonds propres anticyclique. Les deux autorités veulent forcer les banques à mobiliser deux milliards de francs de réserves supplémentaires pour couvrir les risques de leurs prêts hypothécaires.

En renchérissant les conditions de crédit, les gendarmes veulent affaiblir la volonté des banques de prêter. Et comme ces dernières vont facturer le surcoût à leurs clients, les taux hypothécaires devraient progresser de 0,1% en moyenne. De quoi, en théorie, réfréner les enthousiasmes des emprunteurs.
Pour les autorités, l’urgence consiste à freiner la progression des prêts hypothécaires, qu’elles jugent «excessive». Fin novembre dernier, les encours atteignaient la somme astronomique de 652 milliards de francs. Les ménages suisses sont parmi les plus endettés au monde.

Pic atteint. Cette situation est d’autant plus risquée que les prix de l’immobilier, qui ne cessent de monter, atteignent «un niveau maximum», selon une étude d’UBS publiée en début de semaine dernière. Autrement dit: le pic est atteint, ils ne peuvent que chuter, fragilisant le système financier au passage.

La réaction des banquiers a été immédiate. Leur association, l’ASB, a dénoncé «un moyen qui n’est pas efficace». Une première activation du volant anticyclique au printemps 2013 avait, en effet, à peine ralenti la progression des prêts hypothécaires. De plus, les taux d’intérêt, même renchéris, restent extrêmement bas: une hypothèque fixe à dix ans se rémunère quelque 2,7%, soit un niveau encore très attractif!

Mais c’est surtout la politique du fait accompli qui les ulcère: ils n’ont pas été consultés, même informellement, ni par le Conseil fédéral, ni par la BNS, ni par la Finma! Aussi dénoncent-ils les pouvoirs «échappant à tout contrôle démocratique» de ces autorités, en particulier celui de la Banque nationale.

Ce coup de sang intervient alors que les banques, sous pression réglementaire depuis cinq ans, sentent que leur influence politique diminue. Le sauvetage d’UBS, la crise de la fin du secret bancaire et la baisse de leur contribution à la richesse nationale réduisent leur levier politique. Une conséquence qu’elles peinent à admettre alors qu’elles ont fait la loi si longtemps dans le pays.

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Le gamin qui en a

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Jeudi, 30 Janvier, 2014 - 05:56

Autriche.A 27 ans, Sebastian Kurz est le plus jeune ministre des Affaires étrangères d’Europe. Il n’a pas terminé ses études et n’a aucune expérience de la fonction.

Jonathan Stock

D’un goût douteux, sa vidéo de campagne restera dans les annales. Sebastian Kurz y dit: «Le noir est sexy.» (Le noir est la couleur de l’ÖVP, le Parti conservateur autrichien dont il préside l’organisation de jeunesse, ndlr.) La vidéo le montre sortant d’un 4x4 Hummer de 3 tonnes, son «Sexy-Mobile». Une blonde en mini-short noir se vautre sur le capot. La caméra zoome sur les seins d’une candidate, des jeunes femmes sourient. Et c’est tout pour le message électoral. Puis on verra encore Sebastian Kurz distribuer des préservatifs. Quelques mois plus tard, à la surprise générale, Sebastian Kurz est nommé secrétaire d’Etat à l’Intégration. «C’est du foutage de gueule», écrivent alors les journaux.

L’âge, pas un handicap. C’était il y a plus de deux ans et demi. Depuis le 16 décembre dernier, Sebastian Kurz est ministre autrichien des Affaires étrangères. Il dirige 1200 collaborateurs et gagne plus de 16 000 euros par mois. Il est censé décider de questions telles que les intrusions de la NSA, la conduite à adopter en Syrie et l’éventuelle adhésion de la Turquie à l’UE. Il n’a aucune expérience diplomatique et n’a jamais dirigé un ministère. Il a 27 ans.

Sebastian Kurz reçoit au premier étage du ministère. «Monsieur le ministre…» dit le photographe. «Sebastian, ça ira très bien», coupe le jeune homme qui passe pour courtois et modeste. Il a fait son premier voyage officiel en Croatie à bord d’Austrian Airlines, en classe économique, et habite toujours son petit appartement d’un quartier ouvrier de Vienne.

Le ministre Kurz raconte que, récemment, Ban Ki-moon l’a appelé; qu’il a aussi eu un entretien avec le ministre des Affaires étrangères israélien Avigdor Lieberman; qu’il entend rencontrer le secrétaire général de l’ONU lors de la conférence de l’OSCE; qu’il verra ensuite son homologue allemand Frank-Walter Steinmeier à Berlin, qui assure que «l’âge n’est pas un handicap. Je crois que dans le cercle des ministres européens, il est bon d’avoir un regard plus jeune.»
«Il faut être réaliste, admet Sebastian Kurz. L’Autriche n’est pas une grande puissance.» Et la fonction? «Un immense défi.» Il a l’intention d’écouter ceux qui, dans son ministère, en savent plus que lui.

Ces erreurs à corriger. Même ses contempteurs le décrivent comme doué et désireux d’apprendre. Le fait est qu’après la vidéo de la «Sexy-Mobile», il ne s’est plus autorisé d’erreur. Secrétaire d’Etat à l’Intégration, il a soutenu les enfants et les jeunes, renforcé l’aide à l’apprentissage de la langue pour la petite enfance et appuyé le regroupement familial.

Il a soigneusement contourné les questions épineuses de l’asile mais a obtenu ce que l’on n’aurait guère cru possible en Autriche avant lui: un débat concret sur l’immigration. Si, au début, sa cote était misérable, il est désormais un des politiciens les plus populaires du pays. C’est peut-être précisément pour ses talents de touche-à-tout que Michael Spindelegger, leader de l’ÖVP et vice-chancelier, l’a proposé à ce poste. Car la grande coalition qui préside aux destinées de l’Autriche sort des plus mauvais résultats électoraux de l’histoire. Elle a besoin de succès, de popularité.

La politique étrangère de ces dernières années passait pour inexistante. La délégation autrichienne avait même réussi à arriver un jour en retard aux obsèques de Nelson Mandela. Et Vienne avait accueilli avec les honneurs militaires le contesté président ukrainien Viktor Ianoukovitch le jour même où Kiev rejetait l’accord d’association avec l’Union européenne.
Sebastian Kurz s’efforce désormais de corriger les erreurs.

© Der Spiegel
Traduction et adaptation Gian Pozzy

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Pierre Moscovici: Ce ne sont pas que des mots

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Jeudi, 30 Janvier, 2014 - 05:57

France.Le ministre français de l’Economie et des Finances s’explique sur les réformes économiques annoncées par le président François Hollande, témoigne de son amitié pour son homologue allemand Wolfgang Schäuble et juge injustes les critiques adressées à son pays.

Propos recueillis par Britta Sandberg ET Mathieu von Rohr

Ce jour-là, Pierre Moscovici, 56 ans, revient d’un entretien avec François Hollande portant sur les mesures de réforme et s’apprête à partir pour le Forum économique mondial de Davos. Le ministre passait jusqu’ici pour un réformateur incapable de faire valoir ses idées. Mais depuis la conférence de presse très remarquée du président le 14 janvier, où il a annoncé son intention de réduire les dépenses et les coûts salariaux indirects, c’est Pierre Moscovici qui fait figure de vainqueur.

Monsieur le ministre, expliquez-nous la différence entre un socialiste et un social-démocrate.
Un social-démocrate accepte de vraies réformes. Il parie sur le dialogue social et les compromis. Mais il fait quand même partie de la famille socialiste parce qu’il vise l’égalité et la justice.

Dans son programme de réformes, François Hollande s’est décrit pour la première fois comme social-démocrate, ce qui a été perçu comme une sorte de coming out. Pourquoi cela suscite-t-il tant d’intérêt?
Tout pays entend préserver ses traditions, son identité. Si, en Allemagne, un ministre du SPD se disait tout à coup socialiste, ce serait un peu comme s’il revenait sur le programme historique de Bad Godesberg (ndlr: le programme adopté au congrès de Bad Godesberg a servi de bible au SPD jusqu’en 1989, excluant notamment les idées d’inspiration marxiste et reconnaissant l’économie de marché. Pour l’essentiel, il sous-tend toujours la politique du SPD). En France, nous avons une tradition socialiste. Et si nous nous revendiquons maintenant de la social-démocratie, c’est que nous reconnaissons l’importance des réformes et du partenariat social. Ce ne sont pas que des mots, c’est une détermination politique et idéologique.

Vous vous êtes toujours décrit comme social-démocrate. Avez-vous retourné le président?
Je connais François Hollande depuis trente ans, quand nous enseignions l’économie à Sciences-po. Il a toujours été un réformateur, un Européen et un social-démocrate. Mais, c’est vrai, il est utile de désigner les choses par leur nom. Il l’a fait, il est fidèle à ses convictions.

Est-ce à dire que la France devient un peu plus allemande? Et l’Allemagne, avec sa grande coalition, un peu plus française?
Il n’y a pas de modèle allemand pour la France ni de modèle français pour l’Allemagne. Mais nous pouvons nous inspirer mutuellement sur bien des sujets. Nous avons par exemple un besoin urgent de réformes structurelles. L’Allemagne, de son côté, devrait stimuler sa demande intérieure.

La grande coalition entend le faire par le biais du salaire minimum.
Nous pouvons nous faire des propositions réciproques sans nous forcer à quoi que ce soit. Il est utile que nous nous voyions régulièrement pour dialoguer. Je reçois ces jours (ndlr: lundi 27 janvier) le ministre allemand des Finances Wolfgang Schäuble et, pour la première fois, son collègue à l’Economie Sigmar Gabriel pour le Conseil économique et financier franco-allemand. Et je pense que Gabriel aura dans sa fonction plus de poids que son prédécesseur Philipp Rösler.

Il y a eu des divergences entre Angela Merkel et François Hollande. Quels sont vos rapports avec Wolfgang Schäuble?
Je le vois peut-être plus souvent que la plupart de mes collègues du gouvernement. Je suis vraiment lié d’amitié avec lui, bien qu’il dise qu’en tant que Français il ne voterait pas pour mon parti. Et c’est pareil pour moi. Nous nous comprenons parce que nous partageons les mêmes convictions européennes. Il m’a soutenu quand, à Bruxelles, j’ai demandé un délai pour mettre de l’ordre dans notre déficit.

La confiance a régné dès le début?
Entre Schäuble et moi, le déclic a été immédiat. Lors de ma première visite à Berlin, nous avons eu un tête-à-tête de trois quarts d’heure. Je lui ai dit: primo, il nous faut un fil direct; secundo, ce nouveau gouvernement français est européen et veut des réformes. Nous avons échangé nos numéros de mobile et nous nous sommes tutoyés.

Après des débuts difficiles, va-t-on vers des rapports plus cléments entre la France et l’Allemagne?
Oui et non. Nous nous sommes toujours bien entendus mais cela pourrait aller encore mieux. Peut-être pourrons-nous réaliser davantage avec le nouveau gouvernement allemand maintenant que la zone euro est stabilisée. Il nous faut réfléchir à la manière de renforcer la croissance européenne et de concrétiser le compromis franco-allemand de décembre sur l’union bancaire.

Le président du Parlement européen, Martin Schulz, veut laisser échouer l’union bancaire car elle est inaboutie.
Nous avons un accord des ministres européens des Finances qui a été négocié point par point. Il est possible de l’améliorer au gré du Parlement, du Conseil et de la Commission, mais le Parlement doit savoir qu’il ne peut tout simplement envoyer valser un tel accord. Il peut être adapté mais doit être mis en œuvre.

Pendant la crise de l’euro, on a beaucoup taxé l’Allemagne d’égoïsme, y compris en France.
Il y a, en Allemagne, des soucis que je peux comprendre. Je n’appelle pas cela de l’égoïsme. Je comprends que les Allemands veuillent protéger leurs finances publiques et les avoirs de leurs citoyens. Mais ils doivent reconnaître que des instruments de mutualisation courageux sont aussi dans leur intérêt. Car plus les partenaires seront forts, plus l’Allemagne sera forte.

Vous vous défendez comme un lion contre les critiques venues de l’étranger, vous les jugez injustes.
Je ne suis pas un «Monsieur Tout-va-Bien», je connais les problèmes de notre économie. Mais elle reste forte, nous sommes toujours la cinquième économie mondiale. Je me défends quand on nous décrit comme un pays en déclin, une nation paralysée qui ne se réforme pas.

Pourquoi les réformes de François Hollande et le changement de cap ne viennent-ils que maintenant?
Mais il n’y a pas de changement de cap! Nous poursuivons notre politique. Simplement, nous le faisons désormais de façon plus rapide et plus résolue.

Si ce n’est pas un tournant, pourquoi l’opposition applaudit-elle, pourquoi des gens de gauche vous reprochent-ils une politique de droite. Le Prix Nobel d’économie Paul Krugman pense qu’avec vos réductions budgétaires vous êtes sortis du droit chemin.
Paul Krugman nous a longtemps soutenus et je crois qu’il continuera de reconnaître nos efforts à l’avenir. A droite, où on aimerait souvent nous voir échouer, nous sommes toujours critiqués. Mais d’autres, à l’instar des anciens premiers ministres Alain Juppé et Jean-Pierre Raffarin, voient que nous agissons dans l’intérêt du pays.

A mi-2012, vous avez dit vous-même vouloir réduire les coûts salariaux indirects. Mais François Hollande n’avait pas réagi.
En politique, il y a des moments où l’on peut ou non concrétiser des projets. Il est facile de demander aujourd’hui pourquoi telle chose n’a pas été réalisée en 2012, ou par nos prédécesseurs en 2010 ou 2005. Nous avons perdu de la compétitivité depuis dix ans. Pour compenser cette perte, nous devons désormais agir.

Quelles mesures concrètes suivront les annonces?
D’abord, nous économisons de manière résolue sur les dépenses publiques. En cinq ans, nous épargnerons 75 milliards d’euros et nous diminuerons la part des dépenses de l’Etat au PIB des 57% actuels à 53%. Ensuite, nous réduisons les coûts salariaux indirects pour les entreprises plus fortement que jamais auparavant. Troisièmement, nous réformons la fiscalité des entreprises afin de créer des emplois et de favoriser l’investissement. Pour finir, nous supprimons une quantité de dispositions qui compliquent la vie des entreprises.

Craignez-vous ces manifestations de masse dont les Français sont coutumiers?
On sous-estime souvent à quel point les Français sont conscients que des changements sont nécessaires. Tout dépend de la façon de s’y prendre: nous avons par exemple réalisé une réforme des retraites et il n’y a presque pas eu de protestations.

Notamment parce que bien des experts jugent votre réforme des retraites maigrichonne.
Ce n’est pas vrai! Ces vingt derniers mois, nous avons engagé plus de réformes que nos prédécesseurs. Sur le marché du travail, notamment, et sur la formation. Les syndicats et les employeurs les ont approuvées, ce qui est nouveau en France.

Votre programme de réformes ne risque-t-il pas d’apporter des voix au Front national aux élections européennes, vu qu’elles renforcent l’impression que tout est de la faute de l’Europe?
Je connais les gens qui votent pour le Front national. Pourquoi le font-ils? Parce que leur peur est que notre pays régresse, que notre industrie automobile tombe en ruine, que les emplois s’évaporent. Remettre l’économie en ordre de marche est notre meilleure réponse à ce parti.

© Der Spiegel
Traduction et adaptation GianPozzy


RELATIONS
Suisse-France: les sujets qui fâchent

Pierre Moscovici est attendu le 6 mars à Berne par la conseillère fédérale Eveline Widmer-Schlumpf. Une dizaine de dossiers font partie du contentieux, dont un au moins a créé un véritable tumulte au sein de l’opinion publique et du Parlement: la nouvelle convention de double imposition en matière de successions. Ce texte prévoit que les héritiers domiciliés en France d’un résident suisse soient taxés par la France sur l’ensemble de la succession. Balayée en décembre par le Conseil national et au menu des Etats à la session de mars, la convention risque de sombrer. Si c’est le cas, la France résilierait l’accord de 1952. Ce qui créerait en matière de successions un vide juridique néfaste aux résidents suisses. Car, pour Pierre Moscovici, «c’est cet accord ou pas d’accord» (à noter que 180 000 Suisses sont domiciliés en France).

De l’acceptation ou du rejet de cette convention litigieuse dépendent d’autres dossiers chauds, parmi lesquels l’échange automatique d’informations en matière fiscale, les forfaits fiscaux dont bénéficient en Suisse les riches Français s’ils n’y exercent pas d’activité lucrative et le régime fiscal de l’aéroport de Bâle-Mulhouse. Sans parler du serpent de mer de l’imposition des frontaliers.


Pierre Moscovici
Né en 1957 à Paris, diplômé en sciences économiques, en philosophie, en études politiques et de l’ENA, Pierre Moscovici a été ministre des Affaires européennes sous le gouvernement Lionel Jospin de 1997 à 2002 et député du Doubs. Directeur de campagne de François Hollande lors de la campagne présidentielle de 2012, il est devenu ministre de l’Economie et des Finances. Il partage depuis six ans la vie de Marie-Charline Pacquot, une jeune doctorante en philosophie de trente ans sa cadette.

 

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Charles Platiau / Reuters
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La conversion des Romands

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Jeudi, 30 Janvier, 2014 - 05:58

Transports publics.Comme les Alémaniques, les Suisses romands ont fini par plébisciter les transports publics lorsque l’offre répond à leurs attentes. Le point avant la votation.

Les Romands méritent-ils leur réputation d’inconditionnels partisans de la sacro-sainte bagnole? Non! C’est en tout cas de moins en moins le cas, ainsi que le révèle l’enquête de L’Hebdo sur l’évolution des parts modales de trafic en 1970 et 2010, cela en marge de la votation du 9 février sur l’avenir du rail en Suisse (voir encadré). Tous les cantons romands affichent une progression des transports publics. Mieux: les résidents genevois se révèlent désormais plus écolos que les Zurichois!

C’est incontestablement un point de bascule. La dernière décennie a marqué une inversion de tendance en matière de transports en Suisse romande. Tous les cantons – à l’exception de Fribourg – notent un effritement de la part modale des véhicules privés au profit des transports publics. Le phénomène est particulièrement marqué dans l’arc lémanique, qui connaît un impressionnant boom économique et démographique. «Le bassin lémanique est le champion du transfert modal», résume Pierre Dessemontet, géographe et patron de MicroGIS, une entreprise spécialisée dans la cartographie politique.

Mais Vaud et Genève ne sont pas seuls à observer ce phénomène. D’autres cantons, dont les réseaux RER sont encore parfois embryonnaires, notent le même changement d’habitudes. Le dernier en date à s’en féliciter est le délégué à la mobilité de l’Etat du Valais, Pascal Bovey: la ligne Brigue-Monthey, sur laquelle les trains circulent pour l’instant à la cadence demi-heure aux seules heures de pointe, affiche une hausse de passagers de 25%. «C’est un succès. En un an, nous avons déjà atteint les objectifs fixés pour fin 2015.»

Culte de la voiture. Ce renversement de tendance marque aussi la fin d’une «légende urbaine», selon le terme employé par le conseiller aux Etats genevois Robert Cramer. Celle qui veut que les Romands vouent un culte irrationnel à leur voiture, contrairement aux Alémaniques qui la laissent depuis longtemps au garage. Comme si c’était une question quasi génétique.

Ce n’est plus le cas. Dès qu’ils disposent d’infrastructures performantes en matière de transports publics, les Romands aussi les plébiscitent. L’analyse de l’évolution des transferts modaux révèle même une grosse surprise: malgré tous les remous qui ont secoué la République sur la question des transports, Genève est désormais aussi bon élève que Zurich, selon les chiffres de l’Office fédéral de la statistique (OFS), qui ne tiennent pas compte du trafic transfrontalier.

Fruits du volontarisme.«Mais ce n’est pas un miracle, tient à préciser David Favre, secrétaire général adjoint au Département de l’environnement, des transports et de l’agriculture (DETA). En fait, Genève ne fait que récolter les fruits d’une politique très volontariste depuis l’arrivée au Conseil d’Etat du Vert Robert Cramer en 1997. Enterré – ou presque – trente ans plus tôt,
le réseau de trams renaît de ses cendres. Ces douze dernières années, les TPG ont doublé leur offre, ce qui a engendré une hausse des passagers de 86%.»

Effet m2. Dans le canton de Vaud également, la progression des transports publics est spectaculaire, même si leur part modale est encore loin d’atteindre la part des véhicules privés. Ici aussi, «c’est l’amélioration de l’offre qui a entraîné le changement de comportement des gens», relève la conseillère d’Etat Nuria Gorrite, cheffe du Département des infrastructures.

La mise en service du premier métro de Suisse – le m2 – à Lausanne et l’amélioration du RER vaudois font un tabac. De 2000 à 2010, la part des détenteurs d’un abonnement de transports publics a grimpé de 31 à 46% dans la population des plus de 16 ans, ce qui a permis de soulager le trafic, notamment à Lausanne. «Nous avons noté une baisse du trafic de 13% dans toute la ville, et même de 30% dans certains quartiers proches de la ligne du m2», se réjouit le conseiller municipal et directeur des travaux Olivier Français.

Mais l’amélioration de l’offre n’explique pas tout. «Les deux tiers de la hausse de la part modale des transports publics sont dus au changement des générations», souligne encore Pierre Dessemontet. Un autre bouleversement se dessine: les jeunes qui arrivent sur le marché du travail ne glorifient plus la voiture. Ce sont eux qui prennent un abonnement de transports publics, alors que ceux qui quittent la vie active, les retraités, n’en avaient pas.

Qu’il paraît loin, le temps où un jeune citoyen n’ayant pas son permis de conduire dans les mois suivant sa majorité était raillé par ses copains, comme si ce statut de «jeune adulte non conducteur» tenait du handicap. Les mentalités ont bien évolué. Dans le canton de Vaud, seuls 57% des jeunes de 18 à 25 ans sont titulaires du permis, contre 89% dans la génération des 45 à 64 ans.

«Dès l’école, la jeune génération d’aujourd’hui est biberonnée aux transports publics. Son système de valeurs englobe l’écologie, le développement durable et la lutte contre le réchauffement climatique», explique Pierre Dessemontet.

Cela dit, le spectaculaire changement d’image des divers modes de transport ne touche pas que les jeunes générations, ainsi que l’a montré une étude de l’EPFL et de l’Université de Genève. Dans les années 90, les gens jugeaient les transports publics «vieillots et lents», alors que la voiture était encore synonyme de rapidité, de flexibilité et de liberté. Aujourd’hui, c’est presque le contraire: ils perçoivent les transports publics de manière beaucoup plus positive, tandis que l’image de la voiture – devenue polluante et chère – n’a cessé de se dégrader dans les esprits.

Vingt ans de retard. Si les Romands se convertissent lentement aux transports publics, il n’empêche qu’ils sont loin d’atteindre la qualité de l’offre des grandes agglomérations alémaniques. Selon les spécialistes interrogés, les Romands accusent vingt, voire trente ans de retard dans la planification de l’offre régionale. Une question de rapport du citoyen à l’Etat selon les uns, un manque de vision selon les autres. En Suisse alémanique, Zurich a pris son destin en main en préfinançant son réseau RER dès 1982, alors que les Romands se sont contentés d’attendre que des crédits soient débloqués à Berne.

Aujourd’hui, les cantons romands ont donc de gros besoins à combler. D’où l’importance de la votation du 9 février prochain sur le financement et l’aménagement de l’infrastructure ferroviaire (FAIF, voir encadré). Un enjeu capital pour l’arc lémanique, mais aussi pour toute la Suisse à l’heure où elle doit s’imaginer compter 10 millions d’habitants à l’horizon 2030.


FINANCEMENT
Vote historique pour le rail

C’est une étape cruciale pour le développement du rail que la votation du 9 février prochain sur le financement et l’aménagement de l’infrastructure ferroviaire (FAIF). Il est prévu de créer un fonds spécifique au rail et la réalisation de projets pour 6,4 milliards de francs, dont la Suisse romande profitera largement à raison d’environ 3 milliards: notamment 790 millions pour la rénovation de la gare de Genève, 330 millions pour l’extension des capacités sur le tronçon Genève-Lausanne, 300 millions pour la ligne Lausanne-Berne et 390 millions pour le doublement de la ligne du pied du Jura à Gléresse, au bord du lac de Bienne.

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Laurent Gillieron /Keystone
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les gestes ™ des sportifs

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Jeudi, 30 Janvier, 2014 - 05:59

Trademark. A chaque sportif d’exception, un rituel identificatoire, spectaculaire, compulsif, superstitieux, parfait pour les objectifs et le moral. Stanislas Wawrinka, avec son index pointé vers sa nouvelle force mentale, est en train de s’en inventer un. Petit rappel d’autres gestes si célèbres qu’ils en deviennent parfois des logos, transformant la marque de victoire en marque de fabrique.

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Tourisme: haute tension sous la paroi nord de l'Eiger

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Jeudi, 30 Janvier, 2014 - 06:00

Grindelwald.Le groupe du chemin de fer de la Jungfrau veut investir 200 millions dans un mégaprojet de télécabines et planter sept gigantesques pylônes au pied de l’Eiger. Un dilemme déchirant pour la population prise entre promesses d’emplois, croissance et souci de préserver la montagne.

Ils ne savent pas, tout là-haut sur la montagne, à 3454 mètres d’altitude, ce qui se trame au fond de la vallée. Devant la blancheur scintillante du glacier d’Aletsch qui l’éblouit, le beau Milanais serre sa compagne sur son cœur: «Che meraviglia, cavolo!» De l’autre côté du Jung­fraujoch, un Chinois contemple le Mönch, la glace éternelle accrochée à ses flancs, puis son regard se porte sur la Jungfrau, glisse plus bas vers le lac de Thoune, la mer de brouillard avec à l’horizon les plis du Jura qui émergent comme des îles. Il se tourne de notre côté. Vous êtes d’ici? «What a wonderful country!»

Non, ils ne savent pas, les Milanais, les Chinois, les Coréens, les Japonais, les Australiens ou les Indiens rencontrés ce jour-là. Ils ne savent pas que l’or blanc des cimes mythiques de l’Oberland bernois trouble ses habitants, qu’il les divise et les déchire. Parce que oui, il est question d’or, ou plutôt d’argent, par ses vallées et ses monts qui du tourisme vivent presque exclusivement.

Le groupe du chemin de fer de la Jungfrau affiche pourtant une santé pétulante. Début janvier, il annonçait qu’il avait de nouveau transporté plus de 800 000 passagers durant l’année au Jungfraujoch, la plus haute gare d’Europe, qui fêtait son centenaire en 2012. Une activité lucrative, un aller-retour en 2e classe entre la gare d’Interlaken-Est et le sommet coûtant 198 francs. Une société fortement bénéficiaire, notamment grâce à une stratégie marketing appuyée en Asie. Et une fréquentation touristique plus forte en été qu’en hiver. Mais pas question de bivouaquer en pleine ascension.

De ses bureaux d’Interlaken, juste à côté du palace Victoria-Jungfrau, le CEO Urs Kessler, cheveu dressé dru mais poignée de main chaleureuse, vise plus haut, soit le million de passagers d’ici à 2020. Et prévoit d’investir 200 millions dans un grand projet de remontées mécaniques baptisé V-Bahn (voir encadré ci-dessus). Facile, avec 421 millions de fonds propres, 80% du bilan. De quoi rendre les actions du groupe plus alléchantes. Comme tous les promoteurs du projet, le CEO répète qu’une seule question se pose: «Notre région veut-elle continuer à jouer en ligue A?» Si oui, il s’agit d’amener davantage de touristes d’un jour et de skieurs, plus vite et plus confortablement sur les pistes, respectivement sur le Jungfraujoch.

Et comme la télécabine Grindelwald-Männlichen doit renouveler sa concession en 2016, le moment est venu d’un grand chambardement. Tout le monde vous le dira dans la région, la société du Männlichen péclote, comme ses cabines rouges et poussives qui tombent en panne à tout bout de champ. Le 30 décembre par exemple: alors que les skieurs affluaient avec le soleil, tous ont dû se rabattre sur le train à crémaillère qui monte à la Petite Scheidegg, souvent debout tant les wagons étaient bondés. On y a vu des enfants pleurer, un vieux monsieur s’évanouir.

Le chantage du tout ou rien. Le groupe de la Jungfrau – qui détient 28% des actions – va donc voler au secours du Männ­lichenbahn et l’aider à financer les 40 millions nécessaires à une installation plus performante. Mais, parce qu’il y a un mais, le groupe accomplira ce geste seulement s’il peut réaliser l’ensemble du projet V-Bahn.

Cette politique du tout ou rien trouble bien des gens à Grindelwald. Dans le village aux centaines de petits chalets éparpillés, les personnes approchées lancent toujours un regard soucieux sur la paroi nord de l’Eiger avant de donner leur avis: «Difficile d’imaginer des pylônes jusqu’à 60 mètres de haut plantés là», soupire la femme d’un ancien employé du Jungfraubahn, sceptique aussi par rapport au parking couvert, alors que «la route qui mène à Interlaken bouchonne déjà tous les week-ends de haute saison».

Le dilemme est cruel parmi les citoyens. Leur cœur leur dit plutôt non. Et leur raison? Elle balance. Entre un oui pour des installations hypermodernes qui feraient probablement le buzz de par le monde, un coup de marketing, une accélération dans l’air du temps. Et un non dicté par la crainte non seulement d’abîmer leur paysage mais aussi de voir le petit train à crémaillère, tout charmant qu’il soit, tomber en désuétude car lent, cher en personnel et en entretien.

Le trafic et surtout les atteintes à la nature préoccupent aussi les organisations de protection de l’environnement. Dans la procédure de participation qui s’est achevée à la fin de l’année, aucune organisation ne s’oppose au renouvellement de la télécabine du Männlichen (la branche droite du V), mais les critiques pleuvent sur l’Eiger-Express. Le Club alpin suisse recommande une ligne alternative qui évite de gêner la vue sur l’Eiger.

L’Association transports et environnement (ATE) critique l’augmentation des places de parc (+42,8%), estimant qu’il serait autrement urgent d’ouvrir un parc & ride avant l’entrée dans la vallée. Pro Natura et la Fondation suisse pour la protection et l’aménagement du paysage (FP) souhaitent que le complexe, en raison de sa proximité immédiate avec le site Jungfrau-Aletsch, patrimoine mondial de l’UNESCO, soit soumis à l’expertise de la Commission fédérale pour la protection de la nature et du paysage. Les organisations proposent un redimensionnement: la deuxième télécabine ne grimperait pas jusqu’au glacier de l’Eiger mais amènerait les skieurs dans ledit «jardin de l’Arven» où trois télésièges les attendent déjà.

Seulement voilà, avec un tel tracé, les touristes venus d’Asie et d’ailleurs pour monter au Joch continueraient d’emprunter le train jusqu’à la gare Petite Scheidegg. Or, les promoteurs du V-Bahn veulent précisément emmener ces touristes-là plus vite en haut.

Les maîtres des cimes. Il y a autre chose encore. Une impression de ne pas vraiment pouvoir dire non. Surtout pas ouvertement. Le groupe du Jungfraubahn règne en maître sur la région où il occupe 678 personnes dont plus de 500 à plein temps avec ses six filiales, trains à crémaillère, télésièges ou parking couvert de Lauterbrunnen. Une entreprise saine qui ne touche pas un centime de subvention, nous précise-t-on aussi bien dans la commune qu’auprès des administrations fédérale et cantonale.

Pour ne rien gâcher, la holding dispose d’un réseau et d’appuis exceptionnels, bien au-delà d’Interlaken. Les Forces motrices bernoises et la Banque cantonale de Berne détiennent respectivement 10,3% et 14,3% du capital et siègent au conseil d’administration présidé par le professeur Thomas Bieger qui n’est autre que le recteur de l’Université de Saint-Gall. A Berne, le gouvernement cantonal qui devra accorder les permis de construire semble séduit. La conseillère d’Etat socialiste Barbara Egger, chargée de l’aménagement du territoire (et qui siège au conseil d’administration des Forces motrices bernoises), «est, en principe, favorable au projet», nous fait-elle savoir via son porte-parole.

«Oui, notre groupe est dominant, admet son CEO Urs Kessler. Nous veillons donc à ne pas jouer les arrogants.» Comme ce soir à Grindelwald. Promoteurs du V-Bahn et représentants de l’exécutif informent la population en chemise ou en pull. Look relax sur le podium, micro en oreillette, ils font défiler présentations PowerPoint et images de synthèse. Dans la salle noire de monde, 500 personnes écoutent attentivement. Urs Kessler dit qu’il faut agir contre le chaos qui règne certains jours d’affluence à la gare de la Petite Scheidegg. Il égrène les promesses: création de douze emplois supplémentaires, nouveaux trains, wagons-panorama côté Wengen, navettes plus fréquentes entre Lauterbrunnen et Wengen.

Critiques mal vues. Au moment des questions, beaucoup d’appels enthousiastes, à commencer par le directeur de Grindelwald Tourisme Bruno Hauswirth (ancien collaborateur du service Evénements au Jungfraubahn) qui souligne la chance d’avoir des investisseurs qu’on connaît. Un citoyen renchérit: «Oui, des gens de chez nous, pas des Arabes ou des Russes.» D’autres intervenants insistent sur les perspectives d’avenir et de travail pour les générations à venir. D’autant qu’avec l’initiative Weber, il est devenu difficile de construire à Grindelwald qui compte déjà 54% de résidences secondaires.

Ici, presque chacun a un parent qui travaille pour l’une des sociétés du groupe. Le frère du maire, par exemple, numéro deux de la holding, nous affirme en substance qu’il faut avancer pour ne pas reculer. La concurrence ne dort pas. Tout le monde cite Zermatt, Andermatt, Adelboden, les stations autrichiennes. Ou encore les pionniers qui construisirent ici le plus haut train d’Europe.

Deux hommes osent pourtant s’opposer, des hommes connus comme des loups blancs. D’abord Adi Bohren. Président d’une association défavorable à la construction démesurée, il se bat aussi depuis des années contre les résidences secondaires et il a milité pour l’initiative Weber. Avec un certain succès puisque le oui a obtenu 42% des voix dans le village. Pas une surprise pour Adi Bohren: la population locale peine à acheter des appartements dans le village. Trop cher.

Patron d’un bar sur les pistes de First, il parle aux touristes qui ne veulent pas de gigantisme ici. Son opposition à l’Eiger-Express aura du poids car la station ferroviaire, qui doit permettre aux passagers de rejoindre les télécabines à pied, se situe sur un terrain agricole appartenant à sa famille. Pas question de le céder. Il faudra l’exproprier, ce que la loi sur les installations à câbles permet mais que les autorités communales souhaitent éviter.

Le goût des autres. L’autre rebelle qui osera critiquer le projet ce soir-là, ses impacts sur la nature et sa logique de croissance est bien connu lui aussi, comme toute sa famille d’ailleurs: Christian von Almen. Il gère les chutes du Trümmelbach, dans la vallée voisine de Lauterbrunnen qui appartient aussi à ses deux frères, Urs et Andreas. Comme l’hôtel Wengernalp, juste en face de la Jungfrau.

Andreas, lui, est encore propriétaire du Bellevue des Alpes qui surplombe la gare de la Petite Scheidegg. Les positions des von Almen en agacent certains. Alors on médit: «Vous avez vu leurs cheveux longs?» nous souffle-t-on. Des gens qui soignent leurs différences, dont le nom ne comporterait qu’un «L» pour mieux se distinguer des autres von Allmen. Et cette façon de gérer leurs hôtels, «dépassée!», commente un membre de l’exécutif de Grindelwald.

Sur la véranda de l’hôtel que sa famille tient depuis sa création en 1840, Andreas von Almen a un petit sourire: «Nous n’avons jamais changé notre nom mais, à l’école déjà, on nous allumait à ce propos.» Aucune trace de snobisme dans leur nom pourtant, qui vient du Lötschental et s’est toujours écrit avec un seul «L».

Démodé, son hôtel? «Nous avons choisi de positionner notre établissement clairement comme hôtel historique.» Pas de télévision, mais d’anciens et profonds sofas qui invitent à la lecture ou à la conversation. Quand les derniers trains quittent la Petite Scheidegg, l’ambiance est magique dans cet établissement qui domine Grindelwald et fait face à la Jungfrau. «C’est ce qui plaît à nos clients fidèles qui passent souvent une semaine chez nous et y reviennent.» Comme ces quatre familles de Français qui ont fui l’industrie de stations telles que Courchevel ou Méribel. Autant dire que les von Almen sont convaincus que leur région doit cultiver son propre rythme en harmonie avec la nature. «Le train à crémaillère est une attraction et il le sera toujours davantage», estime l’hôtelier qui privilégie la classe plutôt que la masse.

La bataille démocratique. Dans l’immédiat, le combat prioritaire des critiques touche à la démocratie: il s’agit de permettre aux citoyens de Grindelwald de voter au sujet du projet V-Bahn. Jusqu’ici, ce n’est pas prévu. Le maire Emanuel Schläppi l’explique: pour les questions de planification, le règlement de la commune prévoit seulement une assemblée. Mais les opposants oseront-ils lever la main devant tout le monde, surtout s’ils sont employés du Jungfraubahn? «Si 25% de l’assemblée le souhaitent, nous pourrons mener un vote secret.»

Quant au crédit, Grindelwald prévoit une votation dans le secret des urnes si la somme dépasse 2 millions. Or, devinez le montant du crédit dans la première mouture du V-Bahn? 1,95 million. Une assemblée communale suffira de nouveau. «C’est la loi. Mais comme plusieurs citoyens ont demandé un passage par les urnes, le préfet va trancher», précise le maire. Sa décision est attendue dans le courant du mois de février. Les autorités craindraient-elles la volonté populaire?

Dans la nuit de Grindelwald, les habitants ont gagné qui les bistrots qui leur foyer pour y finir la soirée. Sur le trottoir détrempé restent deux hommes, debout et qui se parlent: Urs Kessler et Christian von Almen. Deux hommes de l’Oberland, deux visions du monde qui se heurtent: celle du vendeur qui prône la croissance, l’accélération et la construction pour affronter la compétition; celle du protecteur du patrimoine, qui chante l’éloge de la lenteur et du calme dans un monde qui s’emballe.

Au pied de l’Eiger règne une tension universelle.


Le V-Bahn Projekt et son Eiger-Express controversé

Le groupe Jungfraubahn veut investir 200 millions de francs dans ce grand projet en forme de V. D’un côté, la nouvelle télécabine à 8 places relierait Grindelwald-Grund au sommet du Männlichen en 19 minutes au lieu des 30 actuelles. Elle remplacerait les anciennes cabines à 4 places, dont la concession échoit en 2016, et doublerait les capacités à 1800 personnes par heure. Cette partie du projet, devisée à 40 millions, fait l’unanimité.

Il en va autrement de l’autre branche du V, l’Eiger-Express. Cette télécabine plantée sur 7 pylônes, dont le plus élevé mesurera 62 mètres, hissera ses 44 cabines de 28 places assises au bord du glacier de l’Eiger, y emportant 2400 touristes et skieurs par heure. Dans une station creusée en grande partie dans la roche, les visiteurs du Jung-fraujoch changeraient alors pour le train rouge à crémaillère sans passer par la gare de la Petite Scheidegg. Ils gagneraient 47 minutes entre Berne et le Jungfraujoch. Quant aux skieurs partant de Grindelwald-Grund, ils seraient sur les pistes en 15 minutes alors que le train met 24 minutes jusqu’à la Petite Scheidegg.

De plus, un nouvel arrêt du train à l’entrée de Grindelwald permettra aux touristes d’accéder à pied aux deux télécabines. Adjacent au gigantesque terminal qui abritera café, magasins et armoires pour les skis, un parking couvert de 1100 places.

Si la commune de Grindelwald donne son feu vert en août, le groupe espère recevoir les permis de construire en 2015 et terminer les travaux à la fin de 2016. Un agenda comme un défi vu les oppositions attendues. Ce V ne signifie pas encore victoire.

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Urs Flueeler / Keystone | Jungfrau Zeitung
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Ruben Sprich / Reuters
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Hebdo.ch » revue de blogs de la semaine

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Jeudi, 6 Février, 2014 - 05:45

Blogs» Politique»
L’avocat du diable

Un homme politique qui en a

Matteo Renzi, le secrétaire général du Parti démocratique italien, a rencontré Silvio Berlusconi.
Charles Poncet

Matteo Renzi, maire de Florence – surnommé «il rottamatore» (celui qui envoie à la casse) – est le nouveau secrétaire général du Parti démocratique italien (PD). Avec vingt ans de retard sur le reste de l’Europe – mais quelques années d’avance sur la France… – la gauche italienne a, grâce à lui, mis au rancart les dinosaures staliniens (le glauque Pierluigi Bersani), les communistes doctrinaires (la lugubre Rosy Bindi), les trotskistes déguisés en sociaux-démocrates (le trouble Massimo D’Alema) et quelques autres vieux crabes, bons pour la maison de retraite ou les poubelles de l’histoire. L’Italie, dont l’économie agonise, a besoin d’un gouvernement fort, capable de faire des réformes libérales: droit du travail, impôts, charges sociales, bureaucratie, réduction des dépenses de l’Etat sont les chantiers les plus urgents. Elle a eu au moins un gouvernement solide par le passé, mais l’inconséquent Berlusconi n’a fait aucune réforme sérieuse durant les huit années de sa majorité. Pour assurer une stabilité gouvernementale, il faut deux choses: le bipolarisme et une loi électorale dégageant des majorités claires. Autrement dit, un système qui se rapproche de celui du Royaume-Uni, de la France ou de l’Espagne. Ces deux exigences font sur les petits partis (les déchets de la défunte – heureusement… – démocratie chrétienne, «conduits» par l’incohérent Pier Ferdinando Casini, les technocrates ennuyeux, bien intentionnés mais nuls politiquement, autour de Monti et autres micromouvements), ainsi que sur l’extrême gauche de l’énergique et intelligent Nicola «Nichi» ou «Niki» Vendola (à côté duquel Mélanchon est bon pour le théâtre de Guignol) l’effet d’un jeu de photographies pornographiques sur des évêques intégristes: hurlements, indignation et levée de boucliers immédiate, les gardiens de la foi s’étranglant de rage, le poing tendu et le visage écarlate… Il Giornale est le quotidien le plus berlusconien de la Péninsule et le voici qui titre «Renzi ha le palle» (littéralement «Renzi en a») et, en effet, le leader de la gauche modérée vient de montrer un courage et une clairvoyance exceptionnels. Pour faire passer la réforme électorale, il s’est entendu avec le diable: ignorant les couinements de sa gauche, les meuglements de la moitié de son parti, les jérémiades de la gauche caviar italienne, les vaticinations du Corriere della Sera, il a invité Berlusconi au siège du PD pour négocier un accord sur la réforme électorale. Le Cavaliere a accepté. Renzi l’a reçu courtoisement – Berlusconi est théoriquement un condamné de droit commun expulsé du Sénat il y a quelques semaines, ne l’oublions pas – et ils se sont mis d’accord sur les axes essentiels de la future loi. Les lombrics de toutes sortes qui, à gauche, à droite et au centre, comptaient sur le temps pour faire dérailler la réforme et continuer à se remplir les poches au détriment de la République risquent bien d’en être pour leurs frais. L’axe Renzi-Berlusconi rend presque certain – en tout cas plus probable que jamais – qu’une réforme sur laquelle la classe politique a babillé vainement depuis vingt ans sera enfin réalisée dans les semaines qui viennent. S’il y parvient, le jeune loup capable de tendre la main au vieux lion aura mérité sa place dans l’histoire italienne.


Blogs» Economie»
Post-scriptum

Permis de séjour en solde!

Avec de l’argent, tout est possible, y compris s’offrir un passeport ou un permis de séjour.
Michael Wyler

Mais quelle idée de traverser le continent africain à pied, de braver plein de dangers, de risquer sa peau en permanence, de donner tout ce qu’on possède à un passeur, qui vous laissera vous noyer avant d’arriver à Lampedusa, alors qu’il suffit de 780 000 francs pour s’acheter un passeport européen! Eh oui, c’est le prix demandé par le gouvernement de Malte pour accorder séance tenante la nationalité à qui en a les moyens (entendez Chinois et Russes de préférence). Qui peut les blâmer? La faible population de l’île (400 000 habitants) peine à absorber les quelque 15 000 illégaux arrivés ces dernières années et donc, il faut renflouer les caisses. Un peu moins généreux – mais moins cher – le Portugal accorde des permis de séjour à tout investisseur disposant d’au moins 600 000 francs et intéressé à placer ses pépètes dans l’immobilier. (…) Espagne et Grèce disposent de programmes similaires, tout comme Chypre, le «discounter» de l’Europe, dont les permis de séjour ne coûtent que 300 000 francs. Mais il n’y a pas que les pays du Sud pour vendre passeports et permis: la Grande-Bretagne facilite l’accès à un permis de résidence à tous ceux disposés à investir 1,5 million ou plus dans le pays. Quant aux Etats-Unis, c’est un grand «welcome», accompagné d’un permis de résidence pour celles et ceux qui y montent une entreprise et engagent quelques «locaux». (…)


Blogs» Politique»
Le futur, c’est tout de suite

Une nouvelle guerre de 14

Et si c’était en Asie qu’une troisième guerre mondiale voyait le jour?
Guy Sorman

Les Européens s’apprêtent à commémorer ce qui, avec le recul d’un siècle, ne fut en réalité qu’une guerre civile. Il est, aujourd’hui, à peu près impossible de démêler l’enchaînement diplomatique et militaire qui a conduit au massacre, de 1914 à 1918, entre des peuples qu’unissait une civilisation commune, et désunis par des querelles de bornage subalternes. (…) Un siècle est passé: nul n’envisage plus maintenant de conflits autres que locaux et sectaires, à l’instar des tueries présentes au Congo ou en Syrie. Ce regard contemporain qui me paraît trop optimiste suppose que la guerre par nature ne serait plus qu’une conséquence, fâcheuse et accidentelle, de la pauvreté de masse et de querelles tribales, ethniques, sectaires, appartenant à des temps révolus ou en cours d’extinction. A regret, cette vision confiante en la nature humaine tend à s’inverser dès que l’on regarde le monde depuis l’Orient, de Séoul, Pékin, Taipei ou Tokyo. Cet Orient-là, parce qu’il n’a pas traversé les mêmes épreuves que l’Occident, ou n’en a pas tiré les mêmes enseignements, reste ancré dans des préjugés culturels qui ont disparu de notre univers occidental. (…) En Asie, les notions de territoire, de frontières et de races sont aussi prégnantes dans l’imaginaire collectif qu’elles le furent en Europe au XIXe siècle. Coréens, Chinois, Japonais se perçoivent volontiers comme appartenant à des races distinctes, ils estiment que race et culture se confondent et qu’évidemment chacune est supérieure à sa voisine. A l’intérieur de la Chine, le sentiment populaire est qu’il existe entre les provinces des hiérarchies ethniques. (…) On observera aussi, comme en 1914 en Europe, que ni le développement économique, ni la mondialisation des échanges, ni la solidarité démocratique (l’Allemagne en 1914 était-elle vraiment moins démocratique que la France?) n’apparaissent comme des remparts suffisants pour résister aux passions nationalistes: la croissance ni la démocratie n’éteignent les passions! (…) On ne peut plus exclure que l’impérialisme chinois, désormais avoué et chaque jour mieux équipé, puisse déclencher, par dessein ou par quelque erreur de calcul, une réaction militaire en chaîne. (…) Seule dans la région, l’armée japonaise serait assez puissante pour dissuader la Chine et la Corée du Nord d’une aventure militaire. C’est ainsi. Il faut donc non pas s’alarmer mais accepter le réarmement du Japon parce qu’il peut nous protéger de la guerre de 2014. Ce retour du Japon en Asie ne sera tolérable en Occident comme en Asie qu’au terme d’un examen de conscience sur les crimes de guerre commis par l’Empire japonais dans les années 30: les Allemands y sont parvenus, bien des Japonais y seraient disposés. (…)


Blogs» Société»
Bonjour le code (social)!

Un matin au marché

«Les gens d’ici ne sont pas très complimenteurs.» Exemple sur un marché vaudois.
Sylviane Roche

Je viens d’emménager dans une charmante ville de La Côte et je fais avec bonheur le marché le samedi matin dans la rue piétonne. Un vrai marché bien qu’un peu maigre en hiver, avec quelques stands de partis politiques, des étals de brocante, des pêcheurs du lac, des paysans qui vendent leurs produits, et même un joueur d’orgue de Barbarie. Et des gens qui se rencontrent, se saluent, se parlent, même – ô miracle! – s’ils ne se connaissent pas. Ainsi cette dame âgée, ce matin, devant le charcutier. (…) Perdue dans la contemplation d’un jambon à l’os comme on n’en voit plus guère, je n’ai pas vu tout de suite que je l’empêchais de quitter l’étal. Je m’écarte en la priant de m’excuser. «Ce n’est pas grave, dit-elle, je marche de toute façon si lentement que je peux bien attendre un peu.» (…) Je ne sais pas pourquoi me vient une réponse qui n’a rien à voir (ou peut-être que si, justement): «J’adore vos boucles d’oreilles, elles sont superbes.» Elle rosit. (…) Elle me regarde, intriguée. «Vous n’êtes pas d’ici, non?» Et, comme si elle avait le sentiment de se trouver dans une logique de don et de contredon, et qu’il s’agissait de ne pas être en reste, elle ajoute: «Vous avez un joli bonnet, très original.» Je remercie et souris. «Ça fait du bien de recevoir des compliments, non? Ce n’est pas si fréquent.» Elle hoche la tête: «C’est vrai. Ici, les gens ne sont pas très complimenteurs. Ça ne se fait pas…» (…) Pour cette dame, ma réflexion sur ses boucles d’oreilles m’a cataloguée d’emblée: je ne pouvais pas être d’ici. Je ne l’ai ni choquée ni indisposée, elle a réagi avec gentillesse et politesse puisqu’elle m’a retourné le compliment. Mais elle m’a identifiée comme différente. J’ai donc transgressé une règle, et cette transgression m’a immédiatement exclue du groupe social des gens d’ici. (…) Décidément, en matière de code social, on marche sur des œufs! (…)

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Cancer du sein: dépistage en question

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Jeudi, 6 Février, 2014 - 05:50

▼Les faits
Le Swiss Medical Board, conseil d’experts indépendants, recommande de limiter les programmes de dépistage systématique du cancer du sein. Ceux-ci éviteraient un à deux décès pour 1000 femmes, mais engendreraient une centaine de résultats faussement positifs et des traitements inutiles, pour un coût annuel de 120 millions de francs.

▼Les commentaires
Dans les médias, la parole est à la défense, qui s’indigne. «Des recommandations qui ressemblent à un mystère complet», se plaint le spécialiste du sein Christoph Rageth dans le Tages-Anzeiger. «Des conclusions différentes de celles établies dans la plupart des études internationales», ajoute la Fédération suisse des programmes de dépistage du cancer dans l’Aargauer Zeitung.

▼A suivre
Après avoir fait marche arrière avec le dépistage systématique du cancer de la prostate, les autorités de santé feront-elles de même avec celui du sein? On en doute, au vu de l’émotion suscitée par ce débat.

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Roche et Novartis: la perle et le doute

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Jeudi, 6 Février, 2014 - 05:51

▼Les faits
Les deux géants bâlois de la pharma publient des résultats contrastés. Roche annonce un chiffre d’affaires et un bénéfice en hausse à 11,4 milliards de francs, ce qui permet d’accroître le dividende. Novartis, qui dévoile aussi une augmentation des ventes, doit reconnaître une légère contraction de son bénéfice net à 8,3 milliards.

▼Les commentaires
«Roche se porte mieux que Novartis», titre Finanz und Wirtschaft, qui relève que «Novartis souffre de la fin du brevet du Diovan (un médicament contre l’hypertension artérielle, ndlr). Roche, au contraire, vit les fins de patentes sans problème.» D’où l’interrogation de la Basler Zeitung: «C’est même une question centrale pour l’avenir des deux groupes: comment articuler cette étape, pour passer des médicaments biologiques originaux aux biosimilars?» La NZZ apporte une première réponse au succès de Roche: «En quatre ans, il a amorti son acquisition de Genentech, qui lui avait coûté 53 milliards de francs en 2009.» Et une seconde: «La stratégie de Roche est avantageuse du point de vue financier; après avoir gagné un segment de marché significatif (grâce à des médicaments biologiques, ndlr), il lui est plus facile de le garder (avec des biosimilars, ndlr).» Ce sont par ailleurs les premiers résultats annuels à être publiés après l’acceptation de l’initiative Minder et le départ de Daniel Vasella de la présidence de Novartis. Autant d’éléments qui conduisent la Tribune de Genève à titrer: «Le revenu des dirigeants doit être mieux encadré».

▼A suivre
Novartis devrait se défaire d’au moins une partie du paquet d’actions de Roche qu’il avait constitué il y a quelques années en vue d’une fusion qui n’a jamais été avouée.

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Walter Bieri / Keystone
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Soudan: Le CICR contraint de suspendre son action

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Jeudi, 6 Février, 2014 - 05:52

▼Les faits
Les autorités soudanaises ont ordonné au Comité international de la Croix-Rouge (CICR) de cesser ses activités dans le pays à partir du 1er février. Khartoum accuse l’organisation humanitaire d’avoir parfois travaillé seule, alors que son mandat lui impose de mener ses missions exclusivement au travers du Croissant-Rouge. Une décision inquiétante alors que la moitié des Etats du Soudan sont touchés par des violences et que le CICR sert souvent d’intermédiaire neutre. Selon les Nations Unies, plus de 6 millions de personnes auraient besoin d’aide humanitaire.

 

▼Les commentaires
Radio France Internationale donne la parole à Emma Watson, membre du CICR à Genève, pour qui cette décision demeure incompréhensible: «On a toute une gamme d’activités dans le domaine de la santé, des services médicaux qu’on met à disposition des personnes affectées par la violence et les conflits armés. (…) Notre présence au Soudan est vitale et on aimerait continuer à aider les gens dans le besoin.» The New York Times rappelle également que «les autorités soudanaises jouent à un jeu étrange. Elles ne cessent de marteler qu’elles font tout pour favoriser le travail des ONG. Pourtant, au cours des cinq dernières années, près d’une vingtaine d’entre elles ont été expulsées des zones de conflit.»

▼A suivre
Bien que les projets du CICR soient suspendus, ses quelque 700 employés locaux et internationaux restent dans les bureaux de l’organisation. Des discussions doivent s’ouvrir dans les jours à venir avec le Ministère des affaires étrangères soudanais.

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