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Arnaud Dubien: La Russie veut maintenir l’ambiguïté

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Jeudi, 6 Mars, 2014 - 06:55

Interview.Selon le directeur de l’Observatoire franco-russe à Moscou, la présence militaire russe sur la péninsule majoritairement russophone de Crimée vise à pousser les Occidentaux à négocier sur l’Ukraine.

Ce week-end, la Russie a donc pris – sans effusion de sang – le contrôle militaire de la Crimée, cette péninsule majoritairement russophone et autonome du sud de l’Ukraine. Après le renversement du pouvoir à Kiev, Vladimir Poutine n’a pas frappé le pays en plein cœur. Le président russe a préféré s’en prendre à cette presqu’île offerte en 1954 à l’Ukraine soviétique par Nikita Khrouchtchev. Il affirme que les Russes et les russophones d’Ukraine seraient en danger. De son côté, Kiev parle de «déclaration de guerre».

Les Occidentaux cherchent une solution à l’un des plus graves conflits avec la Russie depuis la fin de la guerre froide. Ils s’inquiètent: quelles sont les véritables intentions de Vladimir Poutine? L’intimidation? L’annexion de la Crimée? La guerre avec l’Ukraine? Mardi 4 mars, le président russe s’est pour la première fois exprimé publiquement depuis la destitution de son homologue ukrainien Viktor Ianoukovitch. Il refuse de reconnaître que des forces armées russes encerclent les bases militaires ukrainiennes en Crimée. Il s’agirait selon lui de «forces locales d’autodéfense». Précisant tout de même qu’une éventuelle décision d’employer les forces armées russes en Ukraine serait «légitime».

Directeur de l’Observatoire franco-russe à Moscou, Arnaud Dubien nous aide à comprendre les points de vue des différentes parties et analyse la validité des intentions européennes.

Jusqu’où est prêt à aller Poutine en Crimée et pour quels objectifs?
Poutine va essayer d’éviter une vraie guerre, car il sait que l’opinion publique russe n’acceptera pas que son armée tire sur des Ukrainiens. Il est plutôt dans une logique de prise de gage territoriale, afin d’inciter les Occidentaux à un grand marchandage sur l’Ukraine. Mais il est peu probable que les Européens apprécient ce modèle diplomatique caractéristique de la fin du XIXe siècle.

En Crimée, les soldats russes ne portent pas d’insigne. Comment faut-il interpréter cela?
La Russie cherche à maintenir l’ambiguïté sur qui fait quoi, car il n’est pas facile d’assumer l’occupation d’un autre pays. D’ailleurs, Poutine a mis du temps à réagir publiquement après le renversement du président ukrainien Viktor Ianoukovitch. Il est entré dans un silence de colère contre les Européens, qui n’ont pas respecté – ni fait respecter par Maïdan – l’accord de sortie de crise signé le 21 février dernier.

Que représente la Crimée pour la Russie?
Un enjeu stratégique très important, puisque la Crimée abrite la flotte russe de la mer Noire. De plus, les Russes ethniques représentent environ deux tiers de la population.

L’Europe a-t-elle sous-estimé l’importance de cette péninsule autonome pour son grand voisin russe?
Oui. Elle a aussi sous-estimé l’importance de l’Ukraine dans la mémoire collective et l’identité russes. C’est à Kiev qu’a été fondé le premier Etat des Slaves de l’Est et qu’a eu lieu, en 988, la conversion du grand-prince Vladimir à l’orthodoxie. Mais l’erreur fondamentale – également commise par les Russes – a été de faire pression sur l’Ukraine pour qu’elle tranche entre l’Union douanière avec la Russie et l’accord d’association avec l’Union européenne. Certains Etats comme la Pologne ou la Suède n’ont fait aucun compromis. Or, l’Ukraine ne peut pas faire de choix exclusif entre son Est et son Ouest. Ce qui s’est passé ces dernières semaines le prouve de façon tragique.

Pour justifier l’offensive russe en Crimée, Vladimir Poutine a affirmé devoir «défendre» les Russes et russophones d’Ukraine. Mais sont-ils réellement en danger?
A court terme, ils ne sont pas en danger et aucun incident ne justifie une telle intervention militaire. En revanche, la récente abrogation de la loi sur les langues par le Parlement ukrainien (cette loi octroyait au russe le statut de langue régionale, ndlr) constitue un signal désastreux pour les russophones sur le long terme. Rappelons que la moitié de la population ukrainienne utilise le russe dans la sphère familiale. De plus, l’arrivée au pouvoir à Kiev du parti ultranationaliste Svoboda – qui s’était distingué, en 2009, par une campagne d’affichage à Lviv pour réhabiliter la division SS Galicie – inquiète beaucoup Moscou.

Les russophones de Crimée souhaitent-ils être rattachés à la Russie?
En Crimée, les Russes ethniques sont majoritaires et ils ont une véritable pulsion irrédentiste. Seuls les Tatars (minorité musulmane turcophone, ndlr), environ 15% de la population, refuseront d’être rattachés à la Russie. Ils avaient déjà été expulsés par Staline en 1944 avant de revenir. On peut s’attendre à des protestations de leur part, peut-être violentes.

Et en Russie, comment la population perçoit-elle la crise en Ukraine?
Il n’existe pas de sondage pour l’instant. Intuitivement, je dirais que la majorité des Russes a toujours considéré la Crimée en Ukraine comme une aberration historique et que la péninsule fait partie intégrante du territoire russe. Mais le sang ne doit pas couler entre Russes et Ukrainiens.

La Crimée peut-elle survivre avec le seul soutien des Russes?
Bien sûr. La Russie peut tout à fait prendre en charge 1 à 1,5 million de personnes. Le problème, ce sont les infrastructures. En ce qui concerne l’eau et l’électricité, la Crimée s’approvisionne en Ukraine. Elle pourrait s’approvisionner directement depuis la Russie, mais il n’y a aucune continuité territoriale entre ce pays et la presqu’île. Il faudrait construire un pont, mais cela peut prendre du temps. En attendant, si l’Ukraine coupait l’accès de la Crimée à l’eau et à l’électricité, ce serait un casus belli.

Quelles seraient les conséquences pour l’Ukraine si elle venait à perdre la Crimée?
L’Ukraine est un Etat jeune et fragile. Perdre un morceau de son territoire constituerait un immense traumatisme et un affaiblissement politique majeur. Les conséquences de ce coup de force russe pourraient être diverses: un sursaut nationaliste contre la Russie ou encore la précipitation du délitement de l’Ukraine. C’est un jeu risqué et personne ne peut encore en prédire les conséquences.

De quels moyens de pression disposent l’Europe et les Etats-Unis?
De moyens pour faire reculer les soldats russes? Aucun. Avec une puissance nucléaire en face, les Occidentaux ne feront rien. Politiquement, ils peuvent, comme ils l’ont déjà évoqué, exclure la Russie du G8. Pourquoi pas. Le G8, ce n’est pas rien. C’est un club prestigieux et il serait symboliquement mauvais pour les Russes d’en être exclus, d’autant qu’ils se sentent Européens et non Asiatiques. Mais par rapport à la situation en Ukraine, ça n’aurait aucun impact.

Quid des pressions économiques?
C’est à double tranchant. C’est une arme dangereuse qui peut se retourner contre nous. Il y a une interdépendance économique très forte entre les Russes et les Occidentaux et on ne pourra pas du jour au lendemain arrêter d’acheter du gaz à la Russie. Cela nuirait également aux entreprises européennes en Russie.

Les propositions de sanctions économiques viennent plutôt des Etats-Unis, car ils ont moins d’intérêts en Russie dans ce domaine que les pays européens.

Les Occidentaux pourraient tout de même geler les avoirs des entreprises et des particuliers russes…
Je ne crois pas à cette option, qui est très difficile à mettre en œuvre et, là encore, à double tranchant.

La marge de manœuvre des Européens est-elle donc si faible?
De fait, oui. La seule solution, c’est de reprendre un dialogue ferme et raisonnable et, surtout, de comprendre l’état d’esprit de l’autre.

Poutine doit comprendre que la Russie a intérêt à traiter avec l’Ukraine comme pays indépendant et à appliquer une politique moderne vis-à-vis d’elle. De leur côté, les pays européens doivent comprendre que la Russie a l’impression d’être prise pour le dindon de la farce, comme au Kosovo ou en Irak. Elle est convaincue que l’objectif ultime des Américains, et aussi de certains Européens, est de la marginaliser.

Quelle est la détermination des Occidentaux à aider l’Ukraine?
Il y a beaucoup d’hypocrisie, des éditoriaux enflammés et de grands discours, mais il y a des problèmes réels: le FMI pourrait sortir son carnet de chèques, mais les conditions politiques et économiques pour toucher cet argent seront si drastiques que des troubles sociaux vont vite apparaître. Et l’Allemagne, qui aurait les moyens de débloquer des fonds importants, rechigne déjà à aider les Etats membres de l’UE. Alors imaginez un Etat non membre…

Je crains une désillusion des Ukrainiens, qui vont tôt ou tard réaliser qu’ils ne comptent pas tant que ça aux yeux des Occidentaux.

Au-delà de l’affaire ukrainienne, faut-il œuvrer à une forme d’association avec la Russie, comme le proposent plusieurs diplomates allemands?
Depuis l’effondrement de l’URSS s’est enracinée dans les esprits la vision d’une Europe sans Russie, d’une Russie extra-européenne. C’est une profonde erreur au regard de l’histoire et des réalités géopolitiques. L’avenir du continent passe par un rapprochement entre ses deux pôles.

Les Russes semblent privilégier le dialogue avec l’Allemagne. Pourquoi?
L’Allemagne est le principal partenaire commercial de la Russie en Europe. Moscou prend acte de la montée en puissance politique de l’Allemagne et pense que la chancelière Merkel est peut-être plus réceptive aux sensibilités russes. Ce calcul n’est pas forcément fondé au vu des échanges Poutine-Merkel le 2 mars dernier. (Lors d’un entretien téléphonique, la chancelière allemande a haussé le ton contre le président russe, dénonçant l’intervention «inacceptable» de la Russie au regard du droit international, ndlr.)

Quel rôle pour l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), où pourrait être mis en œuvre le groupe de contact pour dialoguer sur l’Ukraine? Et quel rôle pour la Suisse, puisque la Confédération préside cette année l’organisation?

Après avoir longtemps souhaité placer l’OSCE au centre de la nouvelle architecture européenne de sécurité, la Russie a beaucoup critiqué l’organisation ces dernières années, lui reprochant notamment des approches biaisées en ex-URSS. Le fait que l’OSCE est actuellement sous présidence suisse est un facteur favorable – la neutralité diplomatique de la Confédération étant reconnue et appréciée à Moscou.

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Alexei Nikolskiy | Ria Novosti / Reuters
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Yvan Perrin: la rechute

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Jeudi, 13 Mars, 2014 - 05:46

▼Les faits
D’entente avec ses collègues du Conseil d’Etat neuchâtelois, Yvan Perrin s’est mis en arrêt maladie. Il se soigne dans une clinique spécialisée et espère reprendre le travail après Pâques. Après une nuit d’insomnie et un cocktail d’alcool et de médicaments, l’homme de la Côte-aux-Fées était presque incapable de prononcer son discours lors de la fête de l’indépendance du 1er mars. L’UDC serait victime d’une rechute dépressive.

▼Les commentaires
Tandis que les médias romands montrent beaucoup d’empathie dans leurs commentaires, évoquant le monde cruel de la politique ou la sincérité désarmante du représentant de l’UDC à l’exécutif, le Blick, lui, n’y va pas par quatre chemins: «Le conseiller d’Etat a des problèmes d’alcool», titre le journal de boulevard. «C’est une histoire tragique et en même temps banale», écrit la Neue Zürcher Zeitung. Tout sauf banal, en revanche, le fait qu’on l’avait vu venir. «Vint alors l’heure de l’irresponsabilité générale», poursuit le quotidien. «Chacun pouvait voir… qu’il serait mieux que Perrin ne soit pas candidat, dans l’intérêt du canton et dans son propre intérêt. Pourtant, personne n’a entrepris sérieusement de tenter de l’en dissuader.» Et l’Aargauer Zeitung de titrer: «Conseiller d’Etat UDC hors combat».

▼A suivre
Depuis un an aux affaires du canton, Yvan Perrin se montre collégial, désireux de bien faire, voire perfectionniste. L’ancien policier a peut-être sous-estimé non seulement la pression psychique mais aussi le degré de complexité de la fonction de conseiller d’Etat, un métier qu’on n’apprend pas et pourtant parmi les plus difficiles qui soient.

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Sandro Campardo / Keystone
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Uli Hoeness: légende ou escroc?

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Jeudi, 13 Mars, 2014 - 05:46

▼Les faits
Lundi 10 mars a commencé à Munich le procès d’Uli Hoeness, président du puissant Bayern Munich, accusé de ne pas avoir déclaré l’entièreté de ses revenus au fisc allemand durant les années 2000. Uli Hoeness a reconnu une fraude d’au moins 18,5 millions d’euros. Bien que le légendaire ex-footballeur allemand ait entamé une procédure de dénonciation volontaire en janvier 2013, le parquet de Munich l’a jugée invalide.

▼Les commentaires
Selon le journal bavarois Abendzeitung, le juge du tribunal de Munich, Rupert Heindl, s’interroge sur l’authenticité de l’accusation volontaire du patron du FC Bayern à son égard: «Sa dénonciation est jugée comme irrecevable par les enquêteurs.» Bild souligne les propos d’Uli Hoeness: «J’ai perdu mes nerfs.» Jouer en Bourse a mené l’homme à sa perte. Pour Libération, la stratégie d’Uli Hoeness n’est pas convaincante: «Son autodénonciation, rédigée à la va-vite, est incomplète.» Et de rajouter que «le juge Rupert Heindl rejette la procédure et refuse un accord à l’amiable, pourtant fréquent en la matière». Uli Hoeness n’aurait agi que par crainte d’être dénoncé par la presse, cette dernière entamant une investigation sur le compte en Suisse d’un responsable du football allemand. Quant à la Neue Zürcher Zeitung, elle juge Hoeness soulagé de pouvoir enfin faire table rase du passé: «Je regrette profondément mon comportement délictueux.»

▼A suivre
Lors de son procès, le roi de la saucisse bavaroise a une chance de s’en tirer avec une simple amende si le Tribunal considère son accusation volontaire comme une manière de contrition recevable. A l’inverse, il risque jusqu’à dix ans de prison si elle est jugée trop tardive.

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Matthias Schrader / Reuters
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Malaisie: avion introuvable

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Jeudi, 13 Mars, 2014 - 05:47

▼Les faits
Les recherches s’intensifient pour retrouver un Boeing de Malaysia Airlines, disparu le 8 mars alors qu’il se rendait de Kuala Lumpur à Pékin. L’avion transportait 12 membres d’équipage et 227 passagers, dont 153 Chinois. Selon Interpol, au moins deux passeports volés, un autrichien et un italien, ont été utilisés par des passagers du vol MH370. La Malaisie a lancé une enquête pour acte de terrorisme.

▼Les commentaires
«Une nation unie par l’espoir», titre le journal malaisien The Star, qui ajoute: «Il y avait 38 Malaisiens à bord, sans compter les membres d’équipage. La compagnie d’aviation porte le nom de notre pays. Le vol est parti de notre aéroport international. Cela ne signifie pas que nous ne nous soucions pas des passagers non-Malaisiens. (…) Mais les gens sur le vol MH370 ne sont pas seulement des noms entendus aux nouvelles. Nous les connaissons et ils font partie de notre peuple.» En Chine, les médias sont furieux, pointant du doigt l’inaction de Malaysia Airlines et des responsables chargés de la sécurité: «Si [la disparition de l’avion] est due à une panne mécanique ou à une erreur de pilotage, alors c’est Malaysia Airlines qui est responsable. S’il s’agit d’un attentat terroriste, alors il faut blâmer les contrôles de sécurité à l’aéroport de Kuala Lumpur», s’insurge le journal officiel Global Times. Même son de cloche du côté du quotidien singapourien New Straits Times: «Le fait que des imposteurs puissent monter dans un avion est un gros problème. (…) Cela met en lumière une “faiblesse sécuritaire globale”.»

▼A suivre
L’un des passagers au passeport volé a été identifié: il s’agit d’un Iranien de 19 ans qui semble être un immigré clandestin et non un terroriste.

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Samsul Said / Reuters
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Au menu de midi: de la culture!

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Jeudi, 13 Mars, 2014 - 05:47

Pause déjeuner.De plus en plus de gens profitent de l’un des derniers moments libres de la journée pour aller au cinéma, au théâtre ou encore dans des bars et universités qui organisent des activités culturelles. Ou comment s’enrichir en mangeant.

Séverine Géroudet

Il est 13 h 30 en ce jour d’hiver quand ils sortent du théâtre Nuithonie, à Villars-sur-Glâne, près de Fribourg. Ces gens retournent travailler après avoir vu La scaphandrière, un spectacle donné dans le cadre du projet Midi, théâtre! Le concept: proposer, pour le prix d’un menu du jour, des représentations de trente à quarante minutes maximum, accompagnées d’une collation. Cela avec l’idée d’offrir une pause déjeuner aussi originale qu’enrichissante.

«Lors d’une recherche menée pendant mes études en gestion culturelle à l’Université de Lausanne, j’ai réalisé qu’il y avait un intérêt de la part des théâtres, des compagnies théâtrales et du public à investir la pause de midi comme moment de culture, explique Gwénaëlle Lelièvre, à l’origine du projet. Servi soit avant, soit pendant la représentation, le repas est intégré à la scénographie de la pièce et le menu souvent en lien avec l’histoire.»

Six compagnies ainsi que sept théâtres romands se sont associés dans le but d’intégrer le théâtre dans un rythme plus quotidien.

Pour le sociologue de la culture Olivier Moeschler, ce concept s’inscrit dans une tendance plus globale: «En proposant des activités culturelles à midi, on investit l’un des derniers moments de libres de la journée. On tente de rentabiliser au maximum l’emploi du temps de chacun. Depuis quelques années, on observe une accumulation de nouvelles possibilités, une multiplication des formes de culture.» 

Portés par cette tendance, des projets similaires ont ainsi vu le jour ces derniers mois. Le Ciné 17, à Genève, organise des séances de «ciné-lunch». Au programme, des films de moins de deux heures à découvrir installé dans des sièges équipés de tablettes permettant de se restaurer.

Plus singulier encore, les Lunch Beat, que la société d’événementiel ACI Atelier Curieuse Idée a introduits à Bâle et à Genève. Lancé en Suède par des amis qui s’ennuyaient durant leur pause de midi, le principe propose de retrouver l’ambiance des boîtes de nuit à l’heure du déjeuner. «Pour commencer, les participants dînent autour d’un buffet ou reçoivent un lunch bag, puis les lumières se tamisent et un DJ s’installe aux platines pour une heure de set, précise Michael Michaelidi, de l’Atelier Curieuse Idée. Pour des raisons familiales par exemple, certaines personnes n’ont pas la possibilité de sortir le soir, les Lunch Beat leur permettent alors de déconnecter au milieu de la journée.» Ce qui suscite des scènes amusantes: «En partant, la plupart des gens nous disent “Bonsoir”, alors que l’après-midi débute!» 

Une offre qui s’étoffe. Con­certs dans les conservatoires, conférences dans les uni­versités… Les institutions exploitent le temps de la pause déjeuner pour proposer des activités variées. «Ces formules agendées en journée sont plus accessibles que celles du soir, moins chères, voire souvent gratuites, et plus courtes, poursuit le sociologue Olivier Moeschler. De plus, les théâtres ou les cinémas se situent au centre-ville, pas loin des bureaux. Autant de facteurs qui donnent la possibilité à une clientèle pas forcément d’habitués d’intégrer plus facilement le monde de la culture. C’est une forme de démocratisation.» 

Un constat que partage Gwénaëlle Lelièvre. «On observe que les personnes qui viennent au théâtre à midi n’ont pas pour coutume de s’y rendre le soir. C’était l’un des buts de ce projet, attirer le “non-public”, permettre à chacun d’avoir accès à la culture.» Et c’est une réussite: depuis son lancement en novembre dernier, toutes les représentations proposées par le projet Midi, théâtre! ont affiché complet.

Largeur.com

www.miditheatre.ch
www.cine17.ch
www.bibarium.ch/lunch-beat.html

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Pharrell Williams, alors on danse

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Jeudi, 13 Mars, 2014 - 05:48

Phénomène.Depuis les Beatles, aucun artiste n’avait vendu trois titres à plus d’un million d’exemplaires la même année. A 40 ans, il sort «G I R L», et le petit gars de Virginie est devenu le Midas de l’industrie du disque. Voici comment.

Il n’a pas d’ennemis. Même ceux qui trouvent sa musique trop lisse, évidemment commerciale, consensuelle, trop de fun ou de plaisir, trop de sucre ou de violons, s’inclinent, ne souhaitant pas chipoter, emportés par l’ondulation des corps. Les enfants et les anciens se mettent à sa suite comme derrière le flûtiste des contes, les Noirs et les Blancs, de New York à Berlin, de Londres à Sydney, de Paris au Cap.

Comment en vouloir à ce type? Comment ne pas fondre un peu devant cette humilité qui semble sonner plutôt authentique. Quand on le compare à Jackson ou à Wonder, il manque de tomber dans les pommes. Lorsqu’on lui demande comment il fait, il se contente de trois mots qui reviennent en boucle dans les interviews: écoute, plaisir, travail.

Il s’appelle Pharrell Williams. Il a 40 ans, en paraît 15 de moins. Le monde entier dit simplement Pharrell. Heureux celles et ceux que leur prénom suffit à désigner: Ella ou Miles, Marvin, ou Pharrell désormais. Il est soudain devenu, au moment où vous lisez ces lignes, la plus grande star musicale de la planète Terre. Que s’est-il passé?

Pharrell est un instant

C’est son moment. Au théâtre, il y a trois coups et le rideau s’ouvre. Au royaume de la pop, il y eut trois hits, et une planète s’est mise à danser.

Mars 2013, au milieu des filles à poil, Pharrell coécrit en une heure et chante avec Robin Thicke le premier extrait de l’album de ce dernier. Blurred Lines fera scandale et polémique (la chanson est accusée de promouvoir le viol, et sa rythmique est un peu trop pompée sur un vieux tube de Marvin Gaye). Mais c’est un hit énorme, un truc suave et sexy, qui se retrouve en tête des ventes.

En avril, Pharrell est l’homme des robots. Il ne dit jamais Daft Punk (des amis qu’il fréquente depuis plus de dix ans), il dit les robots. C’est Get Lucky, aussitôt classé tube culte des années 2010: «… like the legend of the phoenix», Pharrell susurre, la cool attitude absolue dans la voix, par-dessus le génie sautillant de la guitare de Nile Rodgers, le choc est mondial. Rarement dans l’aventure de la pop, un refrain ne réussit aussi instantanément à frapper au cœur et au corps, mélange étrange de gaieté et de mélancolie.

On se dit que c’est assez, une coïncidence chanceuse que l’irruption de ces deux énormes chansons portées par le même Pharrell. Mais le troisième coup de théâtre arrive, il laissera KO: le 21 novembre 2013, tiré de la bande originale d’un film d’animation guère impérissable, Moi, moche et méchant 2, sort une chanson intitulée Happy, suivie d’un clip événement d’une durée inédite de vingt-quatre heures, que Pharrell diffuse via son site internet. C’est d’une simplicité immédiate: à Los Angeles, des gens sont filmés en train de danser sur la chanson. Quel-ques stars, mais surtout des anonymes emportés par le groove.

Il faudrait l’aide de la psychologie pour expliquer ce qui se passe alors. Dans des centaines de villes à travers le monde (Lausanne ouvrira le bal en Suisse romande), des quidams se rassemblent pour filmer leur version du clip. Des millions de gens sont pris de la danse de Saint-Guy, frappant dans leurs mains, tournoyant dans les rues, sur les avenues et les places. Happy devient numéro un dans 175 pays.

Trois titres d’affilée vendus à plus d’un million d’exemplaires en une année: la dernière fois que c’était arrivé, c’était les Beatles. Alors oui, c’est l’instant Pharrell.

Pharrell est un style

Pour devenir une icône, il faut savoir ce qu’est une image. C’est là qu’il faut bien parler de son chapeau. Le Buffalo Hat apparaît fin janvier, lors de la cérémonie des Grammy Awards. Evidemment, moqueries générales et ricanements. Mais Pharrell assume, parce qu’il adore la mode depuis trop longtemps pour ne pas savoir exactement ce qu’il fait.

Son passage live durant la cérémonie, aux côtés de Stevie Wonder et de Daft Punk, fait se lever tout le public. En 2005, le magazine Esquire l’avait désigné comme «l’homme le mieux habillé du monde». Un type capable de porter avec style des bermudas et ce galurin vintage signé Vivienne Westwood (datant de la collection 1983) doit être pris au sérieux.

Durant des semaines, il en fait sa silhouette, son accessoire devenant aussi emblématique que les lunettes noires de Ray Charles ou les socquettes blanches de Michael Jackson. Il finit par mettre le chapeau mou aux enchères au profit d’une association de bienfaisance: le couvre-chef trouve acquéreur pour 44 100 dollars.

Pharrell Williams, depuis quelques années, a ainsi multiplié les incursions dans la mode ou le design. Il a participé à la création d’une ligne de bijoux pour Vuitton. Des lunettes pour Moncler. Il dessine des meubles contemporains avec le galeriste français Emmanuel Perrotin. Le chanteur a aussi collaboré avec Nigo, créateur de vêtements au Japon, avant de lancer deux marques d’habillement, Billionaire Boys Club et Icecream, puis d’ouvrir une boutique à New York.

Alors, la prochaine fois que vous ironiserez devant ses looks improbables, demandez-vous si ce n’est pas plutôt le moment de vous mettre au smoking-bermuda: stylé!

Pharrell est un rythme

Pas d’intro interminable: en avant sur le premier temps. Il y a une efficacité phénoménale, unique dans la pop actuelle, dans sa façon de poser en vingt secondes un couplet, un refrain, un tempo, un balancement. Elle est peut-être à chercher dans les tambours de l’enfance. Pharrell tenait la caisse claire dans la fanfare du collège. Il jouait aussi de la batterie et des claviers dès l’adolescence. Par rapport à nombre de petits maîtres hip-hop ou R’n’B, cela lui donne un avantage: il demeure un musicien avant d’être un sampleur.

La somme de ses collaborations et travaux personnels peut paradoxalement donner l’impression d’aller dans des directions très différentes, de la soul Motown à l’ancienne à la pop façon Miley. Mais ce qui tient l’affaire, ce qui fait sa patte, sa signature, c’est bien l’addiction rythmique qu’imposent ses productions, pour lesquelles il convoque souvent deux ingrédients: de vrais musiciens (au point, sans rire, que c’est en train de (re) devenir un must), et le sensuel hot (rythmiques à coup de bruits de langue, ou de respirations de filles lascives, vous voyez le genre). De quoi transformer toute piste de danse en antichambre sexuelle et amoureuse. Mais, après tout, les pistes de danse ont-elles jamais servi à autre chose?

Pharrell est une histoire

L’évidence de son succès est trompeuse. Il a fallu vingt ans de boulot acharné à Pharrell pour devenir le cador de l’industrie. Au début des années 90, il fonde The Neptunes, combo R’n’B branché qui finit à la fin de la décennie par produire Kaleidoscope, premier et bon album de la chanteuse Kelis. Le monde de la musique lève les sourcils. Les yeux s’écarquillent deux ans plus tard: ils mettent en boîte I’m a Slave 4 U, qui fait de Britney Spears une vedette internationale en la transformant en garce post-lolita, un python autour des seins.

On sollicite alors les Neptunes de partout. Pharrell forme un deuxième groupe, mené en parallèle: N.E.R.D. Leur premier disque, en 2002, In Search of…, est une référence: ce chef-d’œuvre moite et boîte n’a pas pris une ride, inventif, novateur, en avance de dix ans.

L’année suivante, carton des Neptunes qui produisent Justified, meilleur disque de Justin Timberlake. Rien ne semble les arrêter, malgré un premier album solo de Pharrell un peu mou, mais ses collaborations s’enchaînent: Snoop Dog, Jay-Z, Kanye West, Ludacris, Sting, les Daft Punk, Beyoncé, Kendrick Lamar ou l’album Hard Candy de Madonna en 2008. Que du lourd. Il lui manque un gros succès personnel, une explosion: ce sera 2013.

Pharrell est une eponge

On rigole: Pharrell ne boit pas, ne se drogue pas, s’est marié avec la fille qu’il sort depuis huit ans. Pas de quoi affoler les parents. Surtout, rares sont aujourd’hui les musiciens-producteurs à connaître aussi finement, et à intégrer façon éponge, l’histoire de la musique noire. De Stevie Wonder, il sait le moelleux et le sens mélodique. De Marvin Gaye ou Curtis Mayfield, il n’oublie pas le sexy dans le phrasé ou des montées dans l’aigu (parfois ça sonne Bee Gees, personne n’est parfait). De Chic, il sait le riff de guitare disco comme une griffure. De Michael Jackson, il admire le sens du détail, du style, et le génie de la machine à tubes.

Comparaison n’est pas raison, il se contente de rester bouche bée chaque fois que l’on cite ces stars. Mais ça change de Kanye qui croit avoir tout inventé. Et quand, un soir de Grammy, il lance «Come on, Steve…» au seigneur Wonder, une émotion prend: et si c’était lui, Pharrell, le nouvel enfant sacré, le prophète du R’n’B envahissant le monde?

Pharrell est une bataille

A Kiev, dans les décombres de la bataille de Maïdan, des jeunes gens ont dansé sur Happy, et cela bouleverse. Parfois, la musique devient plus que de la musique: un pansement et une espérance. Il faut alors remercier ceux qui font ce miracle, ils sont le sel de la terre. Oui, peut-être que ça ne durera pas, et l’histoire future racontera les sourires de Happy comme un grimaçant miroir contemporain du Tout va très bien, Madame la Marquise. Mais le pire n’est pas sûr, et il est aussi possible d’imaginer avec Pharrell l’inverse, une intuition juste, une inflexion, une attitude feel good, une main tendue vers le meilleur de nous-mêmes, vers la joie.

G I R L, nouvel album, où l’on comptera bientôt les numéros un, est sorti la semaine dernière. Pharrell va partir en tournée, et partout les foules danseront, dans l’oubli un peu, dans la fête beaucoup. Du côté du Montreux Jazz Festival, qui dévoilera son programme début avril, la rumeur, pour l’instant, est énorme.

«G I R L», 1 CD Sony.

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Larsen & Talbert / Corbis Outline
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La HEAD: boîte à bijoux

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Jeudi, 13 Mars, 2014 - 05:49

Création.La Haute école d’art et de design (HEAD) de Genève forme les designers en bijoux, montres et accessoires de demain. La toute première volée master sort en juin. Portraits d’anciens étudiants qui ont trouvé leur voie.

A 23 ans, Niloufar Esfandiary est comblée. Designer chez Vicki Sarge à Londres (lire son portrait ci-dessous), cette ancienne étudiante de la Haute école d’art et de design (HEAD) de Genève est ravie de travailler «à travers la vision d’une personne qui a plus de trente ans d’expérience». «La HEAD m’a préparée au monde du travail. J’ai appris à m’affirmer en tant que designer, mais aussi à faire des concessions.» Unique haute école en Suisse à offrir une formation en design bijou, montre et accessoires au niveau bachelor, la HEAD s’apprête à décerner ses premiers masters, au mois de juin. Son directeur, Jean-Pierre Greff, explique: «Le master est devenu indispensable pour celles et ceux qui ambitionnent une activité d’auteur créateur. Un cycle bachelor ne peut suffire à une formation complète.» Le programme sur trois ans est pourtant déjà bien rempli. Par l’essentiel d’abord: l’acquisition de capacités créatives et du savoir-faire. Viennent s’ajouter des exigences nouvelles: «Nous développons des compétences conceptuelles – comment un bijou ou un accessoire s’inscrit dans une esthétique contemporaine – mais aussi critiques et linguistiques – le diplôme est soutenu pour moitié en français et pour moitié en anglais –, des compétences de communication et de marketing. Il s’agit en effet de savoir comment un bijou ou un accessoire va s’inscrire dans un marché.»

Prise de conscience. Marché, le mot est lâché. Si la tradition de l’artiste créateur de bijoux est encore vivace, ces dernières années, l’école s’est ouverte à d’autres voies, «mais pas moins créatives», précise Jean-Pierre Greff, soit celles des entreprises. Il s’agit d’intégrer des contraintes de marques et de processus de fabrication. Pour préparer ses étudiants aux réalités du monde du travail, cette HES organise d’ailleurs régulièrement des workshops en collaboration avec des maisons comme Piaget, Swarovski, Furrer-Jacot, Dupont International, les lunettes Tarian ou même la Vache qui rit, à l’occasion de ses 90 ans. «Nous avons évolué d’une tradition artisanale à une culture du design, d’un champ limité du bijou artisanal à celui de l’accessoire produit de manière industrielle ou semi-industrielle, envisageant tous les objets de parure liés au corps, montres, lunettes et smartphones y compris.» Designer chez Century, fabricant suisse de montres de luxe, Sandra Pilet, sortie de la HEAD voilà cinq ans, voit d’un très bon œil cette nouvelle orientation. «C’est génial d’avoir mis cela en place, car lorsque j’ai cherché un emploi, j’étais un peu larguée, sans contacts et pas préparée au monde du travail.»

Pragmatisme. Responsable de l’orientation design bijou et accessoires depuis cinq ans, Elizabeth Fischer remarque que certains étudiants sont plus à l’aise s’ils doivent s’adapter aux exigences d’une marque lors de leurs travaux. «C’est pour eux une expérience très enrichissante et moins angoissante que de se retrouver face à une feuille blanche.» Evidemment, beaucoup rêvent d’être à la tête de leur propre collection. «Mais il s’agit d’être pragmatique: à la fin du mois, il faut payer son loyer.» C’est pour cela que l’école leur présente un panel de métiers auxquels ils ne pensent pas. Elizabeth Fischer: «C’est à nous d’inviter assez de professionnels du monde de la sous-traitance et de l’horlogerie, par exemple. Dans notre région, c’est presque un crime de ne pas être en lien avec l’horlogerie.»

La main et le cerveau. Les étudiants, qui sont quinze par volée – sur une quarantaine de candidats – passent deux jours par semaine en atelier, où ils apprennent les différentes techniques, dont le sertissage, l’émaillage, la découpe au laser ou la commande numérique par ordinateur. Leurs profils sont très différents, comme leurs connaissances techniques d’ailleurs. Certains ont fait un apprentissage de bijoutier, d’autres ont terminé le gymnase et passé une année préparatoire aux Arts appliqués. Certains encore entrent à la HEAD à 25 ans et plus, après avoir terminé une autre formation. Ils sont sélectionnés sur dossier, après un entretien et un concours où il s’agit de créer un objet ou un concept. «Nous cherchons des gens ouverts aussi bien à la culture qu’aux tendances musicales, à l’architecture et à différents modes de vie, des personnes qui ont un potentiel de réflexion et qui savent se remettre en question. Nous demandons la main et le cerveau.»


Niloufar Esfandiary
«A la HEAD, j’ai appris à m’affirmer»

A 23 ans, cette ancienne étudiante de la HEAD a une obsession: travailler avec le plus de matériaux possible. Pour son diplôme, elle a d’ailleurs mis au point un mélange qui ressemble à du béton, avec des perles. Installée à Londres, elle travaille actuellement chez Vicki Sarge, qui crée des bijoux pour la haute couture, des marques de vêtements ou des stars. Beyoncé, Tilda Swinton ou Paloma Faith en sont fans. Niloufar Esfandiary est l’une des huit designers; chacun dessine, notamment, deux collections par année.

«A la HEAD, j’ai appris à m’affirmer, mais aussi à faire des concessions. Mes pièces sont allées à la London Fashion Week. Lorsque j’ai vu les photos de mes bijoux dans Vogue, Stylist ou Tatler, j’ai crié et couru dans tous les sens!» Lauréate du Prix d’excellence Hans Wilsdorf en 2012 section bijou, la jeune femme pourra continuer ses études au prestigieux Central Saint Martins College of Art and Design de Londres, en recherche matériaux, grâce aux 50 000 francs reçus. «J’y ai déjà suivi des cours durant quatre mois, grâce à Erasmus. J’y retourne en septembre pour faire un master.» Ses projets? «Fonder ma propre compagnie de bijoux créés avec mes propres matériaux.»

 


Sara Sandmeier
«Jamais je n’aurais imaginé travailler pour le luxe et l’horlogerie»

Elle arrive à notre rendez-vous majestueuse dans une longue tunique noire signée Christa de Carouge. Cheveux rasés d’un côté, longue mèche ondulée couleur rouge vif de l’autre, Sara Sandmeier a le sourire franc et la poignée de main chaleureuse.

A 41 ans, cette fille de dentiste, qui est née et a grandi dans le canton de Bâle, est designer senior chez Baume & Mercier. On l’écouterait parler des heures de son métier, de sa passion pour le design, de son parcours professionnel, de ses trois années passées à ce qui était alors la Haute école d’arts appliqués (HEAA) – devenue la HEAD – où rien ne la prédestinait à étudier.
Depuis toute petite, Sara n’avait qu’un but: devenir vétérinaire. Elle fera même deux ans de médecine avant de jeter l’éponge, dégoûtée par des formules de physique «tellement loin de la réalité du métier» qu’elle avait approché en faisant des stages. «Lorsque j’ai arrêté, toute ma vie s’est écroulée.» C’est un psychologue spécialiste en orientation professionnelle qui l’aide à trouver sa voie. Son verdict: «Suivez une école d’art!» Elle postule à Bâle, Zurich, Saint-Gall et Genève, sera reçue partout, choisira la Suisse romande et l’orientation bijoux.

La jeune femme reste marquée à vie par sa professeure principale et créatrice de bijoux, Esther Brinkmann. «Elle nous a éduqué le regard, nous a appris à être attentifs, complètement poreux à ce que nous voyons autour de nous. Cette faculté d’observer est la nourriture quotidienne des créatifs.»

En 1998, son diplôme en poche, Sara passe quelques années à créer ses propres bijoux en vivotant de petits boulots. Un jour, elle décroche un stage chez Piaget, dont les designers partagent alors le même bureau que ceux de Baume & Mercier. Elle sympathise avec l’une d’elles qui, à son tour, lui offre un stage.

Aujourd’hui, cela fait treize ans qu’elle dessine des montres. Elle travaille en étroite collaboration avec le bureau technique, car c’est le mouvement qui dicte, de par son épaisseur et son visage, une partie de l’esthétique. «Jamais je n’aurais imaginé travailler un jour pour le luxe et l’horlogerie. Moi qui suis impulsive, j’ai mis plusieurs années à rentrer dans le cadre. J’ai dû apprendre à m’exprimer au bon moment, à ne pas être tout le temps dans l’émotion, à choisir mes mots pour dire les choses.» En sortant du travail, Sara retourne dans sa maison en pleine nature, une de ses sources d’inspiration.


Fanny Agnier
«Je rêve qu’une star me commande un bijou»

Depuis toute petite, Fanny Agnier fabrique «plein de choses», dont des bijoux. A 14 ans déjà, elle a un but: entrer à la HEAD. Son bac réussi, elle passe quatre années à l’école genevoise, dont une préparatoire. «Mon bachelor en poche, j’avais plein d’idées, mais pas toutes les techniques pour les réaliser.» Pas grave: elle demande à faire des stages chez ses créateurs favoris: quatre mois en Nouvelle-Zélande chez Karl Fritsch (qui expose actuellement à la galerie Viceversa à Lausanne), huit mois chez Philip Sajet, et deux workshops en Italie. Ses séjours sont financés par la bourse Ikea qu’elle a gagnée. «J’ai appris l’émaillage, le sertissage, le martelage et la granulation.» La liste des bijoutiers qu’elle aimerait côtoyer est longue. «Mais j’aurai bientôt 27 ans et j’aimerais voir ce qui se passe en entreprise.»

Cela tombe bien, car la lauréate du Prix Piaget jeunes talents 2013 s’apprête à passer trois mois et demi chez l’horloger et joaillier de luxe. En attendant, elle continue d’enrichir sa propre collection. Son vœu le plus cher? «Créer des bijoux pour des événements très précis. Je rêve qu’une actrice me commande un bijou pour Cannes ou qu’une chanteuse le fasse pour un concert.» En attendant, elle a pris les devants et a créé, en étudiant leur univers, des colliers pour Katy Perry, Jean-Charles de Castelbajac, Inna Modja ou Dita von Teese, bijou qu’elle porte d’ailleurs autour du cou pour la photo. Alors, s’ils lisent ces lignes…

fannyagnier.com
 


Arnaud Zill
Une formation, deux métiers

Il court, ce Neuchâtelois de 25 ans. Normal: sa vie professionnelle est intense. Il travaille à 80% au sein du département design pour les montres Romain Jerome à Genève et comme bijoutier, à son compte, le reste du temps à Neuchâtel. Il a réalisé notamment une collection en aluminium anodisé et neuf couleurs différentes. Après l’Ecole d’arts appliqués de La Chaux-de-Fonds, en section bijouterie, et un stage en entreprise, le jeune homme enchaîne avec la HEAD. «Cela m’a ouvert l’esprit à énormément de choses. J’y suis arrivé au moment du changement, lorsque l’école s’est tournée vers le monde de l’entreprise.»

L’univers de l’horlogerie, il le découvre lors d’un stage au sein de la marque genevoise en 2010. «Puis j’ai travaillé régulièrement chez eux. En 2012, mon bachelor en poche, ils m’ont proposé un emploi.» Arnaud Zill a dit oui pour un temps partiel. Il aime ses deux activités. Les bijoux lui permettent-ils d’être plus créatif? «Pas forcément, la marque Romain Jerome est ouverte à beaucoup d’idées. Mais évidemment, avoir sa petite entreprise est un défi génial.»

www.zill.ch

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Magali Girardin
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Donner du sens à ses voyages

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Jeudi, 13 Mars, 2014 - 05:50

Solidarité.Vivre avec des villageois au Laos, se laisser guider par des sans-abri à Londres, accompagner un explorateur dans l’Arctique, un ouvrage propose 42 voyages solidaires.

Au premier coup d’œil, l’ouvrage 42 voyages extraordinaires et solidaires dans le monde a un petit côté naïf, avec sa couverture représentant la planète Terre soutenue par trois paires de bras, un globe sur lequel vient se poser un papillon. Et puis, au fil des pages, il devient captivant. Le lecteur se demande pourquoi il n’a jamais pensé à explorer le monde tout en se rendant utile. Voyager autrement, à la rencontre des autres, aider, prendre part à des projets d’ONG, à la vie quotidienne de villageois, c’est ce que propose notamment son auteur, Isabelle Alexandrine Bourgeois, baroudeuse et journaliste indépendante installée en Valais. Cette nouvelle façon de voyager porte un nom: le «twaming», créée par l’association Twam, Travel with a mission, soit voyager avec une mission.

Pour tout budget. Cette ancienne déléguée du CICR, aussi chaleureuse que joyeuse, présente des voyages pour tous les goûts et budgets. Elle a d’ailleurs fondé un portail de voyages solidaires sur mesure, en partenariat avec des professionnels locaux auxquels elle laisse la plus large part du gâteau. «Je suis passionnée et j’ai envie de transmettre ce qui donne du sens à ma vie.» L’exercice est réussi. Le livre est divisé en quatre parties: planète des hommes, environnement, animaux et insolite. Chaque section est encore divisée en trois, suivant le budget à prévoir, de 0 à 1500 euros, de 1500 à 3500 euros, et plus de 3500 euros, pour un séjour de quinze jours en moyenne. Des exemples? Visites d’orphelinats à la rencontre d’enfants défavorisés au Pérou, séjour anti-Mafia en Sicile, en soutenant une économie libérée de la Mafia, guidé par de jeunes militants bénévoles, ou encore partage de la vie quotidienne et des activités paysannes dans des villages de du sud de la Chine.

Emotions garanties. Partie au Pérou avec son mari, Carole Pont se souviendra encore longtemps de ces quelques heures passées avec des orphelins, de ce temps partagé avec des habitants d’un village reculé des Andes, pour voir comment ils vivent et travaillent, ou de sa visite à une institution accueillant des filles-mères rejetées par leur famille. «Ce sont des rencontres qui remuent jusqu’au fond du ventre. Avant de partir, nous avions de l’appréhension, nous demandant ce que nous allions leur dire – grâce à une guide-traductrice –, mais tout s’est passé très simplement. Cela vaut vraiment la peine d’aller à la rencontre des autres de cette façon, au moins une fois dans sa vie…»

«42 voyage extraordinaires et solidaires dans le monde». Ed. Favre, 313 pages.

Conférence mercredi 26 mars, librairie Idées-lire, Bramois.


Trois voyages pour aider et rencontrer d’autres humains

Inde Apporter du matériel médical à cheval au Rajasthan
L’ONG Relief Riders International organise des missions humanitaires à cheval dans le désert du Thar. Les voyageurs aident à acheminer le matériel médical, à installer campements et unités mobiles. Seize nuits, 5400 euros, sans le vol.

Tunisie Dire «je t’aime» aux autres en musique
Participer à la Caravane amoureuse en accompagnant le pianiste Marc Vella, qui joue dans le monde entier, sur une falaise, dans un souk, partout. Le but: aller à la rencontre des autres. Prochain voyage: du 17 mai au 3 juin (1500 euros, sans le vol).

Méditerranée Aider à la sauvegarde des dauphins
A bord de bateaux d’expédition, seconder les scientifiques dans leur collecte de données en mer pour la sauvegarde des cétacés, phoques ou tortues. Destinations: Grèce, Côte d’Azur, Corse, Açores, Bahamas, Comores. 1050 euros pour six jours.

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Ces Ambassadeurs de fantaisie

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Jeudi, 13 Mars, 2014 - 05:52

Diplomatie.Pourquoi les Etats-Unis envoient-ils tant d’amateurs incompétents occuper des postes d’ambassadeurs à l’étranger? Témoignage à charge d’un ancien diplomate américain.

James Bruno

Récemment, l’un de mes amis du Foreign Service (service diplomatique) me parlait d’un ancien ambassadeur américain en Suède qui, quelques années auparavant, s’était évanoui dans la neige, trop ivre pour se relever. Il avait fait la fête durant une sortie à la campagne. Heureusement, un membre de l’ambassade l’a retrouvé à temps pour le ranimer. Notre ivrogne à Stock­holm n’était pas de la carrière, sa nomination avait été politique. Celui qui lui a sauvé la vie, en revanche, était un diplomate professionnel. Les rôles joués par les deux hommes cette nuit-là sont emblématiques.

Cette histoire, je m’en suis souvenu l’autre jour, quand la Commission des affaires étrangères du Sénat a donné son accord à la dernière fournée d’ambassadeurs choisis par le président Barack Obama, y compris quelques novices dont les performances désastreuses lors de leur audition laissent prévoir qu’ils auront à s’appuyer puissamment sur leur équipe du Foreign Service pour éviter de mettre les Etats-Unis dans l’embarras. Certes, nous n’avons pas de souci à nous faire à propos du sénateur du Montana Max Baucus, dont la nomination en Chine a passé haut la main l’étape du Sénat. Mais certains riches donateurs de campagnes électorales à la carrière très éloignée du service public ne manquent pas d’inquiéter. D’ailleurs, ils se sont d’ores et déjà illustrés.

Confusion. Quand le magnat de l’hôtellerie George Tsunis, candidat désigné d’Obama pour Oslo, s’est présenté devant le Sénat le mois dernier, il a avoué qu’il ignorait que la Norvège fût une monarchie constitutionnelle et il croyait que le Parti du progrès, populiste et anti-immigration, n’était qu’une formation marginale alors qu’il siège au gouvernement. Une autre candidate, Colleen Bell, partante pour Budapest, n’a pas su dire quels étaient les intérêts stratégiques des Etats-Unis en Hongrie. Le président pouvait-il vraiment s’attendre à ce qu’elle soit une experte de la région? Son job précédent était productrice de la série TV Top Models. Elle s’est pris les pieds dans les questions du sénateur John McCain comme le ferait sans doute, justement, une top-modèle de la série priée de faire un exposé sur la paix dans le monde. Quand les auditions ont pris fin, McCain conclut sarcastiquement: «Je n’ai plus de questions pour ce groupe de candidats à la qualification incroyablement élevée.»

Par comparaison, l’ambassadeur de Norvège à Washington a trente et un ans de carrière aux Affaires étrangères derrière lui, celui de Hongrie est un économiste qui a travaillé vingt-sept ans pour le Fonds monétaire international.

Ce déséquilibre s’explique par le fait que les Etats-Unis sont le seul pays industrialisé à distribuer des postes de diplomates comme des récompenses politiques, souvent à des donateurs de campagnes, d’une manière désuète évoquant les pratiques clientélistes en usage dans les républiques bananières, les dictatures et les monarchies de pacotille. Un système analogue permettait jadis à des alliés politiques de devenir gradés dans l’armée. Mais le Congrès y a mis fin après la guerre de Sécession, quand l’opinion publique a été révulsée par les boucheries inutiles voulues par de vieilles badernes incompétentes nommées au grade de général. Représenter les Etats-Unis dans une capitale étrangère reste cependant un privilège à la portée de n’importe quel riche abruti disposant de relations politiques.

Le président Obama, qui a pris ses fonctions en promettant de limiter ces pratiques, a sans doute plus fait pour amplifier ce problème que ses récents prédécesseurs. Les nominations de son second mandat ont concerné plus d’une fois sur deux des alliés politiques. Depuis la Seconde Guerre mondiale, la proportion était moindre: un tiers des postes d’ambassadeurs ont été offerts à des non-professionnels.

Les tarifs pour une ambassade. Pourquoi un hôtelier et une productrice TV sont-ils de bons choix? Colleen Bell a levé plus de 2,1 millions de dollars pour faire réélire Obama. Quant à George Tsunis, qui a quitté les républicains pour passer chez les démocrates, il a réuni près de 1 million. Selon le quotidien britannique The Guardian, le montant moyen pour mériter un poste dans dix des capitales les plus attrayantes d’Europe et des Caraïbes a été de 1,79 million de dollars. Mais le coût d’un poste luxueux dans une ville comme Rome, Paris, Stock­holm ou Canberra est à la hausse. Toujours d’après le Guardian, les candidats à ces postes ont collecté un total de 5 millions en 2012, contre 3,3 millions en 2008, 1,3 million en 2004 et 800 000 dollars en 2000.

Des scandales. La Scandinavie est promise à certains des pires dilettantes du lot. George Tsunis suivra les traces d’un candidat de Ronald Reagan: Mark Evans Austad. Lorsqu’il était en fonction, cet ancien missionnaire mormon s’en prenait en termes indélicats à toutes sortes d’institutions libérales norvégiennes ainsi qu’à la presse. En 1983, il a été emmené, ivre, par la police après avoir beuglé et frappé à la porte d’une femme à 3 heures du matin.

A peu près en même temps, son collègue de Copenhague a dû démissionner après que la rumeur a été répandue qu’il abritait deux prostituées dans sa résidence. D’autres pseudo-ambassadeurs se sont illustrés par des transgressions du genre contrebande de cocaïne par la valise diplomatique, scandales alcoolisés dans l’exercice de la fonction et ennuyeuses affaires d’adultère.

Malgré cette inquiétante mise aux enchères des ambassades, il y a certainement de la place dans le corps diplomatique américain pour des ambassadeurs non professionnels. Les Etats-Unis ont parfois été représentés très dignement par des profanes, comme Patrick Moynihan en Inde, Mike Mansfield, Howard Baker et Walter Mondale au Japon, Jon Huntsman Jr. en Chine et tant d’autres. Bien qu’il admette ne pas être «un véritable expert de la Chine», Max Baucus, spécialiste des échanges commerciaux et politicien rodé, est pourvu d’autres compétences utiles. Le premier ambassadeur dans un Vietnam réunifié a été Pete Peterson, un ancien prisonnier au «Hanoi Hilton» devenu député au Congrès, sous les ordres duquel j’ai servi comme conseiller politique à l’ambassade de Hanoi de 1997 à 2001. Grâce à ses connexions au Capitole et à sa crédibilité parmi les vétérans, il obtenait plus par un simple coup de fil que ne l’aurait pu un ambassadeur de carrière à l’aide de cent câbles à Washington.

En Norvège, je prévois que, comme la plupart de ses prédécesseurs, George Tsunis ne sera qu’un homme de paille soutenu avec compétence par une équipe de professionnels du Foreign Service, qui effectuera tout le travail dans l’ombre. Si Tsunis évite tout esclandre pendant ces trois années probables à Oslo, il aura accompli une performance.

Envoyer une productrice de la télévision à Budapest est plus risqué, puisque l’extrémisme et l’antisémitisme sont en augmentation en Hongrie et que l’économie du pays est à terre. Comment Colleen Bell, qui semble ne pas avoir la moindre idée des objectifs géopolitiques de Washington dans cette partie du monde, fera-t-elle pour traiter avec un premier ministre rusé qui restreint les libertés et l’expression politique? Difficile à dire.
Mais je voudrais rassurer les professionnels de la diplomatie évincés au profit de la sinécure dorée de Colleen Bell: prenez courage, on me dit qu’il y a un poste à prendre dans Top Models.

Publié avec l’aimable autorisation de Politico Magazine

Traduction et adaptation Gian Pozzy


James Bruno
Diplomate à la retraite du Foreign Service, romancier et blogueur. Son livre The Foreign Circus: Why Foreign Policy is Too Important to be Left in the Hands of Diplomats, Spooks & Political Hacks sera publié cette année.


Berne
Une sinécure pour généreux donateurs

Suzi LeVine ayant été auditionnée par le Sénat le 6 mars dernier, elle sera la prochaine ambassadrice américaine à Berne, nommée par Barack Obama. Elle devrait prendre ses fonctions en mai, près d’un an après que le précédent ambassadeur, Donald S. Beyer, aura quitté son poste. A croire que, malgré tout ce qui sépare les deux pays, le poste de Berne n’est pas jugé crucial par Washington et que le chargé d’affaires… fait l’affaire.

En poste à Berne de 2009 à 2013, Donald Beyer a certes été apprécié pour sa courtoisie, l’amitié qu’il a souvent paru prodiguer à la Suisse et la finesse de son jugement. Mais il a aussi été qualifié de car seller, de vendeur de voitures, puisqu’il était concessionnaire en Virginie des marques Subaru, Kia et surtout Volvo. Ce qui a fait dire que, sans doute, l’Amérique avait une fois de plus confondu la Suède et la Suisse, comme l’a pensé le magazine Washington City Paper au moment de sa nomination.

Suzi LeVine, 44 ans, n’a rien à voir non plus avec le métier de diplomate. Elle a fait carrière chez Microsoft, s’est fortement engagée en faveur des candidatures d’Obama et a récolté au moins 1,3 million de dollars pour ses campagnes, dont 500 000 rien qu’en 2012. Depuis 1960, le poste d’ambassadeur américain à Berne n’a été occupé que deux fois par un professionnel de la diplomatie et… vingt fois par un généreux donateur.

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La vraie star du salon de l’auto

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Jeudi, 13 Mars, 2014 - 05:53

Pic-pic.Fabriquée à Genève il y a cent ans, une voiture trône en majesté dans l’actuel Salon, provoquant jusqu’à l’admiration du «New York Times». Retour sur une étonnante histoire.

«The mistery car of the Geneva Motor Show», titrait le 5 mars le New York Times. Quelle voiture mystérieuse? Une Toyota à hydrogène? Du tout: une Pic-Pic R2, puissante décapotable fabriquée à Genève en 1920. L’ayant vue filer devant lui à l’extérieur du Salon de l’auto, le journaliste du quotidien new-yorkais racontait dans son article l’histoire étonnante de la marque des Charmilles, qui tirait son nom de ses deux dirigeants, Paul Piccard et Lucien Pictet. Cette Pic-Pic R2 est d’ailleurs toujours propriété de la famille Pictet (la banque privée), comme l’est aussi le modèle MIV qui trône en majesté à l’entrée du Salon, cette fois à l’intérieur de Palexpo. La MIV a été fabriquée il y a exactement cent ans, d’où sa présence à ce grand rendez-vous de Genève. Un garde la surveille et une vidéo de dix minutes revient sur le destin de la marque, l’une des rares 100% helvétiques de l’histoire automobile.

Arrière-grand-oncle de Bertrand Piccard, Paul Piccard est un brillant ingénieur méca-nicien. Il a notamment conçu l’installation hydraulique des chutes du Niagara. Lucien Pictet est lui aussi ingénieur. Tous deux lancent leur production de voitures en 1906, d’abord avec l’aide de la marque Hispano-Suiza, dirigée à Bar-celone par le Genevois Marc Birkigt.

Succès véloce. Puissantes, luxueuses, bientôt propulsées par d’ambitieux mais fragiles moteurs sans soupapes, les Pic-Pic connaissent un succès aussi véloce que leur allure en course (170 km/h en pointe au GP de l’ACF en 1914, un record pour l’époque). Elles valent 20 000 francs pièce, somme considérable au début du XXe siècle.

La Croix-Rouge en achète un exemplaire pour sa première ambulance, l’armée également pour son état-major. C’est à bord d’une Pic-Pic que l’empereur Guillaume II assiste, en 1912, à des manœuvres militaires en Suisse. L’armée française effectue grâce à l’un des modèles de la marque les premiers essais de missiles air-air pendant la guerre 14-18, les techniciens ayant besoin d’une voiture très rapide pour simuler un tir depuis un avion en vol. Pic-Pic a hélas périclité après la guerre, fermant ses portes à l’orée des années 20, après avoir produit près de 3000 automobiles.

L’ancienne usine des Charmilles? Elle vient d’être transformée en lofts aussi luxueux que l’étaient ces voitures il y a un siècle.
84e Salon de l’auto de Genève, jusqu’au 16 mars. www.salon-auto.ch
Aujourd’hui, il ne reste que huit Pic-Pic: deux dans la famille Pictet, trois à la Fondation Gianadda, une au Musée des transports, une à la Cité de l’automobile à Mulhouse, une dernière en Argentine.

L’ancienne usine des Charmilles? Elle vient d’être transformée en lofts aussi luxueux que l’étaient ces voitures il y a un siècle.

84e Salon de l’auto de Genève, jusqu’au 16 mars. www.salon-auto.ch

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Luc Debraine
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«Moscou a besoin de notre argent»

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Jeudi, 13 Mars, 2014 - 05:55

Radoslaw Sikorski.Le ministre polonais des Affaires étrangères s’étonne de la timidité de l’attitude de l’Union européenne face à la Russie.

Propos recueillis par Jan Puhl

Vous passez pour un avocat de la ligne dure face à Moscou. Que demandez-vous?
J’ai toujours été partisan de collaborer avec les Russes quand c’était possible et dans l’intérêt des deux parties. Mais actuellement nous sommes confrontés à une tentative de modifier les frontières par la force. Une telle attitude exige une réponse claire.

Jeudi dernier, l’UE a décrété des sanctions extrêmement clémentes. Avec ses exportations de gaz, Poutine n’a-t-il pas en main un moyen beaucoup plus efficace pour exercer des pressions?
Seulement 30% environ du gaz importé dans l’UE provient de Russie. La Norvège en livre davantage. Je ne pense pas que la Russie puisse nous mettre sous pression par ce moyen. Moscou a besoin de notre argent.

Est-ce que dans cette crise l’Europe ne donne pas une impression faiblarde? Alors que les chefs d’Etat et de gouvernement européens discutaient encore à Bruxelles, Washington prenait déjà des mesures plus sévères.
Les Américains ont même fait plus puisque, par exemple, ils ont déplacé en Europe de l’Est des avions de combat F-15 et F-16. A la différence de l’Europe, justement, les Etats-Unis ont un gouvernement central. Nous devrions apprendre de cette crise que l’intégration européenne doit se poursuivre également en matière de politique de sécurité.

Etes-vous déçu de l’Union européenne?
Il en va de l’UE comme du Vatican: les moulins du bon Dieu tournent lentement. Nous avons fait des erreurs. En décembre 2011, notamment, quand les négociations sur un accord d’association étaient bouclées entre l’UE et l’Ukraine, les juristes et les traducteurs de Bruxelles se sont donné une année pour peaufiner le texte. Si, à l’époque, les deux parties avaient signé plus rapidement, l’Ukraine serait depuis longtemps plus étroitement associée à l’Europe. Nous n’avons pas non plus anticipé le moins du monde combien le président Ianoukovitch s’avérerait un homme irresponsable et que, place Maïdan, on risquait d’assister à un massacre bien pire. Seule notre initiative d’intermédiation commune – par l’Allemagne, la France et la Pologne – l’a empêché.

La Crimée est-elle déjà perdue pour l’Ukraine?
Le fait que le pseudo-Parlement de Crimée ait déjà proclamé la presqu’île partie intégrante de la Russie est une infraction claire à la Constitution de l’Ukraine, Etat souverain. Mais il existe encore là-bas des unités militaires et des institutions ukrainiennes. Par ailleurs, la majorité russe n’y est pas écrasante: près de 40% de la population de Crimée sont des Ukrainiens et des Tatars. Dans l’Union européenne, il existe aussi des minorités russophones, par exemple dans les Etats baltes. Ce serait un désastre si Poutine prétendait y appliquer aussi les fondements de sa politique ukrainienne.

Ces dernières années, la Pologne a endossé le rôle de porte-parole de l’Europe de l’Est. L’UE s’intéresse-t-elle trop peu à l’Est?
Chacun apporte ses propres perspectives. Les Italiens et les Espagnols s’intéressent à l’espace méditerranéen, les Britanniques au monde anglo-saxon. Mais nous ne devons pas oublier qu’à l’est, en Biélorussie et en Ukraine, vivent des gens qui se sentent Européens et aspirent à l’Union. Ce qui n’est pas le cas au sud, par exemple en Afrique du Nord.

Pourquoi les Polonais sont-ils pareillement engagés dans ce conflit?
Les Ukrainiens sont nos voisins, ils combattent pour le même objectif que nous en 1989: pour un pays qui soit plus démocratique, moins corrompu et européen.

© Der Spiegel
Traduction et adaptation Gian Pozzy


Radoslaw Tomasz Sikorski
51 ans, ministre polonais des Affaires étrangères, il a été journaliste avant de devenir en tant qu’indépendant vice-ministre de la Défense dans le gouvernement de Jan Olszewski en 1992, appelant à une intégration rapide de la Pologne à l’OTAN. Il sera ensuite ministre  de la Défense dans le gouvernement très droitier de Jaroslaw Kaczynski. En 2007, il s’inscrit au parti de centre-droit libéral et proeuropéen Plateforme civique (PO). Il est nommé à la tête des Affaires étrangères peu après.

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L’avenir ukrainien de la Russie

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Jeudi, 13 Mars, 2014 - 05:55

Pressions.La guerre non déclarée de la Russie contre une Ukraine qui aspire à la liberté est-elle un signe de force ou de faiblesse? Le fait qu’à Kiev le peuple ait réussi à chasser son régime autoritaire et cleptocrate a donné à réfléchir aux potentats de Moscou. Qui réagissent forcément avec violence.

Mikhaïl Chichkine

Internet a fait entrer la guerre dans tous les foyers. On devient témoin et partie prenante des combats de rue de Kiev, des manifestations en Crimée, des arrestations à Moscou. Pendant que j’écris ces lignes, une jeune rouquine déroule une affiche devant le Kremlin: «Non à la guerre». Un policier muni d’un mégaphone s’approche d’elle: «Fiche le camp! Cette action n’est pas autorisée!» Elle rétorque: «Votre guerre non plus n’est pas autorisée!»

Les délinquants au pouvoir ont réussi à réaliser une ignominie impardonnable: dresser Russes et Ukrainiens les uns contre les autres, faire de la langue une arme de haine au lieu d’un instrument de compréhension.

Nous sommes bel et bien des peuples frères. Ma mère est Ukrainienne, mon père Russe. En Russie et en Ukraine, il existe des millions de ces mariages mixtes. Comment pourrait-on alors distinguer les uns des autres? Comment répartir Gogol? Est-il un classique de la littérature russe ou ukrainienne? Gogol nous appartient à tous les deux, il est notre fierté commune.

La leçon du «jeune frère». Et comment faire pour répartir nos infamies et nos crève-cœur communs, notre effarant passé? L’anéantissement de la paysannerie en Russie et l’extermination par la faim en Ukraine? Parmi les victimes ont figuré aussi bien des Russes que des Ukrainiens. Nous avions des ennemis communs: nous-mêmes. Notre épouvantable passé commun paralyse les deux nations et les empêche d’avancer.

Maïdan a surpris par le courage civique et l’audace des gens qui sont descendus dans la rue «pour notre et votre liberté». La solidarité réciproque était évidente. Des sentiments d’estime se sont manifestés: les Ukrainiens peuvent se lever et résister, on ne les met pas si aisément à genoux.

Les présentateurs TV de Poutine ont tout fait pour donner des défenseurs de Maïdan une image de moujiks de caricature: madrés, avares, stupides, prêts à se vendre au diable ou même à l’Occident, pourvu qu’il y ait assez de réserves de lard dans le placard. Un pays doté d’une telle télévision d’Etat devrait avoir profondément honte.

Une certaine condescendance envers les Ukrainiens et leur langue a toujours été d’usage en Russie. On appréciait la joie de vivre, l’humour et l’auto-ironie du «jeune frère», mais il restait toujours le cadet de la famille et devait obéir à son aîné, apprendre de lui, le prendre pour modèle. N’empêche que ces derniers mois ont révélé aux Russes des Ukrainiens tout différents: le «jeune frère» était tout à coup plus adulte que l’aîné. Les Ukrainiens ont réussi à chasser leur bande de délinquants, nous pas encore. Bien sûr que cela crée de la jalousie.

La révolution démocratique en Ukraine a commencé comme guerre des symboles. Sur diverses places du pays, des statues de Lénine ont été abattues. Mais en Russie et dans les régions russophones d’Ukraine, Lénine reste debout, sur les places et dans les têtes. Toute nation est l’otage de ses symboles. En Russie, Saint-Pétersbourg est toujours dans l’oblast de Leningrad et le train à grande vitesse Sapsan emmène ses voyageurs dans la ville de Dzerjinsk, du nom du plus grand bourreau du pays et fondateur de la Tchéka, Félix Dzerjinski. Les symboles qui cernent les gens déterminent leur vie.

Les Ukrainiens ont entrepris de démolir les symboles de notre avilissant passé commun. Maïdan, à Kiev, la place de l’Indépendance (de la Russie), est devenue Euromaïdan. Ce n’est pas la haine de la Russie mais celle de leur propre gouvernement abuseur qui a poussé les gens dans la rue. Ce n’était pas un besoin de révolution, ce n’était pas un mouvement vers la violence mais vers un ordre civilisé, vers l’«Europe». Pour les Ukrainiens, l’Europe ne signifie pas l’UE et ses problèmes, c’est le mythe d’une vie qui n’obéit pas aux préceptes des criminels mais aux textes de loi. L’Europe est synonyme de l’espoir de vivre dans une Ukraine civilisée.

Cela dit, le régime de Ianoukovitch n’a pas été mis K.-O. par des manifestations pacifiques. Les criminels ne comprennent que le langage de la violence. Le mouvement nationaliste a utilisé comme un gant de boxe le mouvement de protestation pacifique. La première mesure du nouveau gouvernement a été, hélas, d’éliminer la langue russe, ce qui a encore plus éloigné l’Ouest de langue ukrainienne de l’Est russophone. Pour les uns, les héros sont la Centurie céleste (la centaine de personnes mortes place Maïdan, ndlr), pour les autres ce sont les unités spéciales antiémeutes Berkout.

Manipulations patriotiques. On peut comprendre la population russe d’Ukraine, les gens ont redouté une ukrainisation. Imaginez la chose en Suisse: la majorité alémanique au Parlement adopte une loi qui interdit l’usage du français dans l’administration romande. Dans cette phase délicate, le champion russe des JO de Sotchi a tout de suite exploité la stupeur des petites gens: «La Patrie doit défendre ses enfants!» Le régime sait manipuler son peuple à l’aide du patriotisme, la méthode a toujours parfaitement fonctionné et fonctionne toujours. Ces dernières semaines, la propagande télévisée a préparé les Russes à protéger «la Patrie» de Crimée et de l’est de l’Ukraine contre les «envahisseurs fascistes» ukrainiens.

Le faux amour de la Patrie. L’ennemi est le pain de la dictature. Les victoires prolongent l’existence de l’Empire, les défaites précipitent sa chute. Le triomphe de Staline a renforcé son empire du Goulag, le désastre en Afghanistan a accéléré la fin de l’Union soviétique.

Faut-il dès lors espérer pour sa patrie des victoires ou des défaites? A qui aime sa terre natale, la question paraît absurde. Mais elle ne l’est pas si, pendant des siècles, cette patrie-là n’assure une existence paisible ni à ses concitoyens ni à ses voisins. Dans leur inconscient collectif, les Russes ne savent toujours pas où la Patrie se termine et où le Régime commence. Tout est enchevêtré.

Mon copain d’école est tombé en Afghanistan. On lui avait dit à l’époque qu’il y défendait sa patrie. Nous rendions visite à ses parents et, chaque fois, sa mère pleurait: «Quelle patrie? Quelle patrie?» Nous restions muets. Maintenant, ils veulent que les jeunes hommes russes et ukrainiens «défendent leur patrie» les uns contre les autres.

Il existe une loi sur la mort naturelle d’un régime. Une dictature vit de ses mensonges sur ses ennemis et meurt quand elle se met à croire à ses propres mensonges.

Les gens de l’est de l’Ukraine qui, les larmes aux yeux, brandissent des drapeaux russes et crient «Russie!» nous peinent. Comme si souvent dans l’histoire, ils sont manipulés et trompés. Leur route vers la Russie les amène tout droit vers un Etat policier. Ce sont les habitants de Crimée qui ont le plus à y perdre. Leur enthousiasme quant à la «libération historique» des «fascistes» ukrainiens s’estompera vite et le désenchantement de la réalité sera bientôt là. Après la «libération» de l’Abkhazie, les stations balnéaires naguère florissantes sur la mer Noire sont entièrement à l’abandon. Le même scénario attend la Crimée «libérée». Et on ne parle pas des Tatars de Crimée, qui se souviennent encore parfaitement des déportations de masse en Sibérie et ne veulent pas entendre parler de la Russie.

L’agonie du régime qui se concrétise sous nos yeux prend la forme d’un conflit frontalier sans fin. La guerre non déclarée contre l’Ukraine lui donne un prétexte pour opprimer définitivement la société civile en Russie et établir un impitoyable ordre policier. Le militarisme, la traque à l’ennemi intérieur, la guerre aux «traîtres», la propagande patriotique massive, tout cela est déjà réalité.

Après l’entrée des troupes soviétiques en Tchécoslovaquie, le poète russe Alexandre Galitch écrivait: «Citoyens! Notre Patrie est en danger! Nos chars roulent en terre étrangère!» La rouquine devant le Kremlin est une patriote. Mais ceux qui l’ont arrêtée, qui ont voté pour la guerre à la Douma, qui donnent et exécutent des ordres criminels, tous ces gens avec leurs matraques et leurs blindés sont des traîtres.

© Neue Zürcher Zeitung
Traduction et adaptation Gian Pozzy

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«Salut, comment je peux t’aider?»

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Jeudi, 13 Mars, 2014 - 05:56

Marketing. De plus en plus d’entreprises et de commerçants tutoient leurs clients. Cette pratique, qui se veut jeune et moderne, n’est pas toujours appréciée.

Geneviève Ruiz
«Alors, tu aimerais quel style de coupe?» L’accueil réservé au client dans le salon de coiffure genevois Rhizone est plutôt familier. «Tutoyer a fait partie de notre identité dès le départ, explique le patron, Patrice Morel. Nous souhaitons créer ainsi un contact plus intime. Cela nous permet de mieux comprendre la particularité du style de chacun.» Et comment réagissent les gens? «Très bien, la plupart du temps. Certains apprécient moins, mais on ne peut pas plaire à tout le monde.» Fondé il y a treize ans, le salon Rhizone faisait alors figure de pionnier en tutoyant ses clients.

Depuis, d’autres commerces s’y sont mis. Un phénomène qui s’explique par l’influence de la culture anglo-saxonne, de l’internet, par l’héritage de mai 68 et par une nouvelle génération qui utilise de moins en moins le vouvoiement.

Un «tu» ciblé. Des entreprises suisses de grande envergure ont désormais aussi adopté le tutoiement de leur clientèle, au travers des publicités, du site internet ou même du service client. C’est le cas d’Ikea ou d’Orange, qui ont comme politique de systématiquement tutoyer leurs consommateurs. D’autres, comme Migros ou Sunrise, préfèrent le tutoiement partiel. «Nous avons comme règle générale de vouvoyer nos clients, explique Martina Bosshard, porte-parole du géant orange. Mais nous les tutoyons sur Facebook, Twitter et notre site Migipedia, ainsi que dans certaines publicités. Toute la communication de la marque M-Budget utilise le tutoiement.» Chez Sunrise, plusieurs publicités tutoient les clients. Mais c’est uniquement la catégorie des moins de 30 ans qui a droit au tutoiement systématique.

«La dimension culturelle est très importante dans le choix du pronom, précise Fabrice Vincent, professeur en marketing digital et communication à l’école CREA de Genève. Orange et Ikea ne tutoient pas leurs clients en France. En Suisse, le plurilinguisme favorise un usage plus décomplexé du français, moins académique.»

Plusieurs observateurs remarquent également que le tutoiement du consommateur est mieux accepté en Suisse alémanique. Côté romand, il arrive que la pratique passe mal: «Migros Genève a essayé le tutoiement pour une annonce à Paléo, raconte Martina Bosshard. Mais nous avons reçu des remarques et cette expérience ne sera pas renouvelée.» Sur les forums internet des marques qui tutoient leur clientèle, on peut d’ailleurs régulièrement lire les posts de clients courroucés.

«Dans son usage courant, le tutoiement marque une familiarité qui sera diversement appréciée selon les âges, les cultures ou les habitudes, explique la linguiste Stéphanie Pahud. Certains clients peuvent l’interpréter comme un manque de respect et être agacés par son côté “arnaque conviviale”.»

Patrick Amey, chercheur en communication au Medialab de l’Université de Genève, observe que «beaucoup d’entreprises de télécommunication utilisent des expressions branchées sans queue ni tête, des slogans en anglais et s’adressent aux jeunes par le “tu”. Mais cette stratégie de rapprochement forcé ne garantit pas le succès: tutoyer choque ou énerve certains, car cela remet en cause la distance et le territoire de l’individu.»

A manipuler avec précaution. Pour être bien reçu, le tutoiement d’une entreprise doit relever d’une stratégie bien étudiée. Il peut se révéler efficace auprès des jeunes, pour intégrer une communauté ou une tribu. «Mais il s’agit d’un outil à manipuler avec la plus grande prudence, poursuit Fabrice Vincent, professeur à l’école CREA. Le tutoiement indique le degré d’autorité et d’excellence dans un secteur d’activité. C’est pourquoi on imagine difficilement des marques de luxe, comme Rolex ou Vacheron Constantin, tutoyer leurs consommateurs.»

L’un des dilemmes auxquels sont actuellement confrontées les entreprises consiste aussi à savoir quel pronom adopter sur les réseaux sociaux, où le tutoiement représente la règle. Là encore, la précaution reste de mise, comme le souligne Fabrice Vincent: «Une marque qui tutoierait ses consommateurs alors que sa ligne de produits ne tiendrait pas compte des valeurs de l’ère 2.0 se verrait immédiatement sanctionnée. Certaines l’ont compris à leurs dépens après avoir essuyé les foudres des internautes à la suite d’un bad buzz.»

Largeur.com

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Préparer sa matu en ligne? chiche!

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Jeudi, 13 Mars, 2014 - 05:57

Moseronline.ch.Le premier site destiné aux bacheliers fait ses preuves.

Elle n’est pas chaude pour parler aux journalistes, d’ailleurs elle est partie en vacances. Mais elle l’a fait: Fanny Massard, 17 ans, a passé sa maturité fédérale en auto-didacte, après avoir planché sur le programme grâce à des cours en ligne. La jeune fille avait quitté son gymnase lausannois à une année de l’examen et décidé d’achever son cursus toute seule, comme une grande. Périlleux, mais réussi.

«C’est notre plus grosse cliente, elle nous a acheté un nombre considérable de cours», commente, admiratif, Alain Moser, directeur de l’école du même nom. C’est en effet sur la plateforme internet inaugurée l’an dernier par l’établissement privé genevois et nyonnais que la jeune Vaudoise a puisé les ressources didactiques de son exploit. Toutes les branches de la matu y sont proposées, sauf les langues.

Fanny Massard restera un cas à part: Moseronline.ch est d’abord destiné à aider les élèves du gymnase – public et privé – à combler une lacune, réviser une matière ou se préparer aux examens. Lors d’un congé maladie, par exemple, ou de retour d’un séjour à l’étranger. C’est aussi simplement une option pour remplacer – la première adaptée à la Suisse romande pour ce niveau d’études – les cours privés de soutien, auxquels les gymnasiens font massivement recours.

Vu sous cet angle, le prix du shopping didactique en ligne devient compétitif: 9 fr. 90 le cours, par exemple, «La République helvétique», le programme complet en histoire revenant à 306 francs.

La plateforme propose aussi, gratuitement, une denrée très prisée: les sujets de matu des années précédentes. Pour le corrigé, il faut débourser 9 fr. 90.

Bientôt, l’élève en panne pourra demander une session d’appui par Skype. Déjà, il peut poser une question par courriel. La chaleur humaine y perd sûrement des plumes. Mais peut-êtrre que l’autonomie y gagne.

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Manfred Bühler, l’UDC qui peut créer la surprise

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Jeudi, 13 Mars, 2014 - 05:58

Elections Bernoises.Le sort de la majorité de l’exécutif se joue dans le Jura bernois, où un jeune UDC défie le socialiste Philippe Perrenoud. Portrait et enjeux.

Il est l’homme clé des élections cantonales bernoises du 30 mars prochain. Manfred Bühler, ce fils de bûcheron devenu avocat, porte sur ses épaules tous les espoirs du camp bourgeois, qui brûle de reconquérir la majorité au Conseil exécutif. Si la politique était une science, il serait élu sans coup férir, du fait que la droite détient près de 60% des sièges au Grand Conseil. Mais le jeune outsider de l’UDC peine à se profiler et manque singulièrement de charisme.

Siège francophone menacé. Les élections bernoises se joueront sur le siège réservé aux francophones au sein du gouvernement. Depuis l’automne dernier, Manfred Bühler met donc tout en œuvre pour éjecter le socialiste Philippe Perrenoud de son poste. Il fait de nécessité vertu: ne pouvant s’offrir une vaste campagne d’affichage qui aurait coûté entre 50 000 et 100 000 francs, il a préféré labourer systématiquement le terrain. Au volant d’un bus VW à son effigie, il sillonne le canton. Il distribue flyers et Ragusa, participant à deux, voire trois manifestations par jour. Au total, il parcourra près de 20 000 kilomètres, soit l’équivalent d’un demi-tour de la terre!

Sur le papier, Manfred Bühler a tout pour plaire: l’attrait de la nouveauté alors que tous les magistrats sortants sollicitent un nouveau mandat, une solide formation d’avocat et un bilinguisme exemplaire. Sa maman étant Emmentaloise, il a baigné dans les deux langues durant son enfance passée à Cortébert, dans le vallon de Saint-Imier.

Manque de charisme. Pourtant, cette grosse présence sur le terrain peine à porter ses fruits. «Manfred Bühler reste très peu connu dans la partie alémanique du canton. Il manque de charisme», note le journaliste de la Berner Zeitung Stefan von Bergen. Visiblement, l’espoir de l’UDC du Jura bernois souffre d’une timidité naturelle qu’il n’a pas totalement surmontée. Lui, le fils de bûcheron jamais plus heureux qu’en faisant du motocross en Italie ou du jogging sur les crêtes du Chasseral, est-il prêt mentalement à endosser le costume d’homme de pouvoir? L’intéressé répond qu’il a douze ans d’expérience d’exécutif au Conseil communal de Cortébert et qu’il a dirigé le Conseil du Jura bernois.

Style consensuel. La stratégie qu’il a adoptée pour gagner est à double tranchant. Manfred Bühler a tiré les enseignements de l’échec du PLR Sylvain Astier, qui avait mené en vain une campagne très agressive envers Philippe Perrenoud en 2010. Cette année, l’outsider veille à éviter toute polémique avec le controversé directeur de la Santé, qu’il sait déjà très chahuté par la presse bernoise. «Je n’aime pas les invectives personnelles, ce n’est pas mon style», déclare-t-il à L’Hebdo tout en lâchant tout de même une vacherie à l’adresse de Philippe Perrenoud: «Dans le canton de Vaud, Pierre-Yves Maillard a montré qu’on pouvait mener une politique hospitalière avec doigté tout en se montrant ferme.»

Ce faisant, Manfred Bühler se cantonne pourtant dans une attitude très défensive: «Je ne suis pas un tenant de l’UDC blochérienne», répète-t-il à l’envi dans ce canton qui a été le berceau de la création du Parti démocratique bourgeois (PBD) en 2008. «C’est un gros bosseur, mais peu conflictuel, très consensuel», entend-on dans les rangs de l’UDC. Lui-même ne le nie pas: «J’aime travailler dans l’ombre.»

Dès lors, Manfred Bühler apparaît insaisissable. On sait qu’il estime que le canton de Berne vit au-dessus de ses moyens et qu’il soutient donc les deux programmes d’économies EOS I et II.
Après le vote sur le maintien du Jura bernois dans le canton le 24 novembre dernier, il table sur la continuité quant au statut de la région, renonçant à revendiquer une plus grande autonomie. Pour le reste, on peine à discerner une vraie vision pour Berne. En a-t-il une d’ailleurs? Candidat de La Gauche, Frédéric Charpié en doute: «Manfred Bühler est un opportuniste qui n’a pas de véritables convictions.»

Gauche divisée. La grande chance de l’UDC réside dans la division de la gauche sur le candidat francophone à soutenir. Logiquement, celle-ci devrait se montrer unie derrière la bannière du socialiste Philippe Perrenoud, mais c’est loin d’être le cas. «Nous sommes très déçus du bilan du gouvernement rose-vert, qui n’a pas hésité à couper dans le social et la santé. Entre Bühler et Perrenoud, c’est blanc bonnet et bonnet blanc», ajoute Frédéric Charpié.

Quant au Parti socialiste autonome (PSA) du maire de Moutier Maxime Zuber, il a fini par accorder sa confiance au socialiste sortant. En fait, il n’avait pas le choix: il soutient Philippe Perrenoud comme la corde soutient le pendu. Hormis les valeurs socialistes de base, le PSA et le Parti socialiste du Jura bernois (PSJB) n’ont quasiment plus rien en commun. Ils se disputent notamment sur l’identité et le statut de la région. «Nous considérons le Jura bernois comme une terre romande devant gagner en autonomie dans ce canton, alors que le PSJB estime qu’il fait partie d’une entité bilingue», constate amèrement Maxime Zuber.

Tabou brisé. Sérieusement menacé le 30 mars prochain, Philippe Perrenoud craint aussi ces divergences entre camarades. «Je déplore bien sûr ces divisions, qui ne sont pourtant pas nouvelles. Nous risquons ainsi de dérouler le tapis rouge pour la droite.»

Ces divergences sur le statut de la région ne sont pas sans danger au-delà même de l’idéologie. Pour la première fois lors de la campagne, une Alémanique, la Vert’libérale Barbara Mühlheim, a brisé un tabou. Lors d’un débat public, elle a remis en question le privilège qu’a le Jura bernois d’occuper un siège au sein de l’exécutif. Après la votation du 24 novembre, c’est du pain bénit pour les autonomistes! Et une manière paradoxale de remobiliser la région derrière son ministre.

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Xavier Voirol
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9 février: le blues des chercheurs

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Jeudi, 13 Mars, 2014 - 05:59

Inquiétudes.Après l’acceptation de l’initiative «Contre l’immigration de masse», les instituts suisses craignent leur mise à l’écart de l’UE. Témoignage à Neuchâtel.

«Cela s’apparente à faire du ski les yeux bandés.» C’est Christophe Ballif qui utilise cette métaphore pour illustrer ce qui attend les chercheurs suisses après l’acceptation de l’initiative «Contre l’immigration de masse», le 9 février dernier. A la fois directeur du Laboratoire de photovoltaïque de l’EPFL et du Centre photovoltaïque du CSEM (Centre suisse d’électronique et de microtechnique), celui-ci ne cache pas son inquiétude si le climat d’incertitude actuel devait perdurer.

A l’enseigne de Microcity, à Neuchâtel, l’EPFL s’apprête à inaugurer son nouveau campus. Le canton a débloqué 72 millions pour offrir à quelque 200 chercheurs un magnifique immeuble inondé de lumière. Mais la fête est déjà quelque peu gâchée! L’UE a suspendu notamment la participation helvétique à son programme de recherche Horizon 2020. Un véritable coup de massue.

A l’EPFL comme au CSEM désormais tout proche, Neuchâtel dispose de deux unités de recherche complémentaires en matière d’énergie solaire, qui font partie des instituts les plus réputés en Europe et dans le monde. Au total, ceux-ci occupent quelque 70 collaborateurs (dont 60% de Suisses et 40% d’Européens) et tournent sur un budget annuel de 10 millions de francs, dont 15% en provenance de Bruxelles. Travaillant en étroite collaboration avec des laboratoires réputés comme ceux de Fribourg-en-Brisgau, en Allemagne, et Chambéry, en France, de même qu’avec des entreprises comme TEL SolarLab (ex-Oerlikon Solar) et Meyer Burger, ceux-ci ont développé des technologies et des produits très performants.

Place scientifique suisse moins attractive. Aujourd’hui, c’est le rôle de coordinateur d’un projet entre plusieurs partenaires qui échappera sans doute à la Suisse, reléguée provisoirement au statut d’Etat tiers par l’UE. «C’est toujours un honneur et un avantage que d’assurer un leadership», relève Christophe Ballif, qui a dirigé voilà quelques années le projet Flexcellence, consacré au développement d’un nouveau type de panneaux solaires flexibles.

Mais ce qui fait encore plus mal aux chercheurs de l’EPFL, c’est leur exclusion des réseaux d’innovation Marie-Curie et du marché des bourses de haut niveau ERC (European Research Council), qui peuvent atteindre 2 à 3 millions de francs. «Même si le Fonds national de la recherche scientifique a mis en place une alternative, c’est clairement un affaiblissement de l’attractivité de la place scientifique suisse», déplore encore Christophe Ballif, dont les collaborateurs ont dû abandonner ou modifier plusieurs projets en état de préparation avancée.

Tensions.«Dans un tel climat d’incertitude, je crains que nos partenaires européens ne laissent les instituts suisses sur la touche», déclare Mario El-Khoury. Celui-ci ne cache pas qu’il a eu connaissance de courriels circulant entre partenaires européens et incitant à éviter une collaboration avec la Suisse. Le patron du CSEM, qui a touché 8 millions de Bruxelles en 2012 sur des recettes totales de 70 millions, passe donc son temps à rassurer ses homologues européens. «Qu’elle soit associée au programme Horizon 2020 ou traitée comme un simple pays tiers, la Suisse s’avérera un partenaire fiable assurant ses engagements financiers», souligne-t-il.

Combien de temps les chercheurs suisses resteront-ils les malheureuses victimes des tensions entre Berne et Bruxelles? Dans l’immédiat, il s’agit de résoudre le casse-tête du problème croate et de rendre compatible l’initiative réclamant des contingents avec l’accord sur la libre circulation des personnes. Actuellement, c’est la cacophonie la plus totale sous la Coupole fédérale. D’un accord transitoire sur la Croatie à un nouveau vote sur la voie bilatérale, toutes les hypothèses y passent. Il est urgent de trouver une solution pour que la Suisse, grâce à sa recherche de pointe, puisse rester l’un des leaders de l’innovation dans le monde.

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Résidences secondaires: le temps des bonnes affaires

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Jeudi, 13 Mars, 2014 - 06:00

Immobilier.Loin de flamber depuis l’acceptation de l’initiative Weber il y a deux ans, les prix se tassent et le marchandage devient plus facile. Mais cela ne devrait pas durer.

Sous le soleil ardent de cet hiver trop doux, la neige fond rapidement dans les rues de Haute-Nendaz. Des taches de goudron noir abîmé par les saisons apparaissent et se transforment en rivières. Grandie très vite, la station de montagne valaisanne veut améliorer sa voirie pour présenter un visage plus avenant à ses très nombreux visiteurs. Tout à la joie d’avoir inauguré, en décembre dernier, le Quatre-Vallées, son premier hôtel quatre étoiles, la localité veut désormais hisser son décor à la hauteur de ses nouvelles ambitions.
Un embellissement général serait une bonne chose aussi pour stimuler l’immobilier local. Il en a bien besoin. Depuis quelques mois, il est morose. Moins de transactions, prix en baisse. Et ce n’est pas qu’en raison du ralentissement (tout relatif!) de l’immobilier en Suisse, de l’impact des mesures anticycliques prises par la Finma et la Banque nationale ou du franc fort. L’initiative Weber, qui interdit la construction de nouvelles résidences secondaires dès son acceptation par le peuple le 11 mars 2012, a créé une nouvelle distorsion de marché inattendue. La hausse des prix que les experts attendaient en raison de la raréfaction des objets disponibles sur le marché ne s’est pas produite. Au contraire.

Plongeon à Crans-Montana

Pour le moment, cette tendance ne se lit pas dans le décor de Haute-Nendaz ni des autres stations de montagne qui ont fait de la résidence secondaire leur industrie principale. Au pied des immeubles de vacances qui ont poussé ces trente à quarante dernières années, les agences immobilières se côtoient. Sur les seules routes des Ecluses et de la Télécabine, dont le rond-point qui les relie marque une sorte de centre urbain, elles sont une bonne douzaine à se partager le marché.

Nendaz est la commune touristique du Valais romand ayant enregistré le plus grand nombre de transactions immobilières, exception faite de Bagnes, qui abrite la station de Verbier. Sur ces hauteurs, le registre foncier a enregistré 633 transferts l’an dernier, pour une valeur totale de près de 220 millions de francs.

Mais, tout réjouissants qu’ils soient, ces chiffres marquent une baisse par rapport à l’année précédente. Pas dramatique, de l’ordre de 5% pour ce qui est de la valeur des transactions. Mais qui n’est pas propre à la commune traversée par les flots de la Printze.

Dans le val d’Anniviers, où se concentrent les stations de Grimentz, Saint-Luc, Chandolin et Zinal, elle est de 7,6%. A Hérémence, dans le val d’Hérens, c’est même un plongeon de 26,1% qui a été observé. Une bérézina moindre , toutefois, que celle subie dans les six communes du Haut-Plateau où se love Crans-Montana: – 27,6%.

Certes, cette dégringolade du volume des affaires peut avoir été influencée, dans les petites communes, par des facteurs conjoncturels comme l’arrivée sur le marché de grosses promotions en 2012, effet qui ne s’est pas renouvelé en 2013.

Le plongeon n’est pas général non plus. A Verbier et à Champéry, on a même plutôt observé une hausse de la valeur des transactions immobilières entre 2012 et 2013.

Marchandage sur le coup de midi

Mais la tendance est là: le marché ralentit. Et, lorsque les acheteurs se font moins nombreux, les prix s’orientent vers le bas. Ils se sont affaiblis de 2,8% en moyenne dans cinq communes touristiques valaisannes (Bagnes, Nendaz, Zermatt, Randogne et Lens) choisies comme témoin par le cabinet Wüest & Partner, spécialisé dans le marché immobilier. Le retournement a eu lieu à l’été 2013. A ce moment-là, le prix médian du mètre carré de logement atteignait le record de 9921 francs. Six mois plus tard, il s’était affaibli à 9641 francs.

Ce constat est partagé par Matthias Holzhey, l’économiste d’UBS qui tient l’indice des bulles immobilières. «Depuis l’adoption de l’initiative, à Verbier et aux Diablerets on remarque des baisses de prix plus marquées, mais qui se limitent à environ 5% dans le segment de prix moyen, un peu plus encore pour les objets haut de gamme.»

Or, ces derniers sont constitués avant tout d’objets neufs qui viennent d’être achevés, ou dont la mise en chantier n’a pas encore eu lieu. Pour les trouver, il suffit de pousser la porte de quelques-unes des multiples agences immobilières de Haute-Nendaz – ou de n’importe quelle station de montagne – et de se présenter comme acheteur.

Ces appartements ou chalets neufs sont généralement plus chers que les immeubles de 30 ou 40 ans. Le prix au mètre carré oscille entre 7000 et 10 000 francs pour les premiers, alors qu’il n’est que de 3500 à 6500 pour les seconds. Mais il est permis de discuter. De combien?

Dans la première agence, spécialisée avant tout dans l’ancien et qui offre de nombreux petits chalets sur les trajets du bus-navette conduisant les skieurs au téléphérique, on ne se montre guère ouvert. «On vous fera de 2 à 3% tout au plus», affirme son responsable.
Les perspectives s’élargissent au bureau suivant, qui propose des appartements à profusion au centre de la station. «On peut vous proposer du 5%», avance prudemment l’employée, en l’absence de son patron.

Peut-on espérer mieux? Tentons le coup auprès d’une troisième agence. Au terme d’une discussion d’une demi-heure sur le coup de midi, le patron, qui cherche à vendre des appartements sur plan, propose de contacter le promoteur pour tenter d’arracher une baisse supplémentaire. Tentative fructueuse. Dans l’après-midi, le téléphone sonne, le vendeur annonce, triomphalement: «Il est prêt à vous faire du 10%.» En quelques heures d’efforts et un minimum de discussion, l’acquéreur potentiel peut donc économiser plusieurs dizaines de milliers de francs sur le prix d’achat affiché. Mais insister peut se révéler encore bien plus payant.

«Obtenir un rabais de 15% me semble un minimum au moment de négocier l’achat d’un objet existant neuf», commente le promoteur Urbain Kittel. Mais il y a encore de la marge par rapport à la réalité. Wüest & Partner a constaté des différences moyennes allant jusqu’à 20% entre les prix affichés et les prix conclus lors de transactions immobilières dans la région de Martigny.

Deux ans d’incertitudes

Ce n’est pas d’hier que les prix se discutent, certes. Mais, dans un marché haussier, les vendeurs se font davantage tirer l’oreille pour discuter leurs prix. Pourquoi se montrent-ils donc si arrangeants maintenant?

Les professionnels citent la force du franc, qui découragerait les acquéreurs étrangers, et la persistance de la crise économique dans plusieurs pays européens. Mais ces facteurs ne sont pas nouveaux. Les vendeurs citent aussi parfois le ralentissement de la hausse de l’immobilier en Suisse, notamment à la suite du durcissement des conditions d’accès aux hypothèques décrété depuis près d’un an. Mais ces mesures concernent d’abord les acquéreurs de résidences principales et n’affectent que marginalement les chalets et appartements de vacances. Aussi, l’un des promoteurs les plus écoutés du Valais tient une explication beaucoup plus proche du terrain.

Dans le val d’Anniviers, Urbain Kittel est le roi de l’immobilier. Les gros immeubles près de la télécabine de Grimentz, c’est lui. Une part substantielle des gros chalets et petits immeubles qui s’égrènent dans le reste de la vallée, c’est lui aussi. Mais il a reconnu ses erreurs et a appelé à plus de respect pour le paysage. Depuis, il limite la taille de ses promotions, tout en les montant en gamme.

A 85 ans, c’est un homme bon pied bon œil, toujours engagé, qui reçoit son visiteur dans un restaurant du centre de Vissoie, au cœur de la vallée. «Les objets neufs peinent à se vendre en raison des incertitudes générées par l’acceptation de l’initiative Weber. Qui donc achèterait un objet sans être certain qu’il pourra vraiment y passer ses vacances sans enfreindre la loi?»

De son bureau zurichois, l’économiste Matthias Holzhey dresse un constat similaire: «Du fait de l’insécurité consécutive à l’initiative sur les résidences secondaires, le risque existe que les citoyens de l’UE établis en Suisse temporisent avant d’acquérir un logement de vacances. Ce qui mettrait encore une pression supplémentaire sur les prix», note-t-il. Le promoteur Urbain Kittel est encore plus pessimiste: «Tant que la loi d’application de l’initiative n’aura pas été votée, nous flotterons dans l’inconnu. Cela durera bien deux ans encore», tonne-t-il.

La bataille de la loi

Le délai risque d’être même rallongé. En effet, la bagarre autour de la loi ne fait que commencer. A peine le message du Conseil fédéral était-il publié, le 19 février dernier, que la Fondation Franz Weber, âme de la lutte contre la multiplication des résidences secondaires, l’a menacée de référendum si le projet n’était pas considérablement durci.

Or, les milieux immobiliers jugent le texte encore trop sévère. En Valais, les nerfs restent d’autant plus à vif que l’activité dans la construction ralentit et que le secteur de la construction s’attend à un avenir sombre. «La croissance que nous avons connue depuis le milieu des années  60 est terminée. Désormais, j’hésite entre trois scénarios: une faible baisse de l’activité, une baisse moyenne ou une forte baisse», anticipe Urbain Kittel. La poursuite de l’affrontement semblant programmée, le climat des affaires en pâtira d’autant plus.

Les prix vont donc rester orientés à la baisse un certain temps encore. Du moins tant que de nouveaux objets arriveront sur le marché sans que leur statut ne soit clarifié. Et après? Tout dépendra, bien sûr, de l’état de l’économie, du niveau des taux d’intérêt, etc. Mais, dans l’ensemble, les experts s’attendent à un redressement en raison de la raréfaction des objets disponibles. En d’autres termes, le bon moment pour acheter un appartement ou un chalet à la montagne, c’est maintenant.


Promotion immobilière
Appartement encore en chantier pour près de 9500 francs le mètre carré

Pour le moment, c’est un chantier. Mais dans quelques mois l’immeuble Les Rairettes offrira ses onze logements du 3,5 pièces en rez au 5,5 pièces sous les toits non loin du centre de Haute-Nendaz. Des appartements amples. Le plus modeste couvre 83,2 m2, auxquels s’ajoutent 20 m2 de terrasse. Le plus vaste, lui, fait 210 m2, plus 119,5 m2 de surfaces extérieures. Mais, attention, ces espaces ont leur prix. Ceux-ci s’échelonnent de 805 000 francs pour le plus abordable – un 3,5 pièces en rez – à 2,75 millions de francs pour le plus grand. Soit, en moyenne, de 8500 francs à près de 9500 francs le mètre carré de surface pondérée (les balcons sont comptés à moitié prix et les terrasses pour un tiers). A cela s’ajoutent les places de parc extérieures à 10 000 francs l’unité et les cases intérieures à 40 000 francs la pièce.

 


Objet neuf
Grand chalet individuel pour 1,23 million de francs

Au pied de la forêt, à l’écart du centre de la station de Haute-Nendaz mais à 200 mètres d’un arrêt de bus, ce chalet promet à son acquéreur «toute la quiétude pour [vous] ressourcer».  La construction projetée imite un autre chalet construit en 1997. Ses murs de rondins enveloppent une surface brute de 230 m2 disposés sur trois niveaux dont le sous-sol, le tout posé sur une parcelle de 1000 m2, «l’une des dernières disponibles» du hameau de Saclentse, précise la plaquette de vente. Le jardin comprend aussi une terrasse. Le prix du mètre carré constructible oscille autour de 170 à 250 francs selon le degré d’éloignement du centre de la station et du départ des remontées mécaniques. Le vendeur précise que le propriétaire a «la possibilité de louer son logement pendant les saisons d’hiver et/ou d’été».

 


Objet ancien
Appartement vieux de 26 ans à près de 5700 francs le mètre carré

Situé sur les pentes de Veysonnaz, dominant le village de montagne et la plaine du Rhône, c’est un appartement de 73 m2 situé dans un immeuble érigé en 1988 qui est mis en vente pour le prix de 450 000 francs. L’objet compte 3,5 pièces (un salon-salle à manger et deux chambres) auxquelles s’ajoutent un petit balcon de 12 m2, une cave, une buanderie collective et une armoire à skis. Les places de parc «sont en suffisance», mentionne la plaquette de vente, qui indique aussi que les commerces et l’arrêt du bus-navette sont «proches». L’objet est ainsi mis en vente à près de 5700 francs le mètre carré. L’acquéreur ne devra toutefois pas oublier les charges de 4800 francs par an, plus les éventuels frais d’entretien extraordinaires de l’immeuble au cas où ceux-ci ne pourraient être couverts par la fortune collective.

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Aline Fournier / Nendaz
SOURCE: WÜEST & PARTNER
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Hebdo.ch » revue de blogs de la semaine

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Jeudi, 13 Mars, 2014 - 06:45

Blogs» Economie»
Touche pas à ma com

En politique, tu ne mentiras point!

Comme dans le milieu de la communication, le mensonge en politique devrait être éliminatoire.
Daniel Herrera

Vous l’avez tous lu ou entendu: l’imprésentable Arnaud Montebourg a commis son énième éructation antisuisse. Non content de vomir sur notre pays à la moindre occasion, il avance des chiffres fantaisistes mais pas forcément inoffensifs. En effet, lorsqu’il déclare que la Suisse compte 3% d’étrangers alors les chiffres réels parlent de 23%, la récente votation sur l’immigration apparaît sous une lumière volontairement biaisée. Chers voisins, un habitant de ce pays sur quatre est étranger et près de 50% des dirigeants de nos entreprises n’ont pas de passeport à croix blanche; qui dit mieux à l’échelle européenne? Telle est la vérité, et même les politiciens hostiles à la Suisse devraient la respecter en s’exprimant face à leurs concitoyens. (…) Un mensonge, même répété de manière systématique, ne deviendra jamais une vérité. Soit. Mais il peut se transformer en vérité possible pour une audience ne prenant pas la peine de s’informer ou n’ayant pas accès aux sources crédibles. (…) Le mensonge ou l’approximation plausible comme arme pour faire passer ses idées, voilà un fléau qu’il faudrait combattre ardemment! (…) J’ai coutume de dire que le mensonge, pour un communicateur, est é-l-i-m-i-n-a-t-o-i-r-e. Que les médias n’accordent plus aucun crédit aux messages distillés par un porte-parole ou un dircom pris en flagrant délit de mensonge volontaire. Cette pression légitime et souhaitable nous impose une rigueur sans faille. Si tous les acteurs du jeu démocratique étaient confrontés à la même intransigeance et aux mêmes sanctions médiatiques, n’adopteraient-ils pas une ligne de conduite similaire?


Blogs» Politique»
Le blog de Jacques Neirynck

une mauvaise action

En acceptant d’élever les taxes d’études des étudiants des EPF provenant de l’étranger, le PS s’est renié.
Jacques Neirynck

Dès novembre, c’était prévisible: le PS et l’UDC feraient alliance pour élever les taxes d’études des étudiants provenant de l’étranger à trois fois celles des étudiants suisses. Au Conseil national, ce forfait a été consommé le 6 mars par 99 voix contre 78. Pour l’instant, cela concerne les EPF. Mais l’avenir amènera les universités à adopter la même pratique. Et puis à augmenter toutes les taxes d’études pour renflouer les finances des universités car ni la Confédération ni les cantons ne parviennent à les augmenter suffisamment pour tenir compte du nombre croissant d’étudiants. En faisant payer davantage les étudiants étrangers et dans le contexte d’abandon d’Erasmus, la Suisse universitaire cessera d’être attractive et cela fera d’autant moins d’étudiants au total. Plus d’argent, moins de charges. Le cercle semble vertueux. (…) Il est intéressant de voir quelle fut la majorité: tous les UDC, soit 52, tous les Vert’libéraux, soit 12, et 29 PS votant sans scrupules avec l’extrême droite. Ont résisté tous les PBD, tous les Verts, 12 socialistes et la grande majorité des PDC et des PLR. Il existe donc maintenant un front populiste s’étendant sur tout le Parlement, qui recoupe la majorité populaire du 9 février sur le thème porteur de la fermeture à l’étranger. Car les électeurs UDC n’auraient pas suffi pour atteindre la majorité absolue en février. Il a bien fallu que des électeurs de gauche les rejoignent. (…) Le 6 mars, la gauche a utilisé des arguments tellement faibles qu’elle n’y croyait pas elle-même. Elle ne cesse de répéter que les études doivent être accessibles à tous. En pratique, elle a imaginé et accepté un schéma qui privilégie les étrangers fortunés. Et tant pis pour les autres, car ce ne sont pas des électeurs. Il manque dans ce pays un véritable gouvernement avec un chef, une équipe, un programme et une majorité. Il n’aurait pas laissé passer cette mauvaise action d’un PS qui s’est renié par seul appât du gain électoral.


Blogs» Politique»
Le futur, c’est tout de suite

Sortie de crise: Pourquoi les États-Unis devancent-ils la France?

En économie, la croissance est toujours déterminée par les entrepreneurs et la recherche.
guy sorman

Barack Obama a-t-il sauvé l’économie américaine et François Hollande serait-il le fossoyeur de l’économie française? Aux Etats-Unis, la gauche démocrate, en mauvaise posture pour les élections parlementaires de novembre, fait valoir que sans les plans de relance de Barack Obama, la crise de 2008 n’aurait pas été effacée. A suivre le Parti démocrate, le déficit budgétaire qui a financé quelques milliers de kilomètres de route,
des ponts et des écoles expliquerait pourquoi la grande stagnation de 2008 n’est pas devenue une grande récession comparable à celle de 1930. Aujourd’hui, la croissance américaine dépasse 2%
(1% dû à l’augmentation de la population, plus 1% dû aux gains de productivité), ce qui est sans doute le maximum possible pour une économie avancée.
En France, on envisage en 2014 une croissance de 0,4%, inférieure à l’augmentation de la population, ce qui implique que les Français s’appauvriront et que le nombre d’emplois disponibles diminuera. (…)La croissance et l’emploi, dans chaque pays, répondent à des causes profondes enracinées dans l’histoire, la culture, les mentalités, les structures, plutôt qu’ils répondent
aux injonctions des gouvernements, qu’ils soient de droite ou de gauche. Par ailleurs, l’économie est lente, tandis que la politique est rapide: les élus ont besoin de résultats visibles, alors que les entrepreneurs – moteurs ultimes de la croissance et de l’emploi – s’inscrivent dans des perspectives longues. (…)
La croissance dans le long terme, en réalité, est définie par des «trends», des courants de fond, tandis que les politiques de relance ou de rigueur ne sont que des vagues de surface.
Les moteurs décisifs des trends de croissance, s’il fallait simplifier à l’excès, sont: 1) l’esprit d’entreprise, 2) l’innovation. Le point 2 est mesurable par le nombre de brevets déposés chaque année aux Etats-Unis, en Europe et au Japon, brevets dits triadiques: les Etats-Unis arrivent en tête, suivis par le Japon, puis l’Allemagne, la Grande-Bretagne et la France. Dans la longue durée, des crises vont et viennent, périodiques et inévitables, mais le trend, assez immuable, est fonction de l’innovation
et de la capacité des entrepreneurs à transformer cette innovation en produits marchands.


Blogs» Politique»
Une Suisse en mouvement

Le féminisme ringard

Le féminisme est encore mal vu. Pourtant, certaines questions devraient être comprises comme des combats pour l’égalité.
Johan Rochel

(…) Comme l’écrivait Iris von Roten dans la correspondance qu’elle entretenait avec Peter von Roten: «Quand je cherche une explication au fait que le féminisme est vu comme une honte et que les jeunes filles, précisément ma génération, l’évitent à dessein, je dois alors simplement me demander: qu’est-ce qui m’a empêchée de rejoindre les membres des organisations féminines, pourquoi ces femmes m’apparaissent comme des habitantes d’un autre monde? Je sais très exactement pourquoi. D’une certaine manière,
on y associe l’idée d’un être sans plaisir, un être sans passion et sans beauté.  Je trouve également que l’expression “féministe” est dépassée – mais seulement parce qu’à mon avis elle est trop peu complète.
En effet, il en va sur cette question aussi des droits politiques des femmes, mais avant tout de toute
la vie qui leur est due, l’épanouissement de leur être.»
Le vote suisse sur le remboursement de l’interruption de grossesse en février dernier a montré que certains acquis du féminisme de nos mères et grands-mères avaient maintenant force évidence. De toute évidence, il reste des questions où il est urgent d’agir, notamment l’égalité de salaire et des conditions de travail. Parmi ces batailles, certains objets gagneraient à être compris comme des combats pour l’égalité: le libre choix réel de son mode de vie et d’organisation au sein du couple, l’âge de la retraite, l’obligation de servir,
la flexibilisation des structures d’entreprise.
Ces questions nous touchent tous et les hommes sont appelés à
se dire féministes et combattants de l’égalité.


Blogs» Culture»
Notes sur l’inspiration et le talent

Richard III: la dimension manquante

Jouée au Théâtre Lausanne-Vidy, la pièce trahit l’esprit de Shakespeare.
François Schaller

(…) Ce qu’il manque dans
ce Richard III, c’est l’ambivalence fondamentale de l’humanité et des humains. L’ultime génie de Shakespeare, c’est d’avoir concentré le bien et le mal dans les mêmes personnages et les mêmes situations.
Le duc de Gloucester commence par expliquer sa mission: venger tous les êtres qui n’ont pas été épargnés par la nature ou la malchance, en instrumentalisant à l’extrême le mal dont ne se gênent pas d’abuser celles et ceux qui sont si bien nés. Le monstre n’est pas complètement cynique lorsqu’il séduit la princesse Anne après avoir fait assassiner son père et son mari. Il lui demande en quelque sorte la reconnaissance d’un bon fond, de son triste sacerdoce, du respect dû au mal satanique destiné à punir les hypocrites de la bienfaisance, de cette immoralité délibérément endossée dont la souffrance induite ne quittera jamais son auteur. Lady Anne est vraiment séduite. Elle n’est pas seulement contrainte, victime de son devoir de soumission. Richard III
est un vrai héros shakespearien, à grande complication, qui doit finalement émouvoir le public malgré son profil de grand comploteur, de tueur compulsif, ce qui ne se produit malheureusement pas à Vidy.

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Vincent
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L’ambassadeur le moins sérieux a été nommé en Suisse

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Jeudi, 13 Mars, 2014 - 05:51

Usage.Berne fait partie des capitales non stratégiques où les présidents américains ont coutume d’envoyer de généreux donateurs. Exemple avec un «diplomate» désigné par Bill Clinton.

James Bruno

Il est probable que la nomination politique la plus embarrassante d’un ambassadeur fut celle de Larry Lawrence, un généreux promoteur immobilier californien envoyé à Berne comme représentant de Bill Clinton.

En 1991, le magazine Forbes mentionnait Lawrence parmi les 400 Américains les plus riches avec une fortune personnelle de quelque 315 millions de dollars. Au moment de sa nomination, l’homme était visé par deux douzaines d’actions judiciaires devant le Tribunal fédéral spécial chargé des litiges concernant l’impôt sur le revenu, ce qui incita l’American Foreign Service Association (association professionnelle de la diplomatie, forte de 28 000 membres, ndlr) à formuler la demande inhabituelle que la nomination ne soit pas confirmée. Mais des sources du Département d’Etat indiquent qu’Hillary Clinton voulait absolument que le turbulent donateur quitte le pays.

Et c’est ainsi que la Maison Blanche imposa sa nomination par le biais du Sénat. Une fois la chose faite, Lawrence insista pour que son épouse, une ancienne serveuse de bar, soit son «coambassadeur». Là, le Département d’Etat fit objection.

Déterré clandestinement. Larry Lawrence mourut à Berne en 1996, à l’âge de 69 ans, et bénéficia, pour être enseveli au cimetière national d’Arlington, d’une clause dérogatoire fondée sur des allégations selon lesquelles il avait été blessé durant la Seconde Guerre mondiale, alors qu’il servait dans les Merchant Marines. On découvrit plus tard qu’il n’y avait jamais servi et qu’une bonne partie du reste de sa biographie avait aussi été fabriquée. Des groupes de vétérans firent pression pour que Lawrence soit exhumé du cimetière consacré. Mais il ne se passa rien jusqu’à ce que, par une opération clandestine, des Navy Seals déterrent bel et bien le cercueil qui fut ensuite remis en terre à San Diego en 1997.

Le Département de la justice a lancé une enquête pour comprendre comment le Département d’Etat et la Maison Blanche avaient failli à détecter ses nombreux mensonges alors même que son passé était passé au crible.

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Brian Phelps, Keystone
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Hebdo.ch » revue de blogs de la semaine

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Jeudi, 20 Mars, 2014 - 05:48

Blogs» Politique»
Une Suisse en mouvement

Casse-tête chinois

De l’influence du 9 février sur l’accord de libre-échange avec la Chine.
Johan Rochel

(…) L’initiative «Contre l’immigration de masse» acceptée en février dernier pourrait avoir de fâcheuses conséquences sur l’accord de libre-échange signé avec la grande puissance. (…) Le cœur du problème prend la forme d’un dilemme. D’une part, la Suisse s’est engagée vis-à-vis de son partenaire chinois à favoriser le mouvement de personnes dans le cadre de la libéralisation des services entre la Chine et la Suisse. Ainsi, pour les personnes concernées par l’accord, aucune des deux parties ne devrait imposer de tests de qualification, de tests de besoins économiques ou de «restrictions quantitatives». En d’autres mots, interdiction de mettre en place des contingents. (…) D’autre part, l’initiative acceptée par les citoyens suisses précise très clairement que «les plafonds valent pour toutes les autorisations délivrées en vertu du droit des étrangers». Toutes les autorisations, difficile de trouver formule plus claire. Difficile également d’être plus limpide sur le dernier paragraphe de l’initiative acceptée le 9 février dernier: interdiction de conclure un nouveau traité international qui serait contraire au présent article (c.-à-d. les contingents et la préférence nationale). Le changement constitutionnel voulu par les citoyens est clairement en contradiction avec l’accord tel qu’il est soumis à ratification. La situation des élus fédéraux est donc loin d’être enviable: soit l’accord avec la Chine sera abandonné, soit la volonté du peuple inscrite dans la Constitution ne sera pas respectée. En toute logique, l’accord avec la Chine devrait être abandonné. En effet, l’UDC a promis de respecter strictement la volonté du peuple, sa décision ne fera donc même pas l’objet d’un débat. (…) Pas besoin d’être grand clerc pour voir que ce scénario ne se jouera pas jeudi 20 mars au Conseil des Etats. «La porte la plus sûre est celle qu’on peut laisser ouverte» rappelle un proverbe chinois: il ne fait aucun doute que l’accord avec la Chine sera ratifié. Tous les citoyens soucieux des institutions de ce pays devraient alors poser deux questions à leurs représentants. Premièrement, cette contradiction avec le choix populaire n’est-elle pas le dernier argument nécessaire pour soumettre l’accord au référendum facultatif? (…) Deuxièmement, si le Conseil des Etats choisit de ratifier l’accord avec la Chine, il passe clairement sous silence un choix très clair des citoyens. (…) L’accord chinois fait office de premier test du crédit que les élus fédéraux entendent donner au texte de l’UDC – à commencer par le parti de Blocher lui-même. Si l’accord est accepté, le vote du 9 février ne serait qu’une irruption démocratique de colère, sans lendemain et sans conséquence. Et notre Constitution ne serait que l’enseigne où les citoyens exaspérés se défoulent.


Blogs» Politique»
La Suisse à 10 millions d’habitants

Halte au «french bashing»!

Depuis plusieurs années, nombre d’acteurs importants de la droite cèdent à la tentation du «French bashing».
Pierre Dessemontet

Il est difficile de retrouver le moment à partir duquel un nouveau sport national est apparu, qui prend ici la forme du French bashing: cette tentation qui consiste (…) à s’esclaffer de la nullité des gouvernements successifs de nos voisins et, ainsi, surfer sur le sentiment de dignité outragée, ou de fierté suffisante, qu’on contribue ainsi à susciter auprès de la population. (…) Une lecture possible des événements survenus depuis 2008 et la crise financière est que la Suisse officielle, celle qui gouverne, a décrété que les intérêts de son secteur financier primaient sur ceux du reste de son économie, et qu’en conséquence elle n’a pas su ou voulu voir que cela la plaçait dans une position indéfendable par rapport à nombre de ses partenaires commerciaux et économiques, qui ne désiraient pour la plupart rien de plus que de récupérer la substance fiscale qui se cachait chez nous. (…) Résultat: depuis cinq ans, la grande majorité des responsables crie au loup et à la forteresse assiégée, vomissant nos partenaires, dont la France, mais pas seulement elle, les traitant de tous les noms d’oiseaux, selon les circonstances, soit de monstres sanguinaires voulant abattre notre pays, soit de crétins malfaisants détruisant les leurs. On a vu ainsi nombre de politiciens pourtant acquis à l’ouverture, aux bilatérales, voire à une intégration plus forte dans l’ensemble européen diffuser, à longueur d’année, des discours condescendants, méprisants, voire, pour certains, carrément injurieux envers nos voisins. (…) Ce faisant, leurs auteurs pourtant nominalement europhiles n’ont pas vu qu’en répétant, semaine après semaine, ces attaques contre nos partenaires, on a fini par légitimer dans la population le discours de rejet et de fermeture vis-à-vis de l’Europe que l’UDC serine depuis vingt-cinq ans. (…) Le lien entre le French bashing et le 9 février me semble aveuglant. Et il est un fait que, dans l’attente d’enquêtes plus précises, la répartition des résultats du vote semble bel et bien indiquer que c’est dans l’électorat du centre droit que le soutien aux bilatérales a le plus reculé le 9 février 2014. Il conviendrait donc que les hérauts de la droite ouverte au monde, PLR en tête, modèrent leur discours (…).


Blogs» Economie»
Les non-dits de l’économie

Le printemps européen sera chaud

Plusieurs tests primordiaux attendent la zone euro.
Sergio Rossi

L’Union européenne reste le grand malade de l’économie mondiale. Le projet néolibéral porté par l’adoption d’une monnaie unique à travers le Vieux Continent pourrait mettre à mal ses partisans et notamment ceux qui en ont profité jusque-là pour augmenter leurs richesses financières de manière indue et immorale, avant et pendant la crise de l’Euroland. Le premier test de résistance sera effectué avec l’acceptation du projet d’Union bancaire réunissant les pays membres de la zone euro sous le chapeau d’un mécanisme de résolution unique pour les banques qui, à travers l’Euroland, venaient à être menacées de faillite. Le fonds qui va devoir être mis à contribution pour ce faire est très loin d’être constitué. Le deuxième test de résistance pour la zone euro sera l’élection (fin mai) des nouveaux représentants au Parlement européen. Si les partis de la droite europhobe obtiennent au moins 25% des sièges dans ce parlement, y compris les élus du mouvement populiste Alternative für Deutschland, la zone euro pourrait ne pas survivre à sa propre crise. Le troisième test de résistance pour l’Euroland interviendra lorsque les «marchés» financiers vont constater que l’Italie, sous le gouvernement de Matteo Renzi, n’arrive pas à respecter ses engagements financiers, parce que les «réformes structurelles» du marché du travail aggravent, au lieu d’atténuer, la situation de la troisième économie de l’Euroland. Les nationalistes suisses auraient tort de se réjouir par Schadenfreude de la situation dramatique dans la zone euro, car leur propre monnaie a devant elle une «tempête parfaite» qui mettra à mal (ce qui reste de) la cohésion sociale au pays des Helvètes. Il convient de s’y préparer, tout en œuvrant pour contribuer à instituer les Etats-Unis d’Europe dans un horizon temporel raisonnable. Sans un projet de société, l’Europe ne va pas pouvoir s’écarter du sentier autodestructeur qu’elle a emprunté en suivant le néolibéralisme, qui s’est désormais érigé en pensée unique.


Blogs» Société»
Carpe diem

Les bâtons au kirsch sont éternels

Il y a des spécialités qui défient le temps et les modes. Personne n’en achète… mais tout le monde en reçoit.
Knut Schwander

Une invitation improvisée entre voisins implique en général le type de conversation suivant: «Qu’est-ce qu’on peut vous apporter?» «Rien du tout. Juste votre bonne humeur…» D’ailleurs, comme il est 19 heures, à part les stations-services à l’offre limitée, il n’y a pas vraiment d’autre choix que la bouteille de vin (oui, c’est ça, le bordeaux supérieur, celui que les Machin avaient apporté). Mais, quand les invités sonnent, ils n’ont en général pas résisté à ajouter quelque chose au panier (…): des bâtons au kirsch. «Oh, il ne fallait pas.» Nooon, vraiment pas! Je me souviens de mon premier bâton au kirsch. Je devais avoir 10 ans et le fait d’être initié à cette délicatesse alcoolisée m’avait fait l’effet d’une sorte de promotion. Mais pas longtemps. Déjà à ce moment-là, j’étais resté dubitatif: la poudre de chocolat qui colle aux lèvres et aux dents… aux doigts aussi (génial, surtout quand on porte une chemise blanche); le sucre cristallisé qui crisse désagréablement sous la dent (c’est pire que le sable entre les doigts de pieds à la plage); puis une sorte de sirop suave… mais alcoolisé, qui se répand sur les doigts – et qui colle – avant d’achever la chemise. Evidemment, il s’agit là du scénario pour non-initiés. Ceux qui ne savent pas encore qu’il faut emboucher la «délicatesse» d’une pièce. Mais est-ce bien nécessaire? En fait, ces bâtons au kirsch, ce n’est ni pratique ni bon. Alors qui les achète? (…) Il n’empêche que, régulièrement, il se trouve quelqu’un pour vous en apporter. (…) C’est à désespérer. Comme personne ne les mange, on en a toujours sous la main. Un récent jour de désespoir, justement, j’ai regardé de plus près la fameuse boîte fraîchement arrivée. C’était en février. Et la date limite était en… février. Tiens, tiens, tiens. A part une épicerie de quartier mal gérée, aucun magasin ne vend des produits si proches de leur date limite de consommation. Et c’est là que j’ai compris: nos amis (car ils restent des amis!) non plus ne les ont pas achetés, ces maudits bâtons. En fait, comme il s’agissait d’une invitation improvisée, ils nous ont refilé ce qu’ils avaient sous la main: la boîte que d’autres amis bien intentionnés (ou pas?) leur avaient offerte. Pas machiavéliques, ils n’ont pas pensé à vérifier la date pour constater que cette boîte-là, c’était le bout d’une longue chaîne d’invitations. (…) «Oh nooon, vraiment, il ne fallait pas…»

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