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Nos amis les Russes

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Jeudi, 27 Mars, 2014 - 05:57

Diplomatie.Après l’annexion de la Crimée par Moscou, le climat s’est rafraîchi entre Est et Ouest. La Suisse joue les intermédiaires et en tire profit.

Peter Hossli
Infographie Priska Wallimann

C’est fou ce que les Russes et les Suisses sont aimables les uns envers les autres. L’ambassadeur de Moscou à Berne qualifie d’«excellentes» les relations entre les deux pays. «Dans presque tous les domaines, nous travaillons étroitement ensemble: économie, culture, politique, même militaire», assure Alexandre Golovine.

Son homologue helvétique à Moscou, Peter Helg, soulignait lui aussi, en 2012, «des relations excellentes». Pour la Suisse, la réélection de Vladimir Poutine aurait été «très importante», car il est synonyme «de stabilité et de prévisibilité».

Or, Vladimir Poutine, 61 ans, est le nouvel ennemi public de l’histoire. Après l’annexion de la Crimée, les Etats-Unis et l’Union européenne ont adopté des sanctions à l’encontre de son entourage. Mais la Suisse ne veut rien en savoir. Elle «observe la situation en détail», promet Carole Wälti, porte-parole du Département des affaires étrangères. Autrement dit, la Suisse reste aux affaires. Elle n’entend pas mettre en péril les intérêts d’un petit pays (41 000 km2, 8 millions d’habitants) et d’un empire (17 millions de km2, 143 millions d’habitants). Et la Russie est le seul membre permanent du Conseil de sécurité avec lequel la Suisse entretient un dialogue institutionnalisé et permanent.

Pour la Russie, la Suisse est une tête de pont vers l’Europe. Un pays neutre, non membre de l’UE. Un partenaire fiable, utile. En 2012, la Confédération a accéléré l’admission de la Russie au sein de l’OMC, l’Organisation mondiale du commerce. En échange, la même année, la Russie a invité la Suisse au sommet du G20 à Moscou et Saint-Pétersbourg. Depuis 2009, des conseillers fédéraux ont rencontré à 18 reprises des ministres russes. C’est la Suisse qui joue le rôle de médiateur dans le conflit russo-géorgien. Et maintenant dans le bras de fer russo-ukrainien.

Pour la Russie, la Suisse est d’une importance vitale. Plus des trois quarts des exportations russes sont faits de charbon, de pétrole, de gaz et de métaux. A en croire le Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO), 80% d’entre elles impliquent des négociants sis à Genève, Zurich et Lugano, souvent financés par des crédits de banques suisses. Les courtiers suisses ont acheté en 2012 pour 324 milliards de dollars de matières premières russes.

Certes, le ministre de l’Economie, Johann Schneider-Ammann, a récemment suspendu les négociations en vue d’un accord de libre échange avec la Russie. Mais le pays des oligarques reste pour la Suisse un marché prometteur. Les sociétés expor-tatrices suisses enregistrent des taux de croissance phénoménaux dans leurs opérations russes. En 1990, les horlogers suisses vendaient pour un million de francs de montres en Union soviétique. Aujour-d’hui, c’est près de 300 fois plus. Les pharmas exportaient pour 100 millions de médicaments en 2000, de nos jours dix fois plus.

42 milliards pour l’un, 45 pour l’autre. Les Russes riches abritent volontiers leurs milliards dans les banques suisses. UBS les séduit à Moscou, Credit Suisse à Moscou et Saint-Pétersbourg. Les deux banques dominent le marché russe des capitaux. Quelque 600 sociétés helvétiques ont des filiales en Russie, parmi lesquelles Nestlé, ABB, Swatch, Holcim, Roche et Novartis. A l’inverse, 560 sociétés en Suisse appartiennent entièrement ou partiellement à des Russes. Selon le SECO, en 2012 les Suisses ont investi 42 milliards de francs en Russie, ce qui représente 30% de tous les investissements étrangers dans le pays. Et un tiers de tous les investissements russes à l’étranger ont déferlé sur la Suisse: 45,3 milliards de francs.

Nos «excellentes relations» se sont récemment un peu rafraîchies. Ueli Maurer, ministre de la Défense, a suspendu un entraînement prévu à Andermatt pour des grenadiers de montagne russes. «Vu les événements en Ukraine et dans la région», a commenté Renato Kalbermatten, porte-parole du DDPS. Et pour cause de neutralité. Alors qu’un officier suisse est en ce moment en formation continue à Moscou. Il rentrera en juillet et, pour l’heure, la Suisse n’entend pas lui désigner un successeur.

L’affaire de la Crimée affecte une année commémorative: la Suisse et la Russie célèbrent deux cents ans de relations diplomatiques. C’est à cette occasion que le président de la Confédération, Didier Burkhalter, rencontrera Vladimir Poutine à Moscou, annonce Carole Wälti, du Département des affaires étrangères. «Mais la date et autres détails ne sont pas encore fixés.»

© Sonntagsblick,Traduction et adaptation gian Pozzy

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Priska Wallimann
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Hebdo.ch » revue de blogs de la semaine

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Jeudi, 27 Mars, 2014 - 05:57

Blogs» Politique»
Une Suisse en mouvement

L’État de droit s’effrite, le centre-droit s’effondre

Le Conseil national a suivi sa Commission des institutions politiques en choisissant de copier-coller dans une loi d’application le texte de l’initiative de «mise en œuvre» de l’initiative «Moutons noirs».
Johan Rochel

Si le Conseil des Etats confirme, le renvoi sera donc automatique pour des délits mineurs tels que l’«escroquerie aux assurances sociales» (délit inconnu du Code pénal à ce jour). De plus, la situation spécifique de la personne ne sera pas prise en compte, au mépris du principe de proportionnalité. (…) Acculé par l’initiative de «mise en œuvre», le Parlement a abandonné son rôle de législateur, cette mission clé qui consiste à faire les lois. (…) Les choix des citoyens sont appréhendés comme étant directement applicables: le bulletin de vote devient la loi. Dans cette absolutisation de la démocratie directe, le Parlement a manqué d’affirmer clairement ses compétences. N’est-il pas en train de démontrer qu’à terme nous n’aurons plus besoin de lui? Après tout, pourquoi ne pas nous retrouver tous une fois par mois sur la place Fédérale pour choisir les lois de la manière la plus directe qui soit? L’idéal de la Landsgemeinde comme instance démocratique suprême nous empêche de voir que nous faisons face à un conflit des volontés populaires. La volonté populaire ne s’exprime pas seulement dans l’initiative pour le renvoi, mais également dans la Constitution et ses principes. Cette Constitution que le peuple a acceptée en 1999 et qui contient expressément le principe de proportionnalité. (…) Nous sommes dans une situation où la volonté du peuple helvétique exige deux choses incompatibles. Jeudi dernier, de nombreux parlementaires l’ont oublié, rappelant à qui voulait bien l’entendre que la «volonté du peuple» devait être respectée. (…) La nécessité d’une pesée d’intérêts individuelle est à la fois l’une de nos valeurs les plus importantes et l’un de nos engagements internationaux, par exemple à travers la Convention européenne des droits de l’homme. Refuser de reconnaître ce principe dans la loi, c’est donner aux tribunaux la responsabilité de rattraper la situation dans chaque cas individuel. (…) En plus de ces bouleversements institutionnels, c’est sur le plan politique que les nouvelles sont les plus tristes. Le centre-droit (PLR, PDC, PBD – à l’exception notoire de presque tous les Vert’libéraux) a baissé les armes face à la menace d’une nouvelle votation populaire. Le chantage a fonctionné à merveille. L’énergie politique n’y est plus, la conviction de se battre pour les valeurs qui font notre pays non plus.


Blogs» Politique»
Blog dans le coin

Nos vignerons sont-ils en voie de disparition?

L’année viticole 2013 a été délicate. Des conditions climatiques particulières font que la récolte a été très faible.
Vincent Pellissier

On sait qu’un marché perdu nécessite un effort important, aussi bien financier qu’humain, pour le reconquérir. Si les recettes des exploitations vont baisser, il faut comprendre que les charges, elles, ne sont pas compressibles dans la même proportion. Les charges salariales sont quasiment fixes (les surfaces à entretenir restent identiques) et les coûts liés à l’appareil productif (amortissement du patrimoine viticole et de l’outil industriel de production) sont constants sur les investissements consentis. (…) Mais le problème est plus profond. Aujourd’hui, la matière première de cette industrie, le raisin, n’a plus de valeur. Et sans viticulture (la vigne), l’industrie vinicole (le vin) ne pourra survivre. Depuis des années, le prix payé aux vignerons pour le raisin, le prix de la matière première, ne cesse de baisser (moins de 2 francs par kilo de chasselas payé aux vignerons tâcherons par certaines grandes caves). Ce montant est inférieur aux coûts effectifs. En plus, la production à l’hectare a drastiquement baissé, au bénéfice de la qualité évidemment (en tout cas pour certains cépages). (…) En Suisse, la part des vins helvétiques de la consommation indigène est d’environ 30%. Pour prendre un point de comparaison, les vins autrichiens représentent 78% de la consommation du pays. Un effort important de vente devrait être entrepris pour la promotion de vins indigènes sur ce marché, qui plus est, marché où des prix élevés peuvent être absorbés. (…) Quand le prix de la matière première n’a plus de valeur, le marché tout entier s’écroule. Il est temps de payer les vignerons, soit pour la valeur du produit, soit pour leurs contributions indirectes, patrimoniales, écologiques, paysagères ou identitaires.


Blogs» Culture»
Les lumières de la ville

Les quartz du repli sur soi

La cérémonie de remise des Prix du cinéma suisse 2014, qui s’est tenue vendredi dernier au Schiffbau de Zurich, dessinait à son corps défendant une image terrible de nous-mêmes.
Frédéric maire

(…) C’est finalement un film parlé en dialecte bernois, adapté d’un roman écrit en bärndütsch par Pedro Lenz, qui a remporté les Quartz de meilleur film, meilleur scénario, meilleur acteur et meilleure musique. (…) Der Goalie bin Ig (que l’on pourrait traduire par Le gardien de but, c’est moi) est un récit aigre-doux sur un loser magnifique, ancien drogué passé par la case prison qui essaie tant bien que mal de se reconstruire. Comédie politique d’un côté, mélodrame humain de l’autre, ces deux images de la Suisse se complètent et se répondent dans la réalité. Mais l’écrasante victoire du film bernois signé par Sabine Boss offrait l’autre soir une image bien triste de notre futur destin cinématographique. Car, coupé de l’Europe, coupé des soutiens de Media, notre cinéma va être contraint de se tourner toujours plus sur lui-même, replié, comme naguère, dans notre réduit alpin. Personne ou presque n’a, durant la cérémonie, parlé de ce qui nous est tombé dessus le 9 février. Pourtant, (…) notre modèle à venir, c’est Anker, c’est notre histoire, c’est ça que nous devons raconter, avec nos sous, et tant pis si les autres, dehors, ça ne les intéresse pas. (…) Alors que Les grandes ondes et L’expérience Blocher sont sortis en France accompagnés d’une critique dithyrambique et d’une belle fréquentation publique, c’est un film dont le succès – bien réel – décroît plus on s’éloigne de Berne qui remporte les suffrages des votants de l’Académie du cinéma suisse. Comme si nous anticipions déjà les années sombres qui nous attendent, à (re)faire des Heimatfilms sans véritable espoir d’exportation. A nous regarder le nombril pour voir combien de belles histoires peuvent en sortir.


Blogs» Politique»
Politique internationale

International: un vilain mot pour le ministre de la défense

Beaucoup a déjà été dit et écrit au sujet de la position de la «rupture de collégialité» d’Ueli Maurer, de ses excuses et du reste.
Martine brunschwig graf

Les médias s’essaient maintenant à deviner ce qu’il y avait de volontaire ou de fortuit dans cette interview de trois pages dans la Weltwoche. Peu importe, car les faits pourraient bien lui donner tort à l’heure où l’OSCE qu’il décrie vient de décider de l’envoi de cent observateurs en Ukraine, avec l’accord de tous et sur proposition de la Suisse. Mais l’article de la Weltwoche mérite bien d’autres commentaires qui n’ont rien à voir avec la rupture de collégialité ou la forme de neutralité que doit adopter la Suisse. (…) Pour la première fois, un conseiller fédéral s’en prend au fait que la haute administration et nombre de cadres de l’armée puissent avoir une culture qui s’étende au-delà du pays! J’ai beaucoup de peine à comprendre qu’un conseiller fédéral puisse regretter la connaissance du monde des cadres de l’administration fédérale, particulièrement lorsqu’il s’agit de la défense ou de la diplomatie! Certes, la défense des intérêts de la Suisse donne à chacun le devoir de savoir prendre la distance nécessaire. Mais si, pour un pays qui vit et se nourrit de ses relations avec l’étranger, la haute administration devait avant tout être formée de personnes dont l’univers et la compréhension du monde se réduit à la Suisse, il y a de quoi se faire du souci. On aurait pu penser qu’un conseiller fédéral responsable de la défense, à la veille d’une votation importante pour l’indépendance de la Suisse en matière de défense, ait eu autre chose à dire. Ou bien s’accommode-t-il de plus en plus à l’idée de confier durablement la défense de notre espace aérien à la France et à l’Autriche?


Blogs» Politique»
Ombres et lumières sur Palais fédéral

La loi du talion

Pour des raisons tactiques, le Conseil national a décidé de concrétiser l’initiative sur «le renvoi des criminels étrangers» sans se soucier de l’Etat de droit.
François Chérix

Désireux d’éviter à tout prix une nouvelle votation sur ce thème, il a suivi à la lettre les recommandations de la seconde initiative UDC dite «de mise en œuvre». (…) Les élus se sont donc accommodés de la violation du «principe de proportionnalité». Et si le Conseil des Etats suit la Chambre du peuple, des dispositions contraires aux droits fondamentaux seront insérées dans la législation suisse. Le principe de proportionnalité n’est pas un vague concept éthéré de juriste élitiste, mais un fondement du droit. Permettre qu’un délit mineur, comme la perception abusive de prestations sociales, déclenche une sanction majeure, telle que l’expulsion, constitue une régression ahurissante de la justice. Inscrite depuis la nuit des temps, la loi du talion proscrit déjà les jugements disproportionnés. «Œil pour œil, dent pour dent» dit cette règle qui apparaît dans le Code de Hammurabi, dix-sept siècles avant Jésus-Christ. (…) Réalise-t-on que la Suisse de 2014 baigne dans un tel populisme que le droit pénal pourrait revenir trois mille ans en arrière? Pas à pas, l’UDC nous fait quitter la voie de la civilisation, tout en nous poussant vers la pente
de la barbarie.

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Une Europe où les citoyens auraient droit à la parole?

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Jeudi, 27 Mars, 2014 - 05:58

Face à face.Le Luxembourgeois Jean-Claude Juncker, 59 ans, et l’Allemand Martin Schulz, 58 ans, sont les deux têtes de liste pour succéder au Portugais José Manuel Barroso à la présidence de la Commission européenne. Ils débattent ici notamment du désamour des populations pour l’UE et de la mutualisation des dettes des membres de la zone euro.

Propos recueillis par Gordon Repinski et Christoph Schult

Martin Schulz, Jean-Claude Juncker a été membre pendant près de vingt ans du Conseil européen. Comme chef de l’Eurogroupe durant la crise de la dette, il a veillé à ce que la devise commune n’implose pas. Qu’y aurait-il de mal à ce qu’il devienne le prochain président de la Commission de l’UE?

M. S.: Il n’y aurait rien de mal. Mais c’est moi qui ai le meilleur concept pour l’Europe. Je m’engage pour que les citoyens aient la possibilité d’exercer leur influence sur la politique européenne. Il faut un renouveau.

Il y a déjà eu deux présidents luxembourgeois de la Commission, le dernier il y a quinze ans. La seule fois qu’un Allemand a eu le poste, c’était il y a cinquante ans. Cela parle-t-il en faveur de la candidature Schulz?

J.-C. J.: Je ne réfléchis pas en termes de nationalité mais de contenu. Et je pense qu’il vaut mieux pour l’Europe que le prochain président de la Commission soit Luxembourgeois. Mon pays a toujours été un médiateur au sein de l’UE, notamment entre Français et Allemands. Je crois au pouvoir du consensus.

Martin Schulz, comme président, que feriez-vous mieux que Jean-Claude Juncker?

M. S.: Je ne me bornerais pas à rechercher des solutions politiques dans les ins-titutions traditionnelles de l’UE. J’ouvrirais la Commission tant que faire se peut. Bruxelles ne doit pas s’occuper du moindre détail. Il faut régler ce qui peut l’être sur le plan communal, régional ou national. Je suis un homme de parlement, un représentant des citoyens. Juncker est un représentant des exécutifs.

J.-C. J.: Fadaises. Je ne m’y connais pas seulement en matière d’exécutif. J’ai toujours eu des échanges intenses avec le Parlement européen et cherché avec lui des solutions communes. D’ailleurs, ce n’est pas un inconvénient de connaître l’état d’esprit et les intérêts des Etats au Conseil européen. Je fais ça mieux que Martin Schulz.

L’Europe est en crise, la participation aux dernières élections a été de 50%. Pourquoi les citoyens devraient-ils vous accorder leur suffrage?

M. S.: La participation va augmenter. La rivalité entre Juncker et moi y contribue déjà. Naguère, avec le Parlement européen, les citoyens choisissaient une institution anonyme. Cette fois-ci, c’est nouveau, il est question de personnes. La personnalisation est le sel de la soupe démocratique.

J.-C. J.: L’Europe a besoin d’une clarification. Ses adversaires progressent à gauche comme à droite. Si l’on veut éviter leur victoire, il faut voter. C’est quand même épatant que Schulz et moi, candidats de grands partis populaires, soyons soutenus au nord comme au sud du continent. C’est l’indice d’une union européenne.

M. S.: Pour la première fois, l’élection européenne n’est plus une élection nationale déguisée. Il n’est pas question ici d’Angela Merkel ou de Sigmar Gabriel. Les Allemands qui veulent Martin Schulz donneront leur voix au SPD, ceux qui préfèrent Jean-Claude Juncker la donneront à la CDU.

Mais le problème est que ce ne sont pas les parlementaires élus qui proposent le président de la Commission, ce sont les chefs d’Etat et de gouvernement.

J.-C. J.: Dans sa proposition, le Conseil européen doit tenir compte des résultats de l’élection européenne, stipule le traité de Lisbonne. Les chefs d’Etat et de gouvernement ne peuvent pas se soustraire à la réalité. Le traité précise qu’ils doivent consulter le Parlement européen. Le temps est passé où les dirigeants des Etats se mettaient d’accord en secret sur la présidence.

Etes-vous d’accord que celui qui mobilise sur son nom la plus forte fraction parlementaire sera président de la Commission?

J.-C. J.: Celui qui finit en tête a l’avantage. S’il y a au Parlement une majorité pour moi, je deviens président de la Commission; si c’est Schulz, le job est pour lui. Mais soyons clairs: un de nous deux l’aura.

Jean-Claude Juncker, vous auriez pu devenir président de la Commission en 2004, mais vous avez décliné. Maintenant que vous avez perdu votre poste de premier ministre au Luxembourg, le job vous intéresse tout à coup. Pourquoi les électeurs devraient-ils vous croire?

J.-C. J.: En 2004, en même temps que les élections européennes, on votait aussi au Luxembourg. J’ai alors dit que je ne ralliais l’Europe que si je n’étais pas confirmé comme premier ministre. Comme j’ai été réélu, je n’ai pas changé pour Bruxelles.

De votre point de vue, chaque pays devrait-il avoir un commissaire?

M. S.: C’est un vieux débat, car les chefs de gouvernement – y compris Jean-Claude Juncker – en ont décidé ainsi en 2013, alors même que c’était prévu autrement. Il y a 27 commissaires, nous devons faire avec. Dans bien des capitales, il y a des gouvernements qui comptent encore plus de ministres.

J.-C. J.: Je juge une commission restreinte plus efficace. Mais je connais l’état d’esprit des pays membres. Si l’on disait à l’Irlande qu’elle ne peut plus avoir de commissaire, le soutien à l’Europe s’y effondrerait dramatiquement.

La crise de l’euro a montré que la coordination de la politique économique et budgétaire était un objectif central. Un ministre européen des Finances serait-il la solution?

J.-C. J.: Nous avons eu naguère le projet de créer un Ministère européen des affaires étrangères. Tout le monde était pour mais, au moment de faire le pas, certains gouvernement ont jugé qu’il y avait déjà assez de ministres des Affaires étrangères comme ça. Tout comme on a créé un haut représentant de l’Union pour les Affaires étrangères, je souhaiterais qu’après les élections l’idée d’un président de l’Eurogroupe se concrétise.

M. S.: Je pense que c’est une bonne idée. Nous n’avons pas besoin d’un ministre européen des Finances pour imposer plus d’équité fiscale. Il y a en Europe de grandes entreprises qui engrangent de grands profits et ne paient pas d’impôts. Et, quand les spéculateurs essuient des pertes, les contribuables casquent. Cela crée une perte de confiance tragique parmi les citoyens. Comme président de la Commission, j’introduirai un principe simple: c’est dans le pays où les profits sont réalisés que les impôts sont payés.

Martin Schulz, vos camarades de parti français ont fait officiellement savoir que quel-qu’un comme Jean-Claude Juncker, qui a dirigé un paradis fiscal pendant dix-neuf ans, ne devait pas présider la Commission.

M. S.: Je maintiens: le manque d’équité reste énorme. Les gens ont l’impression que quand tu es riche tu peux tout te permettre et quand tu es pauvre tu paies. Il faut combattre cela: nous luttons contre l’évasion fiscale et la ruineuse sous-enchère fiscale par des initiatives européennes.

Considérez-vous le Luxembourg comme un paradis fiscal?

M. S.: Il faut plus de transparence, y compris au Luxembourg. C’est vrai pour le gouvernement actuel comme pour le précédent.

J.-L. J.: Du calme. Dans l’UE, sous ma présidence, en 1997, nous avons décidé d’harmoniser les taux d’impôt en Europe. Nous avons élaboré un code contre la sous-enchère fiscale déloyale. Le fait qu’il existe au Luxembourg, pour les entreprises, un droit fiscal aux règles particulières est une fable. Le reproche des socialistes français, selon lequel j’aurais activement encouragé l’évasion fiscale, est une attaque effarante contre mon pays et ma personne. Je ne peux pas permettre cela.

M. S.: Je ne puis m’attendre à ce que l’ancien premier ministre et ministre des Finances du Luxembourg souscrive à mes visions de politique fiscale. Le Luxembourg est une place financière importante. Mais cela ne doit pas conduire à ce que l’on fasse des concessions jusqu’à la fin des temps.

J.-L. J.: Je ne me suis jamais engagé davantage pour la place financière luxembourgeoise que les chanceliers allemands pour leur industrie automobile. Mais je suis d’accord: nous avons besoin de règles contre le dumping fiscal tout comme contre le dumping social. Il faut en Europe un socle minimal pour les droits des travailleurs.

M. S.: Mais le sauvetage de la Grèce n’a pas été éminemment social. Et c’est vous, Jean-Claude Juncker, qui y avez notablement contribué en tant que président de l’Eurogroupe. Si vous parcourez le sud de l’Europe, vous verrez que les gens jugent l’UE extrêmement injuste sur ce point.

J.-L. J.: Au début de la crise grecque, j’ai mis en garde contre les conséquences sociales dramatiques d’une politique d’austérité excessive. Les chefs de gouvernement conservateurs n’ont pas été seuls à le contester. Quand je me suis élevé au sein de l’Eurogoupe contre une réduction du salaire minimum grec, ce sont justement quel-ques ministres des Finances socialistes qui m’ont critiqué. Dans ce contexte, je me réjouis d’autant plus que ma nomination en tant que candidat tête de liste du PPE soit soutenue autant par un grand parti du nord, la CDU, que par un grand parti du sud, la Nea Dimokratia grecque.

Martin Schulz, pourquoi avez-vous pris vos distances de l’exigence de gauche d’une mutualisation des dettes?

M. S.: Je reste un partisan des euro-obligations, mais j’ai dû constater qu’il n’y avait pas de majorité pour ça dans un délai convenable. Ce serait déjà un progrès si nous pouvions nous mettre d’accord sur des emprunts communs pour financer de grands projets.

J.-L. J.: En décembre 2010, avec le ministre des Finances conservateur italien, Giulio Tremonti, j’ai plaidé en faveur des euro-obligations. Nous n’en sommes pas encore au point de pouvoir les introduire demain. Il existe des prérequis, notamment une coordination plus efficace des politiques budgétaire et financière. Mais, à long terme, j’estime que les euro-obligations sont un bon instrument. Il est faux de prétendre qu’elles coûteraient plus à certains Etats qu’à d’autres. A court terme oui, mais pas à long terme.

Etait-ce une erreur de ne pas proposer l’adhésion à l’Ukraine?

M. S.: Ce n’était pas le sujet. Nous étions prêts à signer l’accord d’association, mais c’est Viktor Ianoukovitch qui ne l’a pas signé. Aujourd’hui, il s’agit surtout de stabiliser l’Ukraine. On reparlera d’une adhésion dans vingt ans.

Où placez-vous les frontières de l’UE?

J.-L. J.: Si je le savais, vous ne me poseriez pas la question. Nous devons veiller à ce que chaque candidat à l’adhésion ne devienne membre de l’UE que lorsqu’il s’est conformé à 100% aux critères.

M. S.: Je ne crois pas que nous puissions sans cesse étendre l’UE. Nous devons d’abord procéder à des réformes. Si je deviens président de la Commission, j’insisterai pour consolider l’UE de l’intérieur avant de parler de nouvelles adhésions. Les gens ont de moins en moins confiance en l’efficacité de l’UE.

Comment ferez-vous pour retenir la Grande-Bretagne au sein de l’UE?

J.-L. J.: Ces dix prochaines années, nous devons rediscuter des fondements architecturaux de l’UE. Et nous demander si chaque Etat européen démocratique et appliquant une économie de marché doit être membre de l’UE dans sa définition actuelle. Ou s’il ne doit pas y avoir autour de l’UE une orbite où peuvent prendre place les Etats qui n’entendent pas partager toutes les politiques de l’UE ou qui trouvent qu’aujour-d’hui déjà on en fait trop.

Vous voulez tous deux présider la Commission. Entendez-vous en faire le «gouvernement de l’Europe»?

M. S.: Non, mais je veux que l’Europe se remette à résoudre les problèmes. Il nous faut un changement des mentalités au sein de la Commission, afin qu’elle se concentre sur l’essentiel. Je veux combler les injustices qui naissent de l’évasion fiscale et des oasis fiscales. Et nous devons enfin faire quelque chose contre le chômage des jeunes car, jusqu’ici, nous avons dépensé beaucoup d’argent pour les banques et peu pour les jeunes. C’est pourquoi l’écart se creuse au sein de l’UE. Et j’aimerais rétablir la confiance, parce que ce n’est que dans cette communauté que nous pourrons défendre nos valeurs et notre bien-être au XXIe siècle.

J.-C. J.: La Commission propose, le Parlement et le Conseil européens disposent. L’UE a un système de gouvernement qui ne ressemble pas complètement à celui des Etats. Martin Schulz parle d’oasis fiscales sans les nommer. Les banques ont été sauvées pour éviter l’effondrement économique, d’ailleurs au prix d’efforts communs entre sociaux-démocrates et chrétiens-sociaux. La Commission sera bien plus forte si elle se concentre sur ses tâches essentielles et ne se disperse pas dans les détails. © Der Spiegel

Traduction et adaptation Gian Pozzy


Jean-Claude Juncker

Né en 1954, avocat de formation, premier ministre luxembourgeois de 1995 à 2013, président de l’Eurogroupe de 2005 à 2013, Jean-Claude Juncker est membre du Parti populaire chrétien-social, ce qui ne l’empêche pas d’être un partisan d’une IVG plus accessible et de soutenir le mariage homosexuel au grand-duché. Il a battu le Français Michel Barnier comme tête de liste du PPE (Parti populaire européen) aux élections européennes.


Martin Schulz

Né en 1955, Martin Schulz adhère au SPD dès l‘âge de 19 ans. A 31 ans, il devient un des plus jeunes bourgmestres de sa région de Rhénanie-Westphalie. En 1994, à 39 ans, il est élu au Parlement européen et y sera sans cesse réélu, jusqu’à en devenir président en 2012. Il a été investi chef de file des socialistes européens le 1er mars dernier. Martin Schulz est célèbre pour divers incidents verbaux au perchoir du Parlement européen.

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Grâce et disgrâce: Ueli Maurer ou la neutralité pleutre

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Jeudi, 27 Mars, 2014 - 05:59

Ce qui peut trotter dans la tête d’Ueli Maurer est stupéfiant. L’an dernier, en Chine, il préconisait d’oublier la répression de Tiananmen, de tourner la page, tout en s’empressant avec veulerie de sceller un traité commercial. La semaine dernière, le même critiquait l’activisme de Didier Burkhalter à la tête de l’OSCE dans la crise de Crimée. Sur la forme, c’est une trahison. Sur le fond, selon notre ministre de la Défense, la neutralité nous commanderait de ne rien entreprendre, de rester cois dans notre coin. Pour Ueli Maurer, neutre et pleutre riment admirablement.
La Suisse prend-elle un risque à jouer le médiateur entre la Russie d’une part, l’Ukraine, l’Union européenne et les Etats-Unis d’autre part? Bien sûr que oui. L’histoire ne serait pas ce qu’elle est sans l’intervention discrète de gens dont on a oublié le nom alors qu’ils ont contribué à éviter des conflits, à restaurer des canaux de discussion, à faire en sorte qu’à la confrontation armée les adversaires préfèrent la négociation diplomatique. C’est un rôle de l’ombre, tout en humilité, dont on ne peut par définition mesurer l’exacte portée, mais c’est l’honneur de la Suisse que d’essayer de le tenir. Le sort de la paix ailleurs que chez nous est-il devenu totalement indifférent au conseiller fédéral UDC?

Qu’est-ce que l’OSCE? L’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe. Créée en 1973, il s’agit d’une des officines de dialogue entre Etats nées après la Seconde Guerre mondiale pour éviter le retour de la guerre en Europe. Ueli Maurer et son parti refusent d’admettre l’interdépendance des nations. Ils n’ont que mépris pour les organisations internationales, et leur fonctionnement: parler, travailler ensemble, essayer de trouver des solutions qui conviennent à tous.

Ueli Maurer a le droit d’être veule et pleutre. Notre problème, qui vire au tragique, c’est la place hégémonique que ses thèses ont conquise en Suisse. L’UDC aboie ses solutions simplistes tant pour les affaires étrangères qu’en politique intérieure, niant même leur imbrication, mais les autres partis renoncent à les contrer. Une ultime confirmation en a été donnée la semaine dernière par le Conseil national qui a abdiqué tout pouvoir de légiférer sur la mise en œuvre de l’initiative pour le renvoi des criminels étrangers. Une majorité de libéraux-radicaux et de démocrates-chrétiens ne se battent plus pour le respect de l’Etat de droit. Une alarmante lâcheté.

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Trains bondés: enquête sur un mythe

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Jeudi, 27 Mars, 2014 - 06:00

Chemins de fer.Des trains où les voyageurs sont aussi serrés que dans une boîte de sardines? Il n’en existe quasiment pas, selon les normes des CFF. Pourtant de nombreux usagers ont l’impression que les places sont rares, le plus souvent en raison de leur propre indiscipline.

Ce fut d’abord une excellente nouvelle: durant la première décennie du siècle, les CFF ont enregistré une hausse de 50% de leurs passagers aux heures de pointe. Mais ce succès du rail s’est vite dissipé dans l’esprit des gens pour faire place à une lancinante inquiétude: ces trains bondés aux heures de pointe ne péjoreraient-ils pas la qualité de ce peuple de pendulaires que sont devenus les Suisses? L’UDC a transformé la question en argument massue habilement scandé pour faire triompher son initiative «Contre l’immigration de masse» le 9 février dernier.

Et tout le monde est naïvement tombé dans le piège, des votants aux médias. Car les trains ne sont pas bondés, loin de là. Certes, en 2013, les CFF ont  franchi le cap du million de passagers transportés par jour pour la première fois de leur histoire. Il n’en reste pas moins que le taux d’occupation des trains n’atteint que 31% en moyenne sur les grandes lignes, pour ne pas parler de celui des lignes régionales : 22% seulement.

Même aux heures de pointe, la situation est tout sauf alarmante: les trains sont remplis à 65% de leur capacité en Suisse romande, soit entre 6 et 9 heures le matin et entre 16 et 19 heures le soir.

Comment expliquer dès lors l’énorme décalage entre la réalité des chiffres et la perception d’une situation de plus en plus stressante? Durant un jour, L’Hebdo a sillonné la Suisse romande. Journal de bord du vendredi 14 mars, écrit uniquement dans des voitures de deuxième classe, toujours situées en queue ou en tête des trains.

5 h 33: Genève-Lausanne

La gare de Cornavin s’éveille, les cafés sont encore fermés. Le train est quasiment vide jusqu’à Morges. Certains des travailleurs de l’aube prolongent leur nuit, mais l’un ou l’autre ont déjà branché leur portable.

6 h 42: Lausanne-Genève

C’est un direct qui fait le trajet en trente-trois minutes. Le train n’est pas bondé, le premier wagon est même à moitié vide: la plupart des compartiments sont occupés par deux personnes qui s’assoient en diagonale l’une de l’autre. Difficile d’engager une conversation à cette heure très matinale. Un jeune homme préfère se plonger dans la musique de son iPhone. «J’aime bien rester dans ma bulle», s’excuse-t-il.

7 h 21: Genève-Lausanne

Un train régional à deux étages, beaucoup moins rempli qu’on pourrait l’imaginer à cette heure sur l’arc lémanique. Yves, informaticien et père de trois enfants déjà adultes, est à l’aise. «Il suffit de décaler un peu son horaire pour voyager confortablement. L’horreur, je l’ai vécue lors d’une mission de quatre mois en France dans le RER parisien, où je devais tous les jours rester debout dans des trains vraiment bondés.»

Entré à Morges dans ce même train, Stéphane, analyste économique, est plus critique mais reconnaît que la situation s’est améliorée depuis la mise en place d’un nouvel horaire en décembre 2012, lorsque les CFF ont augmenté de 30% leur offre de places assises en Suisse romande, surtout entre Lausanne et Genève. «Avant, c’était parfois l’enfer entre Morges et Vevey. Il m’est arrivé de ne pas trouver de place assise.»

8 h 18: Lausanne-Genève

Un train régional correctement rempli dans lequel montent quelques dizaines de visiteurs du Salon de l’auto à Palexpo. Reynald, un ancien employé de l’Etat de Vaud, s’y rend pour la seconde fois de la semaine avec son fils. Ce sont deux utilisateurs très occasionnels du rail, dont ils trouvent les tarifs «trop élevés».

9 h 15: Genève-Lausanne

Benoît, un ingénieur français de 37 ans titulaire d’un abonnement général, voyage aujourd’hui plus tard qu’à l’accoutumée. D’habitude, il emprunte le direct de 6 h 45 ou celui de 7 h 45. Il «pendule» entre les deux capitales de la métropole lémanique depuis trois ans sans ressentir le moindre stress. «Je n’ai jamais vu quelqu’un voyager debout», affirme-t-il.

10 h 20: Lausanne-Sion

Les deux dernières voitures sont totalement vides. Personne! On a certainement dû rêver en se remémorant certains débats télévisés durant la campagne sur l’initiative «Contre l’immigration de masse», lors de laquelle l’UDC a réussi à faire croire que les trains étaient bondés en permanence, ce qui avait irrité le conseiller d’Etat valaisan Jean-Michel Cina: «Chez nous, les trains sont souvent vides», avait-t-il déclaré le 17 janvier sur le plateau d’Arena. C’est vrai.

11 h 35: Sion-Lausanne

C’est une loi non écrite. Plus un train est vide, plus ses utilisateurs revendiquent de place. Le passager considère le compartiment qu’il s’est choisi comme un chez-soi inviolable. Gare à celui qui vient troubler ces moments de bonheur à contempler Rhône, vignoble et cimes enneigées. S’installer dans un tel compartiment relève dès lors de la violation de domicile. «C’est la première fois que je prends le train, je ne peux pas répondre à vos questions», déclare une dame d’environ 45 ans. Le mensonge est patent, mais le message clair: «Laissez-moi tranquille!»

12 h 45: Lausanne-Neuchâtel

Repas dans le wagon-restaurant, bien rempli. La serveuse est chahutée, aussi bien par les inclinaisons soudaines de la rame de cet ICN que par des clients qui craignent de ne pas avoir le temps de manger avant d’arriver à Neuchâtel.

13 h 34: Neuchâtel-Lausanne

Une situation classique dans l’avant-dernière voiture, qui est remplie à exactement 50%. Mais tous les passagers, sans exception, ont posé leurs bagages sur le siège d’à côté. Pas une seule place disponible, car personne ne fait mine d’enlever son sac lorsqu’un nouvel arrivant traverse le couloir. Ilan, un apprenti assistant social, s’est donc assis sur le marche-pied du wagon, où il tapote sur son téléphone portable. «Comme ça me gêne de déranger les gens pour avoir une place, je préfère rester ici. C’est plus calme», confie-t-il.

16 h 30: sur les quais de Lausanne

C’est la fin de la semaine et les pendulaires ont hâte de rentrer chez eux.  Dans leurs propos, le thème de l’indiscipline des passagers revient sans cesse. Marianne, une soignante quadragénaire qui rentre sur Genève, est très remontée. Elle en a marre de son statut de pendulaire, au point qu’elle déménagera prochainement à Lausanne. «Dans les gares de Lausanne et de Genève, les flux de passagers sont aussi denses que chaotiques: les CFF devraient mieux les organiser. Et dans les trains, il y a trop d’incivilités. Beaucoup de gens n’ont aucun égard envers les autres et n’utilisent pas les porte-bagages au-dessus des sièges. Et les contrôleurs n’ont jamais le courage d’intervenir.» Un vrai réquisitoire contre les CFF, au terme duquel elle concède: «En fait, tout irait beaucoup mieux si les gens étaient mieux éduqués.»

La question du stress dans les gares et sur les quais, où naît le sentiment d’être compressé comme une sardine avant même que le train ne se remplisse, est un vrai souci pour les CFF, qui y remédieront dans le cadre des projets de rénovation des gares de l’arc lémanique (FAIF), qui viennent d’être acceptés par le peuple. A Lausanne, tous les quais passeront à 420 m de longueur (contre 200 à 400 aujourd’hui) et à 10 m 50 (7). Les passages sous-voie seront aussi deux fois plus larges.

16 h 48: Lausanne-Morges-Nyon-Genève

Confirmation des propos de Marianne dans le wagon de tête du train. Au premier abord, la situation apparaît très tendue. Les passagers voyageant en couple ou en groupe doivent tous se séparer. Mais, tout compte fait, il reste 26 sièges libres (sur 86) sur le tronçon Lausanne-Morges, puis 10 encore entre Nyon et Genève. La marge de sécurité n’est plus que de 12% avant que le train ne soit vraiment bondé, selon la définition des CFF.

17 h 45: Genève-Lausanne-Fribourg

Croisée sur le quai à Cornavin, Andréanne, une étudiante de 22 ans, lâche d’emblée qu’elle est stressée. Mais cette Fribourgeoise avoue aussi qu’elle aime prendre ses aises dans un train: s’asseoir côté fenêtre, enlever ses souliers et écouter de la musique sans être dérangée par des gens qui hurlent dans leur portable. Ce confort, elle craint de ne pas le trouver aujourd’hui. L’Hebdo l’invite à faire 30 mètres pour monter dans l’avant-dernier wagon, qui est presque vide en l’occurrence: seules 18 des 86 places y sont occupées. «C’est fantastique, reconnaît-elle. D’habitude, je ne marche pas aussi loin sur le quai.»

A Lausanne, Martha et Hansrudolf, un couple de retraités alémaniques, montent dans le train. Ils ont profité de la carte journalière des CFF. Domiciliés à Rapperswil (SG), ils n’ont pas hésité à traverser la Suisse pour jouir de cette journée sous le radieux soleil lémanique, après avoir transité par Berne, Zweisimmen, Gstaad et Montreux. Le bonheur se lit sur leur visage. «C’est vrai que les trains sont bien remplis du côté de Zurich. Mais les Suisses sont parfois champions pour s’inventer des problèmes qui n’en sont pas vraiment», sourit Hansrudolf.

Epilogue
Mercredi 19 mars, 7 h 15: Lausanne-Genève

Rencontré au terme du reportage, Vincent, un client régulier des CFF dans l’arc lémanique, s’irrite de la démarche anticipée comme «partiale» de L’Hebdo. «Vous n’êtes pas monté dans les vrais trains bondés. Prenez donc le direct Lausanne-Genève de 7 h 15. Vous verrez!» Nous revoici donc sur les quais de Lausanne en ce mercredi radieux. Alessandra, une secrétaire-réceptionniste qui «pendule» depuis sept ans entre Lausanne et Genève, confie ses soucis: «Oui, les trains sont pleins aux heures de pointe. C’est la bagarre tous les jours. Les gens n’hésitent pas à vous écraser, ils n’ont aucun égard les uns pour les autres», se plaint-elle.

Ce matin pourtant, Alessandra jouit d’une paix royale. Elle est seule dans son compartiment dans la voiture de tête, dont 42 places seulement (sur 86) sont occupées. «Aujourd’hui, c’est agréable, concède-t-elle. Mais pour un abonnement général de 3750 francs par an, vous ne trouvez pas qu’on a droit à un certain confort?»


Fréquentation
Trois perceptions du train bondé

Les CFF s’en tiennent à une définition stricte. Ils considèrent qu’un train est «bondé» dès lors qu’au moins un passager n’y trouve pas une place assise, cela plusieurs fois par semaine. En 2013, sur les grandes lignes ils n’en ont dénombré que cinq sur un total de 1588 (soit 0,3%) qui circulent chaque jour en Suisse.

Cela dit, les passagers des CFF ont tous leur perception personnelle de la question. Mais beaucoup sont d’accord sur un point: ils décèlent un problème dès qu’ils doivent faire preuve d’un comportement intrusif («C’est libre?») pour trouver leur place assise. C’est souvent le cas lorsqu’un compartiment de quatre places est déjà occupé par deux ou trois personnes, soit lorsque le train n’est plein qu’à 50 voire 75%.

Mais la perception du train bondé peut survenir plus rapidement encore. C’est paradoxalement le cas lorsqu’une voiture est quasiment vide. Dès lors, chaque passager estime qu’il a droit à son compartiment pour lui tout seul!


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Un cliché instrumentalisé par l’UDC

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Jeudi, 27 Mars, 2014 - 06:59

Analyse.Même si les trains ne sont de loin pas aussi bondés qu’ils l’imaginent, les Romands disent souffrir du stress dans les gares.

Notre enquête le démontre clairement: les trains bondés ne sont pas une réalité tangible, tout au plus un sentiment diffus. En deuxième classe, en queue comme en tête des trains, il reste presque toujours au minimum 10% de sièges libres. Un formidable démenti à l’un des arguments massue de l’UDC lors de sa campagne contre l’immigration de masse, selon lequel les trains seraient archicombles.

Dans les faits, c’est le contraire qui est vrai. Depuis que les CFF ont offert 30% de plus de places assises en Suisse romande, en décembre 2012, la situation s’est nettement détendue sur l’arc lémanique.

«Les trains bondés ne sont qu’un cliché instrumentalisé par l’UDC. C’est de la pure propagande. Même entre Zurich et Berne, j’ai toujours pu trouver une place assise», s’insurge l’ancien vice-chancelier de la Confédération Oswald Sigg. Le conseiller national Guy Parmelin (UDC/VD) n’est bien sûr pas d’accord. «C’est un fait que le nombre de passagers des CFF a fortement augmenté. Les trains sont pleins aux heures de pointe», rétorque-t-il. C’est largement inexact! Même à ces heures-là, les trains ne sont remplis qu’à 65% de leur capacité en Suisse romande.

En revanche, impossible de nier ce stress dont parlent de nombreux usagers du rail. Une notion qui est ressentie très différemment des deux côtés de la Sarine. Les Alémaniques parlent beaucoup du «stress de la densification». Ils font allusion ici au phénomène de la métropolisation, très médiatisé depuis que la Suisse a dépassé le cap des 8 millions d’habitants.

«Une partie des Alémaniques, très attachée à une vision Heidiland du pays, a voté oui à l’initiative de l’UDC dans l’espoir de préserver cette Suisse mythologique. En revanche, cette notion de stress de la densification est quasiment inconnue en Suisse romande, où la métropolisation de l’arc lémanique a été liée à une sortie de la crise économique des années 90», relève le géographe Pierre Dessemontet.

Le stress des Romands n’est donc pas dû à cette peur de l’urbanisation de la Suisse. S’il existe aussi, il est plus concret. Il résulte davantage des flux chaotiques de passagers dans les gares et de la perception d’un effet de masse sur les quais. «Les gens ne se doutent pas qu’un train de 400 mètres de long peut absorber tout ce monde», note l’agent de train Aloys Rambosson.

Dès qu’un train affiche un taux d’occupation oscillant entre 50 et 75%, les Romands ont déjà le sentiment qu’il est plein. C’est dire s’ils sont exigeants en matière de confort dans les trains, beaucoup plus que lorsqu’ils prennent l’avion, où ils doivent se plier sans broncher à une discipline stricte.

Confort personnel. «Nous vivons dans un pays où les gens réclament non seulement une prestation, mais aussi un confort personnel. Et, lorsqu’ils parcourent deux ou trois wagons sans trouver la place qui leur convient, ils perçoivent immédiatement un début de saturation dans le train», résume Olivier Français, conseiller municipal lausannois et conseiller national PLR spécialiste des transports.

Interrogés sur les conclusions de l’enquête de L’Hebdo, les CFF se disent contents de constater que leur clientèle a remarqué l’amélioration de l’offre en décembre 2012. Ils vont bien sûr poursuivre cet effort, puisqu’ils s’attendent à un doublement de la demande d’ici à quinze ans en mettant en service de nouveaux trains à deux étages. «Dans le cadre du projet Léman 2030, nous prévoyons d’élargir et d’allonger les quais, en plus du triplement de la largeur des passages sous-voie, de manière à améliorer le flux des voyageurs», promet le directeur général Andreas Meyer. Pour faciliter une meilleure répartition des voyageurs sur les quais, les CFF procèdent actuellement à des essais dans la région de Bâle. Ils testent par exemple une signalétique jouant sur des projections de lumière sur le sol.

Et les incivilités? Les CFF ont engagé des équipes mobiles chargées de nettoyer les trains en route. «Et, lorsqu’un agent de train constate que des voyageurs sont debout, il peut faire une annonce par haut-parleur pour demander aux gens de déplacer leurs sacs», relève encore Andreas Meyer.

Les CFF feraient bien de généraliser ces annonces. Car très nombreux sont les passagers qui ont confié leur gêne d’adopter un comportement intrusif à l’égard d’autrui. En Valais, les seuls usagers qui mettaient systématiquement leurs valises et autres bagages au-dessus des sièges étaient les touristes étrangers!


Tiercé gagnant
Les rares trains bondés

Les CFF sont plutôt avares dans la communication de leurs chiffres. Ils craignent de donner des armes à une éventuelle future concurrence dans la perspective de l’ouverture du marché européen du rail. Ils ont tout de même consenti à publier le tiercé des trains les plus fréquentés de Suisse romande, sur lesquels surviennent parfois des insuffisances de capacité. Demi-surprise aux deux premières places: ce sont des trains partant de Lausanne en direction du Valais et du Jura, et non vers Genève, qui sont les plus chargés. Quant au train Genève-Lausanne, il est surtout bondé sur son premier tronçon jusqu’à Nyon. Une chose est sûre: mieux vaut éviter l’heure rouge de 17 à 18 heures. KLOOS

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Hebdo.ch » revue de blogs de la semaine

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Jeudi, 3 Avril, 2014 - 05:48

Blogs» Politique»
La Suisse à 10 millions d’habitants

Lausanne: Taou(a) la ville?

Le 13 avril prochain, les Lausannoises et Lausannois votent sur leur tour. Et sur beaucoup plus que ça.
Pierre Dessemontet

La campagne de votation sur le référendum contre la tour Taoua sur le site de Beaulieu bat son plein à Lausanne et, comme toujours s’agissant d’un débat d’urbanisme, partisans et opposants s’étripent. (…) Vu de l’extérieur toutefois, le débat est resté largement local: les Lausannoises et les Lausannois s’écharpent sur un projet, un quartier (…) sans vraiment réfléchir à la place de leur cité dans l’agglomération, le canton, la métropole lémanique en constitution. Or, c’est aussi de cela qu’il s’agit. Les projets de tours comportent une forte composante symbolique. Les seules construites récemment en Suisse l’ont été dans des villes mondiales, qui s’assument comme telles, de vraies métropoles: Zurich et Bâle. A l’inverse, là où la mentalité de village persiste, les projets échouent: comme récemment à Bussigny (…). D’une certaine manière, en Suisse les tours sont un marqueur d’urbanité: elles ne sont possibles qu’en ville. Et donc, ce débat resterait aimablement théorique si nous n’étions pas à Lausanne. Mais voilà, nous y sommes et, dans le domaine de l’urbanité, Lausanne a désormais une formidable concurrence: l’ouest lausannois. Le 9 février dernier, Chavannes-près-Renens a largement accepté sa propre tour. (…) Pendant que Lausanne doute du bien-fondé d’une implantation à forte valeur symbolique urbaine, son ancienne banlieue industrielle s’urbanise à marche forcée et signale à qui veut bien l’entendre qu’elle est prête, le cas échéant, à prendre le relais – voire qu’elle n’attend que ça. Et c’est à cette lumière aussi qu’il faudra lire le choix des Lausannoises et des Lausannois. (…) A travers Taoua, c’est bien la place de leur ville, dans l’ensemble qu’elle constitue avec ses banlieues, son canton, et au sein de la métropole lémanique, qui est en jeu. Les édiles et les deux partis historiquement au pouvoir à Lausanne ne s’y sont pas trompés, qui défendent le projet avec une rare unité. En face d’eux, à confondre ville avec zone résidentielle, à vouloir accorder plus d’importance à la vue et à la sacralisation d’un patrimoine urbain dont on oublie qu’il doit être dynamique, plutôt qu’à l’expression même de ce dynamisme, les opposants à la tour prennent le risque de fossiliser la ville-centre au moment même où ses marches occidentales s’affirment comme jamais en tant qu’alternative. En oubliant qu’en ville, il n’y a de tranquillité que dans les musées et les cimetières.


Blogs» Politique»
Le futur, c’est tout de suite

Qui a perdu la crimée?

Les républicains, John McCain au Sénat et la chaîne d’informations Fox News ne manquent pas de tenir Obama pour responsable de l’annexion de la Crimée par Vladimir Poutine.
Guy Sorman

Selon leur argumentaire, la passivité internationale d’Obama, le retrait des troupes américaines d’Irak et d’Afghanistan, la volonté de négocier à tout prix avec l’Iran, la réduction des dépenses militaires, le pacifisme affiché du président américain – tout cela accumulé – auraient été vécus comme une invitation faite aux Russes de violer sans risques le droit international. (…) Alors, Obama a-t-il vraiment perdu la Crimée? Il est certain que son choix du pacifisme et de la négociation avec l’ennemi a pu l’aveugler sur la nature de cet ennemi. Le poutinisme a également échappé aux experts américains: il n’y a pratiquement plus aucun spécialiste de la Russie au Département d’Etat où tous les analystes se sont reconvertis dans la sinologie qui paraît plus prometteuse. Les Européens sont-ils mieux lotis? La Russie poutinienne rapporte gros aux entreprises allemandes, françaises et britanniques: les états d’âme passent au second rang. Seuls les Polonais et les Baltes nous mettaient en garde contre le revanchisme militaire russe; mais qui les écoutait? L’annexion de la Crimée aura donc pris par surprise les autorités françaises autant qu’américaines: elles ont perdu la Crimée, mais ensemble. On se réconfortera en imaginant que, à terme, la Russie restera une puissance faible sans les ressources économiques nécessaires à son ambition impériale. Mais l’URSS n’avait pas non plus les moyens de ses ambitions: elle a tout de même terrorisé le monde pendant soixante-dix ans.


Blogs» Politique»
Kenel de Requin

9 février: une chance pour l’europe?

L’Union européenne, malgré ses défauts, est l’une des plus belles réalisations politiques du XXe siècle.
Philippe Kenel

Pour éviter tout malentendu sur la portée de mes propos, je tiens à préciser que j’étais fermement opposé à l’initiative «Contre l’immigration de masse» acceptée par le peuple suisse le 9 février 2014. Cela dit, ce serait se voiler la face de ne pas vouloir voir que les rapports entre les citoyens, suisses et européens, avec la notion de nation, sont en train d’évoluer. Alors que, durant de nombreuses années, la nation et le nationalisme étaient plutôt synonymes de guerre et de conflit, il apparaît clairement qu’aujourd’hui un certain nombre de citoyens se sentant perdus dans un monde globalisé tendent à se raccrocher à des entités, telle la nation, qui lui sont plus proches. La pire des attitudes que pourrait adopter la Commission serait d’ignorer ce mouvement et de s’entêter dans une application sans nuance des principes fondateurs de l’UE. A moyen, ou à long terme, cela débouchera sur une explosion de l’UE. Dans ce cadre, le cas helvétique, bien géré, est une aubaine pour l’UE. En effet, il peut permettre à la Commission de trouver une solution qui respecte l’esprit de la libre circulation des personnes tout en tenant compte du besoin de sécurité émis par la majorité du peuple suisse. Cette solution négociée avec le Conseil fédéral pourrait être testée par la Commission dans le petit laboratoire qu’est la Suisse et, si les résultats de l’expérience s’avèrent positifs, proposée comme une solution aux citoyens européens inquiets et aux Etats membres qui hésitent à quitter l’UE.


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Le scalpel de l’histoire

L’europe trébuchera-t-elle sur l’histoire?

L’Union européenne se retrouve paralysée dans son hétéroclite gigantisme et par des ambitions nationales antagoniques.
Olivier Meuwly

Les diverses raisons susceptibles d’expliquer les difficultés que connaît l’Union européenne constituent autant d’obstacles qui pourraient, combinés les uns avec les autres, s’avérer fatals à terme. Elles me semblent toutefois négliger un problème plus fondamental: le rapport qu’entretient l’Union européenne avec l’histoire. (…) L’Union européenne a bâti son projet sur un discours très en vogue dans les années 70 et 80 et qui se félicitait de la fin inexorable des nations, des frontières. Cette ambition puisait évidemment dans le vœu salutaire d’épargner aux Européens les horreurs passées du nationalisme. La chute du rideau de fer a fortement ébranlé cet espoir. Non en signifiant aux Européens qu’il seraient voués par je ne sais quelle puissance divine à vivre perpétuellement dans la guerre, mais en leur disant que les valeurs universelles, qu’elle a véhiculées avec succès de par le monde, ne pouvaient faire l’impasse sur l’histoire, même désagréable, de ses peuples. La reconfiguration du continent européen qui s’est emmanchée à partir de 1989 a sans doute réveillé les nations. Mais le réveil des nationalismes, lui, se nourrit autant des nations que de leur déni. (…) L’histoire n’est pas synonyme de nationalisme. Elle permet seulement d’expliquer des réactions auxquelles nous ne sommes plus habitués. Elle ne nous apprend pas à les déjouer d’un coup, mais rappelle que leur négation n’engendrera que leur pérennisation. L’universel n’est pas incompatible avec le national, à condition qu’un dialogue puisse s’installer entre ces deux univers conceptuels.


Blogs» Politique»
Le blog de Jacques Neirynck

L’optimisation de la recherche, façon Schneider-Ammann

On commence à mesurer exactement quelques conséquences de la votation du 9 février.
Jacques Neirynck

Si l’échange d’étudiants dans le cadre d’Erasmus+ pourra se poursuivre, il n’en sera pas de même de la collaboration avec l’Europe dans le programme Horizon 2020. (…) Si la Suisse ne peut plus être subsidiée par l’UE comme elle le fut, il faudra qu’elle puise dans ses propres ressources. Mais le Conseil fédéral a pris une décision: «il n’est pas prévu d’augmenter le budget FRI (formation, recherche et innovation)». En clair, il y aura désormais 300 millions de moins pour la recherche chaque année. (…) cela signifie moins d’équipements certes, mais aussi moins de personnel. Combien de centaines de chercheurs faudra-t-il licencier ou ne pas engager? Personne ne le sait. Ce que l’on peut imaginer par contre, c’est qu’ils iront travailler à l’étranger où leur apport sera apprécié. Car les scientifiques se déplacent en fonction des opportunités de travailler sérieusement. Ils n’ont que faire des aléas de la politique régionale. (…) Mais le Conseil fédéral ne s’en soucie guère: «il faudra établir des priorités». Lesquelles, on ne le dit pas. (…) cela veut dire en clair que des programmes seront sacrifiés, selon des critères dont on ne sait rien. Cela veut dire que le Conseil fédéral est intimement persuadé que certaines recherches n’ont aucune importance, entendons n’ont pas de retombées économiques. (…) Tout cela, le conseiller fédéral Johann Niklaus Schneider-Ammann l’a annoncé avec le bon sourire d’un grand-papa annonçant aux enfants qu’ils seront privés de dessert pour ne pas s’habituer à une vide de luxe.

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Elections bernoises: Perrenoud repêché

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Jeudi, 3 Avril, 2014 - 05:49

▼Les faits
La majorité reste à gauche au Conseil exécutif du canton de Berne. Le sortant socialiste Philippe Perrenoud a récolté 8000 suffrages de moins que son rival UDC Manfred Bühler, mais il a été repêché par la «moyenne géométrique», une formule favorisant le candidat le mieux élu dans le Jura bernois pour l’obtention du siège réservé aux francophones.

▼Les commentaires
Pour le camp rose-vert, c’est une victoire que de réussir à conserver une deuxième fois une majorité au gouvernement alors que la droite domine si largement au Grand Conseil. Mais les commentateurs bernois sont sceptiques. La Berner Zeitung craint que le canton ne sombre dans l’immobilisme. «Berne sera toujours ce canton en crise touchant un milliard de francs de la péréquation financière nationale.» Le Bund n’est guère plus optimiste: «Sur le plan des dossiers, la politique restera marquée par les blocages.»

Dans la presse régionale romande, le Journal du Jura note que la gauche a remporté une «victoire à la Pyrrhus» dans un canton où l’UDC a encore gagné cinq sièges au Grand Conseil. Quant au Quotidien jurassien, il relève que la première application de la moyenne géométrique «ne manquera pas d’inciter à reconsidérer cet égard politique consenti à la minorité francophone».

▼A suivre
Les élections bernoises sont en général un bon indicateur des tendances lourdes des élections fédérales à venir, dit-on. Si c’est le cas, le PBD d’Eveline Widmer-Schlumpf a du souci à se faire pour l’échéance de 2015. Il a perdu 11 de ses 25 sièges au Grand Conseil, alors que le PLR a stoppé son déclin. En revanche, les Vert’libéraux ont réussi une remarquable percée.

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Formule 1: décibels si décisifs

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Jeudi, 3 Avril, 2014 - 05:50

▼Les faits
«C’est de la merde!» juge Sebastian Vettel, quatre fois champion du monde. D’habitude poli et bien élevé, le pilote allemand est en colère contre le bruit étouffé des nouveaux moteurs V6 turbo des F1. Pour lui, d’autres pilotes et surtout les fans, les voitures de course ne sont plus ce qu’elles étaient. Une part du spectacle s’est envolée avec la baisse de décibels.

▼Les commentaires
Libération regrette les feulements rageurs des 12, 10 et 8 cylindres du passé, en précisant qu’une partie de la puissance des nouveaux moteurs est désormais apportée par de l’énergie électrique. Celle-ci «vient anéantir les décibels à haut régime». Dans L’Equipe, le pilote de l’écurie Mercedes, Lewis Hamilton, trouve au contraire que le bruit des V6 est «bien», même s’il n’est plus «aussi assourdissant qu’avant… Il faudra s’habituer à la nouveauté et, dans quelques courses, plus personne n’en parlera.» La BBC est d’accord, estimant que le vacarme des V8, encore en lice l’an dernier, évoquait «des essaims d’abeilles amplifiés par la sono du groupe Metallica». Alors que la nouvelle sonorité a une «tonalité multidimensionnelle» plus intéressante. Se confiant à la même BBC, l’ancien champion Niki Lauda estime la querelle sonore «ridicule», ajoutant que tout le monde dans le sport était prévenu depuis longtemps de ce changement technologique. Et de lâcher, vachard, que «même les gosses savent qu’un turbo atténue le bruit d’un moteur».

▼ suivre
Autant s’y faire, à cette atténuation du bruit en course. Le futur de l’automobile est silencieux. Comme la compétition a toujours expérimenté de nouvelles technologies ensuite appliquées aux voitures de tourisme, la F1 ferait bien de mettre une sourdine à ses querelles d’un autre âge.

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Filles cherchent papa

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Jeudi, 3 Avril, 2014 - 05:51

Destins.Lorraine Fouchet et Françoise Cloarec racontent chacune la quête d’un père dans des livres superbes qui tiennent de la lettre d’amour autant que du roman.

Au lendemain de sa mort, dans son agenda, Christian Fouchet avait prévu d’appeler sa fille au téléphone. Lorraine sera majeure en octobre, il a promis de l’emmener en voyage. Mais il n’aura pas l’occasion de parler une dernière fois à sa fille tout juste bachelière, alors en vacances près de La Baule. Il meurt d’un infarctus à l’hôpital de Genève le 11 août 1974.

Le ministre de l’Education puis de l’Intérieur en mai 68, un des premiers compagnons de la Libération à rejoindre de Gaulle à Londres, ami de Malraux, Saint-Exupéry ou Alexandra David-Néel, consul aux Indes au moment de l’indépendance, député de Paris puis de Lorraine à l’Assemblée nationale, laisse un roman et deux volumes de Mémoires. Lorraine Fouchet met quarante ans à les lire, quarante ans à écrire J’ai rendez-vous avec toi, quarante ans à renouer enfin le dialogue avec celui que la vie lui a donné le temps d’aimer mais pas de connaître.

Camille en Indochine. Françoise Cloarec a perdu son père il y a dix ans. Il a fallu ce temps à l’écrivaine, peintre et psychanalyste française pour raconter l’histoire d’une fille qui cherche son père. Pas le sien: celui de Camille, née en 1948 en Indochine d’une mère annamite et d’un père militaire français ne l’ayant pas reconnue. Sa mère avait promis de ne pas dévoiler son nom: elle tiendra sa promesse. Camille, envoyée en France en 1953 avec des milliers d’autres métis, ne baisse pas les bras mais, sans nom, ne se heurte qu’à des murs. Jusqu’à sa rencontre avec un militaire passionné d’histoire, l’adjudant-chef Philippe Lafargue du service historique de la Défense. Il se prend au jeu et retrouve la trace du colonel Régis Delore, donnant enfin un nom et un visage à ce père «inconnu, présumé Français».

Camille, Madeleine dans la vraie vie, est devenue une amie de Françoise Cloarec. C’est en parlant à ce même Philippe Lafargue pour une recherche sur un peintre inconnu, Marcel Storr, qu’elle entend parler de la quête de Camille. Durant trois ans, elle suit l’adjudant-chef dans cette recherche. Il questionne les écoles, les missions, les situations familiales, compare les fonctions, les dates de séjour en Indochine. Le jour où il pense avoir découvert l’identité du militaire, il demande conseil à Françoise Cloarec sur la façon de le dire à Camille. C’est là qu’elle rencontre Camille, et que naît l’idée d’écrire cette histoire. Mais c’est un roman. «Pour davantage de liberté, pour que la psychanalyste cède la place à la romancière.»

Lorraine médecin. Ces deux quêtes du père en disent long autant sur les filles que sur ces pères qu’elles découvrent post mortem. La veille de sa mort, Christian Fouchet a dit à Lorraine au téléphone que médecin était le plus beau métier du monde. Elle a été médecin urgentiste, puis médecin-écrivain, puis écrivain tout court. Auteure de quinze livres au souffle romanesque impeccable, elle prouve avec ce livre, tendu de la première à la dernière ligne par une émotion intense, qu’elle maîtrise aussi parfaitement le registre de l’intime. Françoise Cloarec a éprouvé le besoin de dédicacer son livre à son père «insoumis, Breton». Les deux auteures ont passé beaucoup de temps dans les couloirs d’archives à tourner des pages et des pages de papier jauni. Leur quête à fleur de peau, opiniâtre, ou celle de leur héroïne, fait mouche. «Faut-il nécessairement un homme pour qu’il y ait un père?», demande le psychanalyste Joël Dor en exergue d’un chapitre de Françoise Cloarec. La réponse est oui. Même mort, même trop héroïque, même abandonniste, même lâche, même inaccessible, mais un homme.
«J’ai rendez-vous avec toi».

De Lorraine Fouchet. EHO, 260 p.
«De père légalement inconnu». De Françoise Cloarec. Phébus, 140 p. Lorraine Fouchet et Françoise Cloarec seront au Salon du livre de Genève les 3 et 4 mai.

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Malena et klepetan, faux couple idéal

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Jeudi, 3 Avril, 2014 - 05:51

Nos amies les bêtes.  Un couple de cigognes croates arrache des larmes aux humains qui voient en lui l’exemple parfait du dévouement conjugal. Hélas, ce n’est pas l’amour qui ramène l’oiseau au nid. Encore un modèle qui s’effondre.

Cette année encore, les journalistes étaient au rendez-vous. Klepetan le mâle, de retour de son hivernage en Afrique australe, ne leur a pas fait faux bond. Il a retrouvé Malena, la femelle immobilisée dans son nid: blessée par un chasseur il y a vingt ans, elle vit sur le toit de la maison de Stjepan Vokic, gardien d’école à la retraite dans le village croate de Brodski Varos.

Cliquetis de becs, grands coups d’ailes enveloppants. Cette année encore, les deux cigognes ont offert au regard attendri des humains l’image parfaite de la fidélité et du dévouement conjugal. Treize mille cinq cents kilomètres pour retrouver sa bien-aimée, douze ans que ça dure. Quelle merveille, quel exemple, de quoi faire rougir les volages mammifères que nous sommes. «Voilà à quoi ressemble le véritable amour», titre la Basler Zeitung au bord des larmes.

Les meubles d’abord.«Oui, cette histoire est de celles que les gens aiment entendre, rigole Adrian Aebischer. Ça change de la guerre.» Le biologiste attaché au Musée d’histoire naturelle de Fribourg en connaît un bout sur les cigognes: il a été le «parrain» de Max, la star ailée munie d’une balise Argos dont le public a suivi les migrations jusqu’à sa mort en 2012.

Mais pourquoi rigole-t-il, Adrian Aebischer? Parce que ce n’est pas l’amour qui donne des ailes à Klepetan. «C’est à son nid qu’il est fidèle, pas à la femelle qui l’occupe.» En d’autres termes: si, en rentrant dans son pied-à-terre croate, le migrateur y trouvait une autre que Malena, elle ferait tout aussi bien l’affaire pour l’accouplement. L’oiseau tient d’abord à ses meubles, le reste est interchangeable.

Il arrive pourtant de voir deux mâles se battre autour d’un nid où madame semble attendre anxieusement l’issue du duel: n’est-ce pas la preuve que le volatile au long bec est capable de jalousie, donc d’amour? Hélas, trois fois hélas: «Cette scène se produit lorsqu’un mâle, en rentrant, trouve son nid occupé par un autre qui l’a précédé aux côtés de la femelle. S’il se bat, encore une fois, c’est pour le nid, pas pour elle», insiste le biologiste rabat-joie.

Fantasmes mammifères. Ce qui est sûr, c’est que la fidélité des oiseaux constitue pour les mammifères humains un objet de fantasme persistant. Des générations de zoologues ont par exemple narré les mœurs irréprochables du corbeau freux, décrit comme un parangon de monogamie ainsi que du partage des tâches. Voir un mâle ailé prendre le relais de la couvade est un spectacle qui met Homo sapiens dans tous ses états.

Mais les nouvelles méthodes d’investigation génétique ont ouvert les yeux des biologistes il y a quelques décennies déjà: «Il n’est pas rare que dans un nid, on trouve des jeunes de deux pères différents», précise Adrian Aebischer.

Il a fallu se rendre à l’évidence de la science: même madame corbeau freux s’offre en catimini des parties de jambes en l’air. Si le couple reste constant dans l’entraide pour les soins aux petits, il ne défend pas bec et ongles son exclusivité sexuelle.

Les biologistes ont fait leur deuil du couple idéal. Le reste des humains, lui, s’accroche à son rêve volant, là-haut, sur les ailes des cigognes.

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Viens, viens!

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Jeudi, 3 Avril, 2014 - 05:53

Orgasme.Toutes les femmes ou presque ont déjà simulé. Pourquoi? Une psychologue américaine a découvert des motifs étonnants pour la tricherie sous la couette.

Frank Thadeusz

Les hommes passent pour égoïstes, en particulier au lit. Même par amour pour leur compagne, la plupart ne se voient pas faire semblant d’avoir envie par des manœ­u-vres compliquées. Les femmes, en revanche, le font dans toute une série de situations: pendant l’amour, elles halètent et gémissent comme si elles éprouvaient un plaisir extatique, alors qu’elles ne ressentent rien.

Jusqu’ici, la sexologie décrivait platement ce comportement comme un orgasme simulé. Le phénomène est bien connu. Voilà bien un siècle que les psychologues ont découvert que les femmes feignaient parfois le plaisir. Mais la raison restait obscure.

Or, voici que la tricherie sous la couette pourrait vivre une revalorisation scientifique. La psychologue américaine Erin Cooper, de la Temple University à Philadelphie, a entrepris d’expliquer avec une pertinence jamais vue à ce jour la «tricherie désintéressée». Il était temps: car rares sont les comportements qui engendrent entre les sexes autant d’incompréhension que l’orgasme simulé. Selon des données statistiques, presque chaque femme s’y est livrée plusieurs fois, tandis que les hommes partent de l’idée que jamais leur partenaire ne leur a joué l’orgasme.

Erin Cooper a mis sur pied une Faking Orgasm Scale, un barème de l’orgasme simulé qui est le premier du genre. A le lire, on constate que l’orgasme feint sert aussi d’astuce aux femmes qui ne souhaitent rien tant que dormir.

L’enquête portant sur 481 participantes, âgées de 18 à 32 ans, a mis au jour des comportements inédits: il semble que pas mal de femmes se mettent elles-mêmes dans l’ambiance par une respiration haletante. «Cette stratégie est l’une des nombreuses astuces auxquelles recourent les femmes pour améliorer leur ressenti sexuel», commente Erin Cooper.

Manipulation. Il y a peu, des chercheurs britanniques ont découvert comment, par des clameurs tonitruantes pendant l’amour, les femmes manipulaient le comportement masculin. Il semble que les sonorités qu’elles produisent stimulent le plaisir masculin et, par conséquent, la vraisemblance d’une conception. Le fait qu’elles soient capables de maîtriser avec précision leurs gémissements, même quand elles sont vraiment excitées, a stupéfié les chercheurs. Car jusqu’alors on partait de l’idée que le vacarme du désir était une manifestation instinctive du sentiment.

Les recherches d’Erin Cooper établissent une exception jusqu’alors peu remarquée en matière de sexe oral. Il semble que beaucoup de femmes se crispent à l’idée que, dans un tel cas, le regard de l’homme est entièrement fixé sur leurs organes génitaux. Manifestement, les intéressées se tirent de cette gêne par une vivacité érotique simulée. Il est possible que les femmes soient ici les victimes d’une évolution au fond avantageuse, avance la psychologue. Naguère, la maîtrise de la stimulation clitoridienne passait pour la voie royale vers la satisfaction du désir féminin. Désormais, une attention concentrée sur le clitoris a entraîné une réaction de stress.

Et les hommes? L’orgasme simulé n’a jamais eu bonne réputation. Le fait que, comme le montrent les recherches les plus récentes, les femmes mentent sur leur satisfaction sexuelle dans leur intérêt personnel pourrait continuer de discréditer un tel comportement. A titre préventif, Erin Cooper exhorte à « un regard moins négatif sur cette pratique». Les hommes, dit-elle, ne devraient pas trop se plaindre du comportement féminin. D’autant qu’elle annonce vouloir examiner de plus près les trucs masculins. Aujourd’hui déjà, assure-t-elle, les hommes sont à peine moins tricheurs que leurs compagnes: un quart d’entre eux simuleraient l’orgasme.

Des recherches ultérieures établiront sans doute comment ils s’y prennent en l’absence d’éjaculation.

© Der Spiegel
Traduction et adaptation
Gian Pozzy

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Robert Ménard, retour de flamme

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Jeudi, 3 Avril, 2014 - 05:54

Municipales.L’ex-patron de Reporters sans frontières a été élu haut la main maire de Béziers avec le soutien du Front national. Pour ce pied-noir d’Algérie, l’heure d’une certaine revanche.

Robert Ménard élu maire de Béziers, c’est un peu la parabole de l’enfant prodigue appliquée aux adultes. A 60 ans, le pugnace fondateur de Reporters sans frontières est de retour sur ses terres de petit garçon. Comme tout bon Rastignac, quoique sur le tard, il les avait quittées pour Paris où son ambition l’appelait. Les «circonstances» ont fait qu’il y revient aujourd’hui par la grande porte, avec le soutien du Front national.

Le sauveur. Drôle de trajectoire pour cet ancien trotskiste, même si l’extrême gauche mène à tout et parfois à l’extrême droite ou à ses confins. Dimanche 31 mars, avec près de 47% des voix, il est devenu le premier magistrat de cette sous-préfecture du département de l’Hérault. Durement frappée par le chômage et engluée dans une crise identitaire typique des villes du midi de la France, Béziers, 71 000 habitants, croit tenir son sauveur. De l’enfant prodigue au messie, il n’y a ici qu’un pas. Catho, l’ex-trotsko? Il l’est devenu.

Ménard est né en 1953 à Oran, quand l’Algérie était française. Son père, communiste, travaillait à la base navale de Mers el-Kébir et rejoignit l’OAS, l’organisation armée hostile à l’indépendance, à l’approche de l’inéluctable.

La famille fut au nombre du million de pieds-noirs rapatriés et s’installa à la Devèze, un quartier populaire situé à la périphérie de Béziers. Robert avait 9 ans. Quelque vingt ans plus tard, il entre à Radio France Hérault, à Montpellier, et crée en 1985 dans la même ville Reporters sans frontières (RSF), avec l’appui, pour l’anecdote, de Jean-Michel Du Plaa, son adversaire socialiste lors de la dernière élection municipale à Béziers. A l’époque, les rapports de Ménard fils avec son père ne sont pas excellents et son mariage avec une juive ne les améliore pas.

«Il n’avait qu’une envie: monter à Paris», se souvient l’ex-rédacteur en chef de La Liberté de Fribourg, François Gross. Les deux hommes se sont connus lorsque Robert Ménard cherchait à étendre à l’étranger le réseau de RSF. Une section vit le jour en Suisse en 1990 et Gross en fut nommé président. «Les rapports avec Ménard étaient bons, j’avais peut-être un peu de mal à accepter ce ton très cassant, dominateur», raconte le Fribourgeois. Une embrouille éclata et François Gross démissionna de RSF Suisse en 1994, peu de temps après la création, sous l’égide de la section helvétique de l’association, de la Radio Agatashya, ou Radio Hirondelle, émettant depuis Bukavu, au Congo, et conçue pour contrer la propagande assassine de la radio Mille Collines des génocidaires Hutus rwandais. «Nous avions appris que Robert Ménard avait créé une radio de son côté, qui émettait depuis les camions de l’armée française à Goma, alors même que, selon nous, la France n’était pas la mieux placée pour diffuser une parole de paix entre Hutus et Tutsis», rapporte le journaliste suisse.

La provoc. Par la suite, Ménard mouilla sa chemise pour de nombreux reporters prisonniers ou otages à travers le monde. RSF, entre-temps montée à Paris, connut de grandes heures en 2008. Rompus aux méthodes de marketing événementiel, l’agit-prop dans sa version politiquement correcte, l’association et son «secrétaire général» fondateur se mobilisèrent comme jamais contre les Jeux olympiques de Pékin.

Robert Ménard revint ensuite au métier, fit de la télévision, invita des extrémistes de tout bord sur son plateau, prenant goût à ces débats paroxystiques. Sous le genre journalistique pointait le ras-le-bol de l’establishment. Son ultime provoc fut la rédaction du livre Vive Le Pen!, qui lui valut d’être viré d’i>Télé. Ménard a besoin de sensations fortes mais aussi d’une autorité morale. C’est son épouse d’aujourd’hui, Emmanuelle Duverger, catholique conservatrice engagée contre le mariage pour tous et animatrice, avec son mari, du site droitier Boulevard Voltaire, qui la lui apporte. Robert Ménard pense que l’islam est «dangereux» pour la démocratie. Dans Béziers, où cohabitent – pas très bien – «Français» et «Arabes», l’élection du natif d’Oran est une promesse de quelque chose. Mais de quoi?

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Un très improbable «plan B» en cas de refus du Gripen

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Jeudi, 3 Avril, 2014 - 05:55

Armée.Seule une escalade militaire en Europe semble pouvoir faire changer d’avis les Suisses le 18 mai, sceptiques sur l’achat des 22 avions de combat. L’ex-chef de l’armée, Christophe Keckeis, plaide avec ardeur pour leur acquisition.

Christophe Keckeis, l’un des militaires les plus respectés en Suisse romande à défaut d’être suivi sur tout, en est convaincu et s’en désole: «Nous payons toujours la “bavure” de l’achat des Mirage il y a cinquante ans.» Soit, à l’époque, un dépassement de facture de plusieurs centaines de millions de francs. Ce scandale retentissant continuerait de provoquer ses effets délétères, selon le commandant de corps aujourd’hui à la retraite.

 

A six semaines de la votation du 18 mai sur l’acquisition de vingt-deux avions de chasse Gripen, du constructeur suédois Saab, l’affaire semble en effet mal engagée pour les partisans de cet achat d’une valeur de 3,126 milliards de francs. Un sondage paru à la mi-mars dans le SonntagsBlick donnait la tendance, mauvaise pour eux: 62% de refus. Ueli Maurer, en campagne pour le Gripen, a du pain sur la planche. Et ce pain-là est bien dur. Le ministre a-t-il un «plan B» en cas de défaite?

La question irrite Christophe Keckeis, qui y répond toutefois volontiers: «Je peux vous assurer qu’il n’y a pas de plan B», affirme-t-il, enchaînant aussitôt avec une remarque: «Certes, nous avons prévu d’avoir trois biplaces et huit monoplaces du constructeur suédois en leasing, cela en attendant la livraison du Gripen choisi par les autorités suisses pour satisfaire aux exigences de notre armée. Certains prétendent que ces avions en location pourraient être le plan B. Mais non, ils ne seront là que pour “grounder” la flotte des cinquante-quatre F-5 Tiger», la garder au sol, si possible pour de bon.

Maudits Tiger, pestent les aviateurs: ces appareils, théoriquement «arrivés en fin de vie» mais manifestement toujours aptes au vol, sont pour eux un boulet que la gauche leur renvoie sans cesse dans les jambes avec une certaine délectation.

Coût prohibitif. Qu’en est-il de Dassault et de son cher Rafale? Reviendraient-ils à la charge si le Gripen était retoqué dans les urnes? Contacté, l’avionneur français «ne souhaite pas communiquer pour l’instant» sur son joyau dont aucun pays hormis la France n’a encore jamais passé commande vu son coût jugé prohibitif. C’est pour cette raison que l’offre de Dassault à la Suisse prévoyait une maintenance française et gratuite des appareils. Christophe Keckeis ne croit pas, lui, à un retour du Rafale dans la course, du moins pas pour l’instant.

Imaginons pourtant la conclusion d’un accord fiscalo-commercial qui satisferait les deux parties, la Suisse et la France: contre l’acquisition de Rafale par l’armée helvétique, Paris allégerait sa pression sur les questions fiscales. «C’est inimaginable», rétorque le député français de centre droit Charles de Courson, secrétaire de la commission des finances de l’Assemblée nationale, laquelle avait auditionné Pierre Condamin-Gerbier, l’ancien banquier de chez Reyl & Cie à Genève, qui à cette occasion avait fait des «révélations». «La France se bat depuis des années pour obtenir la transparence, ce n’est pas pour lâcher ça contre l’achat de Rafale. Les humoristes y verraient un coup de Cahuzac (l’ex-ministre socialiste du Budget qui avait nié l’existence d’un compte secret en Suisse, ndlr)», plaisante Charles de Courson.

«Si le peuple dit non au Gripen, il faudra peut-être patienter dix ans avant que le processus d’achat d’un nouvel avion de combat ne soit lancé, sauf si la donne géostratégique change d’ici là», ajoute sans rire du tout Christophe Keckeis. On pense immédiatement à la situation ukrainienne. Et l’on se dit que, face au géant russe comme jadis face à l’Union soviétique, le reste de l’Europe est peu de chose.

 

Autonomie de défense. La «carte ukrainienne» sera-t-elle un atout inattendu dans le jeu des partisans du Gripen? L’argument peut paraître cynique mais la géopolitique l’est tout autant. «Ce qui se passe à la frontière russo-ukrainienne et même en Syrie pousse les gens, en Suisse, à se poser la question de la sécurité», observe l’ex-chef des Forces aériennes, peu confiant sur l’issue de la votation du 18 mai.

Membre de la Commission de sécurité du Conseil des Etats, la sénatrice vaudoise Géraldine Savary (PS), opposée comme le reste des socialistes, les Verts, les Vert’libéraux et naturellement le Groupe pour une Suisse sans armée (GSsA) à l’achat du chasseur suédois, n’est bien sûr pas insensible au sort de l’Ukraine et admet la nécessité pour la Suisse d’avoir une autonomie de défense. Mais jusqu’à quel point? «Ce qu’il faut, c’est intégrer la sécurisation du ciel helvétique dans un cadre de coopération européenne», répond-elle. La conseillère aux Etats estime que le «couac», relayé presque partout à l’étranger, des avions militaires suisses au repos alors qu’un avion civil éthiopien, détourné, s’approchait de l’aéroport de Genève, le 17 février, ne doit pas offrir d’arguments aux tenants de l’achat de l’avion suédois. «Nous aurions eu les vingt-deux Gripen que cela n’aurait rien changé ce jour-là, affirme-t-elle. Je ne dis pas qu’il ne faut pas améliorer nos capacités de veille permanente, mais, encore une fois, cela ne peut se faire qu’en coopérant avec nos voisins allemand, italien et français. C’est bien cette collaboration qui a été à l’œuvre le 17 février. Il s’agissait là d’une mission de police aérienne, or nos trente-deux F/A-18 suffisent à ce type de mission. Le plan B, c’est ça.»

C’est certain: justifier l’achat de vingt-deux avions de combat à des fins de police du ciel peut paraître léger. L’armée est comme prise au piège de sa propre communication à la suite de l’affaire de l’avion éthiopien: les chasseurs suisses, entend-on, ne seraient pas contraints de rester au sol hors des «heures de bureau» si leur nombre était plus élevé.

De l’«enfumage». Si, le 17 février, il s’était agi de deux avions de combat non identifiés pénétrant dans le ciel helvétique et non d’un avion de ligne avec de nombreux passagers à bord, l’argument du nombre aurait pu être autrement porteur. Mais dans ce cas, c’est comme si on exigeait l’achat de chars d’assaut pour arrêter les chauffards sur l’autoroute: le rapport n’est pas évident.

Ces Gripen, il les faut pourtant, n’en démord pas Christophe Keckeis. «Renoncer à l’avion suédois serait une catastrophe, car c’est alors toute la flotte qu’on devrait renouveler en une fois, en fin de vie des F/A-18, et cela coûterait très cher», prévient-il. Le commandant de corps voit grand: l’armée suisse aurait besoin «de 60 à 70 avions». En comptant les roulements des personnels et la maintenance des appareils, cette quantité permettrait de maintenir en permanence en vol une police du ciel, «seule façon, selon Christophe Keckeis, d’intercepter un intrus, sachant qu’il faut huit minutes à un avion de chasse pour traverser la Suisse. Rester en alerte au sol 24 heures sur 24 ne suffit pas. Le temps que nous mettrions pour décoller, il serait déjà trop tard dans bien des cas.»

Dans ce vieux couple que forment l’armée et les antimilitaristes, Tobias Schnebli, membre du comité du GSsA, tient dignement son rang. Les affirmations de l’ex-chef des Forces aériennes le laissent sceptique. Il y voit pour partie de l’«enfumage». «Sa démonstration sur le roulement des personnels et des matériels, qui nécessiterait un nombre important d’appareils, me semble peu probante, analyse-t-il. Dans ce cas-là, pourquoi ne pas mettre en service un avion différent chaque jour de l’année? C’est sans fin. L’Autriche, qui n’est pas membre de l’Otan mais coopère avec ses partenaires européens, s’en sort avec quatorze Eurofighter.»

L’Europe, toujours l’Europe. Verdammt! Le référendum du 18 mai s’annonce comme l’étrange réplique à la votation du 9 février sur l’«immigration de masse».

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Eolien: l’exemple du Jura bernois

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Jeudi, 3 Avril, 2014 - 05:56

Test national.La votation neuchâteloise sur l’initiative pour la protection des crêtes prend des allures de grand examen pour l’énergie éolienne. Visite au Mont-Crosin, où le parc couvre désormais les besoins en électricité de tous les ménages du Jura bernois.

Partout ou presque, les projets sont bloqués. Décidément, l’énergie éolienne ne décolle pas en Suisse, malgré l’introduction de la taxe verte (RPC) en 2008. Notre pays, qui a pris un retard considérable en la matière, ne compte que 34 turbines, alors que le seul land allemand de Rhénanie-Palatinat, deux fois plus petit en termes de superficie, en recense 1200! Dans ce contexte, la votation neuchâteloise sur l’initiative de plusieurs associations environnementales prend une dimension nationale symbolique.

Nul doute que la ministre de l’Energie, Doris Leuthard, aura les yeux braqués sur cette votation cantonale le 18 mai prochain. Elle joue ici le succès de sa stratégie énergétique 2050, basée sur un approvisionnement diversifié. Or l’opposition à l’éolien est farouche. Dans son propre canton d’Argovie, une initiative encore plus radicale veut bannir l’éolien jusqu’à l’arrêt des centrales nucléaires.

C’est bien connu, le diable est dans les détails. Et l’initiative sur l’avenir des crêtes neuchâteloises pousse les détails très loin! Elle exige un plan d’affectation spécial pour tous les parcs éoliens soumis à un référendum obligatoire, mais aussi un nouveau vote pour «toute construction ultérieure modifiant ce plan». Une belle cascade de votations en perspective!

Difficile de faire plus contraignant. Mais Félix Gueissaz, président du comité d’initiative, se défend d’être un détracteur de l’éolien. «La vraie question est de savoir qui a la compétence de protéger nos crêtes, qui sont un patrimoine unique. Nous voulons que ce pouvoir revienne au peuple, et non au Conseil d’Etat», déclare-t-il.

Les partisans de l’éolien sont loin de partager cet avis. Le Conseil d’Etat et le Grand Conseil soutiennent un contreprojet beaucoup plus souple défendu par tous les partis, y compris l’UDC. Celui-ci prévoit d’ancrer dans la Constitution la possibilité de réaliser cinq sites totalisant 59 turbines.

A peine entamée, la campagne de votation a pris un tour très émotionnel marqué par un gros dérapage. Clarence Chollet, présidente des Verts neuchâtelois et du comité interpartis en faveur du contreprojet, s’est fait traiter «d’écolo-péripatéticienne» par un partisan de l’initiative. «Les initiants sont des anti-éoliens qui ne disent pas leur nom», déplore Clarence Chollet.

Pourquoi tant d’émotions à propos d’une énergie renouvelable largement plus propre que ce nucléaire dont le peuple a déjà dit qu’il ne voulait plus? A un jet de pierre du canton, le Jura bernois apporte une preuve tangible que l’éolien est bien davantage qu’une source d’électricité dérisoire. Les 16 machines disposées entre le Mont-Soleil et le Mont-Crosin fournissent 55 millions de kWh et couvrent la totalité des besoins des 18 000 ménages du Jura bernois. Mieux: elles sont devenues un fleuron de la région, attirant près de 50 000 visiteurs par an.

«Ce parc est désormais une attraction touristique dont les jeunes sont très fiers», confirme Pierre Berger. Cet agriculteur de 51 ans, qui est aussi le responsable du site, invite à découvrir l’une des plus récentes turbines, mise en exploitation le 12 novembre dernier. De près, c’est un mastodonte au mât de 95 mètres doté de pales de 45 mètres, qui produit 4 GWh par année, soit du courant pour 1200 ménages. Avec un peu de recul pourtant, ces turbines s’intègrent parfaitement dans ce paysage encore enneigé ces derniers jours.

«Dans un premier temps, les visiteurs s’étonnent toujours de la grandeur des machines. Puis ils prennent connaissance de leur efficacité et finissent par reconnaître que ces éoliennes donnent une image dynamique et novatrice de la région», raconte Pierre Berger. Une précision tout de même: si les 16 turbines suffisent aux besoins de ses 50 000 habitants, elles ne couvrent pas ceux de son industrie.

Mais pourquoi le Jura bernois a-t-il réussi là où les autorités de tous les cantons romands se heurtent à une farouche résistance de leur population? «C’est souvent la communication qui est lacunaire. Il ne faut surtout pas avoir peur de multiplier les séances d’information dès qu’il y a du nouveau, de manière à éviter les fuites dans la presse», souligne Pierre Berger.

Sur les hauteurs de Saint-Imier, le projet s’est développé dans la durée et l’harmonie. Juvent – une entreprise considérée comme régionale avec une participation majoritaire des BKW – a d’abord installé trois turbines de 67 mètres en 1996. Puis, surprise de la demande de clients prêts à payer plus cher cette énergie, elle a élargi le parc progressivement, pour arriver à 16 machines en 2010. L’an dernier, elle a remplacé les quatre plus vieilles turbines par des modèles plus modernes sans que l’opération suscite d’opposition. Elle dédommage les agriculteurs correctement – environ 10 000 francs par an et par turbine –, sans donner l’impression d’acheter leur silence.

Malgré cela, l’essor du parc a tout de même ressemblé à un parcours du combattant. «Son agrandissement de 2010 a nécessité le feu vert de 36 offices cantonaux et fédéraux», confie Pierre Berger. C’est l’une des raisons pour lesquelles la Suisse a pris un énorme retard par rapport à l’Allemagne et à l’Autriche notamment.

Et les nuisances, alors? Il y en a, il ne faut pas le nier, mais elles sont «fortement exagérées», à en croire le responsable du site. Les pistes de ski de fond ont été légèrement déplacées, mais personne n’a jamais été blessé par un jet de glace. En dix-sept ans, un agriculteur qui fauche la moitié des terres du parc n’a retrouvé que deux oiseaux morts. Quant aux infrasons des turbines, ils ne font pas fuir le bétail, qui y est plus sensible que les humains: les vaches se rapprochent même des éoliennes lorsque le vent est fort, car il y a moins de mouches.

Non, la vie n’est pas devenue un enfer dans le vallon de Saint-Imier depuis l’apparition d’un site éolien. Il n’y a aucune raison qu’il en aille autrement dans le Val-de-Travers – par exemple – si la population neuchâteloise approuvait le contre-projet à l’initiative.

Pour convaincre d’ici au 18 mai, les autorités locales concernées par les projets des électriciens des quatre coins de la Suisse ont compris la leçon. D’abord dépassées par des investisseurs «étrangers» agissant parfois par pur appât du gain, elles se sont peu à peu réapproprié le pilotage politique du dossier. «C’est un enjeu d’intérêt public», insiste Christian Mermet, conseiller communal de Val-de-Travers et responsable du développement territorial. Sa commune est touchée par deux parcs du plan directeur cantonal – ceux de la Montagne de Buttes et de Boveresse. Mais le premier est «clairement prioritaire».

Sa vision consiste donc à réaliser par étapes ce projet d’une vingtaine de turbines qui couvrirait déjà 10% des besoins en électricité du canton de Neuchâtel; puis, en fonction des réactions de la population, on pourrait toujours envisager le parc de Boveresse, ajoute Christian Mermet. «C’est l’avenir énergétique de la région qui est en jeu. Le Val-de-Travers se plaint souvent d’être en dehors des grands enjeux politiques. Il est temps que nous assumions notre responsabilité.»

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Xavier Voirol
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Taoua, la tour qui fera de l’ombre

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Jeudi, 3 Avril, 2014 - 05:57

Votation.Le socialiste Grégoire Junod défend le projet Taoua. Au risque de déplaire aux Lausannois dont il devrait être le prochain syndic.

A Lausanne, la campagne pour ou contre Taoua, la tour de 87 mètres que la Municipalité entend construire sur le site de Beaulieu, entre dans la dernière ligne droite. Le référendum se tient le 13 avril.

Beaulieu: le nom paraît prédestiné pour offrir une vue incroyable sur le bassin lémanique, c’est là qu’on fêta en 1903, en très grande pompe, le centenaire de la naissance du canton. Mais Beaulieu fut surtout longtemps synonyme de Comptoir suisse, la foire nationale de septembre accueillant dans ses vastes halles deux mondes, celui des citadins consommateurs de nouveautés et celui des producteurs de la terre, dans une convivialité bonhomme et politiquement très marquée par le radicalisme triomphant.

De fierté, le site est pourtant devenu un problème: comment assurer la viabilité d’un centre de congrès soumis à une concurrence désormais plus rude? Comment refaire de bâtiments gris trop souvent vides l’emblème du dynamisme de la capitale?

La nature a horreur du vide, le pouvoir radical sur Lausanne ayant beaucoup régressé ces dernières décennies, c’est désormais le Parti socialiste qui se retrouve en première ligne pour vendre Taoua à la population.

Dans le camp de ceux qui défendent la construction multifonctionnelle, on trouve ainsi deux wonder boys de la politique locale: Grégoire Junod, 39 ans, conseiller municipal élu en 2011, responsable du Logement mais aussi de la Sécurité publique, et Benoît Gaillard, 29 ans, président du PSL depuis l’an dernier.

Un échec le 13 avril ferait indubitablement tache sur leurs CV impeccables. Non pas qu’ils ignorent la défaite: en bons militants socialistes, ils y sont habitués lors des scrutins nationaux, où les mots d’ordre du parti sont rarement suivis. Mais à Lausanne, depuis vingt-cinq ans, depuis que la gauche a ravi à la droite la majorité à l’exécutif avec ses alliés verts et rouges, les roses enchaînent les succès électoraux comme d’autres les perles, alors que leurs consignes de vote sont religieusement suivies par la population, grâce à un militantisme de terrain sans faille.

Arrogance. Avec le temps, murmurent sotto voce certains anciens élus de gauche, l’expérience de la défaite manque aux générations qui se succèdent.

Au risque de les rendre trop sûres d’elles, arrogantes, comme jadis les radicaux.

Surtout, une grande échéance attend Grégoire Junod: c’est lui qui est pressenti pour devenir syndic, lorsque le vert Daniel Brélaz laissera, enfin, la place, au plus tard en 2016. A mi-législature, le vote sur Taoua permettra de juger l’ampleur de son aura, et de la cote du PSL, auquel les Lausannois sont certes attachés, par conviction, souvent, mais aussi, parfois, par défaut, tant une alternative de droite peine à percer et à s’imposer. Si Grégoire Junod perd sur ce projet dans la conception et la défense duquel il s’est beaucoup investi, sûr qu’on le lui reprochera.

Benoît Gaillard ne minimise pas le risque mais le recadre: la typologie de la votation n’est pas très politique, ce n’est pas un enjeu gauche-droite, le comité de soutien regroupe des partisans de tous les partis.

De fait, tous les gens brillants qui ont géré la ville ont connu un déboire urbanistique. Les Lausannois restent traumatisés par quelques ratages architecturaux, ils peinent à entériner les grands desseins. Dès lors, c’est presque un rituel: ils tancent leur chouchou pour le réélire triomphalement ensuite.

Sur dix votations concernant des plans d’aménagement depuis 1983, seuls deux objets ont reçu l’intransigeant assentiment populaire. Pierre-Yves Maillard était ainsi président du PSL en 1996 lors du refus d’un projet d’école sur la parcelle de l’Hermitage. Qui se souvient de ce léger accro dans la marche triomphale de celui qui est devenu le président du Conseil d’Etat?
Un non à Taoua ne projetterait qu’une petite ombre sur des carrières politiques bien lancées, preuve que le Parti socialiste lausannois ne redoute pas les épines.

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Dominic Favre / Keystone
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Carlo Sommaruga: La lutte contre la pédophilie nécessite une loi réellement applicable

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Jeudi, 3 Avril, 2014 - 05:58

Votation. Le conseiller national socialiste genevois ose plaider le refus de l’initiative de la Marche blanche, à laquelle il préfère un durcissement du Code pénal.

Propos recueillis par Julien Ruey

La campagne sur l’initiative «Pour que les pédophiles ne travaillent plus avec des enfants» promet d’être âpre. Refuser l’initiative de la Marche blanche équivaut, dans maints esprits, à soutenir les pédophiles. Pourtant, le Conseil fédéral recommande le rejet du texte. Avec le Parlement, il a concocté un durcissement du droit pénal, un contre-projet indirect, dont les dispositions entreront en vigueur début 2015. Rares sont ceux qui osent défendre cette option plus rapide, qui respecte mieux que l’initiative le principe de proportionnalité. Le conseiller national Carlo Sommaruga (PS/GE) s’y essaie non sans courage.

Au premier abord, faire opposition à une initiative qui veut combattre la pédophilie en interdisant aux individus condamnés pour de tels faits de travailler avec des enfants peut interpeller et paraître aller à l’encontre du bon sens, voire choquer. Pouvez-vous nous expliquer votre position?

Si je me bats contre cette initiative, c’est que je suis engagé depuis trente ans dans la lutte contre la pédophilie; d’abord comme père de quatre enfants pour les protéger; ensuite comme avocat de plusieurs enfants abusés, pour lesquels j’ai obtenu la condamnation des prédateurs; enfin dans l’exercice de mes fonctions au Parlement. A Berne, je travaille sur le sujet depuis maintenant dix ans. En 2008, j’ai présenté une motion demandant au Conseil fédéral d’intervenir sur la problématique de la pédophilie en conformité à notre droit et en s’inspirant de ce qui avait été fait en Belgique après l’affaire Dutroux. Je connais bien les enjeux, je m’oppose aux solutions slogans, comme celle de l’initiative de la Marche blanche, et je soutiens des propositions efficaces. Le comité regroupe des femmes et hommes politiques qui ont cette même analyse et qui ont choisi de se mobiliser lorsque les partis ont malheureusement décidé de ne pas s’engager.

Quelles sont donc les raisons de votre engagement dans l’opposition à cette initiative populaire?

C’est une question de responsabilité politique: la lutte contre la pédophilie nécessite absolument des mesures efficaces et adaptées, une loi claire et réellement applicable. C’est ce que propose d’ailleurs le contre-projet indirect, qui entrera en vigueur le 1er janvier 2015. On est loin du slogan d’une initiative aux concepts flous, dont la mise en œuvre peut prendre des années et que les tribunaux ne pourront probablement appliquer que partiellement, vu la violation du principe de proportionnalité.

Quelles sont, plus précisément, les différences entre l’initiative et le contre-projet?

D’une part, le contre-projet va bien au-delà de la question de l’interdiction professionnelle des pédophiles et, d’autre part, il vise un cercle d’auteurs de crimes nettement plus large que celui définit par l’initiative. Cela dit, la différence essentielle est celle du respect, dans le texte voté par le Parlement, du principe de la proportionnalité, qui impose aux législatures et aux juges d’appliquer une sanction adaptée à la gravité des actes reprochés au criminel. Ce n’est pas le cas pour l’initiative. Ainsi, le contre-projet permet l’interdiction professionnelle à vie lorsqu’il est à prévoir qu’une durée de dix ans ne suffira pas pour garantir que l’auteur ne représente plus de danger, alors que l’initiative applique quant à elle l’interdiction professionnelle à vie tous azimuts, notamment à la suite de rapports sexuels entre une jeune fille de 15 ans et un jeune homme de 19 ans. Le contre-projet prévoit également l’interdiction de contacts avec les victimes ou un groupe de personnes (rencontres, appels téléphoniques, envoi de messages, etc.), applicable aussi par exemple au stalking, et l’interdiction géographique (par exemple ne pas s’approcher des écoles), alors que l’initiative est muette à ce sujet.

Vous vous êtes engagé dans une bataille qui est, comme le prêtent à penser les sondages, loin d’être gagnée d’avance. Pourquoi ce choix?

Je n’ai jamais modelé mon engagement politique en fonction de la facilité d’un combat. L’essentiel est de faire passer le message. D’une part, qu’il y a des principes fondamentaux de notre Etat de droit qui doivent être respectés dans tous les aspects de la vie de notre société et, d’autre part, que le populisme ne résout rien. Je considère que le rôle d’un homme ou d’une femme politique est d’assumer avec courage ses positions afin de dépasser l’émotionnel et d’en appeler à la raison. Sans engagement, il n’y a pas de possibilité de succès.

La pédophilie est un sujet sensible et faire opposition à une initiative populaire souhaitant la combattre peut provoquer de sérieux malentendus. N’avez-vous pas eu peur d’offrir une occasion à certains de vos adversaires politiques et détracteurs de profiter de ces malentendus et de salir votre image, alors que d’autres choisissaient la discrétion?

Sur le sujet de la pédophilie, mes détracteurs me font des procès d’intention et tentent de salir mon image depuis des années. Jusqu’à ce jour sans succès. Je n’en suis plus à une basse attaque près avec ceux-ci. Je crois que la cohérence de mon engagement, notamment par mon travail concret de défense d’enfants victimes de pédophiles devant les tribunaux, comme la force de mes convictions permettent aux électrices et aux électeurs de faire la part des choses. Pour ce qui est des gens qui partagent le même avis que moi mais qui ont choisi de se taire, je rappelle que tous les populismes ont fait leur lit lorsqu’en face il y avait de la lâcheté.

Vous avez parlé du principe de proportionnalité, comment l’appliquer dans le cas de la pédophilie, qui est un acte d’une extrême violence?

D’abord, en matière de violence, un acte de pédophilie est-il plus ou moins violent qu’un assassinat, un meurtre ou des actes de torture? Quoi qu’il en soit, un acte pédophile, même unique, d’une grande brutalité démontre une dangerosité qui permet, dans le respect du principe de proportionnalité tel qu’articulé dans le contre-projet, d’interdire à vie toute activité avec les enfants. Mais est-ce que l’on va appliquer la même sanction pour des amours de jeunesse, comme évoqué avant, et pour une personne ayant violé plus de 100 enfants?! Non, bien entendu. A ce propos, ce qui est préoccupant, c’est que si, parfois, la justice débusque le prédateur sexuel juste après la première agression, dans nombres d’affaires, comme celle jugée récemment à Berne ou celle du policier valaisan, l’auteur n’est démasqué qu’après avoir abusé sexuellement de dizaines, voire de centaines d’enfants ou de personnes. On voit donc que, si l’interdiction de travail est très importante, la détection précoce d’abus, notamment par l’écoute des enfants, l’est tout autant pour mettre fin aux agissements de pédophiles en liberté encore non identifiés, arrêtés et jugés.

N’atteint-on pas dans l’horreur les limites de l’application du principe de proportionnalité?

Régulièrement, les juges sont amenés à statuer dans des situations où les limites de l’horreur sont poussées à l’extrême: des cas d’assassinats sadiques parfois multiples, de viols en bande, etc. Quelle que soit la gravité de la situation, le juge est amené à devoir apprécier la culpabilité et la personnalité de l’auteur d’un délit ou d’un crime pour sanctionner celui-ci de la manière la plus cohérente possible. Aussi horrible que puisse être un acte pédophile, il n’y a rien qui justifie que l’on renonce, seulement pour cette catégorie d’infractions, à des principes juridiques découlant de la Convention européenne des droits de l’homme.


Carlo Sommaruga

Né en 1959. Avocat, secrétaire général de l’ASLOCA romande, conseiller national (PS/GE) depuis 2003.

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Lukas Lehmann
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Une concurrence pour les centres de congrès

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Jeudi, 3 Avril, 2014 - 05:59

Inauguration.Le SwissTech Convention Center, qui a ouvert ses portes début avril, bousculera le secteur et les acteurs locaux en accueillant des manifestations d’importance.

 

William Türler

Après deux ans de travaux, le SwissTech Convention Center – qui a donné lieu à l’un des plus importants chantiers de Suisse romande ces derniers mois – ouvre enfin ses portes sur le campus de l’EPFL en ce début d’avril. Conçu par le bureau lausannois Richter-Dahl Rocha & Associés, il est le fruit d’un partenariat public-privé comme les affectionne l’école polytechnique. En l’occurrence, le bâtiment construit par la société HRS Real Estate a été financé par deux fonds immobiliers de Credit Suisse à hauteur de 225 millions de francs, et il se situe sur un terrain mis à disposition par la Confédération.

Avec ce nouvel élément, l’EPFL renforce son statut de «petite ville dans la ville». Plus précisément, le complexe vient compléter le quartier nord du campus. Il abrite un amphithéâtre de 3000 places entièrement modulable pouvant en quelques minutes se transformer en une zone d’exposition ou de banquet, ce qui en fait l’un des plus grands centres multifonctions au monde. Seules une dizaine de salles peuvent revendiquer de s’appuyer sur cette technologie d’origine canadienne baptisée Gala System: il est possible de faire passer les sièges sous le plancher grâce à des pivots motorisés. Ce système permet, par exemple, de mettre à disposition des auditoires de 330, 1670, 2135 ou 3000 places.

Le complexe comprend en plus des logements pour étudiants d’une capacité de 516 lits, un centre commercial, un hôtel, des restaurants, une pharmacie, une clinique dentaire, un centre médical, ainsi que des espaces administratifs et un parking de 275 places. Ce n’est pas tout: près de 300 m2 de cellules photovoltaïques ont été intégrés à l’une des façades du centre. Enfin, en raison de la nature instable du terrain, le bâtiment repose sur 200 pieux, dont cinq piliers thermiques expérimentaux. Coulés dans du béton à une profondeur de 20 mètres, ils soutiennent la structure et servent d’échangeurs de chaleur.

Le nouveau centre de l’EPFL sera amené à accueillir différents congrès scientifiques, salons, assemblées générales, ainsi que des manifestations diverses. Il ambitionne d’occuper une place de choix dans le paysage suisse et européen de la branche. Pour Stefan Fraenkel, directeur des événements et conférences à l’Ecole hôtelière de Lausanne, «cette nouvelle arrivée va bousculer les choses» pour les entreprises du secteur. «Chacun devra adapter son offre vers le qualitatif, explique-t-il. Bien sûr, il est difficile de concurrencer un investissement physique. Il s’agit plutôt de miser sur une offre globale, vendre l’Arc lémanique comme une destination d’ensemble.»

De son côté, l’EPFL, dont la capacité hôtelière n’est pas comparable à celle de Montreux et du centre-ville de Lausanne, «devra trouver des solutions en matière de transport afin d’éviter les goulets d’étranglement du m2». «Il faut garder à l’esprit que, pour la plupart des visiteurs étrangers, l’Arc lémanique est comme une grosse ville, poursuit Stefan Fraenkel. Ils ne souhaitent pas forcément rester dans leur bulle et apprécient, lors d’un congrès, de faire du tourisme urbain.»

Une chance pour la région. Pour sa part, Barbra Steuri-Albrecht, responsable du Switzerland Convention & Incentive Bureau de Suisse Tourisme, estime que le nouvel acteur va surtout attirer des nouveaux congrès qui ne seraient pas venus en Suisse autrement. En outre, il offrira, selon elle, une option complémentaire, notamment à l’attention des nombreux congrès médicaux de la région et lors des périodes de pointe pour le secteur. Des pointes qui se situent entre mars et fin juin, puis entre septembre et mi-novembre.

Du côté de Beaulieu, qui occupait jusque-là seul le marché de l’organisation de congrès d’envergure à Lausanne, on estime que l’expansion de la région est suffisamment importante pour que chacun trouve sa place. «Notre offre va rester très diversifiée», note le porte-parole Lysander Jessenberger. Cela dit, à l’avenir, «l’accent ne sera pas mis sur des expositions à caractère typiquement académique ou scientifique.»

En ce qui concerne les atouts du centre de congrès de Beaulieu, il souligne sa position au centre-ville, son parking, ainsi que sa structure pouvant proposer jusqu’à 42 salles, en plus des halles existantes.

A Montreux, le directeur général du centre de congrès, Rémy Crégut, voit cette arrivée comme une occasion mettant «un coup de projecteur bienvenu aux niveaux national et international sur la région», et notamment sur la Riviera. Selon lui, cela devrait renforcer le positionnement de chaque acteur. En l’occurrence celui de Montreux, qui «jouit d’une unité de lieu, tant en termes de transports que d’offre hôtelière», se répartit à parts égales entre la culture et la musique d’un côté et les lucratifs événements d’entreprises et congrès de l’autre. «L’un des challenges du SwissTech Convention Center consistera donc à rentabiliser son site en le remplissant sur toute l’année et dans la durée», dit-il.

 

Synergies à renforcer. Pour que chacun trouve sa place, une option pourrait donc consister, selon Rémy Crégut, à renforcer les synergies entre les différentes plateformes d’accueil en Suisse romande afin de proposer les meilleures offres possibles à l’international. Le marché helvétique «n’étant pas extensible à l’infini».

A Genève, enfin, Claude Membrez, directeur général de Palexpo, souligne un point important concernant l’industrie internationale de l’organisation de meetings: «Tous les bâtiments qui accueillent des congrès à travers le monde sont publics ou parapublics. Ce qui compte n’est donc pas tant de réaliser du bénéfice, mais plutôt le rayonnement et les retombées pour l’économie régionale.»

Et c’est précisément au niveau local en Suisse romande que la concurrence sera, d‘après lui, la plus marquée. «Sur le marché international des événements de grande envergure, l’apparition de ce nouvel acteur ne devrait pas se faire sentir. Nous continuerons à nous répartir la demande avec le Centre de congrès de Genève (CICG), Beaulieu et Montreux, comme auparavant. En revanche, sur le marché régional, la concurrence sera plus marquée, puisque les clients auront potentiellement le choix entre plus de prestataires.»

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Le secteur des congrès en chiffres

Selon l’International Congress and Convention Association (ICCA), la Suisse a organisé 240 meetings d’importance en 2011, ce qui la place au 12e rang mondial et au 8e européen. D’autre part, Suisse Tourisme relève, toujours pour 2011, que le secteur des congrès a généré 6,6 millions de nuitées, soit prèS de 20% de leur nombre total. Et la branche a encore engendré un chiffre d’affaires de 2,2 milliards de francs.

De plus, au cours des trois dernières années, le nombre et la taille des congrès internationaux organisés en Suisse ont augmenté.

Pour la plupart, il s’agit de manifestations de courte durée, comprises entre un et deux jours.

A noter, enfin, que la Suisse compte actuellement environ 12 centres de congrès pouvant accueillir plus de 1000 personnes.

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Sergio Ermotti: la renaissance d’UBS

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Jeudi, 3 Avril, 2014 - 06:00

Banque.Le géant sort de cinq ans d’enfer. Sous la poigne de son patron depuis 2011, il a dû se réinventer. Mais beaucoup de zones d’ombre subsistent.

Si l’on était au cinéma, on pourrait se croire face à Pierce Brosnan. Carrure large, taille élancée, front carré et menton volontaire. Un regard clair et direct, une expression un brin impatiente. Cependant, nous ne sommes pas au cinéma mais dans une petite salle de conférences du siège d’UBS, au 45, Bahnhofstrasse à Zurich. Et la personne qui prend place est Sergio Ermotti, le directeur général de la grande banque.

Cela fait juste trois ans qu’il y est entré. Et cela fait deux ans et demi qu’il la dirige, d’abord à titre intérimaire, dès septembre 2011, avant de se voir confirmer deux mois plus tard. Et, depuis lors, la grande maison n’est plus la même. Finie la banque accablée par les pertes massives et les scandales à répétition. Finie l’institution dépendante des soutiens de la Confédération et de la Banque nationale, dont la moindre décision stratégique donne lieu à la polémique.

C’est désormais une banque qui se restructure, qui a remboursé les aides reçues, qui dégage de nouveau des bénéfices et a regagné la confiance des marchés financiers, même si bien des procédures ouvertes à son endroit par la justice et les gendarmes financiers à la suite des scandales de ces dernières années ne sont pas encore refermées.

Dans une institution de quelque 60 000 personnes, dont un tiers en Suisse, ce n’est jamais un individu isolé qui décide de l’entier du sort. Mais si Sergio Ermotti n’avait pas pris une décision capitale, une décision que personne n’avait réussi à assumer avant lui, UBS montrerait un visage nettement moins convaincant.

Sitôt après sa confirmation aux commandes, le Tessinois recentre UBS sur son réseau grand public en Suisse et la gestion de fortune au niveau mondial. Et, en octobre 2012, il accélère la nouvelle stratégie: il réduit considérablement la taille de la banque d’affaires dont il ne garde que certaines activités bien ciblées, notamment le négoce des actions et le conseil. La restructuration a aussi un coût:  10 000 emplois devraient être supprimés, dont 2500 en Suisse.

Avec l’aide des marchés financiers.«Notre objectif était de nous concentrer sur les activités où nous étions bons et de nous séparer du reste, explique-t-il à L’Hebdo. Mais la décision la plus importante a été de réviser nos ambitions. Nous avons préféré conforter notre place de première banque mondiale dans la gestion d’actifs, de première banque suisse, de nous assurer que notre banque d’affaires soit focalisée et reste profitable. Pour nous, la question d’être numéro un ou non dans cette activité ne se posait plus car la position de leader peut aussi vous empêcher de réaliser des bénéfices.»

Au lendemain de la crise financière, la banque devait répondre à deux exigences: réduire considérablement ses risques et relever fortement ses réserves. Or, la banque d’affaires consommait environ deux tiers des fonds propres du groupe. Son recentrage et la liquidation progressive des titres pourris hérités du passé permettent de réduire ces besoins à environ un tiers, de diminuer aussi la taille du bilan, et donc des risques assumés par la banque.

L’institution peut également améliorer ses ratios financiers. Elle affiche ainsi le taux de couverture des fonds propres, l’un des plus importants indicateurs de solidité, le plus élevé des grandes banques internationales, avec un ratio de 12,8%. Le Center of Risk Management (CRML) de l’Université de Lausanne la juge dès lors aujourd’hui plus sûre que Credit Suisse et même que la plupart des grandes institutions européennes. UBS atteint ainsi le but recherché, une amélioration de sa solidité.

L’institution a encore bénéficié d’un environnement très favorable. «Elle a été fortement aidée par la bonne tenue des marchés financiers en 2013», souligne l’analyste Loïc Bhend, de Bordier & Cie à Genève.

Ces efforts se lisent aujourd’hui dans les chiffres. L’an dernier, la banque réalisait un bénéfice net de 3,2 milliards de francs. Une année plus tôt, elle subissait une perte de 2,5 milliards. Et, en 2008, sa perte de 21,29 milliards avait précipité l’aide de la Confédération et de la BNS pour éviter une faillite.

Et pourtant, Sergio Ermotti est, au départ, un banquier d’affaires qui a fait la plus grande partie de sa carrière chez Merrill Lynch, un géant de Wall Street. D’abord à Londres, puis à New York. Ce parcours lui a donné les outils pour venir à bout de ce nœud gordien.

«Les affaires, ce n’est pas la famille».«Pendant toute ma carrière, j’ai créé et développé des entreprises. J’en ai vendu ou fermé d’autres, en fonction de la valeur qu’elles sont capables de générer pour leurs actionnaires. Or, dans la banque d’affaires, les chances de générer du profit deviennent toujours plus complexes avec le durcissement de la réglementation financière.»
Pas de place pour l’émotion dans cette décision. «Les affaires, ce n’est pas la famille. En ma responsabilité de directeur général, je dois créer de la valeur pour les actionnaires, et pas exprimer mes sentiments. Mon passé s’est avéré un avantage: je savais comment procéder.»

Il a confié cette responsabilité à un ancien collègue de Merrill Lynch, Andrea Orcel, «un vieil ami», comme le mentionne le magazine spécialisé Euro­money. Doté d’une grande ressemblance physique avec son patron, l’Italien, surnommé le «George Clooney de la finance» par le Financial Times, a reçu 25 millions de francs de rémunération différée répartis sur trois ans, compensant ce qu’il aurait touché s’il était resté chez son employeur précédent. Sergio Ermotti a perçu, quant à lui, 10,6 millions de francs rien qu’en 2013.

Bien qu’elle ait agi sous l’emprise de la nécessité, UBS pourrait désormais passer pour une pionnière parmi les grandes banques internationales. «Elle a été la première grande banque d’affaires qui a eu le courage de se couper le bras pour régler son principal problème. D’autres vont suivre», résume Loïc Bhend. Exemple avec la britannique Barclays, qui devrait annoncer ce printemps son retrait de cette activité. Et les rumeurs enflent sur Deutsche Bank, géant allemand d’une taille similaire à celle des deux grandes banques suisses. Principale cause: la chute des affaires dans le négoce des obligations l’an dernier, qui a plombé les résultats des maisons spécialisées déjà aux prises avec une réglementation toujours plus sévère. Or, c’est l’un des domaines dont UBS a décidé de se défaire à l’automne 2012.

La banque a pu aussi asseoir son redressement sur le fait qu’elle n’a pas été désertée. Bien que quelque 10% des avoirs sous gestion soient sortis de la banque entre 2008 et 2010, «nous n’avons perdu que 2% de nos clients», se réjouit Jürg Zeltner, patron de la gestion de fortune hors Etats-Unis. En 2013, les unités spécialisées ont recueilli 54 milliards de francs en nouveaux fonds, élevant la masse sous gestion à 1751 milliards de francs, ce qui la classe en tête de ce marché sur le plan mondial. Elle est même repassée l’été dernier devant Bank of America, qui lui avait ravi la première place pendant la crise. Cette fidélité de la clientèle se remarque aussi en Suisse, où la banque jouit de parts de marché de l’ordre de 20 à 25%, selon le responsable de la division domestique Lukas Gähwiler.

Par conséquent, l’action UBS a affiché l’une des plus fortes progressions de la Bourse suisse. Dans leur majorité, les analystes s’attendent à une poursuite de cette hausse. De même, les indicateurs de risque sont à la baisse. Les primes d’assurance contre les risques de défaut de paiement, les CDS (Credit Default Swaps), figurent parmi les plus basses des grandes banques internationales.

«La direction a compris». Les problèmes sont-ils vraiment tous résolus? «Le loup ne se transforme pas en agneau du jour au lendemain», avertit Michael Rockinger, professeur de finance à l’Université de Lausanne et spécialiste des risques.

En plus des dégâts de la crise financière de 2008, la banque a subi les errements de son trader londonien Kweku Adoboli, dont la découverte en septembre 2011 a entraîné le départ de l’ancien directeur général, Oswald Grübel. Fin 2012, elle a payé 1,4 milliard de francs aux autorités de surveillance financière suisse, britannique et américaine pour avoir participé à la manipulation du taux d’intérêt Libor. L’an dernier, elle soldait un litige portant sur la vente de titres de dettes immobilières américains pour un montant de 828 millions de francs.

Elle est toujours impliquée dans un scandale de manipulation des taux de change parmi plusieurs grandes banques internationales. Les spécialistes s’attendent à ce qu’elle doive, là encore, honorer une amende salée au montant impossible à quantifier. Depuis la fusion en 1998, le total des amendes et des règlements de litiges dépasse 5,8 milliards de francs pour des faits survenus essentiellement entre le début du siècle et 2011. Elle a constitué des provisions de 1,6 milliard de francs pour régler des litiges en cours ou prévisibles.

«La direction actuelle a compris les erreurs du passé et cherche à les corriger», souligne Michael Rockinger. La banque a échappé à une amende de plusieurs milliards en dénonçant des pratiques cartellaires poursuivies par la Commission européenne.

Dans la gestion de fortune, les boulons ont été resserrés à la suite du scandale de l’évasion fiscale qui a éclaté en 2008. Les clients européens ont été priés de se déclarer au plus vite. Aussi, la plus forte progression dans ce domaine ne viendra plus des pays s’apprêtant à instaurer l’échange automatique de renseignements fiscaux. Elle sera générée «avant tout dans les pays à forte croissance en Asie», comme l’indique Jürg Zeltner. Que se passera-t-il si le procès de son prédécesseur Raoul Weil aux Etats-Unis en novembre prochain débouche sur des révélations? La banque rappelle que, pour sa part, le dossier est clos depuis 2010.

Froncements de sourcils. La direction affirme avoir appris de ses erreurs et introduit les garde-fous internes nécessaires. Mais une nouvelle mauvaise surprise reste toujours possible. Aussi certains se demandent où éclatera la prochaine bombe, si elle éclate. «Dans les grandes structures compliquées, dont les employés sont incités à produire les résultats les plus élevés, le risque d’un dérapage reste toujours possible», observe un banquier genevois.

Apparemment, c’est ce que pensent aussi la Finma, le gendarme financier suisse, et nombre d’autorités de surveillance étrangères. Elles exigent que les grandes banques élèvent encore leurs niveaux de réserves, en les ajustant à la taille de leur bilan (le ratio de levier). Cette mesure, qui s’applique depuis plusieurs années aux Etats-Unis, classe les grandes banques suisses parmi les établissements les moins sûrs.

A la fin du troisième trimestre 2013, la Finma a exigé d’UBS un relèvement de 28 milliards de francs de ses actifs pondérés du risque, contraignant la banque à relever ses fonds propres. Ces contraintes ont été revues à la baisse à la fin de l’année: le surcroît d’actifs pondérés du risque a été ramené à 22,5 milliards.

Au rappel de cet épisode, le ton de Sergio Ermotti se durcit: «Ne rendez pas les banques suisses incapables de soutenir la concurrence mondiale avec des mesures réglementaires excessives. Et rappelez aux électeurs suisses les coûts sur leurs hypothèques d’une introduction du ratio de levier. C’est l’entier de l’histoire qu’il faut expliquer, pas seulement une moitié. Nous sommes très différents des banques américaines. On ne peut pas comparer des pommes et des poires. Les règles de contrôle qui leur sont applicables ne correspondent pas à notre réalité, qui va, en plus, bien plus loin que ce qui est imposé aujourd’hui.»

Cet agacement est peut-être dû aussi au fait que «la Finma n’a pas prévenu la direction d’UBS à l’avance, plaçant la banque devant le fait accompli», comme le fait remarquer Loïc Bhend. Le fait est que, en matière de régulation, les banquiers internationaux – pas seulement les dirigeants d’UBS – tiennent moins le couteau par le manche que par le passé. Ils peinent à admettre qu’ils ne maîtrisent pas entièrement l’agenda et que ce dernier leur réserve parfois des surprises.

De manière générale, les analystes financiers, académiciens et autres spécialistes restent perplexes face aux comptes d’UBS, comme devant ceux de toutes les multinationales. Publiées dans des rapports de plusieurs centaines de pages, les données financières sont loin de dévoiler toutes les facettes des activités complexes d’une banque de cette taille. Et c’est une limite du système. Nombre de recoins peuvent cacher des surprises, même pour une direction générale.

Morgue. Une caractéristique de la banque n’a pas disparu avec la crise: une certaine morgue. Même si elle n’est plus reconnue à l’interne, elle est encore largement ressentie, en Suisse du moins, par nombre d’acteurs des marchés et de spécialistes bancaires. Pendant longtemps, UBS a été l’incarnation de la banque où tout cadre devait faire ses preuves comme officier à l’armée. Cet aspect du fonctionnement de l’entreprise a disparu au fil des années 90. Mais il survit au travers d’une certaine raideur dans les communications avec les partenaires en affaires, voire vis-à-vis du public. Ainsi, un banquier genevois regrette qu’«UBS impose ses pratiques aux autres acteurs des marchés, déjà rien que par sa taille massive. Elle gagnerait à se montrer plus modeste.» Il est vrai qu’elle en impose avec 2,5 millions de clients privés, un ménage sur trois, une hypothèque sur cinq et plus de 40% des entreprises qui travaillent avec elle.

Cette puissance réjouit Lukas Gähwiler, le responsable de la division domestique. «Nous n’avons jamais eu autant de succès que ces quatre dernières années. Nos récents prix de “meilleure banque en Suisse” en attestent. Notre capacité d’innovation est illustrée par nos nouvelles applications de  banque par internet et par téléphone mobile», se félicite-t-il face à L’Hebdo.

La crise a permis à UBS de prendre une longueur d’avance sur nombre de ses concurrents: elle est la seule à avoir réglé le cas de sa banque d’affaires et à avoir liquidé le contentieux fiscal avec les Etats-Unis. «UBS présente un cas similaire à celui d’IBM. C’est un géant qui a manqué de disparaître mais qui est en train de se réaffirmer après s’être réinventé», analyse Sergio Ermotti. Car, même si le grand patron paraît engagé dans la bonne direction, il a encore du travail devant lui.

Il doit finir de tirer un trait sur l’héritage de la crise financière. Il doit s’assurer que la banque ne figurera plus systématiquement dans les scandales futurs. Il doit améliorer la culture d’entreprise, pour éviter les dérapages. Et, bien sûr, il doit accroître la profitabilité de sa banque tout en la rendant plus sûre. Des chantiers considérables pour un géant qui a failli s’effondrer en 2008 et qui n’est pas encore totalement sorti de sa convalescence.


Quatre artisans du redressement

Sergio Ermotti
Né à Lugano en 1960, le Tessinois entame sa carrière chez Cornèr avant de rejoindre Merrill Lynch à Zurich, Londres puis New York. En 2005, il entre à la direction de la banque italienne Unicredit et rejoint UBS en 2011.

Andrea Orcel
Le patron de la banque d’affaires est un Italien né en 1963. Après un passage chez Goldman Sachs et Boston Consulting, il entre chez Merrill Lynch, où il accède à la direction générale. Il passe chez UBS en 2012.

Lukas Gähwiler
Ce Saint-Gallois né en 1965 dirige les activités domestiques de la banque depuis 2010. Précédemment, il a fait sa carrière chez Credit Suisse, d’abord dans les activités domestiques, puis dans le secteur du crédit dans la banque privée.

Jürg Zeltner
Ce Bernois né en 1967 est responsable depuis février 2009 de l’ensemble de la gestion de fortune mondiale, à l’exception des Etats-Unis. Entré à l’ancienne SBS en 1987, il a fait l’essentiel de sa carrière dans la banque privée.


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Jeudi, 10 Avril, 2014 - 05:50

Blogs» Politique»
Le futur, c’est tout de suite

L’odeur du fascisme

Quelle relation existe-t-il entre l’annexion de la Crimée et la progression considérable du Front national aux élections municipales françaises?
Guy Sorman

Cette concomitance n’est pas totalement hasardeuse: nous assistons, en Occident, à la renaissance d’une idéologie autoritaire qui place l’Etat au-dessus de la personne et enferme les individus dans une identité obligatoire, de la race, de la langue et de l’histoire imaginaire. Cette idéologie prohibe la différence, la dissidence, l’indifférence. Considérons la Crimée, où 95% de la population aurait voté pour un rattachement à la Russie. Le régime russe qui avait mis en scène ce référendum se dissimule derrière une pseudo-volonté populaire, évidemment unanime: les 5% de refus étaient une concession virtuelle aux minorités non russes de Crimée. (…) Comment ne pas reconnaître dans l’idéologie poutinienne le bon vieux fascisme tel qu’il avait été défini par Mussolini en son temps: «Tout pour l’Etat, tout par l’Etat, rien en dehors de l’Etat.» Mussolini était l’Etat de même que l’est Poutine. Fascisme? On hésite à utiliser ce terme tant il a servi pour la gauche européenne à désigner n’importe lequel de ses adversaires. Ne devrait-on pas réserver l’usage du mot fascisme strictement à ceux qui s’en réclamèrent, il y a bientôt un siècle? Mais le fascisme réel est à la fois daté et une idéologie universelle et intemporelle. Il s’est bien constitué, au XXe siècle, une idéologie singulière qui nie l’individu au nom de l’Etat et qui, simultanément, se réclame du progrès technique. Poutine, à cet égard, peut être considéré comme un fasciste authentique. Devrait-on, de la même manière, considérer que le Front national en France est un parti fasciste? Là encore, on hésite puisque les succès de ce parti ont été consacrés par les électeurs lors d’un scrutin démocratique et transparent. Mais les fascistes historiques aussi avaient conquis le pouvoir par des élections libres: Mussolini, puis Hitler furent élus, une seule fois. L’idéologie du Front national est incontestablement fasciste: dans la France telle qu’on l’imagine au Front national, les Français authentiques, de souche, disposeraient de droits supérieurs à ceux des «résidents venus d’ailleurs»: au Front national, cela s’appelle la «préférence nationale». (…) Ces fascismes russe ou français – et toutes autres manifestations comparables en Europe – ne surgissent pas par hasard, mais dans un contexte qui les rend attractifs pour une fraction significative des peuples en Occident. Ce fascisme, à notre sens, naît du vide qui l’entoure: les peuples, collectivement ou individuellement, éprouvent la nécessité de replacer leur destin personnel sur une scène historique. Sans une narration qui nous dépasse, quel serait le sens de nos vies brèves, de nos heurs et malheurs? De nos malheurs surtout. Le fascisme propose une narration et une solution: il soulage l’individu de sa responsabilité personnelle, il donne du sens à ses malheurs, il offre une rédemption immanente. Le fascisme, comme son jumeau communiste naguère, se nourrit du recul des religions et des idéologies libérales. Le dénoncer ne sert à rien, aussi longtemps qu’une narration alternative ne le concurrencera pas. (…) Pour contrer le néofascisme, devenons plus modernes et plus futuristes qu’il ne l’est. Mais vociférer contre lui n’est d’aucune efficacité.


Blogs» Société»
Bonjour le code (social)!

Politesse et démocratie

Réflexions autour d’une conférence de la sociologue Dominique Schnapper.
Sylviane Roche

Je suis allée écouter une conférence de Dominique Schnapper à Lausanne. (…) Spécialisée dans la sociologie politique, elle est aussi la fille du philosophe Raymond Aron. (…) Quelle n’a pas été ma stupéfaction! Nous étions dix dans un immense auditoire! Pas un sociologue, pas un prof, pas un journaliste, pas un étudiant (si, pardon,une qui se cachait au dernier rang comme prise en faute), et, bien entendu, pas une personnalité politique (…). Mme Schnapper, parfaitement polie, elle, a fait sa conférence devant les chaises vides sans paraître les remarquer, et c’est une partie de ce qu’elle a dit dont je voudrais parler ici. Il s’agissait donc des menaces qui pèsent sur la démocratie, en partant d’une réflexion de son père qui a dit que celles-ci sont dues non seulement aux manquements à la démocratie, mais aussi à ses excès. Et c’est de ceux-ci qu’elle a parlé. (…) Ces dangers sont au nombre de trois: lorsque l’autonomie des citoyens vis-à-vis des institutions, normale en démocratie, se transforme en indépendance (…); lorsque la liberté se transforme en licence, par exemple quand l’exigence d’immédiateté des résultats, caractéristique de notre époque, amène à remettre en question, non l’usage qui est fait des institutions, mais ces institutions elles-mêmes; et enfin lorsque l’aspiration à l’égalité qui est un fondement de la démocratie, se transforme en… semblablitude, néologisme pour éviter l’ambiguïté du mot identité, pris ici non au sens de ce qu’on se sent être, mais d’identique, de semblable. (…) Car dès lors, et c’est ce à quoi on assiste aujourd’hui, toute caractérisation est ressentie comme discriminatoire, toute reconnaissance d’une différence interprétée en termes d’inégalité. Pourtant – et tous les sociologues ont insisté là-dessus – la volonté de distinction est consubstantielle aux sociétés démocratiques égalitaires. (…) En réfléchissant aux propos de Dominique Schnapper, je me disais que son analyse appliquée à la vie publique et à la cité, pouvait très bien convenir à la vie privée. Par exemple le refus de reconnaître certaines différences liées à l’âge, au sexe, à la fonction, à l’expérience, et donc d’avoir pour eux des égards particuliers; cette tendance désolante à ne plus jamais «s’habiller» pour ne pas se distinguer justement, ne pas pêcher contre la sacro-sainte égalité du jeans et du T-shirt couleur de muraille qui aligne tout le monde dans la même laideur monotone (…) Alors une société qui respecte le code des égards, polie au premier sens du terme, serait comparable à la démocratie. Et celle du «j’ai bien le droit de» marcher sur les pieds de la vieille dame pour m’asseoir à sa place ou dire j’aime pas ça à l’ami qui a passé la journée à me préparer un repas, serait une sorte de société dictatoriale où règne le plus fort ou le plus violent. A méditer, non?


Blogs» Economie»
Les non-dits de l’économie

Monnaie vide et monnaie pleine

Sur le lancement d’une initiative pour limiter le pouvoir des banques.
Sergio Rossi

La crise financière systémique éclatée en 2008 au plan global a révélé que les banques sont essentielles pour le fonctionnement (dans l’ordre comme dans
le désordre) du système économique contemporain. Elles émettent en effet les unités de monnaie nécessaires pour le règlement des transactions économiques à travers l’ensemble des marchés. (…) L’émission monétaire n’est toutefois pas suffisante pour assurer que le système économique fonctionne de manière ordonnée. Il est impératif, pour ce faire, que toutes les unités de monnaie émises par le système bancaire (formé par la banque centrale et les banques secondaires du même espace monétaire) soient associées à la production d’un revenu afin d’éviter la formation d’un écart inflationniste (…). L’objectif de l’initiative pour une «monnaie pleine» (Vollgeld) qui devrait être lancée en Suisse prochainement consiste, justement, à empêcher que les banques puissent abuser de leur pouvoir «monétatif», à travers l’octroi de crédits qui font augmenter la masse monétaire (entendez les dépôts bancaires) sans une augmentation équivalente du produit et du revenu national. La solution proposée par les initiants est, toutefois, trop contraignante car elle revient à attribuer uniquement à la banque centrale la capacité d’émettre des unités de monnaie, qui seraient dès lors distribuées aux agents économiques en fonction de leurs besoins (de production et de consommation). (…) Une réforme monétaire moins radicale consisterait à rendre explicite le véritable objet du crédit bancaire, distinguant les crédits qui produisent un revenu nouveau dans l’ensemble du système économique de ceux qui ne font que transmettre un pouvoir d’achat préexistant. (…) Quoi qu’il en soit, l’initiative pour une «monnaie pleine» lance un débat fondamental pour la compréhension de la cause essentielle de la crise financière systémique dont les effets négatifs continuent de sévir dans bien des pays. Elle mérite de ce fait l’attention des décideurs politiques et de l’ensemble des parties prenantes, y compris les banques, qui ont un intérêt certain à la stabilité financière du système économique dont elles tirent leurs profits ainsi que les rémunérations de leurs dirigeants.


Blogs» Politique»
Blog dans le coin

Le Valais à la croisée des chemins

Une série d’articles pour mieux comprendre le «Vieux-Pays».
Vincent Pellissier

Aujourd’hui, de nombreux points d’ancrage traditionnels sont mis à mal. Cette perte de repères met le canton du Valais, peut-être un peu plus que d’autres régions du pays, à un point de bascule. (…) Sans avoir l’ambition d’être exhaustif, je publierai les semaines prochaines dans mon blog une série d’articles passant en revue quelques points saillants mais aussi diverses thématiques plus générales sous l’angle de la «valaisannité». (…) Ces réflexions posées sur un canton particulier, le mien, souffriront évidemment du biais de perception que je peux en avoir. (…) Mais il s’agira tout de même d’une approche croisée: une vision interne, puisque j’y habite, mais également externe, puisque l’occasion m’est souvent offerte de travailler à l’extérieur du Vieux-Pays (appellation d’ailleurs lourde de sens et de préjugés qui mériterait, à elle seule, un article complet). Canton périphérique, montagnard (mais pas que), bilingue, s’appuyant sur une économie touristique et industrielle importante, le Valais est un sujet qui «raisonne» dans tout le pays (…).


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