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France: les municipales à l’heure des affaires

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Jeudi, 20 Mars, 2014 - 05:49

▼Les faits
Lundi 17 mars, Médiapart versait une nouvelle pièce médiatique au dossier du financement présumé de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy par feu le dictateur Mouammar Kadhafi. «L’ex-ambassadeur de France en Libye, François Gouyette, aujourd’hui en poste à Tunis, a été entendu fin janvier par les juges (chargés de l’affaire libyenne, ndlr). Le diplomate a déclaré qu’un de ses contacts libyens lui avait confirmé, en 2011, “qu’il y avait eu effectivement un financement de la campagne présidentielle de M. Sarkozy”», écrit le site. Lundi toujours, et selon la chaîne i-Télé, on apprenait que la ministre de la Justice, Christiane Taubira, n’aurait pas menti lorsque, le 10 mars sur le plateau de TF1, elle avait affirmé, brandissant des documents qui attestaient pourtant le contraire, qu’elle n’avait pas été mise au courant des écoutes visant Nicolas Sarkozy. Que seule sa directrice de cabinet le savait et qu’elle n’en aurait rien dit à la garde des Sceaux.

▼Les commentaires
Mardi 18, et cela vaut commentaire, en l’occurrence celui de l’opinion, le journal Nice-Matin publiait un sondage CSA montrant que seule Marine Le Pen sort apparemment «renforcée» (selon 44% des sondés) des affaires qui frappent la droite UMP et, par ricochet, la gauche PS. Tous les autres, à l’exception de Manuel Valls et de François Fillon, en sortent affaiblis, Nicolas Sarkozy (54%), François Hollande (54%) et Christiane Taubira (66%) en tête.

▼A suivre
Les affaires auront-elles une incidence sur les élections municipales, en termes de votes FN et/ou d’abstention? Réponse dimanche 23, lors du premier tour.

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Philippe Wojazer / Reuters
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Langues à l’école: guerre rallumée

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Jeudi, 20 Mars, 2014 - 05:50

▼Les faits
La déclaration d’Alain Berset selon laquelle la Confédération devrait trancher en ultime ressort si les cantons ne parvenaient pas à se mettre d’accord sur les langues apprises à l’école primaire a suscité de vives réactions en Suisse alémanique. Les cantons tiennent à leur souveraineté en matière d’instruction publique.

▼Les commentaires
Les éditorialistes n’ont guère apprécié l’avertissement du ministre de l’Intérieur. «On se calme, M. Berset. Nous n’avons pas besoin de vos menaces», conseille la Neue Luzerner Zeitung. Même son de cloche dans la NZZ am Sonntag, qui estime que l’utilité du français à l’école est surestimée. «C’est un problème pédagogique que l’on ne saurait résoudre par la politique», écrit-elle. Comme les élèves sont dépassés par l’apprentissage de deux langues à l’école primaire, il faut en choisir une, et c’est forcément l’anglais qui doit s’imposer. «Qu’un pays qui se veut international s’accroche à ses langues nationales par pure idéologie est un non-sens absolu», ajoute-t-elle. Seule consolation pour Alain Berset: un commentaire du Tages-Anzeiger qui lui demande précisément de trancher en vertu de l’article sur la formation harmonisant les études, que le peuple a plébiscitée en 2006. Y compris à Lucerne, où le oui a atteint 85%!

▼A suivre
C’est sûr: la guerre des langues se rallume. En Suisse alémanique, Alain Berset est déjà le nouveau «bailli des langues». Ses détracteurs soulignent qu’il est Romand, donc juge et partie, et dénoncent la «massue» qu’il brandit. Autant de mots qui en disent long sur le dédain des Alémaniques envers la langue de Molière.

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«Il faut réhabiliter la nature humaine»

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Jeudi, 20 Mars, 2014 - 05:51

Lytta basset.La philosophe et théologienne publie Oser la bienveillance. Et accueille avec sérénité l’heure de la retraite professorale de l‘Université de Neuchâtel. Entretien bilan avec une figure majeure de la pensée spirituelle contemporaine.

C’est une pionnière qui tournera d’ici à quelques semaines la page de l’enseignement théologique universitaire à Neuchâtel. Philosophe, théologienne, pasteure, écrivaine, accompagnante spirituelle, conférencière, Lytta Basset marque de son empreinte la réflexion spirituelle et théologique contemporaine depuis vingt ans, tissant des liens uniques et bienvenus entre notre héritage chrétien et les champs psychologiques et philosophiques, explorant les notions de pardon, de fragilité, de culpabilité, de compassion, ouvrant ainsi la voie à une spiritualité attentive aux demandes, toujours plus grandes en la matière, de la population.

Lytta Basset donne son dernier cours de formation continue grand public à l’Université de Neuchâtel à partir du 28 avril sur le thème de la bienveillance, objet de son nouveau livre Oser la bienveillance (Albin Michel): un ouvrage proprement révolutionnaire qui impute au dogme du péché originel, «héritage religieux non digéré», le malaise et le pessimisme civilisationnels actuels. Dont seule la redécouverte de la bienveillance peut nous sortir. Surprise: malgré son immense succès, le Certificate of Advanced Studies (CAS) en accompagnement spirituel qu’elle a créé il y a trois ans ne sera pas reconduit par l’Université de Neuchâtel ni, vraisemblablement, par aucune autre faculté de théologie romande…

Pourquoi, alors que les villes de Lille, Toulouse, Marseille, Bruxelles ou Montréal souhaiteraient de votre part une telle formation, l’Université de Neuchâtel ne reconduit pas le CAS en accompagnement spirituel qui a déjà formé trois volées d’étudiants exerçant toutes sortes de métiers, y compris dans la santé et l’éducation?

Le bureau de formation continue de la faculté de théologie de Neuchâtel fermera ses portes cet été. Pourtant, 38 personnes se sont déjà annoncées pour 2014-15! L’accompagnement spirituel peine à trouver sa place dans les facultés de théologie romandes, plus encore que la théologie pratique elle-même. C’est comme si les dimensions existentielles importaient peu, alors qu’il y a une grande demande du public dans ce sens. Or, si on ne travaille pas la spiritualité sur le plan intellectuel et à l’université, ça va n’importe où! On voit déjà n’importe qui s’improviser accompagnant spirituel, thérapeute ou médium… Toutes ces années, j’ai essayé de donner des outils de réflexion dans le domaine de la spiritualité et de l’accompagnement des personnes sur ce chemin. C’est un travail que doivent absolument faire les facultés de théologie, sans quoi elles sont refermées sur elles-mêmes, déconnectées de la vie réelle. Du coup, il est possible qu’une association pour l’accompagnement spirituel voie le jour en Suisse romande, auquel cas nous pourrions offrir une formation de base dans ce domaine.

Dans quel état d’esprit quittez-vous l’université après seize ans d’enseignement et de recherche?

Je suis sereine. L’université m’a permis de faire énormément de choses, comme de créer et diriger la revue La chair et le souffle depuis 2005. Au fil des années, une cohérence de plus en plus importante s’est développée entre mon activité de recherche et d’écriture, mon enseignement, le dialogue avec les étudiants ou les doctorants portant justement sur les liens entre la théologie et la spiritualité, qui est au centre de mes travaux depuis toujours, et entre psychologie et spiritualité. Je serai dès l’automne professeure honoraire, je reste liée à mon université; entre mes activités de formation, de conférences, d’accompagnement spirituel et d’écriture, je ne suis pas menacée de m’ennuyer. Je suis touchée par la souffrance et la quête des gens. Et la demande ne fait qu’augmenter.

Au moment où les facultés de théologie protestante de Genève, de Lausanne et de Neuchâtel se restructurent, au moment où l’on parle d’un projet de Haute école de théologie protestante en Suisse romande, comment voyez-vous l’avenir de la théologie en Romandie?

Mon souci, avant d’être structurel ou logistique, est lié à la perte totale de l’intérêt pour la spiritualité de la part des facultés de théologie, et l’absence d’enseignements relatifs à cela. Quand vous évacuez cette dimension, vous faites de la théologie une science des religions qui ne tient pas compte de la dimension personnelle, interpersonnelle et existentielle. Définir la spiritualité n’est pas facile, mais cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas y réfléchir. C’est ce que nous avons fait dans La chair et le souffle, en tentant de déterminer quels sont les critères d’une spiritualité féconde, en se donnant des outils réflexifs pour aborder les questions relatives à la vie spirituelle. Je crains que plus personne ne le fasse, alors que la demande est immense et que le public semble ne pas trouver les réponses à ces questions dans les Eglises. Les facultés de théologie ont hélas viré à l’historico-critique exclusif depuis des années et forment des pasteurs qui sont peu sensibilisés au besoin de spiritualité, avec ou sans Dieu, de la population.

Vous-même pratiquez depuis vingt-cinq ans l’accompagnement spirituel. Avec quelles demandes viennent les personnes?

Nous sommes dans une société qui a foncé tête baissée dans le matériel. Quelle que soit leur religion ou leur absence de croyance, leur milieu social, leur âge, les gens sont en demande d’une dimension spirituelle, c’est-à-dire liée au sens de la vie, à la prise en compte des grandes questions: d’où venons-nous, où allons-nous, quel est le sens de la souffrance, y a-t-il du divin en chacun d’entre nous et, si oui, comment l’appréhender? Je sens la population très réceptive, ouverte d’esprit. Les milieux de l’éducation, de la santé, du travail social… et même de l’économie sont en demande d’outils pour répondre aux questions de sens; les jeunes enseignants ne peuvent plus répéter les réponses toutes faites qu’on a servies aux enfants pendant des générations sur la mort, la vie, la douleur, l’amour. La grande affaire est d’être authentique, mais rien n’est plus difficile! La recherche spirituelle est une recherche de lien. Partager les questions est la première des réponses.

Dans votre nouveau livre, «Oser la bienveillance», vous faites de la bienveillance l’antidote au dogme du péché originel et à son pessimisme, dont nous sommes encore aujourd’hui les héritiers involontaires. Un coup de pied dans la fourmilière?

Ce livre est un fruit de la maturité. J’ai pris conscience au cours de ces années du poids énorme de l’inconscient collectif et de l’histoire en Occident. Les séquelles de ces vieilles histoires, soit la question de la culpabilité, de la faute et du péché telle que l’enseignement chrétien traditionnel l’a enseignée, nous concernent tous. Ce dogme nous a donné une image de nous-mêmes désastreuse et n’est pas pour rien dans la société méfiante, anxiogène qui est la nôtre aujourd’hui. Nous portons dans nos cellules, nous a appris la science récemment, l’histoire des générations qui nous précèdent. Et la civilisation qui s’est développée autour de cette vision dénigrante de l’être humain a sécrété des fléaux sociaux qui affectent aujourd’hui encore les individus et les institutions…

Dans quels domaines en particulier?

Celui de l’éducation pour commencer. C’est frappant que nous soyons encore dans un déni massif en ce qui concerne la violence éducative. On a longtemps enseigné que l’enfant, né dans le péché originel par hérédité, devait être redressé car il était mauvais dès le départ, un «suppôt de Satan», un «criminel». Les textes sont là, sous la plume de Calvin, Luther, autant que des héritiers de saint Augustin. En Occident chrétien, cela a imprégné des générations d’éducateurs et de parents, au moins jusqu’à l’époque de mes parents. On leur inculquait de «corriger» leur enfant dès le berceau. A l’église, en France, tous les dimanches, les protestants récitaient la confession de foi traditionnelle: «Incapables par nous-mêmes de faire le bien, nous transgressons tous les jours et de différentes manières Tes saints commandements, attirant sur nous par Ton juste jugement, la condamnation et la mort…»; je m’en souviens, je le récitais aussi! Le mot «maltraitance» ne date que de la fin du XXe siècle. Nous avons mis du temps à nous rendre compte que la quasi-totalité des criminels ou délinquants sont des gens qui ont été gravement maltraités petits.

Vous revenez à la Bible et montrez que le dogme du péché originel, tel que la tradition chrétienne nous l’a martelé en nous rendant coupables de tous les maux de la terre, ne se trouve pas dans les textes.

C’est en 418 que le concile de Carthage, sous l’influence de saint Augustin, l’a adopté. Mais il n’existe pas dans les Eglises orthodoxes. C’est une particularité de l’Occident. Il a entraîné des dérives totalement pathologiques entre le XVe et le XVIIe siècle, et la Réforme a été prise là-dedans. Toute l’Europe était plongée dans les affres des conséquences de ce dogme. Ne croyons pas que c’est dépassé: je vois certaines personnes âgées ne pas arriver à mourir parce qu’elles ont peur de l’enfer…

Mais le dogme du péché originel a été longtemps bien pratique, à la fois pour tout expliquer, et comme instrument d’influence des puissants…

Oui, le péché originel expliquait tout. Les humains ont horreur de ne pas comprendre, d’être confrontés à l’absurde. On préfère dire «c’est ma faute» ou «qu’est-ce que j’ai fait au bon Dieu pour souffrir autant?» plutôt que de n’avoir aucune explication au malheur. Cela satisfait la logique et la raison. L’historien Jean Delumeau explique bien que, au XVIIIe siècle, le mal n’était pas du tout un mystère. C’était même très clair: tout était dû au péché originel. Il n’y avait pas un penseur européen qui s’intéressait au «problème» du mal!

Ensuite, évidemment, la doctrine du péché originel a été durant longtemps un sacré instrument de pouvoir, d’intoxication des masses. Et, selon les historiens, le clergé, les dirigeants étaient eux-mêmes en proie à la peur de l’enfer! Tout l’Occident était dans une espèce de folie collective. Souvenons-nous de cet évêque du Mans qui recommandait d’ouvrir la femme enceinte morte ou vive en cas de problème, en secret, pour baptiser l’enfant au plus vite… Et on a fait de grands progrès quand des médecins belges ont inventé une sonde pour baptiser le bébé in utero si jamais il mourait, afin qu’il ne soit pas damné!

Nous avons ainsi développé un regard très négatif sur l’espèce humaine.

Exactement! Tout est de notre faute. Nous nous sentons mauvais par nature. Or, nous pouvons avoir un autre regard sur nous-mêmes. C’est ce qu’essaie de faire ce livre. J’ai à cœur, depuis plusieurs années, de réhabiliter l’être humain. Et de montrer que Jésus n’a jamais rien dit de tel. Dans la Bible, le mot péché signifie la non-relation avec l’Autre. Dès que je m’enferme, me replie sur moi-même, je ne suis en lien ni avec les autres ni avec Dieu. Ce repli sur soi est toujours lié à une souffrance. Pour la Bible, ce qui est bien est ce qui aide les autres et les fait progresser. Ce qui est mal, c’est ce qui détruit les relations et le vivre ensemble. Là où je deviens pécheur, pour prendre le vocabulaire biblique, c’est quand je refuse la relation et m’enferme dans l’autosuffisance.

Comment effacer 1500 ans de péché originel tout en restant dans le cadre de la tradition chrétienne?

Peut-être que c’est le moment pour la tradition chrétienne de se transformer, ou de revenir à ce qu’elle aurait toujours dû être: une transmission du souffle libérateur de Jésus. On peut reconnaître que sur ce plan l’enseignement de l’Eglise s’est fourvoyé. Pourquoi beaucoup ne peuvent plus supporter le clergé, tout ce qui ressemble au christianisme, à commencer par le mot péché? Je les comprends. Tant qu’on ne changera pas de théologie, on restera dans le fatalisme et la culpabilisation. Si je suis demandée pour des conférences dans des milieux qui ne sont pas du tout chrétiens, c’est sans doute en partie parce que je fais attention à ne jamais donner de leçons. Si la tradition chrétienne vivante doit se perpétuer, cela se fera peut-être pour une large part en dehors de ce qu’il reste des Eglises instituées.

Pourquoi «Oser la bienveillance»? C’est faire preuve d’audace que de pratiquer la bienveillance?

Oui. Sur un plan individuel, c’est prendre un risque. Il s’agit de lutter contre la méfiance, les a priori, la malveillance que l’on peut ressentir envers l’autre suivant ce que l’on nous a dit, etc. J’insiste toujours beaucoup sur l’être de la personne. Quoi que vous ayez pu faire, ou ne pas faire, je décide de me concentrer sur votre être profond, de poser sur vous un regard bienveillant. Je peux parfaitement être déçue, trompée, et admettre que ma bienveillance n’a pas été payée de retour. Mais cela n’enlèvera rien à ma perception de votre «marque de fabrique» divine. Ce n’est pas être fleur bleue. Jésus était lucide et non naïf.

Et sur le plan collectif?

Nous avons aussi un travail à faire pour oser la bienveillance. En 2010, un sondage a montré que 21% seulement des Français estiment que l’on peut faire confiance aux autres! Si nous légiférons, si nous prenons nos décisions sociales, politiques, associatives, en prévoyant exclusivement les mauvais coups, rien ne peut changer. Il y a ici un défi collectif. Les sciences humaines ont transposé le dogme du péché originel en décrivant une nature humaine violente, mal intentionnée, agressive, cupide, cruelle dès le départ: c’est la vieille doctrine occidentale présentée sous forme pseudo-scientifique; ainsi, Freud parlait de l’enfant pervers polymorphe… On ne trouvera nulle part dans la Bible une définition de la «nature» humaine! Nous sommes tous des êtres en devenir. Cette notion de progression est l’axe fort de la chrétienté orthodoxe: quoi que nous ayons pu faire, ne pas faire ou subir, nous sommes tous «capables de l’Autre» − «capables de Dieu», comme disaient les Pères de l’Eglise − capables de lui «répondre», donc d’être «responsables» de nos actes, de notre devenir. Pourvu qu’on nous regarde avec bienveillance!


«Oser la bienveillance». De Lytta Basset. Albin Michel, 428 p.

«Oser la bienveillance: un autre regard sur l’être humain».

Cours public de l’Université de Neuchâtel. Quatre conférences dès le 28 avril. Inscriptions jusqu’au 28 mars. foco.theologie@unine.ch

Le même cours sera redonné à l’Espace culturel des Terreaux (Lausanne) le 27 octobre et les 3, 10 et 17 novembre.

Lytta Basset sera au Salon du livre et de la presse de Genève le 1er mai à 13 h.


Lytta Basset

1950 Naissance en Polynésie française d’un père pasteur missionnaire et d‘une mère femme de lettres. Mariée, mère de trois garçons.
1967-1974 Etudes de philosophie puis de théologie à Montpellier et à Strasbourg.
1984-2001 Pasteure dans l’Eglise protestante de Genève.
1993 Docteure en théologie (Université de Genève).
1998 Professeure de théologie pratique à l’Université de Lausanne, puis à celle de Neuchâtel dès 2004.
2001 Décès de son fils aîné Samuel.
2005 Création et direction de la revue internationale de théologie et de spiritualité de l’Université de Neuchâtel.
2011 Lancement du CAS en accompagnement spirituel (Université de Neuchâtel).

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Léa Kloos
Patrick Gilliéron / Lopreno
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Entre les murs, toutes les cultures

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Jeudi, 20 Mars, 2014 - 05:53

Enseignement.Le documentaire «La cour de Babel» suit le quotidien d’une classe d’accueil parisienne. Reportage dans une classe similaire en ville de Fribourg.

«Monsieur, il sort quand, le journal?» Entre deux exercices de français, Alejandro, un jeune Espagnol de 14 ans arrivé en Suisse il y a à peine neuf mois, ne cache pas son impatience. Il a hâte, à l’instar de ses camarades et c’est bien compréhensible, de découvrir l’article que L’Hebdo va publier sur sa classe, qui fait partie d’un projet pilote lancé au début de l’année scolaire et soutenu par la Direction de l’instruction publique, de la culture et du sport de l’Etat de Fribourg.

Il étudie dans une classe d’accueil, appelée à l’interne «ressource». Il en existe six dans le grand Fribourg, réparties dans quatre établissements, dont celle-ci, la seule du Cycle d’orientation de Pérolles, à deux pas d’un des sites de l’université et de l’Ecole d’ingénieurs et d’architectes.

Double intégration. Tout est dit dans l’appellation: on accueille dans ces classes des élèves étrangers qui ne sont pas encore assez à l’aise en français pour pouvoir suivre les cours d’une classe régulière. Alejandro y semble très à l’aise. Cet après-midi-là, il travaille avec la pétillante Crizzel. Elle a 14 ans elle aussi, et est originaire de République dominicaine. Cela fait un an et quelques mois qu’elle est en Suisse, où elle vit avec ses parents et son frère aîné, Cristian Javier, qui suit certains cours avec elle. Car c’est là une spécificité de la classe d’accueil du CO de Pérolles: elle est à degrés multiples. Les 19 élèves qui la composent ont entre 13 et 17 ans et sont en neuvième, dixième ou onzième année HarmoS. Soit en fin de scolarité obligatoire. Ils sont originaires de sept pays – Portugal, Espagne, Angleterre, République dominicaine, Erythrée, Bolivie et Brésil.

Ils font tous déjà partie d’une classe régulière, et viennent assister aux cours dispensés en classe dite «ressource» – français, maths et allemand – en fonction de leurs besoins, entre six périodes pour les plus à l’aise et dix-neuf pour ceux qui sont là depuis peu.

Majorité portugaise. Alejandro et Crizzel travaillent seuls. Dans un coin, Gonçalo, l’aîné de la classe, très studieux, termine une fiche de maths avant d’enchaîner sur un questionnaire d’histoire suisse. Certains élèves paraissent très intro­vertis, à l’image de la Bolivienne Renata, tandis que d’autres se montrent plus volubiles. Crizzel observe le photographe de L’Hebdo, qui fait poser deux élèves. «Chez moi, il y avait souvent un photographe qui venait pour mes anniversaires. Ici, c’est trop cher.»

C’est là la richesse de la classe dont Joëlle Nigito est l’enseignante attitrée: il y a autant d’histoires que d’élèves. Des trajectoires de vie parfois diamétralement opposées. Tandis que Jake, un Anglais coiffé comme Liam Gallagher du temps de la splendeur d’Oasis, fait partie de ces familles d’expatriés travaillant en Suisse, un jeune Erythréen explique être arrivé en avion avec ses frères et sœurs pour rejoindre leur père, veuf, qui a traversé le désert et la Méditerranée au péril de sa vie pour tenter sa chance en Europe.

Cette année, plus de la moitié des élèves sont Portugais, reflet évident de la crise économique qui fait souffler depuis quelques années un vent de panique sur le Vieux Continent. Une bonne partie des chuchotements que l’on peut percevoir se font d’ailleurs en portugais. On est dans une classe comme les autres, avec souvent beaucoup d’enthousiasme, mais parfois aussi un certain flottement, un peu de déconcentration et des enseignantes qui doivent hausser le ton pour rétablir le calme. Mais qui le font avec la conscience que certains enfants n’avaient jusque-là jamais été dans une «vraie» école.

Grande solidarité. Joëlle Nigito n’a pas hésité lorsque le directeur du CO de Pérolles lui a proposé de s’occuper de cette classe pilote. Bien que titulaire d’un master en littérature, destinée à enseigner au niveau secondaire, ce défi l’a tout de suite emballée. A 28 ans, elle s’émerveille de la capacité d’adaptation qu’ont ses élèves, qui parfois ont appris la veille ou presque de leur départ qu’ils allaient émigrer. Même si elle ne cache pas qu’il existe parfois des problèmes de racisme ou de compréhension, notamment liés aux rapports filles-garçons, qui varient énormément d’une culture à l’autre, elle parle avant tout de cohésion, d’entraide et de partage. «Il existe, au-delà des petites histoires, une grande solidarité», souligne-t-elle.

Pour les cours de français, Joëlle Nigito peut compter sur l’aide de sa collègue Nadine Molicard-Chartier, une Canadienne anglophone et polyglotte de 29 ans. Fiancée à un Fribourgeois rencontré lors d’un échange Erasmus, celle-ci est elle aussi une déracinée, et a fait le choix de vivre en Suisse, séparée de sa famille par un océan. Un atout lorsqu’on travaille avec des enfants qui ont parfois la nostalgie du pays, avoue-t-elle. Lorsqu’on demande d’ailleurs aux élèves quelle a été leur première impression en arrivant en Suisse, un mot revient, invariablement: différent. Ceux qui sont arrivés il y a une année se souviennent aussi d’un printemps très froid. Certains étaient tristes de quitter leurs amis, d’autres voyaient le choix de leurs parents comme un nouveau départ. Rafaela, une pétillante Portugaise de 15 ans, est catégorique: «C’est moche.» La campagne, ça va, mais alors la ville…

«Comme cette classe fait partie d’un projet pilote, cela nous donne une grande marge de liberté, relève Joëlle Nigito. Nous n’avons pas un programme précis à suivre et pouvons vraiment être à l’écoute des enfants. Même si ce n’est pas toujours évident de jongler avec les horaires des uns et des autres, le fait qu’ils soient tous déjà intégrés dans une classe régulière est une bonne chose.»

Vivre ensemble. A l’instar de Nadine Molicard-Chartier et d’Anne-Claude Monteleone, prof de maths à la longue expérience mais à la passion toujours vive, Joëlle Nigito souhaite continuer à travailler à l’intégration des élèves étrangers, qu’elle voit comme une mission autant sociale que pédagogique, où l’affect a une place prépondérante. «Mais il faudrait peut-être trouver de nouvelles idées, comme par exemple des ateliers cuisine où chaque élève parlerait de sa culture, ou des tandems qui verraient les plus jeunes bénéficier de l’expérience des plus grands. Une chose est en tout cas évidente: nous devons déplacer nos limites, fonctionner différemment.»

Alejandro, Crizzel et les autres ont eu la chance de visionner en primeur La cour de Babel (lire ci-contre). Dans un silence total qui a étonné leurs profs. Ils s’y sont reconnus. Car une classe d’accueil, à Paris comme à Fribourg, est un lieu d’échanges et de rencontres, de confrontation aussi, parfois. Au-delà de l’apprentissage du français, c’est au «vivre ensemble» qu’on y est confronté. Une matière qui n’en est pas une, mais qui devrait être enseignée dans toutes les classes régulières.


«Pas un film sur eux, mais avec eux»

«La cour de babel».Julie Bertuccelli a filmé durant une année les élèves d’une classe d’accueil parisienne. Interview.

Impossible de ne pas être ému aux larmes lorsqu’ils prennent congé, en fin d’année, de leur enseignante. Ils s’appellent Abir, Agnieszka, Djenabou, Eduardo, Ramatoulaye ou Xin Li, sont arrivés en France il y a peu et, malgré des parcours de vie différents, sont tous conscients que leur intégration passe par l’apprentissage du français. Julie Bertuccelli les a filmés dans leur classe d’accueil du collège La Grange aux Belles, un travail d’immersion duquel elle a tiré un documentaire d’une grande sensibilité dans sa manière de mettre tous les élèves à égalité, que cela soit ce Vénézuélien venu parfaire son apprentissage du violoncelle ou cette Sénégalaise soulagée de pouvoir enfin être une femme libre.

D’où vous est venue l’envie de vous immerger dans une classe d’accueil?
Ça fait longtemps que je m’intéresse aux problématiques liées à l’exil et aux étrangers en France. Plusieurs de mes précédents documentaires évoquent cela, et d’une certaine manière même mes fictions, que j’ai tournées à l’étranger, parlent de déracinement. Mais je ne connaissais pas les classes d’accueil, et c’est le hasard d’une rencontre avec la prof que l’on voit dans le film qui m’a donné envie de m’y intéresser. Est-ce possible, lorsqu’on vient de pays et de milieux sociaux différents, avec des langues, des cultures et des motivations différentes, de vivre ensemble? A partir de cette question, j’ai voulu réaliser un portrait de groupe. Car il s’agit moins de trajectoires personnelles que d’une confrontations entre plusieurs personnes. Je n’ai pas fait un film sur les élèves, mais avec eux.

A l’heure du repli sur soi et de la peur exacerbée de l’Autre, où en Suisse comme ailleurs les mouvements nationalistes ont le vent en poupe, votre film est-il porteur d’un message politique?
Je crois, oui. Ce qui s’est passé chez vous avec cette votation est quand même assez hallucinant! On oublie un peu partout que les étrangers sont avant tout une richesse. Ce qu’ils ont à nous apporter, à travers leur culture ou le travail qu’ils peuvent accomplir, est d’une grande force. Dans la diversité, il n’y a pas juste des gens différents, mais des gens uniques, comme chacun d’entre nous. Il ne faut pas oublier le nombre de pays qui se sont construits grâce au travail et à l’énergie des immigrés.

Qu’avez-vous retiré de cette expérience autant humaine que cinématographique?
Beaucoup d’enthousiasme et d’espoir quant à l’avenir de ces enfants. Je n’avais pas beaucoup d’a priori, j’avais dès le départ plutôt confiance en eux, mais les voir évoluer pendant cette année, les voir s’épanouir, être à l’écoute les uns des autres, m’a regonflée. La réalité migratoire, en marge de cas plus difficiles, c’est aussi cela, et si on accueille bien les étrangers, il n’y a pas de raison pour que cela se passe mal. J’ai l’impression que si l’intégration est ratée, ce n’est pas la faute des immigrés, mais c’est la faute de ceux qui accueillent.

«La cour de Babel». De Julie Bertuccelli. France, 1 h 29. Un dossier pédagogique à l’usage des enseignants est disponible sur le site officiel du film, www.lacourdebabel.com


Julie Bertuccelli

Née en 1968, elle est d’abord assistante de Iosseliani, Panh, Kieslowski ou encore Tavernier, avant de passer à la réalisation en 1993. Auteure de nombreux documentaires pour la télévision, elle a signé deux longs métrages de fiction, Depuis qu’Otar est parti... (2003) et L’arbre (2010).

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Charly Rappo, Arkive
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La philosophie appliquée à l’auto

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Jeudi, 20 Mars, 2014 - 05:54

Recherche.Ou comment le «bien naturel» cher à la philosophe Philippa Foot rejoint les recherches d’un diplômé de la HEAD sur les futurs systèmes de conduite autonome.

Quel est le rapport entre la philosophie et le futur système de conduite autonome des automobiles? A priori aucun: la première s’occupe des connaissances humaines, le second est une affaire de capteurs, de radars et d’algorithmes qui permettront à une voiture de se mouvoir toute seule.

Mais l’actualité vient bousculer cet a priori. Durant le récent Salon de l’auto, Daniel Sciboz, professeur de media design à la HEAD de Genève, a attiré notre attention sur les travaux de l’un de ses anciens étudiants, Matthieu Cherubini. Celui-ci est aujourd’hui doctorant en design interactions au Royal College of Arts de Londres. Il travaille sur les fameux systèmes autonomes qui, en ville ou sur l’autoroute, prendront en charge la conduite des véhicules.

C’est la grande affaire du moment: tous les constructeurs automobiles d’importance travaillent sur ces systèmes automatisés, promettant des voitures qui se passeront de conducteurs à l’horizon 2020. Il y a beaucoup de marketing et d’optimisme dans cette promesse. L’environnement dans lequel se déplace une automobile au quotidien est extraordinairement complexe. Modéliser l’ensemble de l’environnement, des risques, des conditions de circulation ou atmosphériques est une tâche pour l’heure impossible.

Le dilemme du tramway. Qu’adviendra-t-il, par exemple, lorsque la voiture autonome sera confrontée à ce que la philosophe britannique Philippa Foot (1920-2010) appelait «le dilemme du tramway»? Cette fameuse expérience de pensée est ainsi posée par la philosophe-éthicienne: «Imaginons le conducteur d’un tramway hors de contrôle qui doit choisir sa course entre deux voies possibles: cinq hommes travaillant sur l’une et un homme situé sur l’autre. La voie prise par le tram entraînera automatiquement la mort des personnes qui s’y trouvent.»

Quelle voie choisir? Confrontée au dilemme dans maintes expériences cognitives, l’immense majorité des personnes interrogées répond qu’il faut choisir la voie occupée par un seul homme. Parce que tuer une personne au lieu de cinq est la meilleure option éthique.

Matthieu Cherubini, dans son travail de doctorat, met une automobile à conduite autonome devant le même genre de dilemme. Par exemple une route mouillée, des travaux, soudain cinq ouvriers à droite, un à gauche: comment les algorithmes du système vont-ils décider de la direction à prendre?

Ou cette situation: un arbre tombe sur la route; or, la seule manière de l’éviter est de franchir une ligne blanche continue, ce qui mettra l’automobiliste en infraction. La machine le comprendra-t-elle?

«En fait, je travaille sur trois types d’algorithmes, note Matthieu Cherubini. Le premier est “humaniste”: il cherche à sauver le plus grand nombre de personnes. Le deuxième est “protecteur”: il cherche à d’abord sauver les personnes qui se trouvent dans la voiture. A la manière d’un 4x4 conçu pour protéger ses occupants, souvent au détriment des autres usagers de la route. Le troisième algorithme est fondé sur le “profit”: si une voiture autonome a un accident, qui est responsable pour la justice? Le conducteur ou le constructeur? Quelle responsabilité sera-t-elle la moins coûteuse aux assurances? Comment agir si des diplomates sont à bord?»

Autant de questions qui renvoient aux travaux de Philippa Foot, dont l’œuvre majeure, Le bien naturel, vient pour la première fois d’être traduit en français aux Editions Labor et Fides, à Genève.

Pour la philosophe, la morale naturelle est inscrite au plus profond des besoins humains. Elle peut être comparée aux besoins physiques des plantes et des animaux. Ce bien, ou cette vertu, ou cette éthique, est défini par la forme de vie de l’espèce en question. Autrement dit, un être humain est bon s’il possède les vertus nécessaires à la forme de vie spécifique de son espèce.

Voilà ce qui passionne Matthieu Cherubini, dont le travail s’inscrit dans le mouvement contemporain du design critique, ou spéculatif: comment concevoir une machine autonome qui est contrainte d’intégrer des problèmes éthiques? N’est-ce pas remettre en cause la définition même de la machine comme une chose inanimée? N’est-ce pas considérer ces mêmes mécanismes comme naturels? A fortiori, concevoir une voiture automatique capable de prendre des décisions éthiques de manière autonome ne revient-il pas à dire que l’éthique n’est pas naturelle, puisqu’elle peut être simulée par des algorithmes, c’est-à-dire des lignes de codes informatiques?

«Les avancées technologiques peuvent être favorables dans de nombreux domaines, conclut Matthieu Cherubini. Elles peuvent résoudre une ribambelle de problèmes. Mais elles peuvent aussi remettre en question ou ignorer des valeurs et des concepts proprement humains.»

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Le Mali n’est pas l’Ukraine

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Jeudi, 20 Mars, 2014 - 05:55

Armées.Les Européens, Français et Allemands en tête, rodent leur coopération militaire en Afrique. Que vaudrait-elle face à la Russie?

François Hollande et Angela Merkel en avaient convenu lors d’un conseil des ministres conjoint à leurs deux pays, le 19 février à Paris: un détachement de la Brigade franco-allemande (BFA) serait envoyé au Mali. Un mois plus tard, nous y sommes. S’ajoutant à d’autres militaires allemands et français déjà sur place mais relevant d’unités distinctes, 100 soldats de cette formation binationale devaient être déployés à partir de cette semaine à Bamako et alentour. Ils seront intégrés à l’European Union Training Mission (EUTM) au Mali, une mission de l’Union européenne à laquelle participent plus de 20 pays et qui consiste à former, tant au commandement qu’au combat, une armée locale où tout ou presque est à reconstruire.

Cent: le nombre est peu élevé, rapporté aux 4800 hommes et femmes constituant l’effectif total de la BFA, dont l’état-major se trouve à Müllheim, dans le Bade-Wurtemberg. Ce déploiement, le premier en Afrique s’agissant de la brigade, revêt un caractère symbolique l’année de ses 25 ans d’existence, sa création ayant été décidée quelques mois avant la chute du mur de Berlin par François Mitterrand et Helmut Kohl, deux des piliers de la réconciliation franco-allemande, qui s’inscrivait là jusque dans le marbre militaire. Caractère symbolique? Pas seulement.

Acteur de la paix. Politiquement et financièrement, la France est soucieuse d’impliquer davantage l’Allemagne dans la «défense sud» de l’Europe, dont on sait, au moins depuis l’opération Serval contre des milices islamistes et indépendantistes, qu’elle commence très bas sur la carte, en l’occurrence au Sahel. En ce sens, Berlin donne un début de satisfaction à Paris, quand bien même l’engagement de la BFA au sein l’EUTM ne s’apparente pas à une mission de combat. Le partenaire allemand a pris conscience que sa participation à ce type d’opération, menée loin de son sol et requérant en pareil cas l’aval d’un Bundestag extrêmement pointilleux, contribuait à sa sécurité.

L’Allemagne se voit désormais comme un acteur de la paix dans le monde, dût-elle ouvrir le feu, ce qu’elle fit au Kosovo, rompant avec sa tradition de non-intervention armée à l’extérieur de ses frontières, en vigueur depuis 1945, puis après le 11 septembre 2001 en Afghanistan, à chaque fois sous l’égide de l’OTAN. «La réforme de l’armée allemande, entamée en 2010, instaurant la professionnalisation des troupes, vise à transformer la Bundeswehr en une force de projection sur des théâtres lointains», explique Michel Drain, chercheur associé au Comité d’études des relations franco-allemandes (CERFA), rattaché à l’Institut français des relations internationales (IFRI). «Cette nouvelle approche porte un nom en Allemagne, précise le chercheur: Armee im Einsatz.»

Maître incontestable. L’opération de peacebuilding auprès de l’armée malienne – nonobstant les actions sporadiques de guerre menées par la France contre des poches rebelles subsistant au nord du pays – se déroule dans le cadre de la Politique de sécurité et de défense commune (PSDC) de l´UE, l’OTAN demeurant le maître incontestable, et très peu contesté, de la défense de l’Occident.

«Les Accords de Lancaster House, signés par la France et la Grande-Bretagne en 2010, les deux véritables puissances du continent en dehors de la Russie, doivent aboutir à une coopération militaire d’une ampleur jamais atteinte jusqu’ici entre Européens, mais des considérations politiques, liées au devenir institutionnel de l’Union, freinent leur mise en œuvre», observe Michel Drain.

Configuration nouvelle.«Si la refondation militaire du lointain Mali semble faire l’unanimité parmi les états-majors européens, qu’en sera-t-il avec la proche Ukraine?», questionne, dubitatif, le chercheur du CERFA. Comprendre et compléter: en cas de dangereuse escalade. «Nous nous retrouverions dans une configuration complètement nouvelle, comparable, si l’on cherche un point de repère, à celle qui prévalait au début du XXe siècle en Europe, note-t-il. Nous avons d’une part la France et l’Allemagne, relativement prudentes face à la Russie, et d’autre part la Pologne, les pays baltes et scandinaves pour qui les Russes représentent l’ennemi héréditaire.»

Les logiques de solidarité européenne sont ici mises à l’épreuve. Il reste, le cas échéant, l’OTAN et l’article 5 de sa charte, qui oblige à l’assistance mutuelle. En matière de «défense européenne», on n’a toujours pas trouvé mieux.

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Crimée: roulette russe

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Jeudi, 20 Mars, 2014 - 05:56

Géopolitique.Après le «coup» de Vladimir Poutine en Crimée, les fragiles républiques ex-soviétiques d’Asie centrale se font du souci: et si Moscou prétendait étendre à leurs territoires sa «protection» aux populations russophones?

Une corruption dévastatrice, des tribunaux aux ordres, une misère qui se donne à voir jusqu’aux marches des palais présidentiels: les parallèles entre les régimes autocratiques d’Asie centrale et celui de Viktor Ianoukovitch, le président ukrainien en fuite, sont désespérément évidents. Les événements d’Ukraine suscitent deux inquiétudes pour les potentats vieillissants de ces pays.

En premier lieu, le succès des manifestations antigouvernementales de Kiev, qui ont fait tomber Ianoukovitch, pourrait servir d’inspiration à des pulsions révolutionnaires en Asie centrale. Deuxièmement, les gouvernants se rendent compte que la réplique du président Vladimir Poutine consistant à s’emparer de la Crimée peut être vue comme un précurseur de futures mainmises russes. Les cinq Etats postsoviétiques d’Asie centrale abritent leurs propres populations de ressortissants russes; ces minorités se sont longtemps senties plus marginalisées que celles qui bénéficient désormais de la «protection» de Poutine en Crimée.

La Russie entretient également une forte présence militaire en Asie centrale. Le Kazakhstan accueille l’immense cosmodrome russe de Baïkonour et plusieurs bases d’entraînement militaires. Le Kirghizistan, lui, abrite une base aérienne russe et le Tadjikistan tolère pour sa part sur son sol quelque 7000 soldats russes, la plus importante force terrestre russe en dehors des frontières de la Russie.

Exercice d’équilibrisme. La plupart des dirigeants d’Asie centrale n’ont presque rien dit en public des événements d’Ukraine. Ils se livrent à un exercice d’équilibrisme, craignant à la fois d’encourager des mouvements sécessionnistes chez eux et de s’aliéner la Russie et ses immenses ressources économiques. Analyste politique au Tadjikistan, Parviz Mullojanov pense que la promotion du sécessionnisme par Moscou est dangereuse pour les Etats d’Asie centrale: «Ils savent qu’ils pourraient être les prochains sur la liste.»

Quelques jours après que les troupes russes eurent occupé la Crimée, l’Ouzbékistan a exprimé ses craintes quant à la «souveraineté et à l’intégrité territoriale» de l’Ukraine. Le Kazakhstan a dit qu’il était «profondément préoccupé» quant à des «conséquences imprévisibles». Le Tadjikistan a vaguement appelé à une «évaluation objective». Et le 11 mars le Kirghizistan est sorti du lot en condamnant «des actes visant à déstabiliser» l’Ukraine.

Grande ambition. Mais sans jamais nommer la Russie. Certes, les médias kirghizes n’ont guère couvert la crise. Mais les autorités craignent de plus en plus que la Russie n’adopte une législation qui étendrait la citoyenneté russe aux russophones de tous les anciens Etats de l’Union soviétique. Ce qui leur vaudrait explicitement une protection extraterritoriale.

La vision de Vladimir Poutine, que confirme l’annexion de la Crimée, est d’édifier une puissance rivale de l’Union européenne. Son Union économique eurasiatique entend constituer un groupe d’anciennes républiques autoritaires soviétiques qui rejettent le libéralisme occidental.

Deux d’entre elles ont déjà signé: la Biélorussie et le Kazakhstan. L’Arménie et le miséreux Kirghizistan, avec son gouvernement prorusse au pouvoir depuis une révolution populaire en 2010, négocient leur admission. Le Tadjikistan, qui, à l’instar du Kirghizistan, est fortement dépendant des versements de ses concitoyens émigrés en Russie, a manifesté son intérêt. Mais, s’il ne parvient pas à rétablir son influence en Ukraine, autrement plus importante en termes économiques et géopolitiques, Poutine ne sera jamais en mesure de concrétiser sa grande ambition.

Riche en pétrole, le Kazakhstan incarne les vulnérabilités de la région. Membre fondateur de l’Union douanière, son économie est étroitement liée à celle de la Russie. Le 5 mars dernier, Vladimir Poutine a convoqué le président du Kazakhstan, Noursoultan Nazarbaïev, et son homologue biélorusse, Alexandre Loukachenko, pour leur dire que la crise ukrainienne pourrait menacer leur Union économique.

Sur le fil du rasoir. Le pays de Nazarbaïev compte une importante population russe concentrée sur ses 6800 kilomètres de frontière commune avec la Russie. Les nationalistes russes y marmonnent parfois que ces régions font partie de la Russie. Si Poutine était appelé à voler au secours des Russes du pays, serait-il prêt à amputer une partie du Kazakhstan? Nazarbaïev ne veut pas courir le risque. Après sa visite au Kremlin, il a ordonné un renforcement de son armée. Mais il marche sur le fil du rasoir, sa situation est inconfortable, après avoir dit à Poutine le 10 mars qu’il «comprend» la nécessité de Moscou d’intervenir en Ukraine.

Dans les pays plus pauvres d’Asie centrale, Vladimir Poutine n’a pas pris les mêmes gants. Il pourrait détruire l’économie du Kirghizistan, du Tadjikistan et de l’Ouzbékistan simplement en exigeant des visas pour les migrants venus travailler en Russie, dont les versements contribuent pour une bonne part au PIB de leur pays natal – ils représentent presque la moitié du PIB au Tadjikistan. L’interdépendance de ces économies est devenue évidente au premier jour ouvrable après l’apparition de troupes russes en Crimée: non seulement les marchés russes et le rouble ont dégringolé, mais la devise kirghize, le som, a plongé de 15% avant de se reprendre quelque peu.

En revanche, la Russie exerce moins d’influence au Turkménistan, très riche en gaz. Moscou y a longtemps été agacé par la façon dont le gouvernement turkmène traitait ses concitoyens russophones. Ces derniers pourraient-ils demander eux aussi une protection? Peut-être, encore qu’il semble improbable que Poutine ait soudain recours à une intervention militaire en Asie centrale. Ne serait-ce, notamment, que parce qu’il dispose de bien assez d’influence sans ça dans la plus grande partie de l’Asie centrale.

Mais le cas de la Crimée a montré que Vladimir Poutine ne s’encombre pas trop de prétextes pour justifier une intervention quand ça l’arrange. Les dirigeants du Kazakhstan et de l’Ouzbékistan ont largement dépassé les 70 ans mais n’ont dévoilé aucun plan pour leur succession, si tant est qu’ils en eussent. Si le chaos devait succéder à leur disparition, ce pourrait être le moment choisi par Vladimir Poutine pour estimer que les russophones du coin ont besoin de sa protection.

© The Economist Newspaper Limited London (Mars 2014)
Traduction Gian Pozzy

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Alexei Nikolsky, Reuters
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François Thiébaud: "L’horlogerie ne se traite pas comme de l’épicerie"

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Jeudi, 20 Mars, 2014 - 05:57

Tissot. Convaincu qu’il est vain de crier haro sur la Suisse après le vote du 9 février, opposé à un salaire minimum de 4000 francs, le président de Tissot François Thiébaud plaide par ailleurs en faveur d’un recentrage de l’horlogerie helvétique autour de quelques marques.

Le 8 mars dernier, «la Journée de la femme» comme il aime le souligner, François Thiébaud a entamé sa dix-neuvième année à la tête de la marque Tissot, dont le chiffre d’affaires non communiqué précisément a désormais dépassé le milliard de francs. A quinze jours de Baselworld qui ouvre ses portes le 27 mars, lui qui est aussi membre de la direction générale de Swatch Group ouvre notamment les dossiers d’actualité les plus chauds.

1 – Après la votation sur l’immigration de masse

Quelles sont pour Tissot les conséquences de l’adoption de l’initiative du 9 février?
Au siège de Tissot, au Locle, sur 350 collaborateurs nous avons environ 10% de frontaliers. Donc l’initiative du 9 février ne porte pas vraiment à conséquence. En revanche, les montres Tissot sont assemblées dans la région du Jura et au Tessin où travaillent un grand nombre de frontaliers, et par conséquent cela pourrait nous toucher. Par ailleurs, l’introduction de quotas pourrait aussi poser des problèmes à des sociétés de production membres de Swatch Group dont la grande partie du personnel réside en France voisine. J’ose dès lors espérer que des solutions seront trouvées dans les trois ans à venir.

L’adoption de cette initiative vous a-t-elle surpris?
Oui. Je ne m’y attendais pas du tout. J’ai appris la nouvelle alors que je participais à un événement Tissot au Japon. Les entrepreneurs ne se sont sans doute pas assez exprimés sur les conséquences et les enjeux de cette votation.

Swatch Group planche sur des contre-mesures?
C’est encore trop tôt pour échafauder des plans.

Comment interprétez-vous ce vote du 9 février?
Les Suisses qui se sont prononcés à 50,3% en faveur de cette initiative ont voulu exprimer leurs inquiétudes face à l’avenir. Si les Français, mes compatriotes, devaient eux aussi voter sur un tel sujet, ils l’adopteraient sans doute à une majorité encore bien plus nette. Le scénario serait identique en Italie, en Allemagne ou au Royaume-Uni. Crier haro sur la Suisse n’a donc pas de sens.

Cette tentation de fermeture n’est-elle pas dangereuse?
L’ouverture sur un monde profondément connecté, grâce notamment à l’internet et aux réseaux sociaux, est un phénomène souhaitable et irréversible. Au Locle, Tissot rassemble plus de quinze nationalités! Il serait vain et stupide de se braquer contre un monde toujours plus ouvert aux échanges, à la connaissance, à l’éducation ou à la recherche. Mais nous devons aussi être conscients que, pour certains pays, notamment en Europe, passer en quelques années du XIXe au XXIe siècle est illusoire. L’Europe des 12 s’est à mon sens élargie trop rapidement à des populations qui n’étaient pas encore prêtes, ni matériellement ni psychologiquement, à une adhésion aussi rapide à l’UE. Cette précipitation a engendré un sentiment diffus de peur, palpable aussi en Suisse. Pourquoi observons-nous dans ce pays une crainte des étrangers qui pourtant contribuent grandement à sa richesse? Voilà de quoi s’interroger.

2 - Le salaire minimum à 4000 francs

Quel est votre avis sur l’initiative pour un salaire minimum de 4000 francs prochainement soumise au peuple?
Prenez le Tessin. Le salaire minimum d’embauche pour un travailleur non qualifié, négocié avec la Convention patronale et les partenaires sociaux, est de 3000 francs dès le 1er juillet 2014 (multiplié par 13 mois, ne l’oublions pas!) avec une participation patronale aux frais de caisse maladie. Avec un tel salaire, il est certes difficile d’acheter un bien immobilier dans un lieu de villégiature. Mais il existe aussi dans ce canton des endroits où le niveau de vie est relativement bas. A Genève, où le coût de la vie est plus élevé, le salaire minimum d’embauche atteint 4060 francs après six mois de formation.

Si je vous suis bien, vous n’êtes pas favorable à un salaire minimum de 4000 francs pour tous?
L’idée est généreuse. Mais à vouloir tout niveler, on risque d’engendrer une augmentation considérable du coût du travail et des prix des produits manufacturés. La Suisse veut-elle ou non rester compétitive en comparaison internationale? Voilà la question. Je plaide en faveur d’une générosité intelligente et d’une augmentation progressive des salaires.

Les salaires chez Tissot correspondent-ils à ceux négociés dans le cadre de la CCT?
Chez Tissot comme dans l’ensemble du Swatch Group auquel nous appartenons, nous appliquons une politique salariale qui tient compte des accords négociés dans le cadre de la CCT. Par ailleurs, lorsque le groupe a de bons résultats, la direction octroie des primes.

Si cette initiative était finalement approuvée, la maison Tissot serait-elle en difficulté?
Je ne pense pas. Toujours est-il que Swatch Group reste fidèle à sa politique sociale. Souvenez-vous de la crise en 2008-2009. Les exportations horlogères dans leur ensemble ont chuté de 22,3%, celles de Swatch Group de seulement 5%. Comme l’a indiqué notre CEO Nick Hayek, Longines et Tissot ont même connu une légère croissance. Au tout début de la crise fin 2008, Nick Hayek a décidé de bloquer les salaires et de ne licencier aucun collaborateur. Une très grande solidarité au sein du groupe a très bien fonctionné. Quand la croissance est repartie, grâce au capital humain que nous avions su conserver, nous avons pu rapidement redémarrer nos activités.

3 – La marche des affaires

Quel est l’état de santé de Tissot?
Pour Tissot comme pour les marques sœurs du groupe, 2013 a encore été un bon cru. Nous sommes quant à nous fiers d’avoir franchi les 4 millions de pièces.

Les mesures anticorruption des autorités chinoises ont-elles eu un effet sur les ventes?
Il est certain que les mesures anticorruption ont provoqué un ralentissement dans le haut de gamme, comme vous pouvez le constater dans les statistiques des exportations horlogères suisses à destination de la Chine. Mais c’est un immense pays où quotidiennement le pouvoir d’achat s’améliore, ce qui ouvre des perspectives de vente pour des marques comme Tissot.

Il y a donc beaucoup de progrès à faire en Chine?
Oui. Il ne faut pas se concentrer seulement sur les grandes villes comme Beijing ou Shanghai mais prospecter l’ensemble du marché et faire connaître notre belle horlogerie. Et expliquer que les horlogers suisses ont un savoir-faire qui ne se situe pas uniquement dans le haut de gamme mais aussi en entrée de gamme avec des montres de qualité comme Swatch, ainsi que dans le milieu de gamme avec beaucoup de marques dont Tissot. Il faut aussi faire comprendre aux détaillants, et pas seulement en Chine, que l’horlogerie ne se traite pas comme de l’épicerie. Elle doit se spécialiser et se recentrer autour de quelques marques afin de se spécialiser.

Comment réagir?
En commençant par diminuer nos points de vente à l’échelon mondial et en ouvrant des points de vente qualitatifs. En 1980, il y en avait plus de 16 000. On en compte moins de 14 000 aujourd’hui. En Suisse aussi, les points de vente sont passés de plus de 500 à moins de 400, en seulement deux ans. La majorité de notre distribution est assurée par des partenaires franchisés. Mais dans des endroits stratégiques, nous avons nos propres boutiques – actuellement, il y en a 220 dans le monde – comme à Paris sur les Champs-Elysées ou dès fin avril 2014 à la Bahnhofstrasse à Zurich, en collaboration avec Bucherer. Nos montres sont aussi vendues dans 3000 shops in shop, qui sont des espaces situés dans des points de vente réservés à la marque.

Et l’e-commerce?
Nous-mêmes, nous avons ouvert des sites d’e-commerce aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, en France et en Allemagne. Cette année, nous allons étendre cette offre à cinq ou six pays. Un détaillant agréé qui a pignon sur rue peut vendre des Tissot par e-commerce, à condition qu’il respecte des règles de bonne conduite, qu’il n’accorde pas, par exemple, des rabais inappropriés.

Ou bien qu’il n’écoule pas des contrefaçons. Cela vous arrive?
Hélas oui, cela peut arriver. Nous avons récemment fermé un détaillant en Inde qui vendait notamment des montres contrefaites. Et cela apparaît également fréquemment sur des sites d’e-commerce très connus. C’est la raison pour laquelle nous avons voulu développer notre propre site d’e-commerce, pour que nos consommateurs puissent y effectuer leurs achats tout en étant ainsi assurés de ne pas acquérir une contrefaçon.

Comment détectez-vous de telles fraudes?
Souvent par un concours de circonstances. Ainsi un client achète une montre chez tel détaillant frauduleux qui vend à la fois de vraies et de fausses pièces. Quand il veut la faire réparer, nous découvrons alors qu’il s’agit d’une contrefaçon. C’est pourquoi je crois plus que jamais à une distribution sélective de qualité, qui inspire vraiment confiance.

4 – Les montres connectées

Les montres intelligentes comme Pebble, Galaxy Gear de Samsung ou la SmartWatch 2 de Sony arrivent sur le marché. Tissot n’a-t-elle pas raté un train?
C’est faux. Tissot a été le précurseur des montres connectées, comme d’ailleurs la Swatch. Les deux marques ont réalisé en 2004 la High-T qui affiche infos et messages personnels reçus à travers un canal inutilisé de la bande FM. Mais, faute de connectivité avec les radios, faute de relais et d’antennes, cette nouvelle technologie a été abandonnée. Il y a eu auparavant la célèbre T-Touch lancée en 1999, une montre tactile dotée de fonctions comme la boussole ou l’altimètre qui n’existaient pas auparavant sur un si petit volume. Swatch et Tissot travaillent maintenant sur des montres avec une connectivité wifi. Dès Baselworld 2014, nous allons commercialiser notre nouvelle T-Touch Solar pour dame et homme, la toute première montre tactile qui fonctionne à l’énergie solaire.

Précisément, où en êtes-vous alors que la concurrence est déjà sur le marché?
Nous y travaillons mais nous ne voulons pas faire de gadgets. Il y a toutes sortes d’innovations à développer. Comme la possibilité d’ouvrir les portes de votre voiture avec votre montre, par exemple, ou encore de personnaliser le téléphone d’un ami si vous avez oublié le vôtre par le truchement de votre montre, etc. Le champ est très vaste. Nous sommes en revanche très réservés quant aux applications médicales des montres intelligentes. Il y a de sérieux problèmes de sécurité à résoudre. A mes yeux, les montres intelligentes actuellement sur le marché sont novatrices mais non révolutionnaires. D’un prix relativement accessible, elles attirent du monde. Mais elles ne sont pas révolutionnaires comme l’ont été la Swatch Access ou la T-Touch.

Finalement, une Tissot, c’est un pur produit de luxe?
En effet. Une montre n’est pas nécessaire. L’heure est partout disponible, sur notre ordinateur, notre téléphone portable. S’offrir le temps à son poignet, c’est un luxe personnel. Qui nous permet d’habiller le temps, qui nous aide à oublier les mauvais moments de notre existence et à nous rappeler les meilleurs.

5 - L’esprit de famille

Presque quatre ans après le décès de Nicolas G. Hayek, comment vivez-vous son absence?
C’est vrai, Nicolas G. Hayek n’est plus là. Mais nous tous dans le groupe, notamment sa fille Nayla, présidente, son fils Nick, CEO, et son petit-fils Marc-Alexandre, membre de la direction générale, nous faisons comme s’il était encore présent. Nous avons un devoir de mémoire à son égard. Je me souviens que, lorsqu’il m’a contacté en 1995 pour m’embaucher, j’ai mis trois mois avant de me décider. Il en a été fort surpris mais je crois qu’il a finalement apprécié cette résistance. J’ai collaboré près de quinze ans à son côté. Un grand privilège. Mon point de vue comptait à ses yeux. Même mes silences avaient du sens pour lui. Il y avait une authentique complicité entre nous deux.


François Thiébaud

1947 Naissance à Besançon.

1979 Collabore à la société Breitling.

1992 Rejoint la marque d’horlogerie et de joaillerie Juvenia.

1996 Président de Tissot.

1997 Responsable également de Certina et de Mido.

2000 Coordonne les 18 marques de Swatch Group.

2006 Membre de la direction générale de Swatch Group.


Dernière création
Du soleil dans les aiguilles

Toute première montre tactile à énergie solaire, la Tissot T-Touch Expert Solar intègre une kyrielle de fonctions: calendrier perpétuel avec indication du jour et de la semaine, deux alarmes, double fuseau horaire, prévision météo, altimètre, chronographe avec journal, boussole, compte à rebours, azimut, fonction régate et rétroéclairage. Les rais de lumière habillant son écran permettent aux index et aux aiguilles de briller dans l’obscurité et aussi de recharger l’accumulateur de la montre.

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Sam Stourdzé pourrait quitter le Musée de l’Elysée

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Jeudi, 20 Mars, 2014 - 05:58

Culture.Le directeur du musée de la photo, à Lausanne, a posé sa candidature au poste de directeur des Rencontres d’Arles. Il est donné comme l’un des favoris.

«Je ne souhaite pas commenter une procédure en cours. La seule chose que je peux dire est que je suis directeur du Musée de l’Elysée», lâche Sam Stourdzé, directeur depuis 2010 du musée de la photo, à Lausanne, en réponse à la question de son éventuel départ. Sam Stourdzé est l’un des favoris pour le poste de directeur des Rencontres d’Arles, dans le sud de la France. Ce fameux festival, le plus ancien du genre, connaît de fortes turbulences depuis des mois. Le projet du mécène suisse Maja Hoffmann de fonder un centre de création contemporaine à Arles est venu concurrencer les projets du directeur des Rencontres, François Hébel. Le centre de Maja Hoffmann occupera une bonne part des espaces habituellement dévolus au festival de photo. L’héritière du groupe Roche et François Hébel ne se sont pas entendus. Le directeur a jeté l’éponge: l’édition 2014 sera sa dernière.

Son successeur sera à ses côtés en juillet prochain. Son nom devrait être annoncé en avril. Selon le Quotidien de l’art, les favoris comptent François Cheval, directeur du musée Niépce à Chalon. Ou Julien Frydman, directeur du salon Paris Photo. Mais aussi Sam Stourdzé, 40 ans, venu de Paris il y a quatre ans pour redynamiser le Musée de l’Elysée. Bon négociateur de financements et de partenariats, doté d’un flair pour les expositions populaires, Sam Stourdzé présente un profil idéal. Il connaît en outre bien le festival d’Arles et la famille Hoffmann.

Reste la question de son possible départ du Musée de l’Elysée, quatre ans seulement après y être arrivé. Et de la pesée d’intérêts entre le désir de saisir un poste prestigieux en France et le développement très attendu d’une institution vaudoise qui, à terme, prendra place dans le pôle muséal de la gare CFF à Lausanne.

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Les combats de la lobbyiste des patients

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Jeudi, 20 Mars, 2014 - 05:59

Margrit kessler.Au Conseil national, la Saint-Galloise se bat pour le respect des patients et dépose une initiative parlementaire pour que la Suisse forme suffisamment de jeunes médecins.

Elle n’a l’air de rien, Margrit Kessler. Mais ne vous fiez pas à son apparence discrète, affairée et modeste. La Saint-Galloise, 65 ans, Vert’libérale et présidente de la Fondation Organisation suisse des patients (OSP), n’est pas une Suissesse comme les autres. «Elle a une mission», dit une collègue sous la Coupole. Au cœur de son engagement politique et surtout professionnel: les malades, le maillon faible de la chaîne de la santé, à l’opposé de l’industrie pharmaceutique, des assurances ou des médecins.

Une lutte permanente qui l’a conduite à quatre reprises devant le Tribunal fédéral. Après une expérimentation suivie d’un décès survenu à l’hôpital cantonal de Saint-Gall, Margrit Kessler s’est battue durant dix ans contre le chirurgien star de la place.

Elle lui reprochait d’appliquer des méthodes expérimentales sur des patients non informés, mais aussi d’étranges manières de facturer. Elle a fini par tout gagner ou presque, et n’a pas dû payer les 200 000 francs de frais de procédure et autres dédommagements que les tribunaux saint-gallois lui avaient d’abord infligés. De cette expérience, elle a tiré un livre, Halbgötter in Schwarz und Weiss (demi-dieux en noir et blanc), un témoignage qui, de son propre avis, a largement contribué à son élection au Conseil national en 2011, elle qui n’avait jamais exercé de mandat politique.

Le combat d’actualité. Aujourd’hui, après la secousse du vote du 9 février, Margrit Kessler vole au secours des jeunes qui souhaitent embrasser la carrière de médecin. Elle vient de déposer une initiative parlementaire qui demande davantage de places de formation pour les étudiants en médecine dans les universités. Parce que l’heure est grave, la Suisse va au-devant d’une pénurie de médecins de famille – 40% d’entre eux ont plus de 55 ans – mais aussi de pédiatres, de psychiatres et de gynécologues.

Jusqu’ici, notre pays s’en sort en important massivement son personnel médical. Moins onéreux, même si éthiquement douteux, que de former soi-même. «Cela ne peut plus durer. Dans notre pays, 3300 jeunes souhaitent étudier la médecine chaque année et il n’y a que 900 places de formation», s’insurge-t-elle.

L’heure est d’autant plus grave qu’après le oui du peuple suisse et des cantons à l’initiative «Contre l’immigration de masse» la situation risque bien d’empirer.

Margrit Kessler n’étant pas femme à se tresser des couronnes de laurier, elle nous l’annonce d’emblée: l’idée ne vient pas d’elle mais d’un groupe de jeunes universitaires de sa région, doctorants en économie ou débutant dans la vie professionnelle. Ce sont eux qui avaient lancé l’initiative populaire «Davantage de places de formation en médecine humaine (Halte à la pénurie imminente de médecins!)». Face à leur manque de moyens financiers – ni les partis ni la FMH, la Fédération des médecins suisses, n’ont voulu participer activement à la récolte de signatures – les initiants ont dû admettre qu’ils n’y arriveraient pas et décidé d’approcher la conseillère nationale. Margrit Kessler a alors transformé l’idée en une initiative parlementaire qu’elle dépose cette semaine.

Elle y propose un nouvel article constitutionnel qui donnerait à la Confédération une compétence subsidiaire, celle d’intervenir si les cantons ne forment pas suffisamment de médecins. De l’avis de la conseillère nationale, il compléterait ainsi l’arrêté fédéral sur lequel nous voterons le 18 mai et qui vise à garantir que chacun ait accès à des soins de base suffisants et renforcer la médecine de famille.

Les autres luttes. Mais c’est loin d’être tout; la Saint-Galloise, au Parlement depuis deux ans seulement, profite de son mandat pour s’engager sur bien d’autres fronts. Florilège: auditionnée par la Commission de la santé à propos de la révision de la loi sur les médicaments (appelés produits thérapeutiques dans le jargon de l’administration), elle y a notamment défendu un principe: les médecins ne devaient pas être autorisés à vendre des médicaments eux-mêmes. Parce que, tentés d’influencer leurs patients, ils risquent de pousser à la consommation comme au gaspillage pour faire du chiffre. «Boîte trop grande, patient qui renonce à la prise du médicament ou découvre qu’il en a encore chez lui, on estime qu’on jette des médicaments pour un demi-milliard de francs chaque année», soupire-t-elle. Sur 5 milliards de chiffre d’affaires, ce n’est pas rien. Cela dit, elle sait que, politiquement, une telle interdiction n’aboutira pas. On se contentera d’obliger le praticien à délivrer une ordonnance. «C’est déjà bien et donne une plus grande indépendance pour le patient», concède-t-elle.

Margrit Kessler travaille aussi à la loi sur les transplantations. Elle se bat pour que l’Etat ne permette pas des mesures préparatoires sur des patients dont le cerveau ne serait pas mort. Elle veut éviter qu’on opère des mourants pour faciliter la transplantation d’organes, éviter des souffrances.

Enfin, elle tente de corriger la loi relative à la recherche sur l’être humain de sorte que le fardeau de la preuve, en cas de problème – ce qui arrive et peut coûter très cher –, ne soit pas du côté du malade qui s’est prêté à un essai clinique. Son but: que le patient puisse bénéficier de l’assurance responsabilité civile de l’entreprise pharmaceutique qui conduit les essais, cela sans passer par de longues procédures juridiques.

Margrit Kessler, une vie consacrée aux patients et un moteur: leur donner de la valeur. «Parce que, en Suisse, ils en ont très peu, parce qu’on considère les malades comme des personnes de seconde zone, parce qu’ils sont objectivement affaiblis, qu’ils n’ont pas de lobby fort et que les tribunaux prennent souvent des décisions contre eux.»

Et de citer l’exemple du Tribunal de district de Zurich qui, l’an dernier, a donné raison au fabricant Bayer contre une jeune victime, lourdement handicapée à la suite d’une embolie pulmonaire liée à la prise de la pilule Yasmin et qui, par-dessus le marché, a condamné sa famille à verser 120 000 francs au fabricant.

Cause familiale. Si, à Saint-Gall, les électeurs apprécient la combattante, à Berne, on considère encore d’un œil curieux cette femme, peut-être plus avocate que politicienne, très spécialisée dans les questions de santé. Quoi qu’il en soit, sa compétence en fait une interlocutrice peu commode. D’autant plus qu’elle repose sur une biographie truffée de médecine: infirmière, Margrit Kessler a continué de travailler aux soins intensifs malgré ses quatre enfants. Son époux exerce la profession de chirurgien, son fils celle d’urologue, une de ses belles-filles est anesthésiste, l’autre dentiste. Quant à son engagement à la présidence de l’OFS depuis 1999, il la met en contact permanent avec les patients, leurs souffrances et leurs problèmes très concrets. Bref, en commission, en audition ou face aux fonctionnaires de l’Office fédéral de la santé publique, Margrit Kessler se retrouve souvent face à des gens moins au courant qu’elle des pratiques dans le monde de la santé.

Sous la Coupole comme aux soins intensifs, l’ex-infirmière se démène pour les malades. Encore lui faudra-t-il apprendre à forger des alliances et à déjouer les autres lobbys de la santé, autrement plus puissants que celui des patients.

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Après le 9 février: les écrivains jouent les ambassadeurs

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Jeudi, 20 Mars, 2014 - 06:00

Reportage.A l’honneur à la Foire du livre de Leipzig (D), les intellectuels suisses les plus cotés se retrouvent à expliquer le vote du 9 février contre l’immigration de masse, alors qu’ils ont voté non.

Le maire de Leipzig plante son regard dans celui d’Alain Berset. Dans la salle noire de monde, audience tout ouïe, il dit: «Nous regardons la Suisse.» Puis il se tait. Deux secondes, peut-être trois, qui semblent une éternité. Il précise: «Nous regardons TRÈS attentivement.» Le ton est donné. A l’ouverture de la Foire du livre qui, ironie de l’histoire, accueille la Suisse comme «point fort» de son édition 2014. Cette Suisse qui vient de voter contre l’immigration de masse. Et aussi un peu contre les Allemands.

Dès lors, les plus connus des quelque 80 écrivains qui ont fait le déplacement vers cette ville de l’ancienne République démocratique allemande (RDA) se voient comme chargés d’une mission, qu’ils le veuillent ou non, celle d’expliquer leur pays à leurs voisins. Les intellectuels d’Helvétie se muent en ambassadeurs. Et une nouvelle génération d’écrivains décide d’assumer, d’élever sa voix et son attachement à la diversité. Ils s’appellent Melinda Nadj Abonji, Lukas Bärfuss ou Jonas Lüscher. Ils rejoignent ceux qui s’engagent depuis toujours: Peter Bichsel, Franz Hohler, Peter von Matt ou Adolf Muschg. Coup de projecteur sur ces intellectuels qui sauvent l’honneur du pays.

Mercredi 12 mars 2014 au soir, une salle de concert au cœur de la ville.«Naître Suisse est un grand bonheur. Il est beau aussi de mourir Suisse. Mais que faire entre-temps?» En une citation, l’intellectuel en chef et ministre de la Culture Alain Berset donne le ton lui aussi. Le public de l’ouverture de la foire, essentiellement composé de libraires, éditeurs et auteurs allemands, rit, comme soulagé. Il rira souvent au long d’un fin discours, peut-être le meilleur qu’ait jamais prononcé le conseiller fédéral. Parce qu’il parle de ce qui fâche tout en dédramatisant. «Actuellement, nous troublons le monde. Puis nous essayons d’expliquer au monde la Suisse troublée. Cela devient un job à plein temps.» Alors il explique. La Suisse, avec ses 23% d’étrangers et ses innombrables échanges, reste ouverte au monde, comme l’Allemagne qui en compte 9%. Oui, l’économie va bien, mais, pour certains, trop vite. Il rassure encore: dans ce pays aux cultures et langues enchevêtrées qui contribuent encore à la confusion générale, pas le choix: «Nous avons le privilège de devoir nous comprendre.» La littérature? Plus importante que jamais parce qu’elle ne peint pas le monde en noir et blanc mais observe avec précision. La littérature, dit Alain Berset, est «l’ennemi naturel des slogans». L’auditoire apprécie. Parce que le vote de la Suisse a bel et bien irrité, inquiété même. «Mais peut-être n’est-ce pas si grave, alors?» nous demandent deux libraires en sortant.

Jeudi 13 mars, 12 heures, halle de la foire.«Malaise dans le petit Etat»: au cœur de la halle de verre inondée de lumière, il y a débat au stand suisse, tout de rouge vêtu. Saute aux yeux un homme à grande tête: 63 cm, une peine folle à trouver chapeau à sa taille. Il s’appelle Lukas Bärfuss, retenez son nom parce qu’il pourrait bien s’inscrire dans la lignée de ces écrivains-citoyens à la Muschg, Frisch ou Dürrenmatt. Romancier, auteur de théâtre fêté sur les scènes allemandes, il trempe régulièrement sa plume dans l’actualité politique. Il a signé en français un petit livre percutant, Cent jours, cent nuits, sur le génocide au Rwanda.

Sur le podium, Bärfuss, comme Jonas Lüscher, auteur suisse à Munich, répondent à l’animateur que, effectivement, depuis le vote du 9 février, ils ne cessent d’analyser ce qui se passe dans leur pays, interpellés par les médias, allemands surtout, mais aussi par leurs amis et d’autres écrivains. Lukas Bärfuss regrette qu’aux peurs face au bétonnage et à la globalisation les opposants n’aient rétorqué que des arguments économiques en faveur de la libre circulation. «Or, constate-t-il, beaucoup de gens, parmi mes amis aussi, ont l’impression qu’ils ne profitent pas de la croissance.» L’écrivain dénonce aussi ceux qui bercent les citoyens dans l’illusion que notre pays est autonome, «alors que nous ne passons pas un jour sans adapter nos lois à l’UE, nous avons même inventé un mot: la reprise autonome». Enfin, il regrette profondément que les partis abusent de la démocratie directe pour se profiler.

Comment tout cela va-t-il se terminer? «Nous allons nous retrouver tellement sous pression que nous adhérerons à l’Union européenne en deux ou trois jours.» Agir sous la pression, comme avec le secret bancaire. Son collègue Peter Stamm nous dira plus tard qu’il est convaincu du contraire: il ne verra pas l’adhésion de son vivant.

En marge des débats. Infatigable, Lukas Bärfuss va répéter son analyse sur tous les podiums organisés à Leipzig par les journaux, chaînes de TV et de radio. Il passera même une heure, avec Peter Stamm, à donner une véritable leçon de civisme dans le théâtre de la ville; tout y passera, du projet ferroviaire FAIF au marché de l’électricité en passant par la guerre des langues entre l’anglais et le français.

En marge des débats, il nous confie qu’il aurait préféré parler davantage de littérature. «Mais les artistes ont une responsabilité, comme chaque citoyen d’ailleurs. Il nous faut l’assumer et ne pas déléguer à d’autres notre destin.» A son côté, Jonas Lüscher, auteur mais aussi philosophe et éthicien, regrette de ne pas être monté au front plus tôt. «Parce que chacun d’entre nous est responsable. La crise bancaire non plus n’aurait pas eu lieu sans le cumul de comportements individuels, des traders par exemple.» Mais par leur simple travail, celui de raconter des histoires individuelles, les écrivains contribuent à montrer que le monde n’est pas ce grand magma compliqué sur lequel nous n’avons pas de prise. Jonas Lüscher y croit dur comme fer.

Et que pense le public allemand de tout cela? Au bord des estrades, les gens nous donnent volontiers leur avis. Ils se partagent entre ceux que le vote du 9 février préoccupe parce qu’il a des relents xénophobes, ceux qui se font des soucis pour l’avenir de leurs enfants qui travaillent ou étudient en Suisse, et ceux qui expriment de la compréhension. Comme ce couple de Leipzig: «Nous aurions dit oui aussi. Et plus massivement.»

Jeudi soir au théâtre. Changement de décor. Théâtre de Leipzig. Posée au centre-ville, l’institution se retrouve territoire suisse l’espace de la Foire du livre. Et ce soir, les ambassadeurs de la Suisse, ceux qui vont remplir à ras bord la grande salle ne vont pas parler politique. Visiblement, le vote contre l’immigration ne détourne pas le public des auteurs suisses. Martin Suter, star incontestée, lit des extraits de ses romans. Quant à ce vieux routier de la scène qu’est Franz Hohler, il provoque un engouement quasi frénétique. Au moment des bis, la salle reprend en chœur ses vers pour enfants, les yeux brillants. «Cela fait trente ans que ça dure, sourit sa femme. Nous venions déjà en RDA avant la chute du mur.»

Au moment de signer ses livres, Franz Hohler raconte qu’il s’est engagé tout au long de sa carrière. Une évidence: «Les écrivains sont toujours un peu ambassadeurs de leur pays.» Mais le 9 février rencontrerait un écho tout particulier: «Parce qu’il envoie un signal dans toute l’Europe, où couvent des nationalismes de droite, mais aussi pour d’autres raisons, comme celles qui conduisent l’Ecosse ou la Catalogne à revendiquer leur indépendance. Un désir de reprendre son destin en main.»

Vendredi matin 14 mars, halle de la foire.«Les Allemands aiment les Suisses, mais ils ne se rendent pas compte que c’est unilatéral», lance Adolf Muschg, bientôt 80 ans, tout en verve et précision du verbe face à des centaines de spectateurs serrés en grappes pour happer les réponses qu’il donne au journaliste du quotidien de Leipzig. Rires. Une femme se retourne: «Je confirme, j’ai passé quatre ans en Suisse!» L’écrivain zurichois, essayiste et professeur émérite de littérature, a toujours jeté un regard critique sur son pays quand celui-ci cède aux sirènes populistes. Ici il nuance ses propos, s’interroge sur les limites de la croissance économique. Plus tard, sur 3sat, il admet qu’il a laissé éclater sa déception le 9 février. Après réflexion, il estime que les Suisses ne sont pas devenus xénophobes d’un jour à l’autre. «L’Europe, dans ses frontières extérieures, érige aussi une forteresse... L’équilibre dans les questions migratoires, l’Europe ne l’a pas encore trouvé, la Suisse non plus.»

En sortant du studio de 3sat, on tombe sur Charles Lewinsky qui court lui aussi entre lectures publiques et interviews. Il nous dit qu’il a trouvé la formule qui résume peut-être le mieux la situation: «Quand deux mythes se croisent, celui de la Suisse qui pense être meilleure que les autres pays et celui de l’Europe qui se croit démocratique, cela donne un choc.»

Soirée au théâtre. Tandis que la grande salle résonne en suisse allemand – Pedro Lenz lit son roman en dialecte – puis vibre aux sons du match Suisse-Allemagne de slam poetry, l’essayiste Peter von Matt parle, dans un salon, des mythes suisses. Questionné sur le vote, ce soir comme depuis des semaines, il s’assombrit, estime qu’il ne faut pas tenter, immédiatement, de comprendre la majorité. «On peut tout expliquer par la psychologie. Or un vote est un acte politique, pas psychologique. Et si j’estime que cet acte est nocif pour la Suisse, ce dont je suis convaincu, je me dois de le dire. Nous sommes dans une crise.»

Samedi 15 mars, la nuit tombée. La plus en colère, c’est elle. Présence et regard intense, Melinda Nadj Abonji, immigrée d’ex-Yougoslavie, l’une des plumes les plus talentueuses du monde germanophone, musicienne remarquable et historienne de formation, admet qu’elle est très énervée: «Parce que la démocratie est en danger quand un milliardaire peut s’acheter des médias, parce que les affiches ont des effets sur la population. Parce que trois initiatives récemment approuvées violent la Constitution ou des traités internationaux.»

A Leipzig, l’auteure de Pigeon vole, Prix du livre suisse et Prix allemand en 2010, a consacré beaucoup de temps à la littérature. Mais ce soir, au théâtre, dans un foyer trop exigu pour contenir ses lecteurs, elle ferme son livre, saisit son violon électrique et se lance, avec son compère Jurczok, dans une performance contre le vote du 9 février. Il y est question de Yougos qui font trop d’enfants, de Suisses qui citent la Welt­woche. On rit, jaune, et puis on ne rit plus. Quand Abonji lit deux extraits de son livre primé: deux petites filles venues rejoindre leurs parents clandestinement en Suisse, avec l’interdiction d’adresser la parole à qui que ce soit, se perdent dans la ville. Un père, un dimanche de votation de 1970, trinque avec son patron pour fêter le non à l’initiative Schwarzenbach: «Un grand merci aux hommes suisses!»

Un exemplaire de Pigeon vole à chaque citoyen, avec le matériel de vote, aurait-il changé le résultat des urnes? Peut-être. Parce que la littérature permet de se glisser dans la peau d’un autre, d’éprouver de l’empathie. La littérature, comme dit Alain Berset, est l’ennemi naturel des slogans. Et les écrivains se révèlent les meilleurs des ambassadeurs.

Reste le regret de ne pas leur avoir donné la parole avant le 9 février. Reste le regret qu’ils ne l’aient pas revendiquée. Mais les Suisses auraient-ils écouté ces intellectuels avec la même attention que les médias et le public allemand?


Leipzig (D), la fête de la lecture

Leipzig, longtemps capitale du livre en Allemagne, trouva une nouvelle vocation avec la construction du bloc communiste. Sa Foire du livre, 500 ans de tradition, offrait désormais une fenêtre sur l’Ouest. On y découvrait des ouvrages introuvables à l’Est, des livres qui disparaissaient mystérieusement sous les manteaux. Max Frisch s’y rendait, Franz Hohler aussi.

Nombre d’éditeurs partirent pourtant, à Hambourg, à Munich, à Francfort où la Foire du livre prend la première place.

Après la chute du mur de Berlin, Leipzig doit donc se réinventer. Désormais elle offrira une fenêtre sur la littérature des pays de l’est et du sud-est de l’Europe, mettant à l’honneur des pays comme la Pologne, l’Ukraine, la Biélorussie ou la Croatie. Moins business que Francfort, plus axée sur les lecteurs, Leipzig vit un vrai engouement populaire qui va croissant, non seulement pour la foire, à une demi-heure de tram de la gare, mais aussi pour le festival de lecture qui offre plus de 3000 événements sur quatre jours dans une ville où magasins, cafés, théâtres et écoles sont envahis par les écrivains et ceux qui les écoutent. L’édition 2014 vient de boucler sur un record: 175 000 visiteurs dans les halles et 237 000 en ville.

La Suisse, point fort cette année, a amené plus de 80 auteurs et 70 éditeurs à Leipzig. Coût: un demi-million de francs financé par l’Association suisse des libraires et éditeurs de langue allemande, Pro Helvetia et Présence suisse. Contrepoint à l’image écornée du pays après la votation du 9 février, la présentation suisse a montré un visage multiculturel et ouvert, avec ses nombreux auteurs issus de l’immigration et ses intellectuels attentifs aux frémissements du monde. Une belle correction d’image, de celle dont le pays aura grand besoin dans les temps à venir.

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Prix du cinéma suisse: tout pour les alémaniques

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Jeudi, 27 Mars, 2014 - 05:48

▼Les faits
La cérémonie des Prix du cinéma suisse a vu le triomphe de Der Goalie bin ig: meilleur film de fiction, meilleur scénario, meilleure musique, meilleure interprétation masculine (Marcus Signer). Peter Liechti a remporté deux Quartz pour Vaters Garten (meilleur documentaire, meilleur montage), tandis que parmi les films romands, seul Left Foot Right Foot a été primé: meilleure photographie et meilleure interprétation dans un second rôle (Dimitri Stapfer).

▼Les commentaires
«On espérait les Romands, ce sont les Alémaniques qui ont dominé», regrette La Tribune de Genève, pour qui «une certaine déception plane au détour de plusieurs prix. On aurait bien vu Jean-Stéphane Bron gagner le Quartz du meilleur documentaire pour L’expérience Blocher, l’un des films suisses majeurs de 2013.» La présentatrice de la soirée, la Grisonne Maria Victoria Haas, s’est exprimée dans les quatre langues nationales. «Elle aurait pu se limiter au suisse allemand», ironise la SonntagsZeitung en soulignant que dix des onze Quartz décernés sont allés à des œuvres ou à des personnalités alémaniques. Pour le reste, guère de commentaires dans la presse, signe peut-être du désintérêt pour le gagnant, un film en dialecte bernois.

▼A suivre
Pour Frédéric Maire, directeur de la Cinémathèque suisse, le triomphe de Der Goalie bin ig est pour le cinéma suisse un signe de repli sur soi, «comme si nous anticipions déjà les années sombres qui nous attendent, à (re)faire des Heimatfilme sans véritable espoir d’exportation» (lire notre revue de blogs en page 40). Le film de Sabine Boss sortira en juillet dans les salles romandes.

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NKM à Paris: tant qu’il y a de l’espoir

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Jeudi, 27 Mars, 2014 - 05:49

▼Les faits
Nathalie Kosciusko-Morizet est arrivée en tête au premier tour de l’élection municipale parisienne, dimanche 23 mars, alors que de récents sondages l’annonçaient deuxième. Avec 35,64% des voix, elle devance de 1,24 point la favorite Anne Hidalgo, de la majorité socialiste sortante. Pour la candidate de l’UMP, la guerre n’est toutefois pas gagnée, le scrutin parisien se jouant par arrondissement. NKM devra ainsi l’emporter dans les XIIe et XIVe, les swing states de la capitale, pourvoyeurs importants de «grands électeurs» au Conseil de Paris, l’organe délibératif de la ville, pour espérer devenir maire. Or dans le XIVe, où elle se présentait, elle a été battue par la candidate socialiste locale. Et le XIIe aussi est, pour l’heure, à gauche.

▼Les commentaires
«En tête au premier tour, l’effet psychologique est bon à prendre», commentait lundi Le Figaro. «NKM sauve la face», titrait Le Monde, le même jour sur son site internet. «L’humiliation est évitée et le soulagement de la candidate visible», ajoutait le quotidien. Cité par Libération, Jean-Louis Missika, le conseiller d’Anne Hidalgo se voulait rassurant pour son camp: «NKM, qui a fait l’union avec les centristes, n’a aucune réserve de voix.» Ce n’est pas le cas de la candidate socialiste qui, dès dimanche soir, a entamé des négociations avec ses alliés «naturels» les Verts, partis seuls au premier tour, et le Front de gauche.

▼A suivre
Les arrondissements «clés», les XIIe et XIVe, livreront leur verdict. Seule une «drague» appuyée de Nathalie Kosciusko-Morizet en direction des électeurs écologistes peut créer les conditions d’une victoire.

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Charles Platiau / Reuters
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Marcela Iacub joue à Juliette de Sade

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Jeudi, 27 Mars, 2014 - 05:51

Portrait.La Franco-Argentine publie «Œdipe reine», où un avatar de la Juliette de Sade se venge d’un macho abuseur. Confirmant que l’agitateuse féministo-révolutionnaire n’est pas morte avec l’affaire DSK.

J’ai attrapé un coup de soleil dans le salon de Marcela Iacub. La dame est éblouissante, mais pas à ce point: l’écrivaine, chercheuse au CNRS, chroniqueuse à Libération et à Lui, habite un deux-pièces au 14e étage d’un immeuble du XIIIe arrondissement de Paris, en face de l’hôpital Sainte-Anne. Le mur est entièrement fait d’une baie vitrée façon studio d’artiste. Du coup, elle passe la journée à chercher l’ombre.

Elle habite ici depuis la séparation d’avec le philosophe Patrice Maniglier. Son premier mari était un économiste de dix ans plus âgé qu’elle, ils sont restés mariés cinq ans. Son second mari avait dix ans de moins qu’elle. Elle est comme ça, Marcela. Cougar et daddy girl. Elle veut libérer les femmes, mais les féministes se méfient d’elle parce qu’elle aime les hommes et encourage la prostitution. Depuis six ans, elle vit seule avec sa chienne Lola, 8 ans, qu’elle a prise en pitié dans une animalerie qui la vendait en solde et qui, depuis, ne la quitte pas d’une semelle.

Sade. L’écrivaine a choisi de participer aux festivités commémorant le bicentenaire de la mort de Sade à sa manière. Soit en s’inspirant de son personnage préféré du divin marquis, Juliette, sœur vicieuse de Justine la vertueuse, héroïne de L’histoire de Juliette ou les Prospérités du vice pour un récit irrésistible, surprenant, vigoureux, troublant et impeccablement écrit. «Du point de vue de l’exposition de sa philosophie, L’histoire de Juliette est le livre le plus important de Sade. Il y mon-tre une vision noire de l’humanité mais sans que ce soit du nihilisme. Il explique que la capacité de destruction de l’humanité a pour corollaire son potentiel de création infini. Tout en revendiquant la souveraineté absolue de la fiction.»

Œdipe reine raconte comment Juliette, pour se venger de Samuel, quinqua vulgaire et macho qui s’est joué de ses sentiments amoureux, décide de dévergonder sa fille Sophie et de la pousser à se livrer incognito à son père. Elle lui apprend à décliner son propre credo: «Je jouis, donc je suis», et à faire rimer jouissance avec puissance. Le stratagème réussira au-delà de ses espérances.

On a cru que son précédent roman, Belle et Bête, l’avait tuée, que son irruption crue dans l’affaire DSK, l’incompréhension qui a prévalu après la fameuse couverture du Nouvel Observateur, l’aurait découragée, lessivée.

C’est mal connaître l’animal. «Si les chiens aboient, c’est que nous chevauchons, dit Sancho Pança à Quichotte. Si un intellectuel n’est pas prêt à se faire cracher dessus, il n’est pas prêt à faire des choses importantes. Belle et Bête m’a donné un sentiment de pouvoir. Je suis fière de ce que j’ai fait. Cela a été difficile sur le plan personnel, mais j’aime avoir le courage d’écrire ce que les autres n’écrivent pas.»

PolitiqueŒdipe reine reprend le combat là où elle l’avait laissé: la morale, toujours, et la sexualité féminine. Au cœur du livre: un grandiose inceste, qui voit une fille coucher avec son père en le sachant, en le désirant et en aimant la chose. Marcela sait qu’elle devra se justifier, encore et encore. «Je suis évidemment contre l’inceste. Mon livre est une fable, un conte symbolique, qui est la meilleure manière d’interroger les critères moraux avec lesquels nous réfléchissons aujourd’hui. Il n’y a du réalisme que dans les scènes de sexe.» Son éditeur la trouve d’ailleurs très douée pour cela. On confirme. Mais elle est femme d’idées avant tout. «Ce que je voudrais que l’on dise de ce livre, c’est qu’il est amusant, intéressant et qu’il a des idées. Pas de thèses, des hypothèses, mais des idées. La littérature française fait trop dans le sentimental.»

Guerre.Œdipe reine plonge dans le fantasme, mis en lumière par Freud, qu’auraient les pères de coucher avec leur fille. «Je le réalise, ce qui est le rôle de la littérature, et je le retourne. C’est la fille qui abuse de son père.» Dindon de la farce, Samuel, archétype du macho vulgaire et profiteur? «Samuel incarne l’exploitation des femmes sous toutes ses formes. Juliette lui déclare la guerre. Il pourrait ne pas y avoir de guerre, si les femmes transformaient leur rapport à la sexualité, aux hommes et à elles-mêmes.»

On est au cœur de la théorie iacubienne, pour qui le plaisir des femmes est une affaire politique. «La révolution féministe a laissé croire que le consentement était la seule chose qui comptait, et non la jouissance. Or, l’acte sexuel est un acte d’affirmation, pas seulement d’acceptation. Des féministes ont même prétendu que l’orgasme vaginal était un mythe freudien! Du coup, aujourd’hui les hommes sont obsédés par le clitoris. La pénétration a été dénigrée, et certaines femmes ne soupçonnent même pas qu’elles peuvent avoir un orgasme vaginal bien plus puissant.»
Juliette, ce n’est pas elle. En tous les cas pas elle aujourd’hui. «Entre 20 et 30 ans, j’ai tout fait. Depuis toujours, j’ai été obsédée par l’égalité sexuelle. Je demande aux hommes de s’occuper de mon plaisir autant que du leur. En Argentine, avec mes copines, on ne parlait que de cela, comment avoir autant de plaisir que les hommes.»

Côté cœur, elle n’a en revanche eu, soupire-t-elle, que des «amours malheureuses». «Je suis compliquée à vivre. Je ne suis pas prête à mettre mon œuvre au second plan. Et, comme je ne peux vivre qu’avec des intellectuels, ça devient vite tendu. Ils sont jaloux, vite intolérants.» Marcela ressemble en cela à son héroïne Juliette, qui veut changer le monde faute d’amoureux dans sa vie. A l’âge de 12 ans déjà, Marcela Iacub rêvait d’être une intellectuelle reconnue. La faute à maman, qui lui disait que la seule chose qu’elle avait de bien, c’était de savoir faire rire et d’écrire de jolies histoires. La faute à papa, père adoré, à côté de qui tous les hommes ont semblé fades. Très jeune, elle a décidé de ne pas avoir d’enfant, pour pouvoir se consacrer à ses recherches. «Je n’ai pas de regret. Mais ce n’est pas toujours facile.»

Déranger. Intellectuelle au parcours solide, juriste, avocate spécialisée dans le droit du travail puis en bioéthique, plus jeune inscrite au barreau de Buenos Aires, en 1985, auteure d’ouvrages fondamentaux comme Penser les droits de la naissance (PUF, 2002), Qu’avez-vous fait de la libération sexuelle? (Flammarion, 2002), L’empire du ventre: pour une autre histoire de la maternité (Fayard, 2004), Par le trou de la serrure: une histoire de la pudeur publique (Fayard, 2008), Une société de violeurs? (Fayard, 2011) ou Confessions d’une mangeuse de viande (id.), elle a toujours eu conscience de déranger.

«J’ai très tôt eu des idées que les autres considéraient comme bizarres. Les choses nouvelles, audacieuses et qui plus est venant d’une femme ont toujours provoqué des réactions outrancières. Je ne fais pas dans la provocation gratuite: je suis toujours très consciente de ce que j’écris.» Marcela adore Mafalda, le personnage de petite fille du dessinateur argentin Quino. «Elle pose des questions insupportables à ses parents, mais toujours très gentiment. Elle est un individu qui pense comme un individu. Elle ne renonce jamais à la bizarrerie apparente de ses idées.»

Elle a désormais passé autant de temps en Argentine qu’à Paris, où elle est arrivée à l’âge de 24 ans. La dernière fois qu’elle est retournée à Buenos Aires, c’était pour l’enterrement de son père, il y a onze ans. Elle n’a plus aucun lien avec sa mère. Elle a choisi la France pour devenir Marcela Iacub à cause du français, qu’elle aimait depuis toujours. Son rêve était d’écrire dans une langue que ses parents ne comprenaient pas. «C’est extraordinaire de changer de langue. C’est comme changer d’identité.»

Elle peut traverser Paris pour s’acheter une bouteille de parfum chez Caron ou des lunettes à strass pour compléter sa collection. «En Argentine, on se met en scène, les femmes comme les hommes. L’apparence compte beaucoup.» Une question d’héritage. Le soleil fait monter la température chez la reine Marcela. Lola dort par terre.

«Œdipe reine». De Marcela Iacub. Stock, 140 p. En librairie le 2 avril.
Marcela Iacub sera au Salon du livre de Genève les 2 et 3 mai.


Marcela Iacub

1964 Naissance à Buenos Aires
1985 Benjamine du barreau de Buenos Aires
1989 Arrive à Paris, se spécialise dans le droit en bioéthique
2002 Le crime était presque sexuel et Qu’avez-vous fait de la libération sexuelle?
2005 Antimanuel d’éducation sexuelle, avec Patrice Maniglier
2006 Une journée dans la vie de Lionel Jospin
2011 Confessions d’une mangeuse de viande
2012 Une société de violeurs?
2013 Belle et Bête

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A la recherche de la Corée perdue

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Jeudi, 27 Mars, 2014 - 05:51

Témoignage.En avril 2012, le photographe genevois Adrien Golinelli est parti à la recherche de la réalité des Nord-Coréens, fuyant les clichés et la propagande.

Que nous évoque la Corée du Nord? Des mots: dictature, cruauté, mégalomanie. Des images aussi: des milliers d’hommes jaunes en costume vert, une propagande visuelle kitschissime, et le visage poupin de Kim Jong-un, le leader exploitant les ressources du pays au bénéfice du programme nucléaire. En se rendant en République populaire démocratique de Corée, en avril 2012, le photographe Adrien Golinelli a mis ces poncifs entre parenthèses. A 25 ans, ce Genevois s’est simplement glissé dans un groupe de touristes, son regard vierge et son appareil autour du cou. L’œil à l’affût du détail, de la nuance. De la réalité cachée. De ce séjour, il a ramené Corée du Nord, l’envers du décor, portrait saisissant et mélancolique du quotidien des Nord-Coréens. Lauréat du prix SFR à Paris Photo 2012, il revient sur les conditions de réalisation de ce témoignage photographique.

Que ressent-on en posant les pieds en Corée du Nord?

L’impression de voyager dans le temps, et d’être au beau milieu d’un film.

Pourquoi avoir voulu visiter le pays le plus fermé au monde?

Parce que j’étais persuadé que le simple fait d’y être, de respirer son air m’apprendrait quelque chose que je ne pourrais connaître en lisant des brèves ou des analyses géopolitiques.

La mort de l’ex-dirigeant Kim Jong-il, en décembre 2011, a-t-elle été un déclic pour vous?

Oui. J’avais la sensation que le moment était peut-être historique. Je voulais être aux premières loges pour assister à la transformation de la dernière dictature stalinienne au monde. Cette transformation n’est que balbutiante, mais je suis persuadé qu’elle est à l’œuvre.

Vous avez participé à un tour guidé, très calibré et contrôlé par le régime nord-coréen. Comment faire des photos originales dans ces conditions?

Il faut trouver les très rares occasions où le vernis de la propagande se fissure un peu, faire appel à ses sens, et surtout, je crois, savoir quand ne pas prendre de photos. Si on n’y prend garde, on a tôt fait de se retrouver avec un vrai catalogue des fresques et statues de propagande!

Etait-il difficile de prendre des photos dans les lieux publics?

Il existe deux types de restrictions. Le premier concerne les soldats et les équipements militaires. Le deuxième, tout ce qui fait sale, désordonné ou vétuste. Ça peut simplement être une rue mal balayée ou faite de maisons anciennes. Mais le contexte politique du moment fait beaucoup, car dans les périodes de tensions, les officiels ont tendance à interdire aléatoirement, simplement pour faire sentir qui est le maître à bord.

Quelle est l’attitude des Nord-Coréens face au régime?

Impossible de répondre de manière catégorique à cela. Ce que j’ai senti, c’est une grande résignation, voire une lassitude. Le temps où le régime pouvait nourrir toutes les bouches est révolu depuis la chute de l’URSS. Une grande partie de la population est livrée à elle-même et vivote d’économie souterraine, notamment à travers la frontière chinoise.

Quant à la classe moins délaissée dont font partie la plupart des citadins, les guides et, d’une manière générale, les gens qu’un tel tour guidé permet de rencontrer, elle bénéficie souvent d’un confort croissant – on voit de plus en plus de téléphones portables à Pyong­yang. Cela va de pair avec un accès croissant à la culture sud-coréenne, qui se transmet par clés USB.

Les Nord-Coréens se laissent-ils facilement approcher par un étranger?

D’après mon expérience, oui. Le tout est d’avoir une attitude ouverte, d’individu à individu. L’une des choses les plus frappantes dans ce pays est la douceur et l’équanimité des Nord-Coréens. Ils semblent curieux sans être envieux, avides de partager mais cependant sereins.

La barrière de la langue n’empêche-t-elle pas de partager des émotions?

Elle empêche d’avoir par exemple une conversation politique, mais sûrement pas de partager des émotions. Au contraire: d’autant plus de choses passent par le non-verbal.

Qu’avons-nous de commun avec les Nord-Coréens?

Rien et tout à la fois. Ils vivent dans un pays que tout oppose à la culture globale du XXIe siècle, mais leurs préoccupations, leurs envies, leurs peurs, leurs espoirs se résument aux mêmes universaux que nous.

En quoi la Corée du Nord est-elle différente de celle, nécrosée, que présentent les médias?

Ce n’est pas qu’elle soit différente, c’est que les médias sont condamnés à ne transmettre qu’un certain type d’information, factuel et plus ou moins sensationnel. Il n’y a rien de mal à cela, mais pour se faire une idée précise d’un pays, il faut se confronter aux gens qui le peuplent, ajouter au factuel des expériences subjectives, et accepter que le sensationnel n’est souvent que l’exception.

Quelles sont les différences entre les grandes villes et les villages?

La pauvreté. La différence est prégnante entre la capitale, Pyongyang, et les villes de province, et encore davantage dans les villages. La pauvreté crasse est invisible en ville (pour un étranger du moins) mais frappante dans les zones très reculées, fond de vallées ou cols de montagne.

Pendant votre séjour, avez-vous eu peur?

Jamais. Ou plutôt si, une fois, lorsque le chauffeur du bus a pris de plein fouet l’extrémité d’une glissière d’autoroute. Après coup, j’ai surtout eu peur pour lui, car il a été «remplacé» illico.

Un moment qui vous a particulièrement marqué?

Au Luna Park de Pyongyang, après la première attraction, la guide locale m’a dit d’un air enjoué que je m’étais assis très précisément à la place où s’assoit Kim Jong-un d’habitude.

Je lui ai répondu que j’étais flatté. A la deuxième attraction, elle m’a dit la même chose, et j’ai commencé à me douter de quelque chose. Et lorsque, à la troisième attraction, elle me l’a encore répété, nous avons éclaté de rire ensemble. Tout en respectant scrupuleusement les codes de la propagande, elle s’en moquait. J’ai surpris plusieurs fois cette subtile ironie, signe, à mon avis, d’une étonnante lucidité à propos de leur propre sort.

Un regret?

Celui de ne pas avoir pu assister aux mass games, ces représentations synchronisées de dizaines de milliers de personnes dans les stades. Mais c’est plus un regret de touriste que de photographe, car cela fait justement partie des photos éculées que j’essaie d’éviter.

Avez-vous envie de retourner en Corée du Nord?

Bien sûr. Parce que je n’ai pas encore vu l’intégralité des endroits ouverts aux étrangers, et surtout parce que c’est une sensation unique, qui mêle des sentiments contradictoires, et qui marque à jamais.

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Un vélo électrique et communicant

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Jeudi, 27 Mars, 2014 - 05:52

Stromer.La marque bernoise lance le ST2, un vélo électrique avec une interface intégrée et un système antivol innovant. Présentation.

Isabelle Guignet

L’arrivée du vélo Stromer ST2 sur le marché résonne comme une innovation aux airs futuristes. Et pour cause, la grande nouveauté de cet engin est la connectivité possible entre le vélo électrique et d’autres points terminaux, tels que smartphone et iOS, via l’interface Omni intégrée au cadre du vélo. Cette connexion numérique dispose des systèmes GPS et Bluetooth. Il est ainsi possible de verrouiller le vélo à distance, d’accéder aux données ainsi qu’aux fonctions de commande. L’application Stromer informe également sur la date à prévoir pour la prochaine révision, l’identification à distance et le dépistage des problèmes mineurs.

Grand frein aux vols. Un point important est la fonction de cadenas du vélo. Surtout avec le nombre croissant de vols de cycles dans les villes de Suisse. Le ST2 possède un système de verrouillage et déverrouillage à distance, avec un antivol par code. Lors d’une tentative de vol, les phares du vélo clignotent et un signal est directement envoyé par l’application spécifique Stromer au propriétaire du vélo. Le système bloque les roues, rendant impossible le déplacement du cycle. La géolocalisation permet de le retrouver en cas de vol, grâce à sa puce intégrée.
«Il était important de mettre une fonctionnalité de sécurité sur nos vélos, notamment avec un code connu uniquement du propriétaire. L’antivol est devenu crucial, aujourd’hui», insiste Thomas Binggeli («Thömu»), créateur des marques Thömus et Stromer. Autre point de performance à noter: la batterie du deux-roues dispose d’une autonomie allant jusqu’à 150 km et d’une puissance de 800 W.

Une qualité qui a un coût: 6690 francs, prix de départ. Il est également possible de créer son propre modèle, sur l’internet ou dans l’un des six magasins  Stromer en Suisse.

Vaches et moutons contre un «empire». Thomas Binggeli profite, à l’âge de 17 ans, d’un voyage de ses parents pour vendre en douce le bétail de la ferme familiale à Oberried (BE) afin d’ouvrir sa propre boutique de vélos, Thömus. Ce qui a suscité un froid de plusieurs mois entre les parents et le jeune homme.

Cette passion pour les deux-roues lui est venue de par le fait que «notre maison était éloignée de tout. Pour voir mes amis, il fallait absolument que je me déplace. Le vélo était la seule solution.»

L’affaire Thömus connaît une telle réussite dès le départ que Thomas Binggeli remporte en 2006 le prix du Jeune entrepreneur suisse de l’année. Il a 32 ans. En 2009, le Bernois crée le tout premier vélo électrique Stromer, dont l’innovation technologique donne un succès instantané à la marque du même nom. En 2011, forte de ce succès et de la sortie du ST1, la marque Stromer est achetée par le groupe suisse de vélos haut de gamme BMC. Aujourd’hui, les parents du fondateur de Stromer se disent «être fiers de leur fils».

«J’ai voulu créer une communauté en donnant naissance à cette entreprise, raconte Thomas Binggeli. Pour y parvenir, il développe un magasin dans la ferme familiale, avec bientôt un vélodrome pour les essais sur les terrains environnants. Un lieu qui est ainsi devenu un point de vente stratégique pour tout passionné de sports d’extérieur. Aujourd’hui, ski, ski de fond, snowboard, accessoires et vêtements sont produits par la marque et vendus dans chaque boutique Thömus et Stromer. Rien ne semble pouvoir arrêter Thomas Binggeli.

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«Nous avons tous des choses à cacher»

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Jeudi, 27 Mars, 2014 - 05:53

Expertise.Depuis vingt-cinq ans, l’Anglais Simon Davies se bat pour le respect de la vie privée. Il sera présent à Genève, à l’occasion de conférences organisées par la Webster University.

«Les Etats-Unis ont développé un vaste réseau d’espionnage des citoyens européens et nous devrions tous nous en inquiéter.» Voilà ce qu’écrivait Simon Davies, un des pionniers de la confidentialité internationale, dans un article paru le 16 décembre 1997 dans le Daily Telegraph. En plus de 7000 signes, ce spécialiste des questions de confidentialité détaillait un rapport confirmant l’existence d’Echelon, nom de code désignant une base d’interception de satellites de télécommunication commerciaux.

«En Europe, tous les e-mails, téléphones et fax sont interceptés par l’Agence nationale de sécurité américaine. Ils passent par le centre stratégique de Londres, puis par satellite à Fort Meadan, dans le Maryland, via l’important centre Menwith Hill à North York Moors, en Angleterre.» L’Anglais se souvient parfaitement du combat qu’il a dû mener pour convaincre un rédacteur en chef de publier son papier. «J’ai mis six mois pour vendre mon article. J’ai essuyé beaucoup de refus, personne ne voulait me croire. Tout le monde me traitait de fou paranoïaque.»

Les 3 et 4 avril prochain, Simon Davies sera présent à Genève pour deux jours de conférences et d’ateliers portant sur le thème des médias et de la confidentialité organisés par la Webster University, une institution américaine fondée dans le Missouri et comptant des campus en Europe et en Asie.

Autodidacte. Né à Morecambe, au nord-ouest de l’Angleterre, Simon Davies a grandi à Sydney,en Australie, où sa famille a déménagé alors qu’il avait 6 ans. Il a toujours cumulé les fonctions, sans avoir fait d’études. «J’ai enseigné, été journaliste free-lance et guitariste.» Très vite, il s’illustre dans une campagne pour combattre l’introduction de cartes d’identité à usage national en Australie, un document qui aurait permis d’en savoir trop sur chaque citoyen. Au début des années 80, il décide de retourner en Angleterre.

«Alors que les ordinateurs prenaient de plus en plus de place dans notre vie, j’avais l’impression que les gens ne se sentaient pas concernés par ce danger et que cette question n’était pas assez étudiée par les milieux académiques. A mes yeux, il devenait essentiel de réfléchir à des moyens de se protéger.» Il fonde alors Privacy International, un organisme de contrôle qui s’occupe de questions autour de la vie privée. Durant des années, soutenu par un comité consultatif de 30 personnes, il informe, donne des conférences, pose des questions qui dérangent aux gouvernements, révèle les pratiques de certaines compagnies et d’agences d’espionnage.

Son expertise sur les questions de confiden-tialité l’amèneront à enseigner dans les Univer-sités de Greenwich et Essex Aujourd’hui, il donne des cours à la London School of Economics. A Genève, sa conférence portera sur la façon de mener campagne pour changer les choses. «Créer des turbulences et déranger le système», voilà un des nombreux conseils que donne Simon Davies. «Même une personne seule peut avoir une grande influence. Les médias adorent les non-conformistes qui partent seuls au combat.»

E-mails, SMS... Des conseils pratiques pour la vie quotidienne? «Ne fournissez aucune donnée vous concernant, sauf en cas d’obligation. N’utilisez pas les applications, sauf si c’est une nécessité. Concernant la messagerie instantanée WhatsApp, récemment rachetée par Facebook, je suis à 100% sûr que, dans quelque temps, elle comportera de la publicité. Changez et utilisez l’application Telegram. Utilisez PGP (Pretty Good Privacy), un logiciel de chiffrement et de déchiffrement cryptographique, pour vos e-mails, ou alors utilisez uniquement Skype. Plus les gens agiront pour protéger leur vie privée, plus les gouvernements devront prendre leurs désirs en considération.»

Mais, au fait, un honnête citoyen a-t-il vraiment quelque chose à cacher? «Bien sûr! Ceux qui prétendent le contraire sont des hypocrites. Nous avons tous des choses à cacher, ne serait-ce que pour protéger notre famille.»

Genève, Webster University, du 3 au 4 avril, gratuit et ouvert à tous sur inscription (conférences et ateliers en anglais). www.webster.ch

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James Cohen
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La presse a de l’avenir, la preuve par «sept»

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Jeudi, 27 Mars, 2014 - 05:54

Médias.Un nouveau média d’information en ligne, payant, dédié à l’enquête et au reportage, sera lancé début avril à Fribourg. Il sera également décliné sur papier.

La presse romande cherche de nouvelles alliances, comme le montre la vente du Temps, mais aussi de nouvelles expériences. A l’exemple du média d’information qui sera lancé début avril à Fribourg. Celui-ci proposera du reportage, de l’enquête, de la photographie et de la vidéo en lien avec son canton, mais aussi et surtout avec le monde tel qu’il va. Il s’appellera Sept, comme les sept districts fribourgeois. Ou les sept jours de la semaine.

A la source de ce «petit laboratoire de l’information», comme le décrit son responsable, Patrick Vallélian, un bimensuel resté actif pendant vingt-deux ans à Fribourg: L’Objectif. L’an dernier, désirant vendre son périodique, le fondateur de L’Objectif a contacté l’homme d’affaires et avocat fribourgeois Damien Piller.

Parmi ses nombreuses activités (dont l’une lui a valu une mise en examen en 2010 par la justice française), Damien Piller a un fort intérêt pour les médias. Il est président de Radio Fribourg et membre de la télévision régionale romande La Télé. L’avocat a accepté de reprendre L’Objectif, ainsi que ses milliers d’abonnés et son portefeuille d’annonceurs, avec l’idée de lui donner une nouvelle identité, plus en phase avec l’époque numérique. Et avec un canton dont le dynamisme économique, culturel ou dans l’éducation n’est plus à démontrer.  Positionner Fribourg dans les nouveaux modes de consommation de l’information, accroître le pluralisme des médias dans la région, voilà quel est l’état l’esprit de la reprise de L’Objectif.

Carte blanche. Damien Piller a confié au journaliste bullois Patrick Vallélian, un ancien de L’Hebdo, la conception et la direction du nouveau média. Sept.info, son adresse internet, devrait être active dès le 4 avril prochain. Patrick Vallélian a eu carte blanche pour penser le média sur des bases contemporaines. C’est-à-dire un site payant qui compte d’abord sur ses lecteurs pour financer sa rédaction.

L’abonnement coûtera 99 francs la première année (jusqu’à la fin 2014), 168 francs par la suite. La publicité ne sera pas proscrite, à l’exemple du site français Mediapart: elle s’affichera sur le site, mais aussi dans l’hebdomadaire Sept sur papier.

Tous les vendredis, sur une quarantaine de pages en petit format, la rédaction publiera le meilleur de la semaine écoulée. L’hebdomadaire sera envoyé aux abonnés du site d’information générale, mais aussi vendu en kiosque. «Nous ne voulons pas faire concurrence à L’Hebdo, pas plus que nous voulons chasser sur les terres de La Liberté à Fribourg, note Damien Piller. Nous n’en avons pas les moyens financiers! Le capital de la nouvelle société Sept est de 600 000 francs. Et je m’engage à couvrir son déficit pour les cinq prochaines années. Reste que Sept est une expérience aux moyens limités. Son positionnement journalistique est toutefois ambitieux, indépendant et transparent.»

Journalisme lent. Dans la petite rédaction de Villars-sur-Glâne où s’active une petite dizaine de journalistes, Patrick Vallélian montre l’ébauche du média sur un écran d’ordinateur portable. Des reportages sur le destin malheureux de l’entreprise Ilford, sur le braconnage, mais aussi sur la Syrie, l’Inde… Des images en grand format de Michael von Graffenried, fameux photographe bernois qui est aussi le directeur artistique de Sept. D’autres images jamais vues, obtenues grâce au réseau de Michael von Graffenried, en dehors des grandes agences comme AFP, Reuter ou AP. Des chroniques régulières, comme celle de François Gross, ancien rédacteur en chef de La Liberté. Des espaces pour les chroniques, blogs, interventions et discussions des abonnés, qui seront mis à contribution pour faire vivre le média.

«C’est du journalisme lent, décalé, pas du tout exhaustif, argumente Patrick Vallélian. Notre modèle n’est pas Watson, un site d’information récemment lancé en Suisse alémanique avec un budget de 20 millions. Ou des publications originales sur papier comme La Couleur des Jours et La Cité. C’est plutôt l’ambitieuse plateforme journalistique néerlandaise De Correspondent.» Celle-ci a été lancée l’an dernier grâce à un crow-funding d’un million d’euros, un record dans l’histoire de la presse.

De Correspondent comme Sept défrichent l’avenir de la presse  écrite, en ligne mais pas seulement, avec des choix tranchés, de la qualité revendiquée, des sujets longs ou en feuilleton, des thèmes qui passent sous le radar des médias tra-ditionnels. Des entreprises à très hauts risques et renta-bilités incertaines, donc. Mais si nécessaires.

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«L’avion a continué de voler tout seul»

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Jeudi, 27 Mars, 2014 - 05:55

Malaysia airlines.Commandant de bord, Bill Palmer est l’auteur d’un livre référence sur la disparition en mer du vol 447 Rio-Paris d’Air France en 2009. Il explique comment un simple incendie de câble a pu entraîner le vol fantôme du MH370.

Propos recueillis par Marco Evers

Les derniers mots du copilote du MH370 de la Malaysia Airlines sont: «Tout va bien, bonne nuit.» Deux minutes plus tard, le transpondeur est désactivé, comme pour rendre l’avion invisible. N’est-ce pas l’indice d’un acte criminel?

Peut-être, mais pas forcément. Ces mots du copilote sont normaux. Il se pourrait qu’un incendie de câblage ait abîmé le transpondeur, les radios et autres systèmes de communication.

Et personne n’aurait rien vu deux minutes avant?

Ce genre de chose se passe très vite. Un feu dans la gaine technique sous le cockpit pourrait expliquer la panne des appareils radio. Puis il y aurait sans doute une série de courts-circuits. Bien sûr, nous ne savons pas pourquoi cela aurait brûlé. Une bombe ou un câblage défectueux?

En plus, l’équipage a changé de cap sans annoncer la moindre situation d’urgence.

En situation de détresse, les pilotes ont les priorités suivantes: l’avion doit continuer de voler, c’est l’essentiel. Ensuite il faut éviter toute collision. La communication n’arrive qu’au troisième rang. Les pilotes ont sans doute été trop occupés par le feu pour veiller à la sécurisation du vol. Et prévu de rentrer à Kuala Lumpur. Cela a du sens.

Ils ont changé de cap une seconde fois, vers le nord-ouest.

Cela indique qu’ils ont choisi de mettre le cap sur Pulau Langkawi. Cette île malaise a une piste d’atterrissage très longue et ne comporte ni collines ni montagnes. C’était un bon plan de rallier cette destination, surtout si l’avion était fortement endommagé.

Quelle est la gravité d’un feu dans le cockpit?

C’est la pire situation que l’on puisse imaginer. Pensez au vol 111 de Swissair qui s’est écrasé en mer, au large du Canada, le 2 septembre 1998. La cause était un câblage défectueux dans l’électronique des distractions à bord. Les pilotes ont tenté d’y parer mais, quinze minutes seulement après l’apparition de la fumée, l’appareil a plongé dans la mer. Le cockpit était devenu un four. Tout le monde est mort.

Le MH370 n’est pas arrivé à Pulau Langkawi. En lieu et place, l’avion a grimpé à 45 000 pieds, une altitude pour laquelle il n’est pas fait. Puis il a plongé à 23 000 pieds, trop bas pour ce genre de jet. Comment s’expliquent de telles manœuvres?

Plusieurs pilotes l’expliquent par la tentative du commandant d’étouffer le feu dans une atmosphère raréfiée. Je pense plutôt que les deux pilotes avaient alors perdu conscience. Le pilote automatique qui maintient le cap avait apparemment été désactivé. L’avion poursuivait sa route sans but, mais de manière stable.

Comment est-ce possible?

Le Boeing 777 est un appareil moderne «fly-by-wire». Il comporte des ordinateurs de contrôle de vol dans le fuselage qui stabilisent l’appareil en continu. Ces calculateurs sont programmés pour maintenir la vitesse indiquée par le pilote. Ils relèvent automatiquement le nez de l’avion quand il va trop vite, l’abaissent quand il est lent. Et ils veillent à ce que l’appareil ne soit jamais en posture critique.

Tout s’arrête, sauf ces calculateurs?

Le Boeing 777 possède quatre de ces calculateurs en divers points de l’avion. Ça suffit quand un seul d’entre eux est en panne. Alors l’avion continue de voler, réagit aux vents, aux turbulences, aux variations de température. Il décrit des méandres. Je n’aurais pas imaginé qu’un tel avion puisse grimper à 45 000 pieds, mais en même temps je ne suis pas surpris.

Un avion fantôme…

… qui reste en vol aussi longtemps que ses réservoirs ne sont pas vides. Nous ignorons si les passagers l’ont vécu ou s’ils étaient inconscients.

A quoi ressemblerait son crash?

A un vol d’approche trop pentu et trop rapide pour un amerrissage en douceur.

Votre théorie peut-elle être établie?

Uniquement si l’on retrouve l’appareil et ses boîtes noires. Sinon, le MH370 restera le plus grand mystère de toute l’histoire de l’aviation.

© Der Spiegel Traduction et adaptation Gian Pozzy

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Yu Ming / Keystone
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Le phénix Omega

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Jeudi, 27 Mars, 2014 - 05:56

Saga.Menacée de disparaître il y a trente ans, la marque Omega, exposée à Baselworld qui ouvre ses portes le 27 mars, n’a jamais été aussi florissante. Sa formule: une production de luxe à l’échelle industrielle et un marketing qui se nourrit de légende.

Ce 21 juillet 1969, le tout jeune Stephen Urquhart, de langue maternelle anglaise, a une tâche précise à accomplir au sein de la société Omega qui l’a engagé une année auparavant. Un casque sur les oreilles, celui qui deviendra président de la société biennoise trente ans plus tard, après un passage chez Audemars Piguet, doit compter combien de fois et dans quel contexte le nom de la marque horlogère est prononcé par Neil Armstrong et Buzz Aldrin. Qui sont les premiers hommes à marcher sur la Lune lors de la mission Apollo 11. Trente-six heures d’écoute s’écoulent, sans que les Omega Speedmaster portées par les astronautes américains ne suscitent le moindre commentaire. C’est sans doute mieux ainsi. Entendre une phrase du genre «Omega, we have a problem!» ne serait pas un bon signal.

L’aventure de ce qui deviendra la Moonwatch commence au début des années 60, lorsque deux employés de la NASA achètent cinq chronographes de marques différentes auprès de plusieurs détaillants horlogers de Houston, dont l’Omega Speedmaster acquise chez Corrigan’s. Après avoir passé avec succès une série de tests rigoureux, cette dernière est finalement considérée par l’agence spatiale américaine comme la plus adaptée aux conditions de l’espace.

En 1969, époque florissante des trente glorieuses, Stephen Urquhart et ses collègues d’Omega sont loin de se douter que, quelques années plus tard, leur entreprise va avoir un sérieux problème. Et manquer tout simplement de disparaître dans la tourmente de la crise horlogère des années 70-80.

Avec 730 000 montres vendues annuellement dans le monde, un chiffre d’affaires estimé à 2,5 milliards de francs, une forte présence sur les marchés de Chine, de Hong Kong et des Etats-Unis, par ordre décroissant, la société Omega, aujour-d’hui en pleine santé, a pourtant connu des heures sombres dont elle a heureusement tiré les leçons. Et qui font aujourd’hui son épanouissement. La ligne d’assemblage ultramoderne, sur 1000 mètres carrés, entièrement dédiée au calibre maison 9300/9301 qui incorpore les fonctions de chronographe, est le témoin des mésaventures vécues par l’entreprise depuis ses origines en 1848.

Installée dans les locaux de la société ETA, à Granges (SO), qui fabrique l’essentiel des mouvements mécaniques et à quartz de Swatch Group, cette ligne illustre à la fois le passé et l’avenir: ce qui, au fil des ans, a échappé à Omega comme manufacture proprement dite et ce qui lui revient désormais en force.

Le luxe devient industriel

Surévaluation du franc, chocs pétroliers, révolution du quartz avec l’assaut dévastateur des producteurs nord-américains et asiatiques, ce cocktail fait exploser l’horlogerie suisse dès 1975. Au secours de l’ASUAG, qui regroupe les fabricants d’ébauches et de composants des montres, et de la SSIH, qui réunit les marques Omega et Tissot (lire «Au fil du temps»), les banques UBS et SBS font le grand ménage. Elles fusionnent ces deux entités horlogères à l’agonie et intègrent leurs départements techniques de fabrication et de recherche sous un même toit. C’est la montée en puissance d’ETA à Granges, sous la houlette d’Ernst Thomke, qui dès lors fabrique les ébauches, notamment celles des montres Omega.

«Cette magistrale épuration fait perdre à Omega son statut de manufacture et ramène ses effectifs à 155 personnes à la fin de 1985», relève Marco Richon, créateur du musée de la marque et auteur d’ouvrages très documentés sur l’horlogerie. Un siècle plus tôt, les collaborateurs étaient trois fois plus nombreux!

En 1985, les financiers se retirent de l’avant-scène pour faire place à l’instigateur de ces grandes manœuvres, Nicolas G. Hayek. A la tête d’un nouveau mammouth horloger – la SMH qui deviendra Swatch Group en 1998 –, «il prend le risque d’investir et de troquer son rôle de conseiller d’entreprise pour celui de grand capitaine de l’industrie». C’est aussi lui qui exigera le maintien de la société Nivarox-FAR, devenue leader quasi incontournable dans la production du balancier-spiral et de l’échappement, le cœur de la montre. Si Ernst Thomke, l’un des promoteurs de la célèbre Swatch, estime alors que l’horloger classique est en voie de disparition, Nicolas G. Hayek croit, lui, à l’avenir de la montre mécanique. Sans les entreprises ETA et Nivarox-FAR, Omega aurait sans aucun doute fait long feu, rachetée par les Japonais ou jetée aux oubliettes.

Clin d’œil de l’histoire, d’ici à 2016 certaines opérations de fabrication jusqu’ici réalisées dans les locaux d’ETA à Granges (SO) et à Saint-Imier (BE) seront regroupées dans un nouveau bâtiment à Bienne, tout près du siège d’Omega. La marque se réapproprie en partie son statut de manufacture tout en continuant à se fournir en composants auprès des sociétés de Swatch Group.

Quant à la fabrication des montres à l’échelle industrielle, entamée en 1880 avec Louis-Paul et César Brandt, les deux fils du fondateur, elle semble un leitmotiv de la société tout au long de son évolution. Produire, c’est bien. Vendre, c’est encore mieux. Et, là aussi, il y a eu – et il y a toujours – fort à faire.

La distribution devient gérable

«En Chine, notre premier marché, nous avons réduit de moitié le nombre de nos points de vente, qui se chiffrent désormais à 180, dont 120 sont des boutiques monomarques. Ainsi, nous contrôlons mieux notre distribution», souligne Stephen Urquhart. La maîtrise de cette dernière, c’est un vieux serpent de mer. Adolphe Vallat, chef de la publicité, des ventes puis charismatique directeur commercial de l’entreprise en 1946, a déjà tenté de dompter l’animal, avec un certain succès. Selon lui, moins il y a de détaillants, plus ces derniers font du chiffre d’affaires. Des paroles aux actes: de 100 000 en 1930, les points de vente fondent à environ 10 000 en 1960, pour atteindre 3000 aujourd’hui.

Cette politique sélective fondée sur la qualité des distributeurs a dû être menée tambour battant, notamment aux Etats-Unis, où l’agent général de la marque n’en faisait qu’à sa tête jusqu’à son rachat par le groupe en 1979. Contrairement au marché chinois, où tout était à cons-truire, le marché nord-américain souffrait d’un historique défaillant à dépoussiérer. Les résultats sont là. En 2014, Omega possède 38 boutiques aux Etats-Unis, employant près de 2300 collaborateurs, sous la responsabilité d’une seule personne.

«Pour être bien, mieux vaut être autonome», observe son président, avec un flegme naturellement britannique. Au Brésil, eu égard à des droits de douane exorbitants, «la seule manière d’être présent sur ce marché, c’est d’ouvrir ses propres boutiques». D’ici aux Jeux olympiques de Rio de Janeiro en 2016, Omega, qui assure leur chronométrage officiel, compte inaugurer de «six à sept» magasins propres dans le pays, en plus des quatre déjà en service à Rio de Janeiro, São Paulo et Brasilia. Dans le monde, la société compte 322 boutiques dont 123 en exclusivité.

Le marketing devient séduisant

L’horlogerie sans marketing ni publicité serait comme un baba sans rhum. Elle n’aurait plus aucun goût. En organisant en 1948 la première campagne publicitaire internationale jamais réalisée par une grande marque, Adolphe Vallat donne le ton. Les années suivantes, Omega multiplie les ambassadeurs publicitaires, artistes et sportifs de premier plan.

Avec l’arrivée de Jean-Claude Biver à la tête du marketing en 1993, que Nicolas G. Hayek a recruté après avoir racheté sa marque Blancpain, les parrains ou marraines ne se contentent plus de figurer sur le papier glacé des magazines. Ils sont aussi payés pour faire la promotion vivante et active d’Omega. Parmi eux, le mannequin Cindy Crawford qui, à 30 ans en 1996, pourrait logiquement voir son étoile pâlir, reprend du poil de la bête comme ambassadrice. Plaisant aux hommes, bien sûr, mais aussi aux femmes sans les rendre jalouses, elle colle à l’image d’une montre qui doit séduire à tous les âges.

Quant à James Bond, incarné en 1995 par Pierce Brosnan dans Golden Eye, il porte la Seamaster qu’il convient d’arborer si l’on est un 007 qui se respecte. Quelques semaines avant la sortie des James Bond, Omega invite les futurs spectateurs à observer attentivement le poignet de leur héros.

Associer l’exploit à la marque, la tentative ne réussit que si le produit est techniquement à la hauteur. C’est le cas avec la Speedmaster Professional (la Moonwatch), la seule montre autorisée par la NASA à faire des sorties extravéhiculaires dans l’espace. Depuis quarante-cinq ans, ce chronographe mécanique à remontage manuel a dû conserver les mêmes références et standards de production. Ainsi, la montre n’est toujours pas équipée d’un verre saphir qui, en se brisant dans l’espace, se décomposerait en une multitude de particules redoutables.

La haute technologie du chronométrage par Omega s’invite également aux Jeux olympiques, dont ceux de Sotchi en février dernier, où 260 techniciens ont œuvré pour la marque.

L’innovation devient légendaire

L’échappement Co-Axial: cette technologie révolutionnaire réduit sensiblement les frottements en regard de l’échappement traditionnel à ancre suisse, augmentant ainsi l’efficacité et la performance de la montre mécanique. Son auteur, George Daniels, autodidacte britannique de génie, l’un des rares horlogers capables de fabriquer de A à Z une montre à grande complication, va s’y prendre à plusieurs reprises dès 1974 pour convaincre les horlogers suisses des vertus de sa trouvaille. A la fin des années 80, il finit par emporter l’adhésion du directeur général  d’Omega, Hans Kurt, et surtout de l’intuitif Nicolas G. Hayek, patron de Swatch Group. C’est le début d’un saut technologique majeur.

Autour de l’échappement Co-Axial réalisé en 1999, l’entreprise développe un calibre spécifique et exclusif en 2007. Aujourd’hui, la quasi-totalité de la production des montres mécaniques de la maison a adopté cette technologie, devenue une légende vivante par une mise en valeur judicieusement ciblée. Dernière réali-sation, la marque a sorti un mouvement résistant aux champs magnétiques supé-rieurs à 15 000 gauss. Un record mondial.

Face à Rolex et à Cartier, ses principales concurrentes, Omega, qui a marché sur la Lune, garde les pieds sur Terre. Pour perdurer, elle s’impose de per-pétuelles innovations. Et sait fort bien les communiquer.


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