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Suisse-France: nuages persistants malgré l’embellie

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Jeudi, 3 Juillet, 2014 - 06:58

Analyse. La visite à Berne du ministre français des Finances, Michel Sapin, inaugure une phase apaisée des relations bilatérales. Mais elle ne met pas fin aux escarmouches.

Yves Genier et Michel Guillaume

Le ministre portait des chaussettes roses. Dans l’univers austère de la diplomatie financière, où l’uniforme masculin est inévitablement noir, gris ou bleu marine, comment ne pas prendre cet écart vestimentaire comme un signe de détente? Après des années de tumulte, les relations bilatérales s’apaisent sans être totalement normalisées.

Lors de la visite, le 25 juin, du ministre français des Finances, Michel Sapin, auprès d’Eveline Widmer-Schlumpf, son homologue helvétique, les sourires étaient la règle, l’apaisement la marque dominante du discours des deux délégations. Rien à voir avec l’ambiance crispée de la visite de la conseillère fédérale à Paris en décembre 2012. Entre ces deux événements, la Suisse a renoncé à conclure des accords Rubik, qu’a toujours rejetés la France, et s’est engagée en mai dernier à appliquer l’échange automatique de renseignements fiscaux, le but recherché par Paris depuis des années. «Il ne sert à rien d’avoir des sujets d’irritation entre nous. Depuis un an, nous travaillons avec sérieux et nous voulons obtenir des résultats», a déclaré Michel Sapin à L’Hebdo.

Aussi les deux délégations avaient-elles fait le grand jeu pour ce qui n’était officiellement qu’une visite de travail. Les Français, qui avaient mobilisé un avion gouvernemental, étaient accompagnés de plusieurs journalistes hexagonaux. Le convoi diplomatique qui les a amenés de l’aéroport de Belp au Berner­hof, siège du Département fédéral des finances (DFF), était précédé d’une voiture de police chargée d’ouvrir la voie. Un drapeau français ornait l’avant de la Mercedes aux plaques diplomatiques bernoises transportant le ministre. A l’issue de leur rencontre, les deux responsables gouvernementaux ont signé deux documents devant les journalistes et les caméras de télévision, une déclaration commune sur la poursuite de leur dialogue fiscal et une adaptation de la convention de double imposition (CDI).

Les lignes de fracture subsistent. Rien ne sera entrepris à court terme pour remplacer la CDI sur les successions après que l’existante a été dénoncée par Paris. Pendant la conférence de presse qui a suivi les signatures, des signes d’agacement sont apparus de part et d’autre: le ministre français n’a guère apprécié qu’Eveline Widmer-Schlumpf réaffirme que la Suisse s’en tient à 2017 ou 2018 pour appliquer l’échange automatique d’informations.

900 demandes

Aussi a-t-il lâché devant tous les médias un nombre que Berne aurait souhaité garder dans l’ombre: celui des demandes d’informations sur des comptes bancaires potentiellement non déclarés adressées par Paris à la Suisse. Depuis le début de l’année, il y en a 900, dont 450 en attente de traitement. Le ministre prévoit que ces dossiers seront refermés à la fin de cette année. Les réponses pourraient bien ne pas être toutes positives, insinue-t-on dans l’entourage de la délégation suisse.

La France a obtenu de la Suisse l’échange automatique, qu’elle exigeait depuis longtemps. Elle veut bien, en contrepartie, aider Berne à sortir de la liste grise de l’OCDE en matière de transparence fiscale. Mais elle ne voit pas de raison de lui faire de cadeau. La Confédération voulait lier l’échange automatique d’informations à la question de l’ouverture des marchés financiers. Hors de question pour Michel Sapin: «Il n’y a pas de lien entre les deux questions, qui sont de nature totalement différente.»

Aussi la méfiance réciproque persiste-t-elle. Pourquoi les banques françaises engagées dans la gestion de fortune ne sont-elles pas inquiétées par la justice pour le moment alors que deux établissements basés en Suisse, UBS et HSBC Private Bank, le sont? Le ministre botte poliment en touche: «S’il apparaissait que les mêmes faits étaient reprochés à des institutions françaises, les procédures se passeraient de la même manière et la rigueur serait la même.» On veut bien le croire. Mais il en ressort aussi que les deux pays n’ont pas fini de se tendre des croche-pattes.

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Dronies, les selfies vus du ciel

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Jeudi, 10 Juillet, 2014 - 05:40

Zoom. Les portraits aériens filmés à l’aide de drones se multiplient sur les réseaux sociaux. La législation sur l’usage de ces machines reste encore floue, mais le survol des foules sera interdit dès le 1er août en Suisse.

Camille von Kaenel

Le selfie a vécu. Trop statique, trop vu, trop banal, il cède la place à une pratique beaucoup plus novatrice et décoiffante: le «dronie». Cette appellation désigne un nouveau genre de portraits vidéo réalisés à l’aide de drones télécommandés, qui fleurissent depuis quelques mois sur les réseaux sociaux.

Selon un rituel bien défini, la séquence commence à hauteur du pilote du drone, qui se filme en gros plan, souvent accompagné de parents ou amis. Et puis, très vite, vient l’instant presque magique pour le spectateur: ces quelques secondes où le drone s’envole loin et haut, dévoilant les alentours dans un travelling arrière stupéfiant.

Des centaines de vidéos illustrant la beauté naturelle des paysages, l’univers urbain ou encore des familles dans leur jardin figurent ainsi sur les sites de partage comme Vimeo et YouTube. «C’est le sentiment de liberté et d’apesanteur qui me fascine quand je pilote mon drone muni d’une caméra GoPro, explique Gérard Koymans, président de l’association Air-Shoot Suisse, qui regroupe les passionnés de films aériens en vol radiocommandé. Réaliser des vidéos comme celles que produisaient jusqu’ici les studios hollywoodiens au moyen d’hélicoptères est maintenant à la portée de tout le monde.» «Les drones ne cessent de gagner en popularité, car ils deviennent meilleur marché et donc accessibles à tous», confirme Anne-Marie Mottaz, propriétaire du magasin de modèles réduits volants Multi-Modèles à Genève.

Pour quelques centaines de francs (lire ci-contre), il est ainsi possible d’acheter un drone équipé d’une petite caméra, livré avec une télécommande, et capable de voler en autonomie une dizaine de minutes. A ce prix, il ne faut certes pas s’attendre à des miracles en termes de qualité d’image, mais la prouesse technique n’en demeure pas moins bluffante.

La technologie se développant plus vite que le cadre juridique, un certain nombre de questions liées à la protection de la sphère privée et à la sécurité se posent immanquablement. Pour les possesseurs de drones, il est en effet tentant de filmer en ville ou à proximité des gens plutôt que dans de grands espaces, lieux jusqu’alors privilégiés par les adeptes du modélisme.

Pour l’heure, les drones sont encore soumis aux mêmes réglementations que les autres modèles réduits, comme l’explique Yves Hängärtner, spécialiste des drones à l’Office fédéral de l’aviation civile (OFAC): «Tous les modèles en dessous de 30 kg, des jouets pour enfants aux appareils professionnels, sont libres d’utilisation. Seul le vol près des aérodromes et des installations militaires est réglementé. L’unique obligation pour le pilote consiste à maintenir en permanence le contact visuel avec son drone.»

Ce cadre légal très permissif va toutefois rapidement évoluer dans l’ensemble des pays européens. La Suisse franchira une première étape dès le 1er août prochain: une nouvelle loi interdira le vol de drones au-dessus des foules, sauf dérogation de l’OFAC.

«Il ne faut pas sous-estimer les dangers occasionnés par ces engins, avertit Gérard Koymans d’AirShoot Suisse, qui a déjà réalisé des dronies dans la campagne genevoise. Avec l’association, nous ne volons pas n’importe où. Si le drone tombe, il chute comme une pierre et peut donc causer de gros dommages.»

Législation à faire évoluer

La question qu’on pose le plus souvent à Yves Hängärtner n’est toutefois pas liée à la sécurité générale, mais à la protection de la sphère privée. «Les drones ne peuvent filmer que lorsque les pilotes ont informé et obtenu le consentement des personnes identifiables sur la vidéo, ou que ces dernières ont un autre intérêt prépondérant privé ou public, explique Francis Meier, porte-parole du préposé fédéral à la protection des données et à la transparence. Survoler le jardin du voisin sans autorisation est alors interdit.» Les victimes d’espionnage avec de tels engins peuvent déposer une plainte civile, voire pénale. On ne recense pas encore de cas liés à l’utilisation des drones en Suisse. Le contrôle de la loi est rendu difficile par la discrétion de ces engins.

Les spécialistes s’accordent sur le fait que la législation devra évoluer. «Nous pourrions par exemple réduire la limite de 30 kg pour l’utilisation libre et rédiger des normes spécifiques pour la protection des données, propose Francis Meier. Nous avons été en discussion avec l’Office fédéral de l’aviation civile et avons été entendus par une commission du Conseil national à ce sujet.» Sans attendre la mise en place de nouvelles normes, les adeptes des dronies ont donc l’été devant eux pour réaliser, et diffuser, leurs plus spectaculaires travellings…


 

Débutants
De 100 à 500 francs

A l’instar du modèle X4 de la marque Husban, vendu environ 90 francs, les petits drones (10 à 15 cm de diamètre pour environ 100 grammes) embarquent une caméra intégrée de qualité modeste et sont pour la plupart livrés avec une télécommande. La fonction «first person view», qui permet de guider l’engin en suivant la diffusion en direct sur l’écran de la télécommande, est parfois déjà disponible dans cette gamme de prix.

 

 

Initiés
De 500 à 1500 francs

Un peu plus grands et puissants (20 à 40 cm de diamètre), ces engins, comme le best-seller Phantom de la marque chinoise DJI (environ 500 francs), sont équipés d’un support permettant d’attacher sa propre caméra, telle qu’une GoPro. Capables de voler à plus de 40 km/h, ils disposent généralement d’une fonction «retour au point de départ» en cas de perte de contrôle. Un dispositif de sécurité que les petits modèles ne possèdent pas.

 

 

 

Pros
Dès 1500 francs

Grâce à leurs supports auto­stabilisateurs pour caméras, les drones, tel le X650 de la marque chinoise Xaircraft (environ 5000 francs), permettent une prise de vue sans tremblement. Ils sont souvent utilisés par des professionnels, comme les architectes ou les géologues. Généralement construits en carbone plutôt qu’en plastique, ces engins sont particulièrement légers et puissants. Du coup, certains modèles peuvent facilement atteindre 60 km/h.

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Valais série d'été: César Ritz, le fils de paysan conchard devenu l’hôtelier des rois

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Jeudi, 10 Juillet, 2014 - 05:49

Niederwald. Né dans le petit village de la vallée de Conches, benjamin d’une fratrie de treize enfants, César Ritz a connu un destin exceptionnel. Père de l’hôtellerie haut de gamme, il débordait d’idées et n’avait pas son pareil pour satisfaire les vœux de ses clients les plus prestigieux.

Il faut se rendre à Niederwald, village de la vallée de Conches qui vit naître César Ritz, pour se rendre compte du chemin parcouru par celui dont le nom est devenu célèbre dans le monde entier, un hôtelier qui a réussi à faire rimer son patronyme avec excellence. De sa voix de crooner, Nat King Cole ne chantait-il pas: «When I take my sugar to tea, I’m as ritzy as I can be.» Mais combien d’Américains savaient-ils que c’est le benjamin d’une fratrie de treize enfants, le fils d’un modeste paysan, qui a donné naissance au terme «ritzy», synonyme de luxueux et élégant?

Aujourd’hui, le village qui surplombe la route principale ne paraît pas avoir beaucoup changé. Les maisons en bois brûlé par le soleil se pelotonnent les unes contre les autres. Au loin, on entend la joyeuse agitation du Rhône qui descend fougueusement la vallée. L’auteur de l’ouvrage Les plus beaux villages valaisans décrit l’endroit ainsi: «A voir tous ces toits, on dirait un escalier géant partant à l’assaut des collines. Le village épouse la dépression du terrain, poussant vers l’est la place du village et sa fontaine. A l’ouest, l’église domine timidement l’agglomération montagnarde. Côté sud, en bordure de l’ancienne route, surgissent quelques constructions utilitaires avec leurs granges montées sur pilotis. Ici tout est harmonie, unité.»

Le village comptait une centaine d’habitants lorsque César Ritz y a grandi. Ses parents étaient pauvres, mais pas plus que les autres habitants, se souvient Marie-Louise Ritz, son épouse, dans un livre qu’elle a consacré à son mari en 1948. Le père du petit César était président du village et possédait quelques vaches et quelques chèvres. Le petit César passait l’été à les faire paître à l’orée des bois.

Au départ du village, un parcours de 5 kilomètres, agrémenté de six panneaux qui résument la vie de l’hôtelier, emmène le promeneur à travers les collines environnantes. En cherchant un peu, ou en demandant son chemin, il est également possible de trouver la maison de la famille Ritz. On y accède par un sentier de pierres. L’herbe tente de reprendre ses droits entre chaque caillou. Et c’est une ruelle dont le sol n’est que verdure qui mène au chalet des Ritz. Une plaque sur laquelle sont gravés son nom et son prénom orne la façade sud du chalet de trois étages, construit par le grand-père de l’hôtelier. Les fenêtres sont exiguës et les poutres qui soutiennent le balcon prennent la tangente.

Départ pour la vallée

Marie-Louise Ritz raconte le désir de l’enfant qu’il était: échapper à la vie rude du village, s’en aller de par le monde, au-delà de l’horizon étroit, fermé par un cercle de montagnes. Un ancêtre, Johann Ritz, avait été sculpteur et bâtisseur de célèbres autels. Deux cousins, Lorenz Justin et Raphaël Ritz, étaient des peintres connus. Sa mère rêve d’un avenir brillant pour son cadet. A 12 ans l’adolescent est donc envoyé à Sion pour y suivre l’école. Il est ensuite envoyé à Brigue, pour un apprentissage de garçon sommelier à l’Hôtel des Trois Couronnes et Poste. Comme il ne donne pas satisfaction, le patron le congédie à la fin de l’année en lui assénant une phrase que Ritz n’oubliera jamais: «Vous ne ferez jamais rien dans l’hôtellerie. Il y faut certaines dispositions, un flair spécial et, je dois vous dire la vérité, vous ne l’avez pas!» Il travaille encore au collège des jésuites de Sion, avant d’être renvoyé parce qu’il s’est échappé pour aller voir le carnaval.

Richesse et gloire

Et c’est comme sacristain qu’il officie quelques mois avant de partir tenter sa chance à Paris, où a lieu l’Exposition universelle. Il a 17 ans quand il débarque dans la capitale française. Il y fera rapidement son chemin. Garçon de buffet, portier, sommelier dans un premier hôtel. Puis chef de rang, maître d’hôtel dans le luxueux Splendide. Il y rencontre de hauts personnages qui, plus tard, le prendront sous leur protection. Aux côtés des hôtes royaux se pressent alors les princes de la science, de l’art et de la haute finance. «Il apprit à connaître les goûts des potentats américains. Beaucoup plus tard, quand il possédait lui-même de luxueux hôtels dans la plupart des capitales européennes, il sut merveilleusement satisfaire leurs désirs», se souvient sa veuve.

Il partage ensuite son temps entre la Côte d’Azur en hiver et la Suisse durant l’été, au Rigi Kulm Hôtel. Il monte les échelons, se montre brillant, a toujours une idée d’avance. Selon un de ses biographes, il innove en introduisant le service par petites tables. Il prend la direction du Grand Hôtel National à Lucerne, y organise une fête somptueuse pour les fiançailles de la princesse Caroline de Bourbon. Il va de succès en succès.

Dans les années 1890, il dirigera simultanément jusqu’à dix établissements. Il acquiert un premier hôtel à Baden-Baden, deux autres à Cannes, qui se transformeront en mine d’or. Des amis et clients fonderont la Ritz Hotel Development Company. Les premiers établissements construits sont le Grand Hôtel à Rome, avec une innovation majeure: une salle de bain pour chaque chambre. Puis s’ouvrent le Carlton à Londres, le Ritz à Paris. Et un jour, tout s’arrête. Epuisé et en dépression, le Valaisan se retire des affaires. Il a 52 ans. Il mourra seul, dans une clinique de Küssnacht, après seize ans de maladie. Il repose aujourd’hui au cimetière de Niederwald, aux côtés de son épouse et de son fils. Une unique croix de bois orne leur tombe, pareille à celles des autres villageois.


César Ritz

Né à Niederwald (vallée de Conches) en 1850 et mort en 1918 à Küssnacht (SZ). Fils de paysan qui est allé tenter sa chance à Paris à 17 ans, il est devenu le père de l’hôtellerie haut de gamme et le fondateur des hôtels Ritz-Carlton.


A voir

Gluringen
Fromagerie

Dix paysans de montagne livrent leur lait certifié bio à la fromagerie sise sur la route principale. Un magasin attenant à la fromagerie permet aux amateurs de faire le plein de délicieux produits locaux.
027 973 20 80
www.biogomser.ch

Münster
Chemin culturel

Cette promenade qui mène du village de Münster à celui de Geschinen permet de découvrir une maison païenne, une chapelle, une grange à foin, un four communal et bien d’autres bâtiments intéressants.
027 974 68 68
www.obergoms.ch

Niederwald
Chemin César Ritz

Promenade de 2 heures (env. 5 km) au départ du village natal du célèbre hôtelier. Six panneaux racontent les principales étapes de la vie de ce fils de paysan.
027 974 68 68
www.obergoms.ch

Biel
Pêcher

Pour les amateurs d’omble chevalier, possibilité d’attraper son poisson dans un petit lac (matériel à disposition). Vingt-quatre francs le kilo à l’emporter ou possibilité de le griller sur place (23 fr. le repas).
079 446 68 10
www.obergoms.ch

Oberwald
Train à vapeur

Le train comme au bon vieux temps: tronçon de 4,9 kilomètres d’Oberwald à Realp. Du 7 au 17 août: tous les jours. Du 18 août au 28 septembre: vendredi, samedi et dimanche. Nostalgie et émerveillement garantis.
027 974 68 68
www.obergoms.ch

Blitzingen
Restaurant Castle

Une des nombreuses adresses du petit Gastro guide Goms (offert à l’office du tourisme) qui répertorie les tables de la vallée de Conches. Magnifique vue depuis ce restaurant situé sur les hauteurs.
027 970 17 00
www.hotel-castle.ch

 


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Churchill, les vachers, leurs vaches et leurs cloches exaspérantes
Marguerite Yourcenar et son gourou valaisan
L’hilarante expédition de Mark Twain
César Ritz, le fils de paysan conchard devenu l’hôtelier des rois

 

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Lea Kloos / Keystone / Photomontage L’Hebdo
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Valais série d'été: l’hilarante expédition de Mark Twain

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Jeudi, 10 Juillet, 2014 - 05:50

Zermatt. L’auteur des aventures de Tom Sawyer s’est lancé à l’assaut d’une colline en sept jours. Près de 200 personnes l’ont accompagné dans son expédition «himalayesque»!

Quarante-quatre muletiers et autant de mules, 27 porteurs, 17 guides, 15 barmans, 12 serveurs, 7 vaches, 4 pâtissiers et autant de chirurgiens, 3 aumôniers et un laquais, voici la liste bien incomplète des 205 membres de l’expédition qui prit part à l’ascension du Riffelberg – 2582 mètres d’altitude – un beau jour d’août 1878. Une expédition mise sur pied par Mark Twain en personne. Leurs bagages? Deux mille cigares, 154 parapluies, 143 paires de béquilles, 97 piolets, 29 tentes, 27 tonnelets d’élixir parégorique, 22 tonneaux de whisky et 5 tonneaux de dynamite. Notamment. «C’était la plus imposante expédition qu’ait connue Zermatt», écrit le célèbre écrivain américain, dans son livre Climbing the Riffelberg. Et la plus fantaisiste qu’il eût jamais existé, devrait-on ajouter par souci de vérité.

Perpétuellement partagé entre le réel et l’imaginaire, entre la fidélité au bon sens et le désir d’évasion soudaine dans un monde de fantaisie, entre le témoignage vrai et des inventions grotesques, dérisoires ou absurdes, Mark Twain mit sa technique de l’humour au service du récit autobiographique et parvint à cette étonnante combinaison de réalité et de fiction, écrivait en 1965 Bernard Poli, dans une biographie de 500 pages consacrée à l’auteur. On ne peut que lui donner raison. Et ajouter qu’en parodiant les récits d’expéditions de l’époque, l’un des plus importants écrivains de son temps a livré un récit drôlissime sur l’ascension d’une montagne à vaches. Le héros involontaire de l’histoire étant un âne friand de dynamite.

3 heures en 7 jours

Mark Twain visite la Suisse pour la première fois en 1878. Son voyage l’amène d’abord à Lucerne, puis sur le Rigi, au Kulm Hôtel. Il est amusant de le retrouver dans la biographie de César Ritz, écrite en 1948 par Marie-Louise Ritz, son épouse. «Au Rigi, chaque matin, une demi-heure avant le lever du jour, le vacher rassemblait son troupeau, sonnant de la trompe devant toutes les fenêtres de l’hôtel, encore bien closes. Alors, quel remue-ménage.! Tous les touristes descendaient en hâte, bâillant, à moitié vêtus, pour jouir du spectacle. Tous, excepté ceux qui, tels Mark Twain et son compagnon, dormaient comme des policemen.» Du Rigi, les deux hommes mettent le cap sur Interlaken, puis Kandersteg. Passant par la Gemmi, ils atteignent le Valais et rallient Zermatt où ils débarquent le 27 août. L’auteur passera la première soirée à lire des récits d’ascensions qui l’inspirent. La suite est connue.

Les curieux qui désireraient suivre les traces de Mark Twain commenceront leur périple à l’Hôtel Monte Rosa et le poursuivront par la Kirchstrasse, la Schulmattstrasse, la Luchern­strasse puis la Staldenstrasse jusqu’à la chapelle Winkelmatten. Le chemin qui grimpe à Riffelberg – trois heures de marche – traverse une forêt de pins, d’aroles et de buissons de rhododendrons. Arrivé à Riffelalp, le paysage est splendide. Majestueux, le Cervin contemple les cascades qui se jettent le long des pentes rocheuses de Riffelberg. L’expédition dura sept jours. On savait prendre son temps au XIXe siècle…


Mark Twain

Né en 1835 dans le Missouri, mort dans le Connecticut en 1910, l’écrivain et humoriste américain a commencé sa carrière comme typographe. Il a ensuite été journaliste, correspondant en Europe et auteur, notamment des célèbres Aventures de Tom Sawyer et de celles de Huckleberry Finn.


À voir

Zermatt
Gorges de la Gorner

Pour ceux qui n’ont pas le vertige, impressionnante balade sur des passerelles qui surplombent le vide et la rivière Gorner. Ouvert de 9 h 15 à 17 h 45, tous les jours (entrée payante).
027 966 81 00
www.zermatt.ch

Blatten
Jardin aux plantes Ricola

Pimprenelle, marrube, guimauve, primevère, sureau, thym, voici quelques-unes des treize plantes utilisées dans les fameux bonbons. Les toucher, les effriter, les sentir et les goûter sont un must de la visite.
027 966 81 00
www.zermatt.ch

Zermatt
Chemin Marc Twain

Agréable promenade de Riffelberg à Riffel­alp – sur les traces du grand écrivain américain qui a séjourné à l’Hôtel Riffelberg – soit cinquante minutes de descente. En sens inverse, compter une bonne heure.
027 966 81 00
www.zermatt.ch

 


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Churchill, les vachers, leurs vaches et leurs cloches exaspérantes
Marguerite Yourcenar et son gourou valaisan
L’hilarante expédition de Mark Twain
César Ritz, le fils de paysan conchard devenu l’hôtelier des rois

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Valais série d'été: Marguerite Yourcenar et son gourou valaisan

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Jeudi, 10 Juillet, 2014 - 05:51

Evolène. L’écrivaine française est tombée sous le charme d’un des plus beaux villages de Suisse. Et de Marie Métrailler.

«Je suis restée à Evolène quelques jours de plus que je le pensais, émerveillée par ce pays si immémorialement beau et si secret, dont les traditions et les coutumes n’apparaissent que peu à peu.» Les quelques lignes qu’écrit Marguerite Yourcenar depuis Sierre, ce 27 août 1951, sont adressées à son amie Jenny de Margerie. Plus loin encore, elle lui confie que, voulant coûte que coûte rencontrer l’écrivain autrichien Rudolf Kassner, elle s’est rendue à Sierre, à l’Hôtel Bellevue. L’essayiste y réside depuis cinq ans. «La rencontre si précieuse a donc fini par se faire», écrit-elle encore dans sa lettre, que l’on peut découvrir dans le recueil de ses correspondances intitulé D’Hadrien à Zénon.

Ce même été 1951, elle fait une rencontre plus précieuse encore. Alors qu’elle séjourne à l’Hôtel de la ­­­­Dent‑Blanche, majestueux bâtiment sis à l’extrémité du village, elle fait la connaissance de la tisserande évolénarde Marie Métrailler. «Je considère que cette Valaisanne rencontrée peut-être une demi-douzaine de fois a été un de mes gourous. Elle m’a beaucoup appris, non seulement sur les traditions de son pays, mais encore sur la vie, je veux dire sur la manière d’envisager la vie et de la vivre», confiera-t-elle à son ami écrivain Jean Lambert, une lettre citée dans l’ouvrage de Brigitte Glutz-Ruedin, Sept écrivains célèbres en Valais.

Un héritage

A Evolène, plus d’un ancien se souvient de Marie Métrailler, «une femme de caractère qui n’allait pas à l’église et qui n’aimait pas les curés». Dans l’épicerie du village, Maurice Pannatier, jeune homme de 86 ans, se rappelle l’avoir vue en compagnie de Marguerite Yourcenar et de l’écrivain René Morax. «Ils se promenaient dans le village, passaient du temps à Arbey.» Au cœur d’Evolène, la boutique de la tisserande existe toujours. Célibataire, elle avait élevé son neveu Henri. C’est lui qui a repris le commerce à la mort de sa tante. Il se souvient des conversations des deux femmes: elles parlaient livres et tissage.

Aujourd’hui, c’est l’épouse d’Henri, Odette, qui tient la boutique. On peut y acheter des tissus produits dans la région à l’époque de Marie Métrailler. Elle avait fait construire des métiers à tisser et encouragé les villageoises à produire des étoffes qu’elle leur achetait et vendait. Dans La poudre de sourire*, un livre qui lui est consacré, la tisserande raconte sa rencontre avec Marguerite Yourcenar: «Elle voulait acheter des tissus. La conversation s’est engagée. Elle m’a dit qu’elle écrivait un livre sur l’empereur Hadrien. «Je vous l’enverrai», me promit-elle. Elle a tenu parole! Malgré toute cette intelligence qui éclairait son visage, je m’attendais à une œuvre sympathique, un peu mièvre (…) En le lisant, je me suis assise, le souffle coupé. J’ai été éblouie: une érudition incroyable, un style sans faille, un sens de l’invisible.» Ce qui lui restait de leur conversation? «Le souvenir de sa lucidité (…) une lucidité intuitive assortie d’un jugement, d’une logique rigoureuse, que l’on définit, à tort, de logique masculine… J’entends par là, la logique d’un esprit libre, qu’il soit d’homme ou de femme. Quelle culture, quelle érudition sans pédanterie!» Deux âmes sœurs s’étaient croisées, le temps d’un été.

* «La poudre de sourire». Ed. L’Age d’Homme, 223 p.


Marguerite Yourcenar

Née à Bruxelles en 1903, elle meurt en 1987 aux Etats-Unis. L’écrivaine française, naturalisée Américaine en 1947, est la première femme à avoir siégé à l’Académie française.


À voir

Evolène
Atelier de tissage

Quatre femmes font revivre l’atelier de tissage de Marie Métrailler. Démonstrations tous les vendredis de 15 h 30 à 17 h 30; dès le 5 septembre à 14 h. Stages d’une semaine. Tissus en vente à la boutique Tissage Evolène, rue principale.
027 283 40 00
www.evolene-region.ch

Evolène
Au Vieux Mazot

Raclettes et grillades de viande d’Hérens au feu de bois servies par la patronne, Raymonde, parée du traditionnel costume évolénard. Grande terrasse ombragée. Fermé lundi.
Route Principale
027 283 11 25

Evolène
Musée

Costumes, chapeaux, outils, objets du quotidien: la vie d’autrefois racontée sur trois étages, dans une maison du XVIIIe siècle. Le 15 août, fête de la mi-été avec un grand cortège en habits traditionnels.
027 283 40 00
www.evolene-region.ch

 


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Valais série d'été: Churchill, les vachers, leurs vaches et leurs cloches exaspérantes

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Jeudi, 10 Juillet, 2014 - 05:52

Riederalp. De 1904 à 1913, Winston Churchill a séjourné quatre fois à la Villa Cassel, au-dessus du village, profitant du calme des montagnes pour écrire la biographie de son père, homme politique lui aussi. Il a même failli tomber dans un précipice avant d’être retenu in extremis par une jeune Valaisanne.

«J’ai laissé passer une semaine pour pouvoir te décrire le plus exactement possible l’impression que me fait ce lieu. Il est splendide. Je dors comme une marmotte et je me sens en pleine forme. Les conditions, en effet, sont merveilleuses. (…) Une demeure qui trône sur un gigantesque éperon montagneux de 700 pieds de haut couronnée par les plus célèbres sommets enneigés de Suisse. L’air est pur et le temps est magnifique.»

Voilà les premiers mots que Winston Churchill écrit à sa «très chère maman», Lady Randolph Churchill, en ce 22 août 1904. C’est la première fois qu’il séjourne à la Villa Cassel, au-dessus de Riederalp. Son si cher ami, Sir Ernest Cassel, un banquier anglais que son médecin avait envoyé dans la région, était tombé sous le charme du glacier et de la forêt d’Aletsch. Il logeait alors dans le modeste Hôtel Riederfurka, qui existe toujours. C’est au printemps 1900 que commencèrent les travaux de construction de son étonnante villa de quatre étages. En 1902 déjà, Ernest Cassel put y séjourner pour la première fois.

Féerique apparition

Le temps a passé, les vents rudes ont poli les lourds rochers de granit, mais la Villa Cassel est restée la même, belle et irréelle construction posée dans un écrin de verdure. Amande, mélèze, prairie, émeraude ou encore sauge ou lichen, les différentes teintes de vert s’entremêlent et forment un tapis autour de la blanche bâtisse. Des tourelles et des girouettes se découpent dans le ciel bleu. La façade en maçonnerie massive est revêtue de minces planches de bois, pour imiter un colombage. Patiné par le temps, le cuivre du toit s’est métamorphosé: sa teinte grise est un écho silencieux aux géants de granit qui, au loin, semblent arrêter les nuages.

Un tel tableau se mérite. Aujourd’hui encore, il faut emprunter un chemin de cailloux et de terre, grimper une trentaine de minutes en direction de Riederfurka. Ce n’est qu’après un ultime effort, au sortir d’une pente raide, que le promeneur déjà essoufflé découvre cette demeure de conte de fées.

A l’époque où Winston Churchill séjourna dans la région, l’effort pour atteindre l’endroit était bien plus méritoire. Il n’existait pas encore de téléphérique. Ce n’est qu’en 1950 que ce dernier a vu le jour. C’est donc à pied ou à dos de mulet que les hôtes de la bonne société anglaise parcouraient les quelque 1300 mètres de dénivellation qui séparent Mörel, dans la vallée de Conches, de Riederalp. Clara Nef, une jeune femme originaire d’Appenzell employée à la Villa Cassel, a décrit la scène dans un ouvrage intitulé Au cours de notre temps. «A Brigue, des équipages accueillaient les voyageurs, et à Mörel attendaient les longues colonnes de mulets et les gens pour mener dans les airs les invités, les serviteurs et leurs innombrables bagages.» Churchill transportait avec lui un gigantesque appareil, une machine à écrire préhistorique que les habitants de la région pensaient être une imprimante à billets de banque.

Silence, j’écris!

Dans son ouvrage publié en 1978 et intitulé La Villa Cassel dans le miroir du temps, Ulrich Halder – premier directeur du centre Pro Natura désormais installé dans la demeure – conte une savoureuse anecdote sur Winston Churchill, alors âgé de 30 ans. En ce mois d’août 1905, celui qui deviendra ministre des Colonies quelques mois plus tard séjourne pour la deuxième fois à la Villa Cassel. Il raconte que, comme chaque jour, les vachers de l’endroit arrivent à la Riederfurka pour faire paître le bétail. Soudain, au deuxième étage de la villa, une fenêtre s’ouvre avec fracas, et un monsieur visiblement en colère se met à crier après les vachers dans un anglais élégant. Les vachers, aussi familiarisés que leurs vaches avec ce langage, ne peuvent adresser au furieux monsieur qu’un sourire amusé, ce qui accroît encore l’exaspération de l’Anglais. Les jours suivants, la scène se reproduit chaque matin, et les vachers, manifestement, prennent un malin plaisir à faire enrager cet étrange personnage. Il faudra tout l’art de la négociation d’Ernest Cassel pour les convaincre de remplir d’herbe et de foin les cloches de leur bétail moyennant quelques francs.

Churchill avait apparemment besoin de calme pour lire et écrire. Pour se détendre, ce politicien, qui vivait de son écriture et de ses tournées de conférences, aimait faire de «longues randonnées et de l’escalade dans les collines alentour ou au-dessus du glacier et le soir, bien sûr, quatre parties de bridge et puis au lit», écrivait-il encore à sa mère. On l’imagine jouant et discutant politique dans le salon aux boiseries claires transformé aujourd’hui en salon de thé où il fait bon flâner et déguster de délicieux gâteaux.

Un très long bâton de marche, que l’on peut encore voir et toucher dans la villa, semble avoir appartenu au grand homme. Sur le bois exotique, on peut lire trois lettres: WI.C. L’emportait-il lors de toutes ses excursions? A la fin d’un article du Walliser Volksfreund datant de 1943 et consacré aux séjours de Churchill dans la région, quelques lignes sont consacrées à une anecdote. Occupé à cueillir des rhododendrons, il aurait pu chuter dans un abîme si une domestique n’avait pas été là pour le rattraper. Sans elle, la face du monde eût peut-être été différente…


Winston Churchill

Né en 1874 au Palais de Blenheim (GB), Churchill est mort en janvier 1965 à Londres. Militaire, journaliste, homme politique, écrivain, ministre du Commerce puis de l’Intérieur, il jouera un rôle important comme premier ministre lors de la Seconde Guerre mondiale.


A voir

Riederalp
Villa Cassel

Endroit romantique à souhait, construit par le banquier anglais Sir Ernest Cassel. Chambres de 2 à 3 lits ou de 4 à 6 lits. Parquets et mobilier sont d’époque. L’ancien salon a été transformé en salle à manger.
027 928 62 20
www.pronatura-aletsch.ch

Riederalp
Excursions à thème
Observation de la faune, excursion sur le glacier d’Aletsch ou week-end «le brame des cerfs», le centre Pro Natura propose des activités pour tous. Fête des marmottes: 15 et 29 juillet. Fête Cassel: 10 août. Brunch: 7 septembre.
027 928 62 20
www.pronatura-aletsch.ch

Riederalp
Jardin alpin

A deux pas de la Villa Cassel, découvrir les astucieuses stratégies mises en place par plus de 300 espèces de plantes pour survivre aux rudes conditions atmosphériques.
027 928 62 20
www.pronatura-aletsch.ch

Riederalp
Musée alpin

Appréhender la vie d’autrefois dans un chalet d’alpage de 1606 qui servait de fromagerie. Démonstration de fabrication de fromage (du 16.7 au 6.8, les mercredis de 14 h à 16 h) et de production de beurre (tous les mardis de 14 h à 16 h).
027 928 60 50
www.aletscharena.ch

Riederalp
Chemin Cassel

Balade facile d’une heure autour du Riederhorn. Des panneaux racontent l’histoire de la Villa Cassel et des anecdotes sur le banquier anglais qui venait y séjourner avec ses invités de la bonne société anglaise.
027 928 62 20
www.pronatura-aletsch.ch

Belalp
Pont suspendu

Pont suspendu de 124 mètres de long (à 80 mètres du sol), qui permet de relier Belalp à Riederalp en 5 heures de marche. Frissons garantis!
027 928 60 50
wwww.aletscharena.ch

 


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Churchill, les vachers, leurs vaches et leurs cloches exaspérantes
Marguerite Yourcenar et son gourou valaisan
L’hilarante expédition de Mark Twain
César Ritz, le fils de paysan conchard devenu l’hôtelier des rois

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Valais: série d'été, dans les pas de...

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Jeudi, 10 Juillet, 2014 - 05:53

Evasion. Quoi de mieux pour découvrir une région que de chausser les lunettes de personnages illustres du passé qui y sont nés ou y ont vécu des moments essentiels de leur destin? Nous sommes partis en balade sur leurs traces pour retrouver le supplément d’âme qu’ils nous ont laissé en cadeau. A vous le tour!

Textes: Sabine Pirolt
Photos: Lea Kloos

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Churchill, les vachers, leurs vaches et leurs cloches exaspérantes
Marguerite Yourcenar et son gourou valaisan
L’hilarante expédition de Mark Twain
César Ritz, le fils de paysan conchard devenu l’hôtelier des rois


Valais 10 juillet – Fribourg 17 juillet - Genève 24 juillet – Neuchâtel 31 juillet - Jura 7 août – Berne 14 août

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Les traders, la tribu qui tient le monde entre ses mains

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Jeudi, 10 Juillet, 2014 - 05:55

Critique. Qu’ils négocient le pétrole dans leur coin ou qu’ils dirigent des empires comme Glencore, les traders en matières premières dictent leurs conditions en dépit d’une activité toujours
plus réglementée.

«Les négociants en matières premières peuvent apparaître chouchoutés, et même paresseux. (…) Mais dès qu’il s’agit de passer à l’action, toute leur perspicacité et leur caractère indomptable se révèlent. Les contrats qu’ils négocient sont si mal régulés, pour le moment du moins, que l’argent adroitement combiné à leur talent crée encore aujourd’hui des occasions irrésistibles.»

Cette tribu pour le moins étrange, la journaliste américaine Kate Kelly l’a explorée. Du trader solitaire qui achète et vend son pétrole depuis sa maison de vacances dans le Lubéron aux dirigeants du géant Glencore, sur les rives du lac de Zoug, en passant par les bureaux de la Commodity Futures Trading Commission (CFTC) à Washington, le régulateur américain en charge de poser des règles à ce monde sulfureux.

Reporter à la chaîne de télévision financière CNBC après avoir écrit dans le Wall Street Journal, Kate Kelly a pu pénétrer cet univers d’ordinaire très rétif à la lumière et à la publicité. Elle y a découvert des individus au caractère bien trempé, qui ne craignent pas de sortir de la norme, dans leur comportement aussi bien individuel que professionnel. «Ils peuvent passer la moitié de leur été en Provence ou à Nantucket (île du nord-est des Etats-Unis servant de villégiature chic, ndlr), travailler à distance depuis un terminal Bloomberg pendant qu’une nounou s’occupe de leurs enfants. Ils peuvent rendre insignifiante une très sérieuse réunion avec des investisseurs en parlant d’arts martiaux, déplacer un rendez-vous important quelques jours avant, refuser de suivre les marchés, voire se montrer si occupés à chasser le tétras en Norvège qu’ils ne peuvent pas répondre à des questions sérieuses sur les cours du pétrole», remarque ironiquement l’auteure, qui a assisté à l’ensemble de ces cas de figure.

De la gloire à la chute

La journaliste s’est-elle laissé emballer par les fortes personnalités peuplant cet univers haut en couleur qui met le reste du monde sous pression? Tout en conservant ses distances, elle en décrit les nombreuses facettes, insistant sur les personnalités les plus emblématiques.

Ainsi, celle du Français Pierre Andurand qui, à la tête de sa petite société de trading BlueGold à Londres, s’est illustré par une maîtrise impressionnante de ses nerfs pour sortir vainqueur. Au printemps 2008, cet ancien trader du géant pétrolier Vitol à Singapour parie sur une baisse des cours du pétrole. Pourtant, les prix ne cessent de grimper pour atteindre un pic historique en juin de cette année-là. Le Français attend alors que les cours inversent leur tendance, ce qui se produit, à vitesse accélérée, au second semestre. Puis il vend tout à la veille de Noël, empochant au passage un pactole qui l’inscrit parmi les spéculateurs les plus notoires.

Le même connaît un sort tout autre trois ans plus tard, lorsqu’il parie à la hausse, cette fois, et que le marché prend la direction opposée. En un mois, en mai 2011, la valeur de son fonds investi en contrats futures pétroliers chute de 23%, mettant de nouveau ses nerfs à rude épreuve. Cela ne l’empêche pas de célébrer son mariage avec un mannequin russe à Saint-Pétersbourg. Mais un an plus tard, confronté à des pertes qui s’additionnent, il ferme brusquement sa société à la fureur des investisseurs qui lui avaient fait confiance, part en vacances, puis en ouvre une nouvelle l’automne venu.

Un bras armé contre les abus

Ce sont des actions de ce type qui conduisent, poursuit le livre, les entreprises à l’autre bout de la chaîne à s’armer de précautions, comme la compagnie américaine Delta Airlines, grosse consommatrice de kérosène, contrainte de se prémunir contre les trop fortes variations de prix. Ce sont elles, aussi, qui amènent l’autorité américaine de surveillance du négoce des matières premières, la CFTC, à passer à l’action.

D’une petite administration créée dans les années 70 dotée d’une faible autorité, un nouveau patron, Gary Gensler, en a fait un solide bras armé contre les abus dès l’éclatement de la crise financière de 2008. C’est ainsi que Gensler a cloué le sénateur démocrate Carl Levin – celui qui a tant critiqué les banques suisses – en répondant par un déterminé «oui» à la question apparemment basique: «Est-ce que la spéculation affecte les prix?» Il démontrait une résolution qui tranchait avec les réponses alambiquées que ses prédécesseurs avaient livrées pendant des décennies.

Les abus et les travers des traders de matières premières sont racontés de la même manière que leurs succès et actes d’héroïsme (pour certains): comme un récit qui ne juge pas mais constate les actions et leurs conséquences. Le lecteur est assez grand pour en tirer les conclusions qu’il jugera nécessaires.

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L’atout femme de Matteo Renzi

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Jeudi, 10 Juillet, 2014 - 05:56

Trajectoire. Le nouveau président du Conseil italien a l’intention de secouer son pays et de séduire l’Europe. Pour y arriver, il compte aux Affaires étrangères sur une ministre de 41 ans plutôt novice en politique: Federica Mogherini. Walter Mayr

«Allons au bar», propose d’entrée la ministre. Aussitôt dit, aussitôt fait: Federica Mogherini, chevelure blonde et collier de perles discret, s’approprie une table et décoche un sourire au serveur. Diplômée en sciences politiques, mariée, deux enfants, elle dirige la diplomatie italienne depuis février. Il y a trois semaines, on parlait d’elle pour succéder à Catherine Ashton au poste de cheffe de la diplomatie de l’UE.

Elle a beau compter deux ans de plus que son patron, Matteo Renzi, elle reste néanmoins la plus jeune ministre des Affaires étrangères d’Italie depuis le comte Galeazzo Ciano, gendre de Mussolini. «Normal, dit-elle, on ne peut pas exiger d’une part un changement de génération et, de l’autre, une expérience professionnelle de quarante ans.» Jeune, féminine, factuelle, Federica Mogherini incarne ce que l’infatigable réformateur Renzi veut réaliser pour extirper la politique italienne de sa paralysie. Aux élections européennes de mai, les Italiens ont été 40,8% à lui faire confiance. Parmi les sociaux-démocrates du Parlement européen, les Italiens forment désormais le groupe le plus fort.

Depuis février, Federica Mogherini essaie de montrer que Matteo Renzi n’a pas pris de risque en tablant sur elle, que c’est à tort qu’on l’a qualifiée d’immature pour le poste: «Immature? Pour une femme de mon âge, c’est un compliment.» Même si Renzi est fier d’avoir constitué un gouvernement respectant scrupuleusement la parité hommes-femmes, elle ne se considère pas comme une créature de quotas. Depuis le 1er juillet, quand Rome a repris la présidence tournante de l’UE, elle s’investit pour trouver des réponses au succès croissant des partis eurosceptiques, des remèdes à la tragédie des réfugiés en Méditerranée, des recettes contre les conflits au Moyen-Orient.

Comme n’importe qui

La ministre italienne soigne depuis longtemps ses contacts avec les démocrates américains, ce qui ne plaît pas à tout le monde: dans un éditorial, le Corriere della Sera lui reproche son «obamisme» et une diplomatie molle. Mais elle se rebiffe: «Nous défendons les mêmes positions que les Etats-Unis. La politique d’austérité doit s’accompagner d’une flexibilité accrue pour permettre la croissance.» On ne saurait en tout cas lui reprocher de manquer d’énergie: à peine installée dans son bureau de la Farnesina, elle s’était déjà entretenue avec Catherine Ashton, John Kerry, Sergueï Lavrov et Laurent Fabius sur l’Ukraine, la Libye, la Syrie et l’Afghanistan. La photo où on la voyait poser à côté de Yasser Arafat a depuis longtemps disparu de son blog, de même que ses critiques à l’encontre de Matteo Renzi à fin 2012: «Il ferait bien de prendre des leçons en matière de politique étrangère.»

Fille du réalisateur de cinéma Flavio Mogherini, elle a d’abord milité dans les rangs de Sinistra giovanile, contre l’apartheid, la discrimination des femmes et l’armement nucléaire. Dès 2003, elle a travaillé dans l’appareil du parti, section affaires étrangères, puis a été élue députée en 2008 sur la liste du Parti démocratique. Elle tente de poursuivre une vie simple et n’hésite pas à se promener dans son quartier de Prati, proche du Vatican, «comme n’importe qui». En voyage de travail, elle opte pour la classe économique et se contente, en guise de repas, du piteux sandwich au fromage emballé de cellophane: «J’essaie de changer aussi peu que possible ma vie.» Reste à voir si elle saura servir d’exemple à la Farnesina, le siège des Affaires étrangères construit par Mussolini, avec ses 6 kilomètres de couloirs, ses 1300 pièces, ses ambassadeurs immensément mieux payés que leurs collègues européens mais un budget qui maigrit comme peau de chagrin.

© «Der Spiegel»
Traduction et adaptation Gian Pozzy


Federica Mogherini
Née le 16 juin 1973, diplômée en sciences politiques, la jeune femme a milité au sein de Sinistra giovanile avant d’être élue députée en 2008 sur la liste du Parti démocratique. Le 22 février dernier, elle est nommée ministre des Affaires étrangères du gouvernement Renzi.

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Jérôme Cosandey: "Dans une gérontocratie, réformer la prévoyance vieillesse est aussi facile que transformer un boucher en végétarien."

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Jeudi, 10 Juillet, 2014 - 05:57

Interview. Dans son nouvel ouvrage, le responsable de la prévoyance à Avenir Suisse propose des solutions pour réduire l’injustice entre les générations. Audacieux.

Montrer la richesse des liens et des défis entre les générations, c’est l’intention de l’ouvrage intitulé Vers un nouvel équilibre entre les générations. Propositions pour une société qui vieillit. Ce livre, qui sort jeudi 10 juillet, est le résultat d’une année et demie de recherches, d’une quarantaine d’interviews et de contributions de spécialistes. L’une des  idées fortes de cet opuscule est la création d’une nouvelle assurance obligatoire pour financer son EMS. Elle risque de faire grincer des dents.

Vous parlez d’injustice entre les générations. En quoi la situation est-elle différente d’il y a trente ans?

La différence se situe au niveau de l’espérance de vie. Elle augmente de trois à quatre heures par jour. Auparavant, nous avions un arbre généalogique cossu, avec au mieux trois générations et beaucoup d’enfants. Aujourd’hui, nous pouvons représenter la population de notre pays par un bambou: quatre générations vivent en même temps, et les enfants se font rares. Avec l’arrivée des baby-boomers à la retraite, les choses changent. Alors que le bourrelet (les actifs) était au-dessous de la ceinture, il est maintenant passé au-dessus. Aujourd’hui, 3,5 actifs financent un retraité. En 2030, ils seront 2,2 et en 2050, 1,9.

Si le système AVS ne change pas, vous pronostiquez, de 2010 à 2030, un déficit cumulé de 55 milliards. Vous aimez peindre le diable sur la muraille?

Ce sont les chiffres de l’OFAS, et cela dans un scénario non pessimiste. Ces milliards, ce sont des dettes que nous transmettrons aux générations futures. A ces dettes cachées s’ajoutent des dettes déjà existantes: 175 000 francs par enfant en 2011. L’AVS n’est pas le seul futur défi: le financement des soins aux personnes âgées est un plus grand chantier encore.

Donnez-nous quelques chiffres pour mieux saisir ce qui nous attend.

En 2015, la Suisse comptera pour la première fois davantage de personnes qui fêteront leurs 65 ans que leurs 20 ans. Les gens qui ont 80 ans et plus sont ceux qui auront le plus fort taux de croissance. Aujourd’hui, ils sont moins de 5%. En 2050, ils seront 12%. Les centenaires, eux, passeront de 1500 en 2013 à 42 000 en 2050. Dans les pires pronostics, le nombre de personnes âgées qui auront besoin de soins augmentera de 86% de 2010 à 2030. Comme les coûts de la santé explosent dans les dernières années de vie, et vu que les primes d’assurance maladie sont indépendantes de l’âge, le transfert des sommes versées par les jeunes aux vieux représentera 13,4 milliards de francs en 2030.

Certains accusent le système des prestations complémentaires (PC) de pénaliser ceux qui épargnent et d’encourager les retraités à dépenser leur fortune avant leur entrée en EMS. Quelle serait la solution?

Ceux qui paient ne sont en effet pas ceux qui profitent. Un tel système conduit à un déséquilibre entre les générations; 39% des résidents en EMS touchent d’ailleurs des PC. Soit, pour 2012, 1,5 milliard de francs. Pour éviter que ces frais ne soient portés que par les gens actifs, c’est-à-dire soit par leurs impôts soit par les cotisations de la caisse maladie, il faut trouver de nouvelles solutions. Avenir Suisse propose un nouveau financement des soins pour les personnes âgées: dès 55 ans, chaque personne devrait verser une prime mensuelle sur un compte épargne individuel.

Encore une prime à payer!
A combien s’élèverait-elle?

A 285 francs au total. En vingt-six ans, le capital accumulé s’élèverait à 134 000 francs, ce qui correspond au prix moyen d’un séjour en EMS, sans hôtellerie. De cette somme, 130 francs couvrent des frais aujourd’hui pris en charge par la caisse maladie. Les primes de cette dernière pourraient être réduites en conséquence. Un allègement fiscal permettrait aussi d’atténuer la charge du montant restant.

Comme la nouvelle prime ne serait payable qu’à partir de 55 ans, ce système déchargerait massivement les jeunes et les familles. Le capital accumulé pourrait être utilisé pour des soins à domicile ou un séjour en EMS. L’argent non dépensé pourrait être hérité, ce qui encouragerait les proches à prendre soin de leurs parents dépendants.

Et les gens plus modestes?

Comme aujourd’hui pour les primes maladie, les personnes qui ont moins de moyens seraient soutenues par la collectivité.

Pour en revenir à l’AVS, à quel âge faudrait-il fixer la retraite?

Rehausser l’âge de la retraite est un double levier pour assainir les finances de l’AVS. D’une part, on cotise plus longtemps et, d’autre part, la durée des rentes diminue. La Suisse ayant l’espérance de vie la plus haute du monde, cela paraît légitime de reculer le moment auquel les gens cessent de travailler. Mieux encore, il faudrait, comme en Suède, abolir l’âge légal de la retraite. Celui qui travaille plus longtemps reçoit une rente plus élevée.

Quels sont les atouts des séniors dans le monde du travail?

Ils connaissent très bien les produits, les clients, les processus internes et les fournisseurs. En plus, selon diverses études, beaucoup aimeraient continuer de travailler, pour autant que les conditions soient ajustées à leur situation, soit ne plus devoir trimer à 200%, subir moins de pression, et être en mesure d’avoir une meilleure maîtrise de leur emploi du temps.

Mais, comme vous le dites dans votre livre, en Suisse, deux tiers des entreprises n’embauchent jamais d’employés de plus de 58 ans.

Ce sera un défi important, pour les employeurs comme pour les employés, de définir de nouveaux modèles de travail qui remplissent ces nouvelles conditions. Le manque de personnel qualifié, qui risque de s’accentuer après la votation du 9 février, est une forte motivation pour innover dans ce domaine. Même si bien des entreprises redécouvrent ce potentiel de main-d’œuvre, nous en sommes au berceau du travail sénior.

Vous évoquez le risque que les jeunes refusent de payer pour les vieux.

Au sein de la famille, il n’y a aucun danger. Les liens y restent très forts. Par contre, au niveau étatique, les gens seront de moins en moins prêts à payer toujours plus dans des récipients toujours plus anonymes et insaisissables. Les citoyens risquent de ne plus soutenir les réformes qui exigent plus d’impôts, plus de TVA ou plus de cotisations salariales.

Vous parlez de gérontocratie. Mais les jeunes n’ont qu’à aller voter!

Même si tous les jeunes allaient voter, ils seraient toujours une minorité par rapport aux 50 ans et plus. En 2013, ces derniers représentaient 50,7% de l’électorat potentiel. Selon le scénario moyen de l’OFS, cette part augmentera d’environ 0,5% chaque année. Dans une telle gérontocratie, réformer la prévoyance vieillesse est aussi facile que transformer un boucher en végétarien.

Un poids énorme repose sur les épaules des 40-60 ans, qui s’occupent de leurs enfants et de leurs parents. Avez-vous des chiffres?

Ce sont surtout les femmes qui se trouvent confrontées à deux défis dans leur vie professionnelle: le premier quand elles s’occupent de leurs enfants en bas âge, le deuxième lorsque leurs parents ont besoin de soins. Plus de la moitié des femmes actives réduisent leur taux d’activité pour s’occuper de leur père, de leur mère ou de leurs beaux-parents. Et 16% renoncent carrément à toute activité.

Et les hommes?

Ils s’engagent aussi, mais sous une autre forme. En famille, ils s’occupent plus de tâches ponctuelles: payer les factures, remplir la déclaration d’impôts, tondre le gazon. Laver les cheveux, remplir le frigo, nettoyer la cuisine sont des corvées régulières effectuées plutôt par les femmes. Si on veut garder la même intensité de soins par les proches, vu le vieillissement de la population, il faudra une plus forte participation des hommes dans ce soutien informel.

Et s’ils refusent?

Nous aurons à coup sûr besoin de plus de soignants professionnels. Cela ne coûtera pas forcément plus cher. Aujourd’hui, les soins bénévoles ont aussi un coût, à savoir les pertes de salaire engendrées par les réductions du temps de travail. En confiant ces tâches à des professionnels, nous rendrons visible une économie cachée.

Le monde du travail est-il en train de s’adapter à cette prise en charge de plus en plus importante?

Cela commence. A Bâle, l’industrie pharmaceutique aide ses employés à organiser les soins de leurs parents. Une solution serait d’annualiser le temps de travail ou de favoriser le télétravail.

Au fait, quels efforts les personnes du 4e âge pourraient-elles fournir?

Elles ont moins de ressources pour aider activement leur entourage. Par contre, tous les efforts qu’elles mettent en place pour être autonomes contribuent au contrat de génération. Sans parler des dons et des héritages. Et, au fait: ne pas se plaindre est déjà une très belle contribution…


Jérôme Cosandey

Né en 1970, ce Neuchâtelois a grandi à La Chaux-de Fonds, obtenu un doctorat en mécanique et en sécurité nucléaire à l’EPFZ et un master en histoire économique internationale à l’Université de Genève. Il a travaillé en Inde pour le Boston Consulting Group, puis comme cadre à l’UBS. Depuis 2011, ce père de famille est chef de projet à Avenir Suisse, où il s’occupe notamment de l’évolution des besoins de réforme de la prévoyance vieillesse et des soins aux personnes âgées. Pour son nouvel ouvrage, il a collaboré avec Martin Eling, François Höpflinger et Pasqualina Perrig-Chiello.

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La chronique de Werner De Schepper: pour avoir le passeport rouge, dites bonjour!

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Jeudi, 10 Juillet, 2014 - 05:57

Aïcha a 47 ans. Aïcha a cinq enfants. Deux de ses fils ont terminé un apprentissage avec succès. Un autre est mort en 2001. Aïcha vit à Erlinsbach, près d’Aarau. Ses deux filles sont intelligentes et fréquentent l’école à Aarau. Aïcha vit en Suisse depuis vingt et un ans. Avec son mari et ses fils, elle a fui le Pakistan. Parce qu’ils font partie d’une minorité musulmane d’Inde qui, à la manière des chrétiens, croit que le Messie est déjà venu.

Après des années d’attente, Aïcha et sa famille ont finalement vu leur statut de réfugiés reconnu. Il y a quelques années, le mari a fait un infarctus. Aïcha touche l’aide sociale, à l’instar de beaucoup de mères élevant seules leurs enfants, et fait des ménages à temps partiel. A ses yeux, c’est clair: «Je n’ai plus rien à voir avec le Pakistan, je veux devenir Suisse.»

Dans un premier temps, elle a échoué à l’examen d’allemand et d’instruction civique. Elle a appris et, à son deuxième essai, réussi l’examen de naturalisation. Mais le village a rejeté une deuxième, puis une troisième fois sa requête. Ce n’est que lorsque le canton insista sur le fait qu’avec ses enfants bien intégrés Aïcha remplissait objectivement tous les critères de naturalisation, que sa demande fut soumise une quatrième fois, fin juin, à l’assemblée de commune.

Ce qui se passa ce soir-là est une leçon. Pas de démocratie, mais de populisme. Par 124 voix contre 22, Aïcha a été dénaturalisée en bonne et due forme, exclue de la communauté villageoise.

Et voici quels furent les arguments proférés à l’assemblée de commune:

Reproche numéro 1: les filles ont manqué une fois la fête des écoles d’Aarau, le traditionnel cortège folklorique de mai, car leur frère se mariait ce jour-là. Pour les gens d’Erlinsbach, c’est évident: comportement non-suisse.

Reproche numéro 2: Aïcha s’était plainte auprès du comité du carnaval local, parce qu’elle ne trouvait pas drôle d’être la cible des moqueries du journal de carnaval. Devise: qui prétend devenir Suisse doit trouver drôles les blagues de carnaval.

Reproche numéro 3, le plus grave: Aïcha est récalcitrante, elle veut à tout prix devenir Suisse. Or, l’assemblée de commune l’a déjà refusée à trois reprises. Le peuple d’Erlinsbach ne veut pas d’elle. Point. Mais non, elle ne renonce pas, elle ne veut pas comprendre qu’on ne puisse pas obtenir de force le passeport rouge à croix blanche. Le maire d’Erlinsbach commente dans Blick: «Les citoyens n’apprécient pas qu’elle réessaie sans cesse.»

Ce n’est donc pas une blague si, dans ce quotidien, le maire d’Erlinsbach justifie comme suit le quatrième refus: «Les gens la trouvent revendicatrice.» Et en guise de preuve ultime qu’Aïcha ne mérite pas d’être naturalisée, l’élu UDC ajoute: «Elle ne dit pas bonjour dans la rue.» Adieu passeport suisse! Quant à nous, nous le savons désormais: les vrais Suisses saluent toujours dans la rue. Ou avez-vous un jour constaté que ce n’était pas le cas?

werner.deschepper@ringier.ch

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L’empire Jay-Z

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Jeudi, 10 Juillet, 2014 - 05:58

Trajectoire. La légende du hip-hop de 44 ans est également à la tête d’un véritable conglomérat économique. Une fibre entrepreneuriale qu’il a développée lorsqu’il vendait du crack dans les rues de Brooklyn.

Julie Zaugg New York

Jay-Z est l’artiste hip-hop le plus connu de sa génération. Il a non seulement écoulé 67 millions d’albums sur le plan mondial, mais il a aussi placé plus de disques en tête du Top 50 qu’Elvis Presley. Et, toujours sous ses airs taciturnes, ce natif de Brooklyn âgé de 44 ans dissimule également un gigantesque empire économique. Celui-ci comprend une marque de vêtements (Rocawear), une chaîne de sports bars (40/40), un gastropub au cœur de Chelsea (The Spotted Pig) et une chaîne de cosmétiques pour peaux noires (Carol’s Daughter).

Sans oublier une multitude de partenariats, avec des marques comme Budweiser, HP, Reebok ou Samsung. On retrouve même son nom sur une montre Audemars Piguet. Cet entrepreneur autodidacte, qui compte parmi ses amis le financier Warren Buffett, a en outre facilité la venue à Brooklyn du tout nouveau centre sportif Barclays Center et de l’équipe de basket des Nets, dans lesquels il détenait une part minoritaire jusqu’à l’automne dernier. Forbes estime sa fortune à 520 millions de dollars.

Le sens des affaires

«Jay-Z a révolutionné le lien entre le hip-hop et l’argent, estime Travis Gorsa, un sociologue de l’Université Cornell qui donne un cours sur le hip-hop. Avant, les artistes gagnaient leur vie en vendant leurs albums. Lui, il utilise ses disques comme un produit d’appel pour écouler les produits – vêtements, baskets, cognac, notamment – associés au style de vie promu par sa musique.» Il a même cherché à déposer un copyright sur le nom de sa fille, Blue Ivy, née en 2012.

Dans son autobiographie, Decoded, le mari de Beyoncé raconte comment, un jour à la fin d’un concert, il s’est rendu compte que tout le monde dans le public portait la même marque obscure de vêtements que lui, Iceberg. «J’ai compris que nous influencions directement leurs ventes, écrit-il. Nous avions donné une histoire à la marque. Le hip-hop transforme tout ce qu’il touche, lui prêtant ses valeurs de subversion, de débrouillardise, d’audace et même de danger.» Il décide alors de lancer sa propre ligne de vêtements, Rocawear, en 1999. Aujourd’hui, elle rapporte près de 700 millions de dollars par an.

Ce flair pour les affaires, Jay-Z l’a développé alors qu’il s’appelait encore Shawn Carter. Elevé avec ses trois frères et sœurs par une mère célibataire, il a grandi dans une cité de Bedford-Stuyvesant, l’un des quartiers les plus mal famés de Brooklyn. Il n’a pas terminé l’école, préférant passer son temps à vendre du crack dans la rue ou à participer à des combats de MC’s. «Il s’est toujours perçu comme un entrepreneur, même quand il trafiquait de la drogue, indique Christopher Jackson, l’éditeur de son autobiographie. L’épidémie de crack des années 80 et 90 a permis à toute une génération de jeunes de se faire pas mal d’argent et d’apprendre, sur le tas, à faire des affaires.»

Garder le contrôle

Ce parcours de vie l’a aussi rendu farouchement indépendant. «Il n’a jamais voulu être un simple salarié, souligne Christopher Jackson. Il a toujours voulu conserver le contrôle sur sa carrière et être rémunéré à sa juste valeur pour son travail.» Lorsque le mythique label Def Jam lui propose un contrat en 1995, il refuse, préférant créer sa propre maison de disques – Roc-A-Fella Records – avec deux amis. «Je n’ai jamais eu besoin d’obtenir l’approbation des gardiens du temple de l’industrie car, dès le début, je suis arrivé dans le jeu comme un entrepreneur», développe-t-il encore dans son autobiographie.

En 2008, il a conclu un partenariat inédit avec l’organisateur de concerts Live Nation, qui lui a fourni 150 millions de dollars pour monter une agence, appelée Roc Nation, qui gère la carrière d’artistes comme Rihanna, Shakira ou Kylie Minogue et, depuis avril 2013, de stars du basket ou du baseball. «Les artistes noirs ont de tout temps été expropriés de leur musique par des hommes d’affaires blancs, glisse Christopher Jackson. Le parcours de Jay-Z représente une sorte de vengeance face à cette exploitation.»

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Prince Williams / Getty Images
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Jusqu’où ira la spirale de violence en Israël?

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Jeudi, 10 Juillet, 2014 - 05:59

Reportage. L’enlèvement et le meurtre de trois étudiants israéliens par des activistes palestiniens ont été vengés par l’assassinat d’un adolescent palestinien. Dans les deux camps, des extrémistes mènent une dangereuse politique jusqu’au-boutiste.  Les tensions se sont durcies après d’intenses tirs de roquettes palestiniennes vers le sud d’Israël.

Julia Amaya Heyer Hébron

Hussein Abou Khdeir, 48 ans, a appris il y a trois heures à peine la mort de son fils, enlevé et brûlé vif (selon l’autopsie). Le matin de ce mercredi-là, avant même l’heure de la première prière, Mohammed, 16 ans, était assis devant la maison à boire le thé quand une Hyundai blanche s’est arrêtée, deux hommes en sont sortis et l’ont poussé dans la voiture avant de redémarrer. Propriétaire d’une boutique d’articles électriques, Hussein Abou Khdeir a enregistré la scène sur une vidéo de surveillance. Il en est sûr, c’est un acte de vengeance: «Œil pour œil, quelle folie!»

Non loin de la maison de l’électricien située à Jérusalem-Est, trois familles israéliennes pleurent leurs fils, Eyal Yifrach, Naftali Fraenkel et Gilad Shaer. Tous trois étudiants dans une école talmudique en Cisjordanie, ils ont été enlevés le 12 juin alors qu’ils faisaient du stop dans les territoires occupés. La voiture dans laquelle ils sont montés était celle de leurs meurtriers. Il a fallu presque trois semaines pour retrouver leurs dépouilles dissimulées près d’Hébron.

«Il n’y a pas de différence entre sang et sang. Un meurtre est un meurtre, peu importe l’âge et la nationalité. Il n’y a pas de justification pour ça, pas de pardon», écrit Rachel Fraenkel, la mère de l’un des étudiants tués, quand elle apprend le sort du jeune Mohammed.

Inqualifiables, ces actes ont mis en route une spirale de vengeance, attisant les vieilles haines réciproques. Les deux camps pleurent leurs morts. Et les instrumentalisent à des fins politiques.

Tandis qu’Israël espérait encore revoir les trois étudiants vivants, l’armée a lancé en Cisjordanie sa plus grande opération militaire depuis la fin de la deuxième intifada. Des centaines d’hommes ont été arrêtés, des installations du Hamas détruites et six Palestiniens tués: une punition collective. Les services de renseignement savaient sans doute que les étudiants étaient morts: dans l’appel au secours qu’a réussi à lancer l’un d’eux de son téléphone portable, on entendait des coups de feu et des taches de sang ont été retrouvées dans la voiture abandonnée. D’emblée, le premier ministre Benyamin Nétanyahou a accusé le Hamas et profité de la situation pour anéantir des structures du mouvement islamiste, tout en torpillant le tout récent accord qu’il avait conclu avec le Fatah.

La crainte d’une escalade

«Le Hamas va payer», a-t-il menacé. Or pas mal d’experts israéliens tiennent pour improbable que la direction du Hamas ait commandité l’enlèvement et les meurtres. Les deux présumés coupables auraient agi de leur propre chef. Nombreux sont les Israéliens qui demandent aujourd’hui des représailles, l’invasion de la bande de Gaza, la destruction du Hamas, la construction de nouvelles colonies. A ce jour, les extrémistes israéliens ne s’en étaient encore jamais pris par vengeance à un enfant (six extrémistes juifs ont été arrêtés dimanche 6 juillet et sont interrogés). Le calme relatif de ces dernières années pourrait bien, désormais, laisser la place au désordre. La crainte d’une escalade se fait jour parmi les modérés des deux camps. Le secrétaire d’Etat américain, John Kerry, redoute que ne soient anéantis ses efforts en faveur de la paix. Une paix à laquelle il était à peu près le seul à croire.

La plupart des habitants de Jérusalem-Est sont persuadés que ce sont bien des juifs qui ont tué Mohammed. «Ils voulaient un enfant», assure un voisin d’Hussein Abou Khdeir. Il y aurait déjà eu tentative d’enlèvement dans le quartier deux jours auparavant. Le père de la victime est assis comme pétrifié parmi les voisins qui lui témoignent leur compassion. Il demande: «Pourquoi les policiers sont-ils arrivés une heure seulement après l’appel d’urgence? Pourquoi ont-ils voulu voir le carnet de notes de l’adolescent? Pourquoi voulaient-ils savoir s’il se droguait au lieu de localiser son téléphone mobile? Et pourquoi les médias écrivent-ils que Mohammed était homosexuel et victime d’une querelle familiale?»

Aujourd’hui, après qu’on a retrouvé la dépouille, la rue voit passer d’un côté des jets de pavés descellés et de pneus en feu, de l’autre des grenades assourdissantes ou lacrymogènes. C’est l’une des nuits les plus violentes que l’on ait vues à Jérusalem depuis longtemps. Les désordres s’étendent à d’autres quartiers de Jérusalem et de Cisjordanie, des centaines de Palestiniens manifestent le vendredi, ils sont des milliers à suivre les funérailles de Mohammed le samedi. L’aviation israélienne bombarde la bande de Gaza depuis des semaines et les extrémistes gazaouis répliquent par des tirs de roquettes.

Radicalisation réciproque

La situation s’est aggravée dans la nuit du lundi au mardi 8 juillet après l’intensification de salves de roquettes palestiniennes. L’armée de l’air israélienne a riposté par des dizaines de raids sur la bande de Gaza. Au lendemain de ces multiples attaques, qui ont fait plus d’une dizaine de morts selon les services d’urgence de l’enclave palestinienne, la branche militaire du Hamas au pouvoir à Gaza a menacé d’élargir le cercle des cibles. Quant au cabinet de sécurité israélien, il a donné son feu vert au déploiement de dizaines de chars et il a autorisé le rappel de 40 000 réservistes en prévision d’une possible offensive terrestre contre la bande de Gaza.

Voilà longtemps que la ligne de front du conflit ne passe plus seulement entre Israël et les territoires occupés. Elle s’est déplacée au cœur d’Israël, au cœur de la société. La défiance croît entre juifs et minorité arabe. En Israël, le climat est devenu à la fois plus religieux et plus agressif depuis que des nationalistes extrémistes donnent le ton au gouvernement. Pendant les funérailles des trois étudiants religieux assassinés, on a entendu les partisans de groupes radicaux crier: «Mort aux Arabes!»

Alors que le terrorisme palestinien a diminué au fil des années, les attaques juives contre des Arabes israéliens et palestiniens ont augmenté. Les services de renseignement israéliens mettent en garde depuis longtemps contre le danger que représentent les extrémistes juifs. Les réseaux sociaux témoignent de cette radicalisation réciproque. Sur Facebook, deux jeunes filles arborent un écriteau: «Haïr les Arabes n’a rien à voir avec le racisme. Cela veut dire qu’on a des valeurs.»

Une proclamation qui paraît inconcevable. Mais pas pour tout le monde: David Wilder, 60 ans, kippa crochetée et pistolet à la ceinture, est arrivé en 1980 du New Jersey pour être un des premiers colons d’Hébron. «Pour que les actes suivent les paroles», dit-il. Il est le porte-parole de la communauté juive d’Hébron, quelque 80 familles vivant dans la vieille ville, des colons fanatisés qui défendent par la force leurs droits sur «leur» pays. Au temps biblique, Hébron aurait été oint par le roi David; c’est ici que se trouverait le tombeau d’Abraham, lieu saint aussi bien pour les musulmans que pour les juifs. A Hébron, l’absurdité du conflit est observable comme sous la loupe. Rien d’étonnant à ce que la tragédie des trois ados assassinés ait trouvé ici son épilogue.

Le matin même où Mohammed est enlevé, David Wilder contemple sa ville du haut de son locatif de six étages, construit il y a près de dix ans à l’aide de dons. «Je suis d’accord, ici c’est l’apartheid. Mais pas pour eux, pour nous.» Eux, ce sont les Palestiniens qui, à la différence des juifs, peuvent se mouvoir librement dans Hébron. C’est ainsi qu’il voit les choses.

Les Palestiniens voient la réalité autrement. Depuis que le fanatique juif Baruch Goldstein a commis un massacre de musulmans au tombeau des Patriarches, le centre de la deuxième ville de Cisjordanie a perdu toute vitalité: 850 juifs vivent là, protégés par 4000 soldats. La rue Al-Chouhada, naguère artère principale de la cité, est zone interdite: les habitants palestiniens n’ont pas le droit de la fouler, leurs logis ne sont accessibles que par des sentiers et des portes dérobées, les boutiques sont fermées depuis des années et sur leurs rideaux de fer s’affiche le mot hébraïque «Nekama» (vengeance).

«Tuer d’abord, construire ensuite»

Il y a 50 mètres entre l’immeuble de David Wilder et la yeshiva Chavaï Hebron, l’école religieuse où étudiait Eyal Yifrach, un des trois étudiants tués. «Pour un mort chez nous, il y a plus de morts chez eux», dit encore Wilder. Le principe, ici, c’est «tuer d’abord, construire ensuite». Il pense que, après le triple meurtre, la commune d’Hébron obtiendra du gouvernement davantage de permis de construire. Le ministre de la Défense, Moshe Ya’alon, a déjà annoncé la construction de 10 000 logements en Cisjordanie.

La maison de la famille Kawasma était située à quelques kilomètres à vol d’oiseau de celle de David Wilder. Une belle maison, beaucoup de chambres, une terrasse et un jardin: seize personnes y vivaient jusqu’à lundi soir 30 juin, quand les dépouilles furent découvertes non loin. Peu après, vingt soldats l’ont fait exploser, car Marwan Kawasma passe pour un des coupables. Il serait membre du Hamas. Sa sœur Rawan, mère de trois enfants, est devant les décombres de sa maison. «Marwan a disparu», dit-elle. Ses autres frères ont été arrêtés. David Wilder trouve que c’est juste, car les terroristes ne comprennent que deux choses: la force et la confiscation des terres. Selon lui, mille étudiants fréquenteront la yeshiva d’Eyal Yifrach à l’avenir, au lieu des 350 actuels. L’escalade de ces derniers jours a, à ses yeux, un aspect positif. Le prétendu processus de paix initié par «Kerry, cet idiot», est mort. «Les Palestiniens ne veulent pas avoir leur propre Etat et nous non plus. Autant laisser tomber les discussions.» Mais Israël est sur la bonne voie: «Si nous continuons ainsi, les Arabes quitteront volontairement le pays.»

© DER SPIEGEL traduction
et adaptation gian pozzy

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Businessmen, artistes, diplomates... Découvrez les Suisses de Paris

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Jeudi, 10 Juillet, 2014 - 06:00

Portraits. L’aimant parisien continue d’attirer à lui les Helvètes, même si la crise propre à la France le rend sans doute moins puissant qu’auparavant. «L’Hebdo» est allé à la rencontre de Suisses et de Suissesses établis dans la ville des philosophes et des artistes.

Textes Antoine Menusier Paris
Photos Pierre-Emmanuel Rastoin

C’était le soir du 20 juin, la Nati affrontait les Bleus en match de poule du Mondial brésilien. A cette occasion, le nouvel ambassadeur de Suisse à Paris, Bernardino Regazzoni, arrivé quelques semaines plus tôt seulement de Rome, son précédent poste, avait organisé une projection de la rencontre sur écran géant, dans les jardins de l’ambassade, un magnifique hôtel particulier ayant appartenu au baron Pierre-Victor de Besenval, fils d’un colonel des gardes suisses de Louis XVI. Le couperet de la défaite ne tarda pas à tomber sur la troupe d’Ottmar Hitzfeld. Les invités, au nombre d’une centaine, des Français et des Suisses, dont des couples «mixtes» avec enfants bariolés aux couleurs de leur pays favori, passèrent, pour les uns, un moment délicieux, pour les autres, de longues minutes cauchemardesques. Les commentaires de la RTS accompagnèrent la première mi-temps, on bascula sur ceux de TF1 après la pause.

«C’est pas ma soirée», soupirait Lorenzo, 20 ans, le fils des hôtes, l’ambassadeur et son épouse d’origine italienne. La Squadra Azzurra venait en effet d’être battue par le Costa Rica. Lorenzo pouvait se consoler en pensant aux belles années qui l’attendent à Paris, la ville des amoureux. De la France qu’il découvre après quatre ans et demi passés à Rome, il dit aimer «les Françaises».

On voudrait que les relations entre la Suisse et la France, ce vieux couple un brin désaccordé, puissent être aussi simples qu’elles le sont dans la vision de ce jeune homme plein d’allant. La pomme fiscale est dans la ligne de tir de Bercy, qui, pour le coup, semble tenir l’arbalète. Mais «on assiste à un dénouement», déclarait fin juin l’ambassadeur Regazzoni, quelques jours après l’accord trouvé dans cet épineux dossier entre les ministres des Finances des deux pays.

Le nouveau représentant de la Confédération chez les Français entend défaire les «clichés», souvent encore négatifs, qui nuisent à l’image de la Suisse. Pour cela, il compte développer la «diplomatie publique» en s’appuyant notamment sur la culture, l’ambassade helvétique devenant en quelque sorte la plaque tournante de l’activité culturelle de la Suisse à Paris. Car en France, c’est à Paris que ça se passe et que ça s’est toujours passé.

Sous l’Ancien Régime, la diplomatie publique, pour reprendre ce concept, était principalement militaire et engageait la vie de milliers d’hommes. «Ce qui, démographiquement et politiquement, a pesé le plus entre la France et la Confédération, c’est la Suisse militaire», constate Alain-Jacques Tornare, historien des relations franco-suisses et vice-président de la Fondation pour l’histoire des Suisses dans le monde. Si le mercenariat helvétique à la solde des rois de France date d’avant 1515, la déroute de Marignan, suivie de la signature de la «paix perpétuelle», instaura en ce domaine et pour longtemps une sorte d’économie à grande échelle.

«En 1701, 24 700 soldats suisses servaient le roi de France, note Alain-Jacques Tornare. Ils étaient encore plus de 14 000 en 1789 au moment de la Révolution, 300 d’entre eux étant tués lors de la prise des Tuileries en août 1792.» Les casernements suisses se trouvaient autour de Paris, dont un à Rueil-Malmaison, ville jumelée avec Fribourg, qui abrite aujourd’hui le Musée des gardes suisses.

Du mercenariat à la finance

Le nombre de mercenaires helvétiques au service de la France a donc diminué en un siècle. Dans le même temps, une autre activité se développe, en apparence plus pacifique. «Au XVIIIe siècle, les financiers helvétiques ont profité de ce que la Suisse était considérée comme la nation la plus privilégiée par la France, rappelle Alain-Jacques Tornare. Les assignats de la Révolution, c’est eux qui les ont introduits. Et plus tard, ce sont des banquiers suisses qui financeront grandement le coup d’Etat de Napoléon III, lequel, par ailleurs, voulut créer une légion militaire suisse.» Tout cela se nouait et se concluait à Paris.

Le XVIIIe siècle et le début du XIXe, avec l’horloger Breguet, Rousseau bien sûr, et Necker, le banquier genevois de Louis XVI, sa fille, l’écrivain Madame de Staël, l’amant de celle-ci, Benjamin Constant, le révolutionnaire Jean-Paul Marat, les généraux de Bonaparte, Amédée Laharpe et Jean-Louis-Ebénézer Reynier, ce dernier, mort à 25 ans, reposant au Panthéon, furent des périodes fastes pour les «Suisses de Paris».

Mais tout n’est pas aussi exalté et exaltant que cela. Au début du XXe siècle, la Suisse a un trop-plein de main-d’œuvre. «En 1900, 170 000 Helvètes émigrent, dont 87 000 en France. On les retrouve dans différentes régions, notamment en Haute-Marne, où ils s’installèrent comme fromagers, domestiques ou fermiers», relève une étude réalisée par le Musée de l’histoire de l’immigration, sis à Paris.

Ce ne sont naturellement pas les noms de ces anonymes contraints matériellement à l’exil que l’histoire a retenus. Hors la période révolutionnaire, le premier tiers du XXe siècle marque sans doute l’âge d’or de la présence suisse dans la capitale française, alors centre planétaire de la culture: Cendrars, Le Corbusier, Giacometti, Albert Cohen, Arthur Honegger, Félix Vallotton, le clown Grock, César Ritz, le bâtisseur du célèbre palace, le comédien Michel Simon, à la longue carrière… Ces noms d’Helvètes, «de souche» ou non, et bien d’autres encore figurent dans le livre Les Suisses de Paris – Soixante balades insolites (Editions Cabédita), de Jean-Robert Probst.

La seconde moitié du XXe siècle, au lendemain de la guerre, verra affluer foultitude de Suisses en quête de sensations parisiennes et plus largement de reconnaissance professionnelle: le journaliste et écrivain Jean-Pierre Moulin, les comédiens Bernard Haller et Zouc, l’artiste Jean Tinguely, les jeunes premiers Vincent Perez et Jean-Philippe Ecoffey, l’architecte Bernard Tschumi. De nos jours, citons deux Suisses occupant des postes prestigieux: Luc Bondy, directeur de l’Odéon-Théâtre de l’Europe, et Philippe Jordan, directeur musical de l’Opéra de Paris où, avant lui, l’Helvète Rolf Liebermann a laissé un souvenir impérissable en tant qu’administrateur général.

Ces gens connus ne sont que l’infime partie émergée d’un iceberg qui fond et se reforme sans cesse. «La Suisse, a l’habitude de dire l’historien Alain-Jacques Tornare, a toujours été une minorité non visible à haute valeur ajoutée.» Il y a actuellement 190 000 Suisses en France, dont 45 000 à Paris et dans sa région, la plupart étant ici binationaux. Il s’agit du contingent le plus élevé de ressortissants helvétiques à l’étranger. Binationaux non compris, il apparaît comme vieillissant. La binationalité le maintient à niveau et lui a même fait gagner 13 000 unités en six ans. Les Suisses de Paris: un phénomène qui ne s’estompe pas.


Les entrepreneurs culturels: directeurs suisses, public parisien

Entrepreneurs culturels: l’expression semble d’abord un peu ronflante à nos interlocuteurs. Bien réfléchi, elle leur convient. Entreprendre, à Paris, dans le domaine culturel, c’est effectivement leur travail. Le duo Jean-Paul Felley-Olivier Kaeser, qui s’était fait connaître avec Attitudes, un espace d’arts contemporains implanté à Genève, accomplit depuis 2008 une sorte de sans-faute à la tête du Centre culturel suisse de Paris, le CCS, situé dans le Marais, une institution fédérale qui soufflera ses 30 bougies l’an prochain. Cela suppose des choix de leur part, gratifiants pour les artistes invités, rageants pour les recalés. Doté d’un budget de 1,9 million de francs alloué à la programmation et au fonctionnement, le CCS ne se veut pas qu’une halte pour les Suisses de passage dans la capitale française. «Notre public cible, c’est le Parisien, expliquent en chœur le Valaisan et le Genevois. Nous faisons plus que d’importer des projets helvétiques, c’est comme un aller-retour entre la France et la Suisse.» Théâtre, cinéma, danse, sculpture, peinture, installations… Tout, pourvu qu’il s’agisse de création. Tel est le leitmotiv. Les directeurs du CCS, respectivement âgés de 48 et 53 ans, ne semblent pas pressés de quitter Paris. Jean-Paul Felley se ravitaille en lard séché du Valais à l’occasion. Olivier Kaeser, soucieux de casser quelques clichés vivaces, fait à ses amis suisses la promo d’un très bon chocolat noir français. Cet été, l’un et l’autre seront sur la route des festivals.

Des critères d’excellence

Yasmin Meichtry, en comparaison, dispose d’un budget beaucoup plus réduit: 15 000 euros annuels pour «faire tourner» la Fondation suisse, logée dans le Pavillon suisse – œuvre de Le Corbusier – de la Cité internationale universitaire de Paris. Enveloppe modeste, complétée par des partenariats, notamment avec le Valais, canton d’origine de Yasmin Meichtry. «Le pavillon helvétique, monument national suisse depuis 1986, accueille 15 000 visiteurs par semaine, explique la directrice. Nous présentons des musiques contemporaines, nous organisons des projections de films. A la rentrée, le public pourra découvrir des archives du festival de Montreux. Des artistes valaisans viendront chez nous en résidence de six mois, une styliste, un photographe, des comédiens.»

La Fondation suisse héberge par ailleurs 46 étudiants et artistes suisses et étrangers sélectionnés sur des critères d’excellence. Ce n’est pas gratuit: le coût du loyer pour chacun est de 500 euros. Yasmin Meichtry, résidente parisienne depuis une dizaine d’années, entretient une relation d’amour-haine avec la Ville lumière, qu’elle estime trop souvent plongée dans une ombre immobile. «C’est le résultat d’une confrontation permanente entre héritage royaliste et révolutionnaire, les deux s’annihilent.»


Les architectes: simple chic

s’imposa telle une évidence. «J’avais fait la connaissance, si je puis dire, des philosophes français à l’école secondaire, au Tessin. Pour moi, ils étaient ces esprits libres qui donnent du sens aux choses. Zurich était un peu trop proche de Lugano et l’Italie voisine un peu trop en proie au chaos politique. En 1978, je suis venu à Paris, où la culture est proche de notre culture suisse italienne. La ville est latine, avec une touche nordique. C’est ce qui me plaisait et me plaît toujours.» En 1981, l’architecte d’intérieur Nicola Borella a ouvert à Paris, avec sa femme Christine, qui exerce le même métier, une société portant aujourd’hui le nom de Borella Art Design: intérieurs résidentiels, hôtellerie, bateaux sont quelques-uns des domaines d’activité de la PME qui compte une dizaine d’employés. «Chaque jour que je me lève, je me dis que j’ai de la chance d’habiter Paris. De mon domicile, distant de 200 mètres de nos bureaux, je vois la Seine et le Louvre, la nature et le raffinement architectural. J’ai parfois l’impression d’être à Lugano, quand, descendant les pentes de la ville, on débouche sur le lac. Ce que je garde de la Suisse? C’est mon pays.»

D’une génération à l’autre

En Tessinois, ou plus simplement en ami, Nicola Borella fréquente Mattia Bonetti, d’origine tessinoise également, une référence mondiale dans le design de meubles, certaines de ses créations étant exposées au Musée des arts décoratifs de Paris. «J’ai fait une école d’arts appliqués en Suisse; pendant de nombreuses années, j’ai fait de la création textile, des imprimés. Puis j’ai pris des cours de théâtre, j’ai fait de la photographie d’art.» Il a 23 ans quand, en 1975, avec Elisabeth Garouste, autre célèbre designer qui sera pendant vingt ans son associée à Paris, il «retape» le Palace, qui devient très vite le rendez-vous culte des clubbeurs. «C’était génial, un lieu mixte, sexuellement, socialement, se souvient Mattia Bonetti. Seule chose, il fallait avoir de la personnalité.» En ce temps-là, «on vivait bien avec l’équivalent de 200 euros par mois».

Philippe Rahm écoute attentivement le récit de ses deux aînés. L’architecte lausannois, 47 ans, qui a ouvert son agence à Paris, est une sorte de petit génie mais modeste quand il parle de son travail. Un architecte précédé d’une renommée internationale, qui enseigne à l’Ecole nationale supérieure d’architecture de Versailles, a donné des cours à l’Université de Princeton aux Etats-Unis, va le faire prochainement à Harvard, où ses travaux sur l’«architecture météorologique» (prise en compte du réchauffement climatique dans le processus de construction ou d’aménagement du paysage, par exemple) font un tabac.

Le comble ou le chic, c’est que Philippe Rahm n’a pratiquement rien construit encore. Mais des chantiers sont dans les tuyaux, dont la création d’un parc à Taiwan, «trois fois la surface du parc de la Villette à Paris», aménagé, lui, dans les années 80 par une star mondiale de l’architecture, le Suisse Bernard Tschumi, qui se partage entre Paris et New York. A Paris, Philippe Rahm mène une vie tranquille, se déplaçant à pied de préférence. Comme tout paraît simple.


Les comédiens: Paris tenu

Elle est la juge Nadia Lintz, dans Boulevard du Palais, aux côtés de Jean-François Balmer, son compatriote suisse, alias le commandant Philippe Rovère. Cet été, Anne Richard va tourner un nouvel épisode de cette série télévisée qui a fait ses preuves depuis sa création en 1999. Sous les arcades de la Comédie-Française, décor pour la photo, des passants la reconnaissent, lui glissent un mot sympa, elle les en remercie. «Etre actrice à Paris, c’était un rêve d’enfant, raconte la comédienne née à Lausanne, sœur de l’animateur de radio et de télévision Jean-Marc Richard. Pour moi, l’Adjani des Sœurs Brontë, c’était la plus grande actrice de France. J’ai réalisé ce rêve, je suis devenue comédienne, je joue, je suis une privilégiée. A mon arrivée, dans les années 80, j’ai pris des cours à LEDA, L’entrée des artistes, d’Yves Pignot. Comme je n’avais pas de domicile, Yves Pignot, le professeur, m’a prise chez lui comme fille au pair.»

Une ville pour toujours

Noémie Kocher, qui a beaucoup collaboré avec le cinéaste suisse Jacob Berger sur ses tournages et en écriture, a grandi à La Chaux-de-Fonds. Elle a 17 ans et demi – et son bac – quand elle débarque à Paris, trouvant à se loger chez une tante. Noémie a joué dans dix épisodes de Plus belle la vie, le feuilleton culte de France 3. «J’ai adoré l’expérience.» Ses «plus belles choses» sont deux pièces de théâtre, Je l’aimais et Confidences trop intimes, mises en scène par Patrice Leconte.

Manque, sur la photo, la comédienne Elodie Frenck (Karine dans L’Arnacœur de Pascal Chaumeil), retenue en Suisse. «Après mon bac, en août 1993, j’ai dit au revoir à tout le monde et j’ai pris le TGV, nous écrit-elle. Il fallait être à Paris pour étudier et exercer le métier d’acteur. Paris est aussi la ville où a grandi ma mère et où sa mère a porté l’étoile jaune pendant la guerre… C’est, paraît-il, la plus belle ville du monde, et c’est vrai qu’à chaque fois que je la traverse je m’extasie, ses ponts, ses immeubles, surtout le Grand Palais, quelle merveille! J’aime moins les Parisiens, ce sont des râleurs, individualistes et sales! Et c’est pourtant à Paris que je resterai, j’aime mon appartement sous les toits et ma boulangerie, c’est à Paris que mon fils fera sa scolarité.» Les «filles» ne se sont pas concertées, mais Anne et Noémie rejoignent Elodie dans sa critique des Parisiens et, les concernant, de Paris tout court: «Cette ville évolue mal, elle est triste, les gens n’osent plus rêver», observe Noémie. «Ce qui me manque le plus, ici, c’est le civisme», renchérit Anne.

Matthieu Moerlen, 27 ans, natif des Verrières, dans le canton de Neuchâtel, est en train d’ouvrir sa boîte de production à Paris. Pour la génération de Matthieu, la bohème d’antan a pris le nom de galère et l’allure de petits boulots alimentaires, quand il s’en présente. «Je souhaite créer dans le théâtre et le cinéma, je suis avant tout comédien», dit-il avec l’assurance d’un mousquetaire. Un mousquetaire des temps modernes, «anar de droite», «fan de Carax, Gaspar Noé et Beineix», qui, enfant, prenait son pied en regardant La traversée de Paris par le trou de serrure de la porte de sa chambre. Il a écrit et mis en scène une pièce, La nominée, «une satire du milieu du spectacle». Pour eux tous, Paris, même saigné par la crise, restera Paris.


Les écrivains:  dans la place et pas l’intention d’en partir

Paris, what else? Oui, dans l’absolu, quel autre domicile, pour un écrivain francophone, que la capitale des lettres françaises? Quittant sa Riponne, Ramuz y monta mais n’y resta pas. Le Chaux-de-Fonnier Cendrars, qui avait perdu un bras dans les tranchées de la Grande Guerre, y acquit la nationalité française. Le Bernois Paul Nizon y vit toujours. Et Roland Jaccard, of course, romancier et essayiste, le plus Marcello (Mastroianni) des dragueurs lausannois. «J’y suis arrivé dans ma 25e année, ça fait cinquante ans.» Celui qui a fait de l’idée de suicide un manuel de vie longue, du moins pour ce qui le concerne, s’est installé à Paris dans les années 60. A l’époque, «c’était énorme». D’autant qu’il intègre la rédaction du saint des saints de la presse, Le Monde – «devenu illisible», tacle-t-il –, à la rubrique «Psychanalyse», l’un de ses domaines de prédilection.

Le café Le Flore est à son apogée mondain. Jaccard, qu’on peut retrouver sur YouTube dans de courtes vidéos (ses «haïkus visuels») et lire dans Une Japonaise à Paris (L’Editeur, 2014), observe, depuis lors, la France «dégringoler» – à tous les étages, dirait un humoriste.

Force d’attraction

Ex-pubarde à Zurich dans une agence de Séguéla où elle n’était «pas très heureuse», Pascale Kramer vit depuis vingt-cinq ans à Paris. Remarquée au début des années 2000 pour son roman Les vivants (Calmann-Lévy), son «plus gros succès», cette native de Lausanne «forgée par le protestantisme», dont le dernier ouvrage, Gloria (Flammarion), est paru en 2013, raconte des «histoires de vie qui se passent dans des milieux simples», précise-t-elle, ajoutant cette explication qui vaut son pesant d’implicite: «J’ai vécu dans le nord de la France.» «Le mythe est un peu en train de retomber», dit-elle à propos de Paris. Pourtant, elle n’en repartira pas: «C’est là que ça se passe, les éditeurs, la presse…» Le Café Crème est son actuelle «cantine», dans le Marais, le quartier où elle emménagera bientôt, en provenance du XVIIIe.

«C’est devenu ma ville, c’est là que je me sens à la maison.» Bernard Comment, romancier et essayiste, est ce qu’on peut appeler un personnage influent du Paris de l’édition. Ce Jurassien de 54 ans au profil de surdoué, fils du peintre Jean-François Comment, traducteur de Tabucchi, dirige la collection Fiction & Cie aux Editions du Seuil. C’eût pu être Rome, où, bénéficiaire d’une bourse d’études, il passa un an à la Villa Médicis (le paradis sur terre du Ministère français de la culture), mais l’avènement de Berlusconi au pouvoir refroidit son ardeur. Ce fut donc Paris, dont il regrette toutefois que l’impulsion mitterrandienne pour la culture n’ait pas survécu à la disparition du plus florentin des présidents de la Ve République.


Les artistes: l’éclate protestante

Des trois artistes réunis, avec la cloche, sur la passerelle Simone-de-Beauvoir, il est le garçon, le Suisse alémanique, celui qui ne cause pas beaucoup. Les impressions sont rarement toutes fausses. Peinture, dessin, photographie, chez Gilgian Gelzer, l’introspection emprunte des voies multiples. «J’ai peut-être choisi Paris malgré moi. Cela fait une quarantaine d’années que j’y suis et, parfois, je me dis que c’est par défaut.» Né à Berne, il a beaucoup voyagé. Le Venezuela, New York et puis Paris. Enfant, c’est dans une école française qu’il a appris le français.

«Le suisse allemand, c’est une chose assez particulière, note-t-il. La Suisse, en moi qui me sens plutôt Français quand je m’y rends, c’est une certaine culture, un esprit, des racines. Il y a là une simplicité qui se retrouve dans les relations avec les autres.» Gilgian Gelzer enseigne le dessin aux Beaux-Arts. «Le dessin, comme geste, c’est quelque chose d’assez suisse.»

«De protestant», s’accordent à dire, un peu plus tard, autour d’un café, Béatrice Poncelet et Catherine Gfeller, nées toutes deux à Neuchâtel. «A Neuchâtel, nous étions moins atteints par la rigueur du calvinisme», observe Catherine, la plus jeune. «Détrompez-vous, à Neuchâtel aussi, interrompt Béatrice. Je réside à Paris et dans le département voisin de Seine-et-Marne depuis plus de quarante ans. C’est la vie qui m’a amenée ici. Paris est une ville que j’adore mais où je ne pourrais pas vivre tout le temps.»

En réseaux mondains

Epouse d’un peintre, cette mère de deux enfants, lauréate de prix internationaux (Bologne, Bratislava, Barcelone, Paris), travaille «comme une nonne», lentement, posément. Béatrice Poncelet, qui a gardé un accent neuchâtelois revigorant, compose des livres (pour enfants et adultes) plus qu’elle ne les peint ou les écrit. «Je m’occupe de tout, des images et de la conception graphique.» L’un d’eux porte le titre de Peut-être… dans la véranda. La couverture est une nature morte dans une lumière tamisée.

Catherine Gfeller a vécu cinq ans à New York. Elle y a beaucoup travaillé, dans son art, la photographie – le «printmaking» –, recevant un prix de la Fondation HSBC. En 2000, elle s’installe à Paris. «J’étais contente de retrouver ma langue.» Et, elle ne sait trop comment le dire, elle s’y sent plus femme qu’à New York, qui a moins d’égards pour la gent féminine. Par contre, la France, c’est son mauvais côté, est «plus procédurière», Paris fonctionne «en réseaux mondains». «Dis-moi avec qui tu as dîné hier soir, je te dirai qui tu es», résume Catherine. Elle réalise aussi des films vidéo, voyageant beaucoup. Sans doute plus épanouie aujourd’hui, elle regrette quand même un peu New York pour son côté tonique et visuel: «Le décor qui m’entourait était celui de mon art. A Paris, je reste un peu sur ma faim.» Elle vit en partie à Montpellier, où son mari est professeur de philosophie à l’université, au département d’esthétique.


Les diplomates: à fond la culture

Demander à des diplomates de dire ce qu’ils pensent de la capitale où ils sont en poste, c’est un peu comme demander à des conjoints de dire ce qu’ils pensent de la fidélité au sein de leur couple. Les réponses risquent d’être évasives et fuyantes. Et si, dans le cas présent, l’élan d’amour était sincère?

Propos tenus dans l’un des salons de l’ambassade helvétique à Paris. «Pour un ancien responsable de la culture comme moi, Paris reste la ville magique», confie Jean-Frédéric Jauslin, ex-directeur de l’Office fédéral de la culture et depuis septembre 2013 ambassadeur de Suisse auprès de l’Unesco et de la Francophonie, deux institutions «parisiennes». «En tout cas, quand on m’a proposé ce poste-là, j’ai mis vingt-deux millièmes de seconde à accepter», se souvient le Neuchâtelois. «L’attirance pour Paris, notamment auprès de la jeunesse, est peut-être un peu moins grande qu’elle ne le fut pour des personnes de ma génération», remarque toutefois le diplomate, qui manie habilement la litote.

Le grand chantier

En fonction depuis mai de cette année en remplacement de Jean-Jacques de Dardel, nommé à Pékin, Bernardino Regazzoni est le nouvel ambassadeur de la Confédération à Paris. Il a quitté l’ambassade de Rome et un pays, l’Italie, qui connaît un regain d’optimisme malgré les difficultés, pour un poste sans doute plus prestigieux encore mais situé dans un pays cultivant sa neurasthénie. Le diplomate tessinois est prudent: «Paris est une grande capitale européenne, une grande capitale culturelle dans le monde, dit-il. Pour moi, après Rome, c’est un défi personnel.» La musique adoucissant les mœurs, la culture semble devoir être le grand chantier diplomatique du nouvel ambassadeur, placé au cœur du conflit fiscal – «en voie de dénouement» – opposant Berne et Paris. «La culture fait partie de la diplomatie publique.»

Pour mettre cet air en partition, Bernardino Regazzoni peut s’appuyer sur le conseiller culturel de l’ambassade, Jean-Philippe Jutzi, qui fut notamment le porte-parole de l’ex-conseillère fédérale Micheline Calmy-Rey et par la suite l’un des responsables de Présence Suisse, l’organe du Département fédéral des affaires étrangères chargé de promouvoir une bonne image de la Suisse à l’étranger. Pour ce Lausannois, le poste de conseiller culturel à Paris marque «un aboutissement». «C’est à la fois un pas en avant et un regard dans le rétroviseur. Il y a des monuments célèbres que j’avais visités quand j’étais gymnasien, le Louvre, la tour Eiffel et d’autres, que j’avais délaissés ensuite pour des expos dans des galeries, des concerts et des spectacles, et que je redécouvre à la faveur de partenariats que nous nouons avec de grandes institutions culturelles.»


Les businessmen: bien dans leur costume parisien

Nicolas Luchsinger l’avoue, il est venu à Paris «en traînant les pieds», rapport, notamment, aux «grèves» et aux «35 heures». Directeur des ventes de Van Cleef & Arpels, il officiait autrefois à New York, la ville la plus excitante du monde. Mais ce haut cadre élégant de 44 ans, titulaire d’une maîtrise de droit de l’Université de Fribourg, passionné de bijoux, fort d’une expérience chez Christie’s à Genève, ne semble pas regretter son transfert dans la capitale du luxe. Il y admire chaque jour la sublime place Vendôme, où trône le gratin de la joaillerie. Van Cleef & Arpels, propriété du groupe Richemont dont le siège est à Bellevue, en terres genevoises, en fait partie.

Tout bien pesé, Paris est «agréable», concède celui qui a grandi à Lausanne et dont «tous les amis» débarquent dans son nouveau chez-lui. «Par rapport à New York, on respire mieux, l’offre culturelle est plus importante, même s’il est impossible de réserver une place à l’opéra au dernier moment.» Autre petit reproche, indémodable: les garçons de café sont peu aimables.

Le souci des valeurs

Alain Barbey habite le XIe, un arrondissement réputé populaire. Passé par Swissair et Gate Gourmet, ex-directeur de Crans-Montana Tourisme et de la compagnie ferroviaire italo-suisse Cisalpino, cet homme de 56 ans au visage à la fois strict et jovial, originaire du canton de Fribourg et Valaisan d’adoption, est depuis quatre ans le CEO de la société de TGV franco-helvétique Lyria, 365 millions d’euros de chiffre d’affaires. Les trains, encore. «Mon père travaillait aux CFF», précise-t-il. «A Paris, j’aime les petits restos, les quartiers sympas comme le Marais», confie-t-il. Alain Barbey commande à quarante collaborateurs directs. Il a noté des différences culturelles entre Français et Suisses, dans la relation au travail, par exemple: «Les jeunes Français sont très performants, ils ont besoin d’en montrer beaucoup pour s’imposer, mais leur respect très marqué de la hiérarchie freine l’esprit d’initiative.»

Port altier, sourire carré, Raphaël Spahr, 50 ans, dirige depuis quatre ans Mirabaud France, la filiale hexagonale de la banque privée genevoise. Issu de la lignée des Spahr de Sion, en Valais, une famille de banquiers, de juges et de médecins, il était auparavant basé à Londres. Cet ancien de Credit Suisse décrit sa société comme étant «irréprochable, respectueuse des lois du pays d’accueil». « Nous avons développé une activité solide fondée sur nos valeurs et notre éthique.» Paris lui plaît.

Pas plus qu’Alain Barbey et Nicolas Luchsinger, Raphaël Spahr n’y fréquente particulièrement ses compatriotes. «Il n’y a pas de préférence nationale, note-t-il, c’est une question d’opportunités.» Il «adore» le Palais de Tokyo, dédié à l’art moderne et contemporain, «son architecture merveilleuse des années 30». «Cet endroit est magique.» L’exposition du Suisse établi à Paris Thomas Hirschhorn, Flamme éternelle, vient d’y rencontrer un vif succès.


Les journalistes: la place en or (dit-on)

Paris, New York, Londres et Berlin sont les villes que l’on se dispute le plus au sein des rédactions romandes. Correspondant à Paris, une place de choix, marchepied dans une carrière ou parachèvement de celle-ci – rarement un placard, même doré. Certes, les mesures d’économie, singulièrement en presse écrite, ne permettent plus de salarier des «plumes» autant qu’il y a vingt ou trente ans. Déjeuner de travail le midi, dîner en ville le soir, spectacle à l’Opéra, le tout aux frais de «Lausanne» ou de «Genève», cette époque aux couleurs balzaciennes est révolue. A-t-elle seulement existé? L’éthique protestante qui sommeille en tout Suisse aurait gâché jusqu’au souvenir de telles jouissances. Vincent Philippe, pour 24 heures principalement, fut, dans les années 90, l’un des derniers correspondants à Paris suscitant outre-Jura une admiration teintée d’envie. Ce Delémontain mâtiné de Vaudois, toujours résident parisien, incarnait le prestige accolé au poste. Il était indéboulonnable, non soumis au turnover récompensant les méritants et nourrissant les frustrations à l’heure du retour au bercail.

Une énergie particulière

Paul Ackermann, 36 ans, qui a fait ses armes à L’Hebdo, n’est à Paris le correspondant d’aucun média suisse. En 2012, il est devenu le rédacteur en chef de la version française du site Huffington Post, dirigé par Anne Sinclair. «Quand je rentre de Porrentruy, elle me demande de lui ramener des Ragusa», dit-il, pour l’anecdote, à propos de sa patronne. Lui-même de son Jura natal rapporte toujours un «tube bleu de moutarde Thomy» et un autre, «jaune», de mayonnaise de la même marque. «Aller à Paris, c’était tenter l’aventure, bien sûr, mais ce n’était pas inscrit dans un plan de carrière, raconte Paul. En réalité, j’y ai suivi ma copine, qui est Parisienne.» Il n’exclut pas un retour en Suisse, mais les occasions, en termes de presse web, y sont minces et rares, constate-t-il.

Ex de L’Hebdo aussi, ancien rédacteur en chef de l’actualité à la Télévision suisse romande, André Crettenand est le directeur de l’information de la chaîne publique francophone TV5 Monde, «257 millions de foyers connectés sur la planète», sise à Paris, menacée de disparaître en 2007 puis sauvée grâce à l’intervention de la Confédération suisse. Un poste nullement diplomatique, précise-t-il, pour l’obtention duquel il était opposé à plusieurs concurrents. «Paris est la plus belle ville du monde, alors que je pensais que c’était Rome, dit ce Lémanique originaire du Valais. Il y a là une énergie particulière, qui donne envie de faire des choses, d’écrire, de débattre. La concurrence y est forte et stimulante.» Et les syndicats particulièrement actifs, relève-t-il, fataliste: une demi-douzaine à TV5 Monde, un seul à la RTS, à Genève…

En dehors du travail, André Crettenand affectionne les balades rue des Abbesses et les visites aux bouquinistes des berges de la Seine. Il y a acquis «un livre du début du XVIIIe siècle, sur les cas de conscience qui peuvent se poser aux chrétiens». De quoi méditer.

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Fribourg série d'été: L’abbé Bovet, le barde qui inventa la Gruyère en musique

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Mercredi, 16 Juillet, 2014 - 05:48

Chansons. L’auteur du «Vieux chalet» était un révélateur de son temps. L’abbé Bovet a su, par sa production musicale, cristalliser les attentes de son époque: renforcer l’identité fribourgeoise et créer un système harmonieux entre l’homme, Dieu et la nature. Le paysage gruérien lui doit beaucoup.

Sa mère l’appelait la Fillette. C’est grâce à elle qu’il commença à chanter et à composer. Elle l’emmena en pèlerinage à la chapelle de Notre-Dame des Marches prier «la Vierge des Gruériens» pour qu’elle aide ce fils si différent des autres. Joseph Bovet naît dans une famille de dix enfants. Seuls quatre dépasseront l’âge de 27 ans.

La légende en fait un artiste romantique dont l’âme «frémit à fleur de peau». Un homme aussi rapide que la foudre, au menton énergique mais aux yeux dans lesquels on pouvait lire «une bonté si maternelle que les cœurs en étaient saisis» (Robert Loup, L’abbé Joseph Bovet, barde du pays, 1952). Ordonné prêtre en 1905, devenu ensuite maître de chapelle, il a su, année après année, renforcer son influence, jusqu’à l’omniprésence dans le domaine de la musique à Fribourg. Pédagogue reconnu, il a enseigné à l’école normale d’Hauterive, au Séminaire, au collège Saint-Michel et à l’école de commerce… Il a dirigé des chœurs, pris la tête de l’orchestre de la ville et présidé le Conservatoire de Fribourg…

Un paysage «divin»

Le Chemin du gruyère (fléché) permet de traverser le paysage qui inspira tant l’abbé Bovet. D’avoir la quintessence de cette Gruyère mythique, fantasmée, qu’il a grandement contribué à créer. Car on oublie que les traditions vantées par la publicité sont une création récente. Le costume d’armailli, par exemple, n’a été fixé dans sa forme actuelle que dans les années 20. Que nous le voulions ou non, notre regard a été façonné par les compositions du saint barde (L’armailli des grands monts, Le secret du ruisseau…).

Partant de Charmey, on descend jusqu’au lac de Montsalvens, que l’on traverse par un spectaculaire pont suspendu. Après le barrage de Montsalvens (1920), il faut s’enfoncer dans les gorges de la Jogne. On dirait l’entrée des enfers… L’abbé, lui, était plus familier des sommets que des gorges sombres. Mais on remontera bientôt vers la lumière, jusqu’à la chapelle Notre-Dame des Marches, à Broc, en l’honneur de laquelle l’abbé composa un de ses plus beaux chants, en patois, Nouthra Dona di Maortsè. Le bâtiment actuel date de 1705, mais c’est un lieu de dévotion au moins depuis 1636.

Le lieu où s’élevait le fameux chalet qui inspira le «tube» de l’abbé (repris en 17 langues) se trouve tout près, sur les pentes de la Dent-de-Broc. C’était le chalet Mont-de-Joux, détruit par une avalanche. Dans la forêt, on traversera un autre pont, en bois cette fois, de 1806, «le pont qui branle». Cette belle randonnée d’un peu plus de trois heures pourra se conclure par une coupe de meringues crème double en la cité de Gruyères.

Légende dorée

Il est resté longtemps intouchable, l’abbé Bovet. Un symbole fribourgeois, l’équivalent pour la Suisse du général Guisan en tant que figure tutélaire. Un père quasi sacré, entouré d’une légende dorée. Dans les années 50, on trouvait son portrait dans chaque salle communale, au côté des traditionnelles images pieuses de la Vierge et d’un crucifix…

Pourtant, l’actuel préfet de l’Etat de Fribourg, Patrice Borcard, a osé. Il a, dans un passionnant ouvrage paru en 1993, José Bovet, itinéraire d’un abbé chantant (Ed. de la Sarine), levé le voile pour analyser comment Bovet avait construit la mythologie fribourgeoise par le biais de la musique.

«L’abbé Bovet a réussi à créer une cohésion, une identité régionale, commente le préfet dans son bureau bullois. Destiné à la prêtrise, il s’est fait remarquer pour ses talents musicaux, même s’il n’a pas suivi de formation véritable. Il a eu une grande influence en contribuant à la formation des prêtres et des enseignants, les deux courroies de la société d’alors. Le chant est devenu un instrument politique dès l’école primaire.»

L’abbé Bovet, dans les traces de Rousseau, loue la nature. Une nature qui relie les hommes et Dieu. Par le chant, il a créé une patrie symbolique, construit un monde harmonieux, unissant sacré et profane. C’est là que résidait sa force. Ce n’est pas un hasard si Le vieux chalet a été repris par la France de Vichy. La France de Pétain et la Gruyère de l’abbé Bovet relèvent, à la base, de la même construction idéologique. C’étaient deux «mythologies» voisines, qui pouvaient s’imbriquer. C’était avant que la chanson ne devienne un hymne scout…

Non, il n’a pas composé Le ranz des vaches, contrairement à ce qu’on prétend parfois. Il l’a adapté. Sorte d’ethnomusicologue avant l’heure, il s’est beaucoup intéressé à la culture populaire et militaire. Il a repris d’anciennes mélodies, tout en moralisant et en christianisant les textes. «Ce n’est pas une musique passionnante. Mais il avait un talent mélodique indéniable. Musicalement, s’il avait fait des études, il aurait pu écrire des choses très intéressantes… mais il a atteint ses limites rapidement, poursuit Patrice Borcard. Il n’en demeure pas moins que Le vieux chalet continue d’être repris en 2014. L’intensité du souvenir ne diminue pas. Ce besoin de racines perdure. C’est encore un dénominateur commun pour Fribourg.»

La fin de la vie de l’abbé cadre mal avec son image de saint. Il est contraint de s’exiler à Clarens, loin de sa terre, sous prétexte de soigner sa santé.

Il faut dire qu’il y a, dans sa biographie, un «secret extrêmement délicat» – ce sont les mots de l’évêque d’alors, François Charrière –, à savoir sa proximité avec Mlle D., l’une de ses choristes. De plus, l’homme vit en ville de Fribourg, pas dans un chalet bucolique. Il possède une voiture. Sa liberté gêne, son influence suscite la jalousie du clergé. On l’imagine riche, il n’a pourtant presque pas perçu de droits d’auteur sa vie durant…


Joseph Bovet

Né en 1879 à Gruyères, il fut nommé chanoine de la cathédrale de Fribourg en 1930. Il a composé près de 2000 œuvres musicales, dont
Le vieux chalet.
Pour la Suisse d’alors, c’est une figure aussi populaire que celle
du général Guisan.
Il meurt à Clarens (VD) en 1951.


À voir

Vaulruz
Restaurant de l’Hôtel de Ville

Cyril et Nadège Freudiger ont repris avec succès ce café-restaurant et sa terrasse donnant sur le Moléson. Tentez les fleurs de courgettes farcies au brochet et le carré de veau aux bourgeons de sapin. L’abbé Bovet est né dans le village voisin, Sâles.
Rue de l’Hôtel-de-Ville 29
026 411 29 91

Hauterive
Abbaye

L’abbaye cistercienne d’Hauterive a été fondée en 1138. Un des lieux les plus intéressants du canton, du point de vue de l’architecture religieuse. L’abbé Bovet y a enseigné. Visite organisée les samedis.
Chemin de l’Abbaye 19
www.abbaye-hauterive.ch

Fribourg
La Cène

Entrez dans la religion du goût. Un clin d’œil gourmand à notre thématique «bovetienne». Raffinement et volupté, 14 points au GaultMillau.
Rue du Criblet 6
www.lacene.ch

Gruyères
La Ferme du Bourgoz

Des chambres d’hôte de rêve. Le jardin donne sur la cité de Gruyères. Vente de fromage artisanal.
Ch. de Bourgoz 14
www.lafermedubourgoz.ch

Broc
Buvette Chez Boudji

Accueil chaleureux et cuisine traditionnelle (macaronis du chalet, fondue vacherin ou chèvre, etc.). Ouvert tous les jours du 1er mai au 31 octobre. Une halte après la chapelle des Marches.
Route du Motélon
026 921 90 50

Bulle
Restaurant L’Ecu

Anne et Alain Braillard proposent une cuisine inventive, raffinée, toute en couleur et en géométrie. Un peu comme si les tableaux de Miró devenaient comestibles. Une halte, pour ceux qui iraient voir la statue de l’abbé Bovet voisine (sculptée par Antoine Claraz en 1957), place Saint-Denis.
Rue Saint-Denis 5
www.restaurant-de-lecu.ch

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Lea Kloos / Keystone / Photomontage L’Hebdo
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Fribourg série d'été: Jean Tinguely, le ferrailleur fou

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Jeudi, 17 Juillet, 2014 - 05:45

Sculpture. Il arpentait la campagne en Ferrari pour récupérer des pièces de métal usagées. Il avait fait des décharges locales et du ferrailleur de Givisiez sa source d’approvisionnement. Jean Tinguely, artiste majeur du XXe siècle, était très populaire à Fribourg, canton où il avait installé son «nid d’aigle».

Moustache en brosse, bleu de travail de mécanicien, des billets de 1000 francs en poche… Un accent suisse allemand, un humour vibrionnant et d’étranges machines de métal rouillé trimballées dans le coffre de sa voiture… Jean Tinguely était connu à Fribourg. Celui qui ne tenait pas en place avait trouvé là son point de chute. Un lieu à l’écart des capitales et de Paris en particulier, où il aimait travailler (son atelier de Soisy-sur-Ecole). Né à Fribourg mais élevé à Bâle, ville dans laquelle il passa ses 28 premières années, il avait choisi de revenir à Fribourg en 1968, sous l’impulsion de Jo Siffert.

C’est le coureur automobile qui attire son attention sur l’auberge de l’Aigle-Noir, qui était à louer à Neyruz. Le lieu plaît à l’artiste, qui s’y installe et y aménage un atelier. L’aigle est pour lui symbole de liberté. D’ailleurs, Tinguely aimait les rapaces et possédait un milan, installé dans une volière. Un milan qu’il appelait Seppi, surnom de Jo Siffert. Autre «coïncidence»: il baptise son fils, né en 1973, Milan.

La lotus de jim Clark

Aujourd’hui, la maison paraît calme, trop calme, de l’extérieur. Milan Tinguely ne répond pas aux sollicitations. Il préférerait parler de lui, de son propre travail artistique, plutôt que de son père. Tant pis. Il faut la mémoire d’un Jacques Deschenaux, ex-commentateur sportif bien connu des téléspectateurs romands, pour avoir une idée de ce que devait être l’Aigle-Noir du temps de sa splendeur. «Dans sa chambre à coucher, Tinguely avait installé la Lotus de Jim Clark. Un soir, il l’a remise en marche. Bientôt, les invités, pour beaucoup des membres de la bonne société bâloise, ont été asphyxiés. Tout le monde toussait, pleurait, c’était extraordinaire! Jean riait comme un fou.» Fribourg a aimé Tinguely parce que l’artiste n’a jamais oublié ses origines modestes, de la Basse-Ville. Mais aussi pour sa générosité, son art populaire, toujours lié à des fêtes (les vernissages de ses expositions, ou les bastringues en l’honneur du Fribourg-Gottéron: le Buffet de la gare de Fribourg s’en souvient). Tout cela: art, fêtes, passion pour les automobiles, participait de la même course folle contre la mort. Car un jour de 1985, Jean Tinguely, mécanicien de l’art du XXe siècle, est «tombé en panne». Il a dû subir une opération à cœur ouvert. Son rapport à la vie en a été profondément bouleversé.

Machines infernales

Vous trouvez ça joli, ludique, enfantin? Ces machines absurdes qui ne «produisent rien», ces objets récupérés mis en branle, qui couinent et grincent? L’œuvre est bien plus que divertissante. Entre la grâce brinquebalante de ces fontaines qui «pissent» leurs jets d’eau (à Paris ou à Fribourg), il y a aussi l’inquiétante étrangeté, le versant sombre: les crânes, le Retable des petites bêtes au Musée d’art et d’histoire de Fribourg. Ou la grande machine Cercle et carré éclatés, conservée à Genève. En l’allumant, on sursaute: cet engin prend soudain des airs guerriers, ceux d’un chevalier de l’Apocalypse déglingué. Le mécanisme produira un changement radical et mystérieux chez le visiteur. Avant de s’autodétruire… Ces engins fous rappellent l’énergie que nous déployons pour rester en vie. Le mouvement dérisoire mais acharné de notre cœur.

C’est aussi la critique précoce d’une société de consommation. En découvrant sa sculpture, Eurêka, à l’expo nationale de 64, le public suisse se demandait, amusé et interloqué: qu’est-ce que c’est que ce tas de ferraille en mouvement? La thématique de l’expo, c’était l’industrialisation de la Suisse, le progrès, l’avancement des sciences, etc. Et Tinguely, lui, montrait une machine qui ne produisait rien. L’artiste, à contre-courant, dévoilait la face cachée de la modernité triomphante.

Mais il était très exigeant sur le choix de son matériel. «Lorsque certains Fribourgeois découvraient un morceau de fer rouillé, ils se disaient: «C’est pour Tinguely!» Et ils allaient le déposer devant sa porte. Cela l’agaçait. Il disait: «C’est moi qui choisis!», se souvient Yvonne Lehnherr, ancienne directrice du Musée d’art et d’histoire de Fribourg, qui a bien connu l’artiste.

Dans son atelier de Neyruz, ou dans celui de la Verrerie (aujourd’hui liquidé), près de Semsales, l’artiste démiurge redonnait vie à la mort. Rien de figé, surtout. C’est pour cela que Tinguely était l’ami de Siffert. Le sculpteur avait beaucoup en commun avec le coureur automobile, son double. Ils étaient deux poètes du mouvement.

Heureusement, Tinguely, 23 ans après sa mort, bouge encore. Ces bidules barbares, ces machines tristes et féroces continuent de fasciner. «Il disait: «Moi, j’aime les spectacles quand ça merde», confie le musicien Pascal Auberson. C’est-à-dire quand les rouages se grippent, partent en vrille. Pour lui, c’était «en vie», pas «en vrille.» Un jour, Tinguely a approché le compositeur vaudois pour écrire un opéra sur la mort. Il n’a pas eu le temps de réaliser son projet. «Il était yin et yang. Solaire et noir. L’électricité entre ces deux pôles lui donnait sa fantastique énergie.» Sur une lettre-dessin envoyée à Pascal Auberson, on peut lire ces mots: «désespoir constructif». C’est cela aussi, Tinguely: un mécano macabre, sombre et joyeux. Notre portrait, de rouille et d’os.

Il faut aller voir la tombe de l’artiste, à Neyruz. Repérez le bouton électrique. Osez appuyer. La sculpture réalisée par l’assistant fidèle, Seppi Imhof (encore un Seppi!), se met à bouger. Deux roues silencieuses actionnent une barre reliée à une chaîne, du métal froissé évoque une fleur. On dirait une respiration apaisée. Comme si quelqu’un avait mis le monde en mouvement, l’avait ému, avant de s’éclipser.


Jean Tinguely

Né à Fribourg en 1925, d’un père ouvrier dans la fabrique de chocolat Cailler, à Broc, et d’une mère agricultrice. Installé à Paris dès 1953, il adhérera au Nouveau Réalisme dans les années 60. Il a épousé la sculptrice Niki de Saint Phalle et beaucoup collaboré avec elle (la fontaine de la place Stravinsky, à Paris). Il s’est éteint à Berne en 1991.


A voir

Fribourg
Café du Gothard

Le Gothard existe depuis 1861. Une institution, même s’il n’est plus le stamm incontournable de la ville aujourd’hui. Accueil soigné et convivial, plats savoureux. Un lieu à la fois populaire et classieux. Au Gothard, Anne-Gabrielle Nasel, alias Gaby, se souvient de Tinguely. «Il était très simple. Il venait en salopette bleue et prenait le plat du jour.» Au mur, un dessin témoigne de son passage.
Rue du Pont-Muré 16
www.le-gothard.ch

Fribourg
Espace Jean Tinguely

Cet ancien hangar de la Société des tramways de Fribourg a été reconverti dès 1998 en merveilleux espace d’exposition pour mettre en valeur les œuvres de Tinguely et de Saint Phalle.
Rue de Morat 2
www.fr.ch/mahf

Fribourg
Elvis et moi

Gageons que l’artiste aurait aimé ce lieu, glamour, kitsch et vintage. La déco de Valentine, la patronne, est une installation d’art à part entière (à la gloire d’Elvis).
Rue de Morat 13
www.elvis-et-moi.ch

Granges-Paccot
Auberge Aux 4 Vents

On ne présente plus cet hôtel très prisé pour son originalité et la qualité de son accueil. Et si cette baignoire, montée sur des rails dans la chambre «bleue», avait quelque chose de «tinguelien»?
Grandfey 124
www.aux4vents.ch

Fribourg
Fontaine «Vitesse»

L’hommage de Tinguely à son ami Jo Siffert. Un symbole peu mis en valeur, mais qui devrait rejoindre la place Jean-Tinguely.
Grand-Places

Fribourg
Le Port

Le bar de l’été à Fribourg, pour une pause gourmande dans un jardin urbain et itinérant. Avec une restauration éco-responsable.
Planche-Inférieure 5
www.leport.ch

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Lea Kloos / RDB / Photomontage L’Hebdo
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Fribourg série d'été: Marguerite Bays, la sainte laïque

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Jeudi, 17 Juillet, 2014 - 05:47

Piété. La modeste couturière qui prêchait la bonne parole aux enfants est en voie de canonisation.

«Chambre de Marguerite Bays: dernière porte à gauche au fond du corridor. Vous pouvez entrer sans sonner.» C’est ainsi que le visiteur est accueilli dans une ancienne ferme de La Pierraz, hameau où Marguerite Bays est née en 1815. Un couloir conduit aux deux petites chambres de la Servante de Dieu. Ce jour-là, on y hume un léger parfum de garde-manger (à dire vrai, de saucisson). Odeur de sainteté? La couturière avait, dit-on, un talent pour «raccommoder» ses semblables entre eux. Une parque bienveillante qui reprisait les âmes.

D’elle, il n’existe aucune photographie. Le portrait peint que l’on représente toujours a été fait par une religieuse qui n’a jamais rencontré Marguerite Bays.

Malgré son exhalation, Marguerite ne souhaita pas entrer dans les ordres. Les vendredis, elle restait chez elle. A 15 heures, elle était «comme morte», affirment les témoins. Elle se réveillait vers 16 heures, «toute glorieuse, pleine de joie». Elle revivait la Passion du Christ et ses mains saignaient. C’est ce qu’on peut lire dans un épais volume, plus lourd qu’une bible, adressé au Vatican le 27 mai dernier pour soutenir sa canonisation. La candidature est à l’étude…

Le miracle qui pourrait lui permettre d’accéder à la sainteté se serait produit en 1998. On prétend qu’une petite fille est passée sous la roue d’un tracteur mais qu’elle s’est relevée indemne. Son grand-père avait prié Marguerite Bays… Cela s’ajoute au miracle, contesté, de 1940: un alpiniste aurait échappé à la mort, sur la Dent-de-Lys voisine, en invoquant la dévote.

De son vivant, pourtant, les autorités religieuses la voyaient d’un mauvais œil. Question d’influence. Si un vieux domestique était à l’agonie, c’est Marguerite Bays que l’on appelait, pas le prêtre… L’évêque d’alors lui avait demandé d’arrêter de se rendre intéressante, avec ses marques sur les mains. Mais Marguerite Bays n’a pas attendu le Vatican pour devenir une sainte. Elle impressionnait ses concitoyens. Dans l’enquête diocésaine, on peut lire le témoignage d’une voisine: «Marguerite ce n’était pas rien. Tout le monde l’aimait.»

D’une chapelle à l’autre

Il existe aujourd’hui un itinéraire Marguerite Bays. La balade part de Siviriez (la chapelle funéraire consacrée à la future sainte, avec un reliquaire signé Jean-Jacques Hofstetter et Pascal Jonin). Et s’achève à la petite chapelle de Notre-Dame-du-Bois (où la couturière avait coutume de prier). Les plus endurants pousseront jusqu’à l’abbaye de la Fille-Dieu, en passant par Romont. La Servante de Dieu aimait à s’y rendre.

Sur le chemin, on peut donc visiter, à La Pierraz, la maison où elle vécut avec son frère et sa cruelle belle-sœur (le diable n’est jamais loin du bon Dieu). L’intendante Fabienne Sauca y accueille les visiteurs. Comédienne de formation, elle captive son auditoire en racontant la vie de la fervente couturière. Au-dessus d’un petit lit, un chapelet que des adorateurs empressés ont en partie démembré. Et de petits gants blancs, avec lesquels la sainte laïque cachait ses stigmates.


Marguerite Bays

Née en 1815 à La Pierraz, la couturière se dévoue aux malades et aux enfants. Miraculée d’un cancer en 1854, elle commence à recevoir les stigmates. Elle meurt en 1879.


À voir

Romont
Musée du vitrail

Pour découvrir l’art du vitrail, de
l’Antiquité à l’art nouveau, du Moyen Age aux créations contemporaines. Avec une exposition temporaire des œuvres de Marc Chagall (jusqu’au 2 novembre).
Au château de Romont
www.vitromusee.ch

Rue
Restaurant de l’Hôtel de Ville

Une cuisine franche et conviviale, dans une ambiance de brasserie parisienne. Saint-Jacques poêlées, entrecôte de bœuf grillée aux herbettes et cognac, corbeille glacée à la poire à Botzi…
Rue du Casino 30
www.hoteldevillerue.ch

Mézières
Musée du papier peint

L’histoire passionnante des tapisseries, d’un point de vue tant esthétique que technique. Les murs deviennent des paysages. Avec, jusqu’au 28 décembre, un regard sur les papiers peints des maisons fribourgeoises.
Au château
www.museepapierpeint.ch

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Jesus Sauca
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Les frères Guinand, princes de l’artifice

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Jeudi, 17 Juillet, 2014 - 05:50

Trajectoire. Ils livrent des feux de fête à 140 communes romandes et cartonnent dans les concours internationaux. Visite à deux fils de notable qui brillent loin des sentiers attendus.

Cet été, les frères Guinand ont de quoi faire. Pour la fête nationale, ils fournissent des feux d’artifice à 140 communes romandes – «Nos équipes seront présentes sur 30 sites, le reste, c’est du clés en main». Huit jours plus tard, les Fêtes de Genève s’ouvrent avec une fantaisie pyromélodique de leur cru – «Une semaine de montage, seize personnes sur le terrain». A la mi-août, ils participent à des concours internationaux d’art pyrotechnique à Ottawa et à Hanovre. Le 13 septembre, pour le bicentenaire de l’entrée du canton de Neuchâtel dans la Confédération, à un spectacle multimédia simultané à Cernier et à Môtiers. Et, le 27, les scintillements de la Fête des vendanges sont de nouveau signés Guinand. C’est ce qui s’appelle briller de tous ses feux.

Nicolas, le cadet volubile, à la conception artistique, Jean-Pascal, l’aîné plus réservé, à la gestion: les deux artificiers neuchâtelois forment un tandem à succès. Leur société, SUGYP, à Grandson, est la plus importante en terres romandes, et ils sont les seuls à porter les couleurs de la pyrotechnie helvétique dans les concours internationaux. Il faut voir le film de leur prestation au concours de Brno en 2013 pour se faire une idée de leur virtuosité (tapez «Ignis Brunensis Sugyp Switzerland Feuerwerk» sur YouTube, c’est la première vidéo qui apparaît): sur l’air, notamment, de Zorba le Grec, c’est un poème de lumière qui s’inscrit dans le ciel au centième de seconde, une chorégraphie délestée du poids des corps. Le jury ne s’y est pas trompé: Petites histoires d’amour est sorti gagnant du concours.

Une histoire peu académique

Et puis il y a la belle histoire de ces deux frères frappés par la passion de la poudre noire de manière complètement inattendue, après avoir cherché leur voie hors des sentiers attendus. Car le pétard n’est pas exactement une affaire de famille chez les Guinand. Nous sommes chez un notable de la République: Jean, le père, a été recteur de l’université et maître de l’instruction publique neuchâteloise. La mère, Marlyse, est enseignante. Et lorsque, au tournant des années 90, Nicolas quitte l’école de commerce pour un apprentissage de bijoutier-joaillier, quelques bonnes âmes, dans les tea-rooms de la rue du Seyon, ne manquent pas de commenter ce virage peu académique.

«J’avais besoin d’être dans le concret», affirme l’intéressé, yeux clairs et manières franches. On comprend qu’il se soit intéressé aux bijoux, on perçoit aussi la parenté entre leur brillance et le graphisme d’un bouquet céleste. Tout de même: les feux d’artifice, n’est-ce pas le contraire du concret, le comble de l’insaisissable? «Je n’ai pas l’impression d’avoir changé de métier, rétorque Nicolas. Comme avant, je fais un travail de précision et de création. J’imagine, je dessine, je réalise. La grande différence, c’est que, lorsqu’on conçoit un bijou, il faut penser aux siècles à venir: il n’a pas le droit de se démoder. Avec la pyrotechnie, on est complètement dans l’éphémère. Et, pour un créateur, c’est une liberté formidable.»

Pendant que Nicolas tutoie l’or et les pierres (il a tenu un magasin de bijouterie à la rue des Terreaux pendant dix ans), Jean-Pascal manque de peu une carrière de pilote professionnel, gagne sa vie comme chauffeur de taxi, puis entre à l’Ecole de cadres pour l’économie de Neuchâtel. Il passera huit ans chez Coopers & Lybrand, spécialiste des audits comptables dans des PME. Un bagage qui mettra banquiers et parents en confiance le jour où, en 2007, ils seront appelés à miser sur le projet des deux frères: racheter la société SUGYP, à Grandson. Jean et Marlyse Guinand sont encore à ce jour actionnaires de l’entreprise.

Coup de foudre à Chantilly

Mais, avant cela, il y a eu le coup de foudre. «Jusque-là, on ne s’était jamais intéressés aux feux d’artifice: c’étaient juste des pétards», sourit Nicolas. On est en 2004. Actif dans plusieurs sociétés locales, le cadet des Guinand est chargé d’acheter les feux du 1er Août pour le compte de la Ville de Neuchâtel. Pour apprendre à choisir, il décide d’assister à un concours pyrotechnique à Chantilly. En route pour la région parisienne, accompagné de Jean-Pascal et de Xavier Gentil, le complice de toujours devenu chef d’atelier à SUGYP. «Après le premier spectacle, on s’est regardés avec des yeux ébahis. On était comme trois enfants devant un nouveau jouet.»

La mèche était allumée, le feu d’artifice entrepreneurial pouvait commencer. Ingrédients: l’envie, pour les deux frères, de passer au chapitre existentiel suivant, un engagement total. Jean-Pascal: «Ça nous a pris du temps, mais on a réussi à mettre en lien toutes nos compétences pour en faire un projet fort.»

SUGYP, c’est un morceau: 2000 m2 de dépôts et plus de 700 de salles d’exposition dans une imposante ex-fabrique de cigares, en face de la gare de Grandson. L’entreprise brasse 3 millions de chiffre d’affaires par an, dont la moitié en feux d’artifice. Le reste, le secteur distribution, relève de la caverne d’Ali Baba tendance farces et attrapes: dans une pièce les masques de halloween, dans une autre les fleurs artificielles, plus loin des déguisements et jeux divers. Cette occupation de grossistes permet aux frères Guinand d’étaler leur activité commerciale sur l’ensemble de l’année.

Et les pétards, les bombes, les soleils et les cascades, où dorment-ils? Quelques cartons à peine sont alignés dans une cave prudemment dénuée d’équipement électrique: juste ce qu’il faut pour la confection des feux en cours. Le gros du stock dort dans deux hangars à explosifs qui furent militaires. Quand on brasse 25 tonnes de «matière active» par an, on prend ses précautions. Ladite matière vient à 80% de Chine et à 20% de divers pays d’Europe, au premier rang desquels l’Italie, leader historique de la pyrotechnie sur le Vieux Continent.

Avec ou sans musique

Mais revenons en 2004. Les frères et l’ami rentrent de Chantilly et, durant les sept heures que dure le voyage en voiture, ne parlent que de ça. Qu’ont-ils donc vu? Qu’est-ce que leur «nouveau jouet» a de plus qu’un traditionnel feu du 1er Août? La musique. Les jeux d’eau. La scénographie. La précision technique. La maîtrise des silences, répondent-ils en vrac. Au final: une émotion. Des années plus tard, à la Fête des vendanges 2013, Nicolas Bouvier, directeur du Théâtre du Passage, à Neuchâtel, dira à l’issue du spectacle des frères Guinand: «Je ne pensais pas qu’un feu d’artifice puisse m’émouvoir à ce point.»

Et le petit feu tout simple, alors, sans musique ni grands effets, le seul que la plupart des communes peuvent se permettre, il n’est pas émouvant, lui? Nos virtuoses du pyromélodique s’empressent de préciser: le «feu sec», comme on l’appelle, est le feu authentique du 1er Août. Il peut être magnifique: ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de musique qu’il n’y a pas de rhytme. A l’inverse, quand on veut faire du «pyromélodique à tout prix», on risque la mélasse lumino-musicale.

Seigneurs des lumières en leur palais de la magie éphémère, Jean-Pascal et Nicolas vous l’affirment: la poésie ne scintille pas que dans le ciel des riches.


Jean-Pascal et Nicolas Guinand

1969 et 1973 Naissance à Neuchâtel.
1999 Jean-Pascal, diplôme de l’Ecole supérieure de cadres pour l’économie.
1994 Nicolas, diplôme de bijoutier-joaillier.
2007 Ils rachètent l’entreprise SUGYP, à Grandson, feux d’artifice et articles de fête.
2009, 2010, 2012 Feux pyromélodiques pour les Fêtes de Genève.
2013 Premier prix du festival international Ignis Brunensis de Brno et troisième prix du Festival international de Macao.

 

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Photomontage: Régis Colombo
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Dermatologues: pourquoi sont-ils si inaccessibles?

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Jeudi, 17 Juillet, 2014 - 05:51

Enquête. Il n’est pas toujours aisé d’obtenir un rendez-vous chez un dermatologue en Suisse romande, alors que la prévention sur le cancer de la peau pousse à faire contrôler les grains de beauté suspects sans délai. Les raisons d’une saturation.

Les dermatologues romands seraient-ils une espèce en voie de disparition? A entendre les histoires qui se suivent et se ressemblent, on est en droit de se poser la question: appels qui aboutissent invariablement sur des répondeurs, ode à la patience lorsqu’il s’agit de traiter des affections bénignes, plusieurs semaines d’attente pour faire contrôler des taches ou des grains de beauté… Ces cas semblent se multiplier. Deborah, trentenaire de la région lausannoise, en a récemment fait les frais. Lors d’un banal contrôle chez son généraliste, un grain de beauté suspect est détecté. Le médecin lui conseille de faire vérifier la lésion auprès du dermatologue que consulte d’ordinaire la patiente. Impossible de décrocher un rendez-vous avant trois mois.
«Nous avons des discussions fréquentes à ce sujet avec nos patients ainsi que des médecins de premier recours. Il semble en effet qu’il soit difficile de trouver un rendez-vous avec un dermatologue installé», confirme Olivier Gaide, chef de clinique de dermatologie et spécialiste d’onco-dermatologie au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), à Lausanne. «Selon nos collègues généralistes, nous sommes parmi les spécialistes les plus demandés et les plus occupés. C’est pourquoi il est conseillé de prendre contact avec au moins trois dermatologues différents.»<

situation paradoxale

Les agendas des dermatologues installés en cabinet sont littéralement saturés. Mais pourquoi? La réponse tient en plusieurs facteurs. Le premier étant le nombre relativement restreint de spécialistes exerçant cette discipline à l’échelle du pays. La Fédération des médecins suisses (FMH) ne compte que 497 dermatologues pratiquant en Suisse, dont 416 en cabinet privé. A titre de comparaison, on dénombre 935 ophtalmologues, 650 cardiologues, 530 neurologues et 1602 gynécologues.

«Avec une population de 8 millions d’habitants, en augmentation constante, et compte tenu de la hausse des cancers cutanés, les dermatologues de Suisse ne suffisent pas à voir toute la population de manière systématique», analyse Olivier Gaide.

Et c’est bien là le paradoxe car, en comparaison internationale, la Suisse occupe le deuxième rang, juste après l’Australie, quant au nombre annuel de nouveaux cas de cancer de la peau (lire l’encadré ci-contre). «Les cas de mélanome sont trois fois plus fréquents qu’il y a trente ans, constate le professeur Jürg Hafner, à la tête du département de dermatologie de l’Hôpital de Zurich et président de la Société suisse de dermatologie et vénérologie. Cela s’explique en partie par l’augmentation importante des nouveaux malades, mais aussi par l’accroissement des dépistages précoces. Quoi qu’il en soit, aucun autre cancer humain n’a autant progressé.»

Tous les cantons ne sont pas égaux face au nombre de dermatologues installés sur leur territoire, puisqu’ils ne sont que 8 dans le canton de Fribourg, contre 9 à Neuchâtel, 13 en Valais, 33 à Berne, 47 dans le canton de Vaud et 51 à Genève. «Nous sortons à peine de dix années de moratoire ayant bloqué l’installation de nouveaux spécialistes, et un nouveau moratoire partiel est actuellement en cours», explique Olivier Gaide. Ainsi, jusqu’en 2016, il ne sera en principe pas possible pour un dermatologue, sauf autorisation des autorités cantonales, d’ouvrir un cabinet si un confrère ne ferme pas le sien. Ce qui limite inexorablement le nombre de praticiens.

Une autre constatation s’impose pour expliquer la difficulté à décrocher un rendez-vous chez un dermatologue: l’augmentation de la pratique du temps partiel en cabinet, liée notamment à la féminisation importante du secteur. Contrairement à d’autres disciplines où les hommes sont encore fortement majoritaires, la dermatologie a pratiquement atteint la parité en comptant dans ses rangs 229 femmes pour 268 hommes. Et, en Suisse, la moyenne en temps de travail dans ce domaine se situe à 69% pour les premières contre 87% pour les seconds.

Réorientation esthétique

En outre, il est également important de considérer le changement d’orientation emprunté par certains spécialistes vers la dermatologie esthétique, qui se révèle bien plus lucrative que les consultations «classiques». La Société suisse de dermatologie estime que la proportion de praticiens se consacrant uniquement ou surtout à la médecine esthétique est actuellement de l’ordre de 20%. Autant de cabinets au sein desquels faire contrôler certaines affections s’avère une mission improbable, voire impossible.

Le nombre de médecins dédiés à l’esthétique est certes pour le moment encore relativement réduit, mais certaines voix craignent déjà une hausse de ce type d’activité avec la diminution prévue du tarif médical Tarmed par le Conseil fédéral. En effet, à partir du 1er octobre, la rémunération de différentes prestations techniques sera revue à la baisse pour un montant total de 200 millions de francs. Touchés par cette mesure annoncée fin juin, les dermatologues verront le solde de leurs prestations être amputé de 9%, ce qui fait redouter à la Société suisse de dermatologie des retombées négatives sur le système de santé et, in fine, sur les patients. Ainsi, dans une lettre adressée à Alain Berset datée de février, l’organe faîtier exprimait son inquiétude par la voix de son président, le professeur Jürg Hafner, et de son prédécesseur, Jean-Pierre Grillet: «Une baisse de rentabilité des activités facturées selon Tarmed pousse toujours plus de médecins vers des activités hors tarifs, ce qui rend l’accès aux soins purement médicaux problématique.»

Un dermato sans rendez-vous?

Alors, que faire si l’on s’inquiète à propos d’un grain de beauté mais que l’on peine à obtenir un rendez-vous rapidement chez un dermatologue?

En dehors d’actions épisodiques – où des dépistages gratuits sont possibles, mais organisés essentiellement dans le but de sensibiliser la population à s’autocontrôler et à se faire examiner en cas de modifications de la peau – plusieurs hôpitaux ont mis sur pied des consultations d’urgence avec ou sans rendez-vous.

C’est notamment le cas des Hôpitaux universitaires genevois (HUG), qui reçoivent sans rendez-vous un jour par semaine, le mercredi, pour les semi-urgences. Preuve de la demande importante pour ce type de prestation, ce service reçoit entre 90 et 200 personnes selon les semaines depuis son introduction.

De même, la policlinique du service de dermatologie du CHUV accueille les urgences et se charge d’aiguiller les patients vers un rendez-vous à distance ou un examen le jour même. «Cette consultation est toutefois dédiée en priorité aux cas urgents, ce qui est rarement le cas pour un contrôle des grains de beauté. Les patients dont les lésions n’ont pas augmenté rapidement ne doivent donc pas s’attendre à être vus immédiatement», précise Olivier Gaide, chef de clinique au CHUV.

Quant à la Ligue nationale contre le cancer, elle conseille, en cas de doute sur une lésion suspecte, de passer de prime abord par un généraliste, ce qui permet dans bien des cas d’accélérer la prise de rendez-vous chez un dermatologue. Le médecin de famille peut aussi être en mesure d’enlever lui-même un grain de beauté douteux si le spécialiste ne peut recevoir rapidement le patient.

Toutefois, s’il est important de consulter en cas de doute sur un grain de beauté, l’obtention d’un rendez-vous dans la semaine ou même le mois est suffisamment rapide dans la grande majorité des cas.

sylvie.logean@hebdo.ch/ @sylvielogean


Cancer de la peau: les suisses particulièrement touchés

La Suisse est un pays à haut risque en ce qui concerne le cancer de la peau. Si l’on considère qu’une personne sur trois sera touchée par cette maladie au cours de sa vie, l’Office fédéral de la statistique (OFS) estime, quant à lui, à plus de 2000 le nombre de nouveaux cas de mélanome déclarés chaque année dans le pays. Et ce chiffre augmente tous les ans.

Au deuxième rang après l’Australie, la Suisse détient ce triste record en raison d’un comportement spécialement nuisible: à savoir le passage d’une faible quantité de rayonnement solaire à une exposition intense subite. Président du groupe de travail de la Société suisse de dermatologie, le professeur Ralph Braun explique ce phénomène: «Nombreux sont les individus qui travaillent dans un bureau où ils ne sont guère exposés. Si ces personnes profitent alors du soleil pendant leurs loisirs, l’augmentation soudaine des rayons UV qui y est liée est spécialement nocive et a l’effet d’un choc.»

En outre, l’exposition de la population à ces mêmes rayons UV est relativement importante en raison de la pratique d’activités en montagne et des voyages fréquents dans les pays ensoleillés.

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Les millisecondes qui valent de l’or

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Jeudi, 17 Juillet, 2014 - 05:52

Critique. Les traders à haute fréquence multiplient à l’infini les transactions, gagnant sur de minuscules variations de cours. La vitesse est un avantage essentiel dans leur calcul. Tout comme d’autres choses, moins avouables.

Il fut un temps où la Bourse était une «corbeille», avec des crieurs tout autour et des clients qui téléphonaient leurs ordres d’achat ou de vente à leur banquier. Un passé qui est enterré depuis que les places boursières sont devenues électroniques. Le trader le plus habile n’est ainsi plus celui qui hurle le plus fort, mais celui qui fait exécuter ses ordres avant les autres afin de gagner l’avantage, même sur les différences de cours les plus infimes. Multipliées indéfiniment, les fractions de centimes se transforment en pactole. Et, si le temps, c’est de l’argent, chaque milliseconde représente, pour ces courtiers de l’ère du tout-électronique, de l’or. Les traders à haute fréquence sont devenus les rois des places de négoce.

Ces seigneurs de l’opacité

Leur procédé suscite aussi la révolte. Celle des défenseurs d’un fonctionnement transparent et équitable des marchés financiers. C’est l’histoire de ce mouvement que raconte Michael Lewis, auteur à succès sur les travers de la finance. Son ouvrage précédent, The Big Short, paru en 2010, racontait comment les banques de Wall Street avaient gonflé les dettes hypothécaires des ménages américains jusqu’à provoquer la grande crise des subprimes en 2007.

Dans Flash Boys, l’auteur s’attaque aux seigneurs de l’opacité du négoce boursier. «Le marché d’actions des Etats-Unis se traite maintenant dans des boîtes noires à l’intérieur de bâtiments sévèrement gardés dans des banlieues du New Jersey et de Chicago. Ce qui s’y déroule est difficile à décrire. Les rapports publics sont flous et peu fiables. Même un expert ne peut pas dire ce qui s’y passe exactement, ou quand cela se passe, ou encore pourquoi. Le petit investisseur n’a aucun moyen de le savoir, naturellement», écrit-il.

Lewis ne s’égare pas dans des considérations techniques. Il raconte des histoires vécues, celles de ces banquiers, traders et informaticiens qui se sont trouvés embarqués dans une logique qu’ils ne comprenaient pas, qui les dépassait, puis, l’ayant enfin maîtrisée, qu’ils ont tenté de combattre.

Le livre commence par un projet fou, celui de la construction d’une nouvelle ligne à fibre optique entre Chicago, où se trouve le Chicago Mercantile Exchange (CME), l’une des deux plus grandes places de produits dérivés du monde, et Carteret, dans la banlieue de New York, où se situe la «boîte noire» du Nasdaq, l’une des deux principales Bourses d’échange d’actions des Etats-Unis. Un trader, Dan Spivey, a investi 300 millions de dollars pour poser un câble qui coupe au plus court entre les deux métropoles afin de gagner quelques millisecondes sur les lignes habituelles… et attirer le trafic des ordres boursiers passés d’un point à l’autre.

Le récit dévoile aussi la prise de conscience progressive de Brad Katsuyama, un banquier canadien d’origine japonaise envoyé à New York par son employeur, la Royal Bank of Canada (RBC), qui cherchait à y faire son trou. En plus de la dureté de Wall Street, il y découvre progressivement les trucs employés par les traders à haute fréquence pour manipuler le marché et contraindre les autres acteurs à s’engager dans des transactions dont ils ressortent perdants. Ce constat amène le Canadien à proposer à ses patrons la création d’une place de négoce électronique alternative dont les règles empêcheraient les traders à haute fréquence de perturber la bonne exécution des transactions. Face à leur refus, il quitte sa banque et s’allie à plusieurs investisseurs, dont le fameux gérant de hedge funds new-yorkais David Einhorn, pour créer, à l’automne 2013, une nouvelle plateforme au fonctionnement plus transparent que la moyenne, Investors Exchange (IEX).

Prié de se taire

L’ouvrage s’attarde sur le sort malheureux d’un petit génie russe de l’informatique, Sergueï Aleinikov, passé au service de la banque d’affaires Goldman Sachs. Arrivé en Amérique sans le sou en 1990, au moment de l’effondrement de l’Union soviétique, il s’impose progressivement comme le spécialiste le plus compétent de Wall Street pour optimiser les systèmes de négoce électronique. Jusqu’au jour où, ayant amélioré les circuits et les programmes, il reçoit une offre d’emploi chez un hedge fund, qu’il ne s’imagine pas refuser. Pour se préparer au grand saut, il place sur un serveur externe à la banque les codes qu’il a développés pour elle sur la base de logiciels libres. Accusé par Goldman Sachs de vol de données, il est condamné à huit ans de prison.

«Il avait un accent étranger, une barbe (…) et une apparence qui le désignait comme un espion russe. (…) Face à un tribunal ou à l’opinion publique, il était mal placé pour se défendre lui-même, et son avocat l’a prié de garder le silence, même après sa condamnation», déplore Lewis.

Cette plongée fascinante dans la finance électronique d’après-crise n’est pas un effrayant constat d’impuissance. Au contraire, il montre comment des individus déterminés peuvent garder la maîtrise de leur destin face aux machines.

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