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Petites recettes et plus si affinités

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Jeudi, 17 Juillet, 2014 - 05:53

Zoom. Trouver l’amour en apprenant la cuisine: c’est le concept de Date & Cook, qui veut multiplier les soirées en Suisse romande. Reportage à Genève.

Gabrielle Cottier

«La cuisine est une belle façon de permettre aux gens de se rencontrer. Elle leur fournit des sujets de conversation.» Ne dit-on pas que l’amour passe par l’estomac? L’idée d’organiser des soirées pour célibataires autour de cours de cuisine s’est imposée naturellement à Jérôme Binder, à la tête de Parfums d’épices, une société spécialisée dans la formation gastronomique et la découverte de saveurs.

Pour la première soirée Date & Cook, qui avait lieu début juillet à Carouge (GE), le diplômé de l’Ecole hôtelière de Lausanne avait concocté un menu qui joue sur les épices et les ingrédients réputés aphrodisiaques. «Pour pimenter la soirée et garder l’anonymat, chaque participant porte le nom d’une épice.»

Sept hommes, sept femmes, sept recettes, sept rencontres. Dans la belle cuisine au premier étage de la Brasserie des Tours, les quatorze célibataires âgés de 30 à 50 ans s’observent autour d’un verre de bienvenue. Il est 18 h 30. Les participants sont encore un peu tendus, ils expliquent qu’ils sont venus avant tout pour l’expérience culinaire, mais que «le bonus serait de rencontrer quelqu’un». Présenté sous le nom de Girofle, un charmant trentenaire rasé de frais, chemise blanche entrouverte, dit apprécier la formule car «il n’y a pas assez de soirées de rencontres originales, c’est une occasion à saisir». En longue robe fleurie, Cannelle, pimpante quinqua, a été attirée par l’idée de mélanger hommes et femmes autour de bons petits plats.

Safran et Curcuma

Le concept de la soirée est simple: chaque femme se voit attribuer une des sept recettes du menu, secondée successivement par trois hommes jouant le rôle d’assistants. Ceux-ci changent toutes les quinze minutes de poste, selon un système de rotation, pour un total de 45 minutes par plat.

Le coup d’envoi est donné à 19 h. Les sept premiers binômes se forment: Safran, jeune fille au caractère directif, et Curcuma, garçon plutôt timide, commencent la saladine de poulet au citron vert, alors que le dragueur Gingembre s’attelle à la réalisation des keftas d’agneau avec Coriandre, charmante expatriée allemande. Les couteaux s’activent, les poêles grésillent et les bonnes odeurs montent, alors que Jérôme et ses collaboratrices circulent en prodiguant des conseils culinaires. Les rires fusent et les langues se délient.

«C’est super, j’aime bien donner des directives aux hommes», rigole la dynamique Safran. «J’ai hâte de goûter nos chefs-d’œuvre», renchérit Fenugrec en touillant dans une casserole. Derrière les tabliers, les profils se dessinent: certains binômes discutent beaucoup alors que certains se contentent de travailler; d’aucuns prennent leur temps alors que d’autres sont expéditifs. «Les gens se comportent en cuisine comme dans la vie, analyse Jérôme Binder. On constate très rapidement s’il y a affinité avec quelqu’un ou pas.»

Une fois les plats terminés et dressés, une dégustation de bière est prévue dans la brasserie du sous-sol, pendant que Jérôme et ses collaboratrices mettent la table. Lorsque les participants remontent, tout est prêt pour qu’ils dégustent leurs plats et commentent leur travail, ainsi que la soirée. «Les plats sont magnifiques, Jérôme et son équipe sont vraiment exigeants sur la présentation», relève Curcuma. «J’ai passé une très agréable soirée, commente Moutarde, même si je n’ai pas rencontré la femme de ma vie.» Anis ajoute avoir apprécié le travail en binôme, mais regrette parfois que l’attention soit davantage portée sur la recette que sur le partenaire.

Il semble que, pour cette fois, chacun reparte comme il est venu. Même si certains participants auraient aimé davantage d’homogénéité dans les âges, ou passer plus de temps avec certains candidats, Jérôme nous rappelle que cela reste avant un tout un cours de cuisine. Et Cannelle d’ajouter en riant: «On a beau faire les meilleures soupes dans les vieilles marmites, la sauce ne peut pas prendre à tous les coups!»

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Mike Sommer
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La start-up genevoise qui a conquis l’Amérique

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Jeudi, 17 Juillet, 2014 - 05:55

Zoom. Cofondée par le Suisse Mark Kornfilt, la société Livestream permet de retransmettre en vidéo n’importe quel événement en direct sur le web.

Fin novembre 2006, New York. Tard dans la nuit. Mark Kornfilt arrive dans le petit appartement de son ami belge Max Haot, à Soho. Cela fait quelques mois que le Genevois de 24 ans est arrivé dans la mégapole américaine. Le grand brun aux yeux de faucon vient d’obtenir son diplôme en informatique de l’EPFL. Son ami l’a fait venir pour lui montrer un nouveau projet sur lequel il travaille. Il pose son ordinateur sur la table de la cuisine. Et se rend dans le salon. Mark Kornfilt le voit alors s’agiter devant l’écran. Il est bouche bée. «C’était vraiment cool, se souvient-il aujourd’hui. Max venait d’inventer la première plateforme de streaming vidéo d’événements en live.» Max Haot demande alors à Mark de le rejoindre pour lancer une compagnie qui exploiterait cette innovation. Livestream, une des start-up les plus dynamiques des Etats-Unis, était née.

A l’époque, Skype permettait de se connecter en live avec quelques autres utilisateurs; YouTube diffusait des vidéos préalablement enregistrées à des millions de personnes; Twitter et Facebook permettaient de publier du texte et des photos en direct. Ce que Max Haot venait de montrer à son ami allait encore plus loin: sa plateforme pouvait streamer n’importe quel événement sur la planète à des milliers, voire des millions de personnes. «A ce moment, la télévision était le seul moyen de retransmettre un événement en direct avec de l’image, raconte Mark Kornfilt. Et cela coûtait des millions de dollars. Nous, nous voulions permettre à tout un chacun de le faire, à un coût minime. Cet outil allait démocratiser la vidéo en direct. On allait créer un nouvel outil d’expression pour le grand public.»

Mark Kornfilt est né à Istanbul en 1982. Ses parents, d’origine turque, sont arrivés à Genève lorsque leur fils était âgé de 5 ans. Son père possédait une petite entreprise de commerce de papier et de cellulose. «Ma famille a toujours eu l’esprit d’entreprise», glisse-t-il. Très jeune, il attrape le virus informatique: «A 8 ans, je codais des programmes. A 14 ans, je donnais des cours d’informatique à des personnes plus âgées.» Après l’obtention de sa maturité au collège Calvin, il s’inscrit tout naturellement en informatique à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne.

L’arrivée à Limewire

A la fin de sa licence, il obtient un stage au sein de Limewire, la start-up new-yorkaise connue pour son logiciel de partage peer-to-peer. Mark Kornfilt arrive à 23 ans dans la Grande Pomme, des étoiles plein les yeux. En l’espace de quelques mois, sa vie se transforme. Il rencontre Max Haot, et tout se précipite. «Je voulais travailler avec Mark, explique Max Haot. Je savais qu’il sortait de l’EPFL, une excellente école, et qu’il travaillait pour Limewire, dont les exigences de recrutement sont très élevées.» Quelques mois après, ils créent leur start-up, alors nommée Mogulus, en compagnie d’autres amis, l’Indien Dayananda Nanjundappa et l’Anglais Phil Worthington. Mark Kornfilt devient l’ingénieur en chef de la petite société.

Les premiers mois sont rudes. «Je travaillais toutes les nuits jusqu’à 4 heures du matin, une fois mon job à Limewire terminé. On codait dans l’appartement de Max. Nous étions euphoriques, dopés à l’excitation.» L’équipe de quatre partenaires part ensuite en Inde pour y monter un bureau et former une équipe d’ingénieurs. La première version du site est lancée en mai 2007.

Peu à peu, des internautes se prennent au jeu. «Nous ciblions principalement les blogueurs, explique Mark Kornfilt. Notre plateforme de streaming en live leur permettait d’augmenter leur audience sans trop d’efforts.» Puis des institutions, comme la Ligue portugaise de basketball et une grande radio italienne, rejoignent le réseau. «Il s’agissait de tous les événements qui n’étaient juste pas assez importants pour être retransmis à la télévision», explique-t-il. Et des gros clients commencent à arriver. En mai 2007, des fans d’Apple retransmettent en direct sur leur plateforme la conférence de presse annonçant la sortie du premier iPhone. Un désastre. «Nos serveurs n’étaient pas assez puissants à l’époque, se rappelle Mark Kornfilt. Le site internet n’a pas tenu le choc, la masse d’utilisateurs étant trop élevée.» Malgré l’échec, l’événement souligne le potentiel de leur produit: «Il fallait urgemment régler ces failles techniques.»
La consécration arrive quelques mois plus tard, lors des élections primaires de la campagne présidentielle américaine de 2008. En mai, un journal local du Dakota du Sud, The Argus Leader, transmet en live une interview de Hillary Clinton grâce à leur système. La candidate à la présidentielle commet alors une gaffe en comparant la mort du sénateur Bobby Kennedy à la campagne de Barack Obama. «La scène s’est directement retrouvée sur CNN et d’autres chaînes télévisées, se rappelle Mark Kornfilt. Les images enregistrées par notre système ont fait le tour du monde!»

Convaincu par le potentiel de la start-up, le géant médiatique Gannett décide d’investir 10 millions de dollars dans le projet. «L’aventure était lancée pour de bon», raconte Mark Kornfilt, en agitant ses mains. En mai 2009, la société décide de changer de nom, et s’appelle alors Livestream. Une brillante décision marketing.

La séduction du New York Times

Un nombre croissant de géants s’adressent à eux, comme le New York Times, Facebook, le World Economic Forum ou la Columbia University. Et des événements poignants marquent la compagnie. Lors de la révolution arabe en Libye, un blogueur et journaliste-citoyen, Mohammed Nabbous, retransmet en direct les manifestations du pays. «On le suivait assidûment, il faisait un travail fantastique sur la violence du régime Kadhafi, se rappelle Mark Korn­filt. Il s’est fait tuer par un sniper alors qu’il était en plein reportage.»

Dans un autre registre, un alpiniste britannique, Daniel Hughes, a escaladé en mai 2013 l’Everest et a retransmis son ascension. «On assiste aussi à des naissances et à des mariages retransmis en direct», dit Mark Kornfilt.

Aujourd’hui, Livestream vient de déplacer ses bureaux au cœur de Bush­wick, une ancienne zone industrielle de Brooklyn devenue ultrabranchée, où hipsters et artistes côtoient maintenant leurs informaticiens. «On vient de quitter nos bureaux de Manhattan», explique Mark Kornfilt, qui porte habituellement des jeans et des Converse bleues. «Nous y avons nettement plus d’espace, nous avons même une table de ping-pong. Avant, nous commencions à manquer de place.» Plus de 140 personnes travaillent pour Livestream dans le monde, dont quelques anciens étudiants de l’EPFL. «Le recrutement de personnes qualifiées reste l’un de nos principaux défis, raconte Mark Kornfilt, qui est domicilié aujourd’hui à Londres, où il développe le marché européen. Les élèves de l’EPFL font toujours de bonnes recrues.»

Plus de 75 000 événements par mois sont regardés par 38 millions de visiteurs uniques sur Livestream. Certains programmeurs le font gratuitement, d’autres choisissent la formule payante de la start-up, qui leur permet d’obtenir des statistiques précises sur les spectateurs ou de retransmettre des événements de façon illimitée. Leur chiffre d’affaires en 2012 s’élevait à 25 millions de dollars, à quelques centaines de milliers de l’équilibre budgétaire.

Le magazine économique Forbes classe Livestream comme étant la 86e entreprise la plus prometteuse des Etats-Unis. Leur potentiel de croissance est énorme. «Dans dix ans, nous voulons que tous les petits et moyens événements soient diffusés en ligne, que ce soit la messe des églises ou des matchs de football, explique Max Haot. Aujourd’hui, moins de 0,1% de ces événements sont mis en ligne, nous pouvons encore progresser.» Une success story à suivre de près.

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Clément Bürge
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Cet été, ça défile aux musées

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Jeudi, 17 Juillet, 2014 - 05:56

Zoom. De Zurich à New York, une dizaine d’expositions sur la mode invitent les vacanciers. La nouvelle recette pour faire des entrées.

C’est une anecdote qui en dit long. A New York, au cœur du MET (Metropolitan Museum), le vénérable Costume Institute, créé en 1937 et répertoriant 35 000 pièces du patrimoine universel, vient d’être rebaptisé. Depuis le 8 mai, l’institution porte le nom d’Anna Wintour, rédactrice en chef du Vogue américain, mondialement connue depuis le film Le diable s’habille en Prada. «Son intérêt pour notre mission nous a permis de nous élever à de nouveaux niveaux de développement et de notoriété», déclare le directeur du MET. Membre du conseil d’administration du musée depuis 1999, la journaliste aurait récolté 125 millions de dollars pour l’institut.

Une chose est sûre: grâce à cette icône à frange, des touristes du Wisconsin ou d’Appenzell visiteront en famille l’«Anna Wintour Costume Center» avant de filer faire du shopping sur la Cinquième Avenue. Un dépoussiérage bienvenu.

Gage de popularité

Afficher la fashion au fronton d’un musée est gage de popularité. Le temps d’un été 2014, on dénombre une dizaine d’expositions attrayantes entre Zurich et Manhattan. Parce que la mode s’est popularisée, parce qu’on sait tout de tout, parce qu’on a tous accès aux codes du luxe (les grands créateurs signent pour H & M), parce que l’internet et Instagram nous font entrer partout, parce que les centres commerciaux sont les nouveaux centres culturels, parce que les filles tiennent leurs sacs à main comme des œuvres d’art, il ne reste plus qu’à aller visiter la mode postée sur un piédestal. Et parce que les deniers publics se font rares, il y a un réel intérêt économique à programmer une belle expo qui engendrera un gros succès public.

C’est ce qui se passe à Paris avec l’expo du Musée des arts décoratifs, programmée du 1er mars au 31 août, qui se voit prolongée jusqu’au 2 novembre. Il y a des noms, des univers oniriques, des mystères, qui font un carton. C’est un luxe soyeux, vaporeux, un voyage entre la Flandre et les pays chauds, entre le mutisme de son créateur et la chaleur de ses évocations, que montre cette première exposition consacrée à Paris à Dries Van Noten.

Des créateurs belges, de la fameuse bande des Six d’Anvers (1986), «Dries» est le plus international, le plus «successful», le plus facile à comprendre pour un grand public en vacances. De la grand-mère à la petite-fille, on aimera ses sources d’inspiration, cette peinture d’Elizabeth Peyton ou cette robe du soir de Cristóbal Balenciaga (1959). On ira voir «Dries» comme on irait voir une rétrospective Philippe Starck ou Andy Warhol.

Savoureux comme une chaussure miu miu

A Londres cet été, même facilité enivrante avec la programmation du Victoria & Albert Museum. On plonge – pourvu qu’il fasse chaud à Hyde Park – dans le Glamour de la mode italienne (1945-2014). C’est savoureux comme une chaussure Miu Miu, une robe baroque Dolce & Gabbana ou un tailleur bourgeois 1967 du déjà bronzé Valentino. Pour draguer le grand public, deux musées convoquent les grands noms de la photographie de mode, dont les plus actuels sont des people superstars. A Zurich depuis le 11 juillet, le Musée Bellerive expose la lignée allant de Man Ray à Mario Testino.

A Granville en Normandie, au Musée Christian Dior, c’est à Richard Avedon, Irving Penn, Patrick Demarchelier et leurs pairs qu’est consacrée l’expo d’été. Quand il faut régénérer, il faut penser célébrités. Ainsi, coup de flash sur Hedi Slimane, photographe, à la fondation Yves Saint Laurent en septembre, après un été consacré aux femmes berbères.

Au Locle, coup de chapeau à François Berthoud, enfant du coin et l’un des plus grands illustrateurs de mode au monde. Une idée de la nouvelle directrice du Musée des beaux-arts pour sa réouverture.

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Walter Bieri / Keystone
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La chronique de Jacques Pilet: les mystères du cerveau

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Jeudi, 17 Juillet, 2014 - 05:57

Chez les ignorants que nous sommesà peu près tous, bien malin qui peut entrer dans le débat opposant les promoteurs du Human Brain Project et ses détracteurs. Un projet qui nous épate. Une machine qui constituerait un «cerveau virtuel»

à l’horizon 2023! Cela en réunissant toutes sortes de savoirs. Si le mot d’aventure humaine n’est pas galvaudé, c’est le moment de le ressortir.

Que cette entreprise suscite des grincements de dents dans le milieu scientifique, cela se conçoit. Jalousies, appétits, frustrations des uns apparaissent forcément face à d’autres plus directement impliqués. Ceux-ci de surcroît ont été parfois maladroits dans leur communication. La mise en vedette du patron du HBR, Henry Markram, un ego survitaminé, a pu irriter des collègues qui se seraient bien vus à sa place. A noter qu’un autre théâtre scientifique à l’ambition gigantesque, le CERN, a toujours pris soin de ne jamais pousser en avant une star. Cette institution a toujours insisté sur son caractère collectif.

Nous aimons admirer les grands desseins. Surtout lorsque ceux-ci laissent entrevoir de réels progrès. L’aversion antiscientifique et l’allergie technologique, assez répandues, sont plus qu’irritantes pour ceux qui croient que l’homme ne cesse de se dépasser. Il suffit de bénéficier, ne serait-ce qu’une fois, des percées extraordinaires de la médecine et alors les pleurnicheries sur les illusions de la recherche deviennent pénibles à entendre.

Cela dit, la science n’a pas à se poser en religion. Elle est née justement du combat contre l’absolutisme religieux. Elle doit donc respecter les impertinents qui osent, sur tel ou tel chapitre, montrer un bout de nez sceptique. La façon dont on traite d’honorables scientifiques qui s’obstinent à poser des questions dérangeantes sur le réchauffement climatique est choquante Des vendus! Des ignares! Trop facile.

Un professeur de l’ETH de Zurich, Richard Hahnloser, du Centre de neurosciences, s’interroge: «Quel intérêt y a-t-il à faire une simulation pareille alors que l’on n’arrive même pas à simuler un ver de terre qui a seulement 300 neurones?» Il ajoute: «Je suis persuadé que nous avons besoin de nouveaux outils de calcul en neurosciences, mais ceux-ci doivent répondre à la plupart des questions brûlantes actuelles sur le fonctionnement du cerveau.» Manque d’envergure? Rivalité? Peut-être. Son interpellation reste néanmoins troublante pour le profane.

Mais ne boudons pas le plaisir de voir la Suisse romande au cœur d’une entreprise follement ambitieuse. Malheureusement menacée, soit dit en passant, par le blocage européen de l’après-9 février.

Des questions sur notre matière grise, les simples curieux de la condition humaine en ont aussi. Quel système complexe a permis à Mozart d’écrire des merveilles musicales à 6 ans, à Blaise Pascal d’imaginer et de construire la première machine à calculer à l’âge de 18 ans? Que diable avaient-ils sous le crâne? Et, outre les génies, les grands pervers de l’histoire… De quelles méninges partait la folie de Hitler?

Le ponte allemand des neuro-sciences Wolf Singer, conseiller d’Angela Merkel, défend une thèse troublante (notamment dans une interview du dernier numéro du magazine Spiegel). Nous serions déterminés plus que nous ne le pensons par les lois de la nature qui régissent la matière grise. «Il doit y avoir quelque chose dans le cerveau des criminels qui le distingue de celui des gens qui arrivent à se conformer aux normes sociales, car les comportements s’appuient sur des processus neuronaux.» A preuve, selon lui, le cas d’un père de famille américain coupable d’abus sexuels sur sa fille à qui l’on a trouvé une tumeur cérébrale. Après en avoir été débarrassé, il se serait trouvé libéré de ces pulsions. Prometteur ou inquiétant?

Si un tel constat se vérifie, adieu la responsabilité individuelle! Pas rassurant. Singer ne va pas jusqu’à nier le libre arbitre. Mais il n’en paraît pas loin.

C’est dire que l’exploration de cet appareillage ultracomplexe que nous trimballons est palpitante. La technologie aidera sans doute les spécialistes à avancer dans leurs connaissances. Mais la philosophie, la psychologie, pourquoi pas la littérature devraient être un tout aussi précieux recours.

D’ailleurs, l’EPFL inclut ces branches dans son mégaprojet. C’est rassurant.

jacques.pilet@ringier.ch

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La vengeance à 200 millions d’une start-up en eaux troubles

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Jeudi, 17 Juillet, 2014 - 05:57

Enquête. La promotion économique de Neuchâtel soutenait une jeune pousse du nom de Swiss Water Tech. Problème: la banque cantonale a pensé qu’il s’agissait d’une fraude, et a appelé la police. Depuis, l’affaire a méchamment dérapé.

L’idée, c’était de transformer la merde en or. Au sens propre. La société Swiss Water Tech SA, installée à Neuchâtel début 2013 avec l’aide du Service cantonal de la promotion économique, devait développer des systèmes de purification d’eau. Sur son site internet, il était question de «générateurs atmosphériques» et de «systèmes de conversion à plasma».

L’entreprise avait été fondée par Ralph Hofmeier, un Allemand de 53 ans basé en Floride. Son parcours n’était pas très clair, mais il se murmurait qu’il avait fait fortune en Bourse aux Etats-Unis. Son associée, la Mexicaine Irma Velázquez, 48 ans, était sa partenaire en affaires comme dans la vie.

A première vue, le montage du duo était un peu tarabiscoté: Swiss Water Tech SA était elle-même détenue par une autre entreprise, Eurosport World Active Corporation Inc., basée à Miami. Avant de se lancer dans la purification d’eau, en 2008, cette société disait vendre des boissons énergétiques sur l’internet. C’est pour elle que Swiss Water Tech SA devait développer des technologies novatrices. Car révolutionner l’approvisionnement en eau potable dans le monde n’était qu’une étape transitoire pour les associés. Leur but avoué était de faire entrer la société Eurosport World à la Bourse américaine, et d’y décrocher la timbale.

Le couple s’installe dans un bel appartement à Neuchâtel et, en mai 2013, ouvre les comptes de l’entreprise auprès de la Banque cantonale neuchâteloise (BCN).

La promotion économique neuchâteloise est visiblement emballée par le projet. Un soutien de 350 000 francs est évoqué. Le service ouvre aussi des portes au couple. Il est bientôt question d’un «projet pilote», devisé à plusieurs millions de francs, pour installer la technologie de Swiss Water Tech au centre d’épuration du quai Robert-Comtesse. Ralph Hofmeier dit être sur le point de signer des contrats en centaines de millions de dollars au Pakistan et au Nigeria. Sauf que les mois passent, et l’entrée en Bourse ne vient pas.

Fin février 2014, la BCN reçoit une mauvaise nouvelle. Une banque d’affaires américaine a refusé de traiter avec Euro-sport World, ce qui compromet le projet de cotation. Autre détail inquiétant: un appartement qu’Irma Velázquez détient sur la Côte vaudoise fait l’objet d’une vente forcée. Les banquiers neuchâtelois se livrent alors à un «examen rétroactif» des transactions sur les comptes de Swiss Water Tech. Ce qu’ils y découvrent les oblige à passer à l’action.

Le 3 mars, le département «compliance» de la BCN envoie par fax une déclaration de soupçon au Bureau de communication en matière de blanchiment d’argent, le MROS. Conformément à l’usage, ce document est signé par un code qui protège l’identité de l’employé qui l’a rédigé. Sur ce formulaire de cinq pages, dont L’Hebdo a obtenu copie, «CK2» observe que près de 300 000 francs ont été virés sur les comptes de Swiss Water Tech par des «tiers» depuis la Suisse, les Etats-Unis, Israël et les Pays-Bas.

Le rapport note que «ces fonds ont été immédiatement utilisés pour régler des charges courantes des deux administrateurs. Aucun investissement n’a visiblement été réalisé.» CK2 conclut: «Ces entrées de fonds pourraient provenir de personnes qui pensent investir dans des énergies vertes, mais qui pourraient n’être que des victimes d’une escroquerie.»

Les autorités ne font ni une ni deux. Le MROS délègue l’affaire au Ministère public neuchâtelois, qui la confie à son tour au «pôle financier» de La Chaux-de-Fonds. Sur son ordre, le 25 mars au petit matin, des policiers en armes perquisitionnent au domicile neuchâtelois de Ralph Hofmeier et d’Irma Velázquez. Ils saisissent un ordinateur et interrogent le couple pendant près de dix heures.

Deux cents millions de Dommages

Le parquet contacte alors les «investisseurs» de Swiss Water Tech. Mais là, surprise: ceux-ci ne se sentent pas lésés. Aucun ne souhaitait investir pour de bon dans des énergies renouvelables. Peu importe si leur argent n’était pas vraiment investi: ils attendaient uniquement le pactole promis par une future cotation en Bourse. Aucune plainte n’a été déposée, et le parquet a rapidement clos l’enquête.

Ralph Hofmeier ne compte pas en rester là. «Nous avons été gravement lésés par le comportement de la banque et du canton», dénonce-t-il aujourd’hui. Le 27 juin, sa société Eurosport World a déposé plainte pour diffamation contre la BCN devant un tribunal de Miami et réclame 200 millions de dollars de dommages, correspondant aux contrats perdus. La plainte identifie aussi l’employée qui se cachait sous le code CK2, et la poursuit à titre individuel.

Une telle procédure contre une banque suisse est exceptionnelle, estime le spécialiste en droit bancaire Carlo Lombardini. En Suisse, les banques bénéficient de l’immunité lorsqu’elles dénoncent des soupçons aux autorités. Et ce précisément pour éviter ce genre de représailles. Mais qu’en pensera une cour américaine? La BCN le découvrira bientôt. Son directeur, Jean-Noël Duc, s’est dit «serein», lundi 14 juillet, en apprenant le dépôt de la plainte. De son côté, Christian Barbier, chef du Service neuchâtelois de l’économie, indique que les soutiens envisagés à Swiss Water Tech ne se sont finalement «pas concrétisés». «A ce jour, il n’y a eu aucun argent public versé dans ce projet», assure-t-il.

francois.pilet@hebdo.ch

Retrouvez ici la plainte d'Eurosport World Active Corporation contre la Banque Cantonale de Neuchâtel

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Walter von K., un colonel qui a de la bouteille

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Jeudi, 17 Juillet, 2014 - 05:59

Rencontre. Présent depuis presque un demi-siècle chez Longines qu’il préside, Walter von Känel affiche à la fois une loyauté militaire à l’égard de Swatch Group et une indépendance à toute épreuve. Le privilège de l’ancien.

Philippe Le Bé

Dans son bureau à Saint-Imier, sa caisse de munitions est à portée de sabre: six bouteilles d’eau-de-vie de gentiane, programmée à 52 degrés. Le colonel Walter Vladimir von Känel, comme l’appellent ses amis russes, affiche une goguenarde menace: «Qu’ils essaient de m’avoir avec leur vodka bloquée à 40 degrés, je contre-attaque. Avec douze degrés de plus!» La leçon vaut pour les Chinois et leur maotai, cet alcool blanc distillé à base de sorgho fermenté. A 73 ans, le patron de Longines, plus vigousse que jamais, se caricature avec délectation, usant et abusant du vocabulaire militaire. Le téléphone sonne. «C’est le quartier général.» Nick Hayek, le CEO de Swatch Group auquel Longines appartient, est au bout du fil. Pause. Accrochée au mur, une plaque publicitaire en métal vante cinq grands prix gagnés par la marque horlogère. Elle est criblée de balles de gros calibre. Un vieil homme l’avait conservée dans son magasin en Normandie, depuis le débarquement des Alliés. Il l’a offerte au colonel suisse. «Cet objet doit revenir à sa base», lui a-t-il déclaré. Nick Hayek a raccroché. Et si l’on parlait un peu d’horlogerie? «Allons-y. Au pas de charge!»

Les sourcils en ordre de bataille, le regard vif, Walter von Känel avoue son amour pour la Russie «qui aime les belles montres», où la marque compte 160 magasins. Et le président russe Vladimir Poutine? «Il a mis de l’ordre!» Les procédures ont été simplifiées et, surtout, «la douane a été nettoyée de la corruption. On ne paie que ce que l’on doit payer: notamment 17% de TVA, environ 20% de droits de douane, soit entre 40 et 44% au total.» C’est le même régime en Chine et en Inde, avec des taux différents. Le Brésil, en revanche, est «le seul grand pays du monde où les règles usuelles du commerce ne sont pas respectées». Et ce n’est pas le Mondial qui va changer quoi que ce soit. Donc, le marché brésilien demeure atone.

Et les autres marchés? Il y a une bonne dizaine d’années, le président de Longines affirmait qu’il quitterait l’entreprise horlogère quand le marché indien dépasserait celui de la Chine. «Aujourd’hui, les règles du jeu ont sensiblement changé. Jamais le marché indien ne surpassera le marché chinois», lance-t-il. Donc, Monsieur von Känel, vous ne quitterez jamais Longines? Sourire. «Ce n’est pas d’actualité.» Le colonel reprend ses esprits et jette un regard sur le mur où est accroché le dessin d’un drôle de cheval cerné d’idéogrammes. «La grande Chine plus», qui comprend la Chine continentale, Hong Kong, Macao et Taïwan, avec en prime les millions de touristes et travailleurs chinois dans le monde, représente «plus de la moitié du chiffre d’affaires» de la société, estimé à 1,4 milliard de francs. Longines, marque suisse, figure en quatrième position horlogère derrière Rolex, Omega et Cartier. Depuis sa première livraison en Chine en décembre 1867, la marque de Saint-Imier y a ouvert 440 points de vente. Son patron s’y est rendu plus de 300 fois depuis 1971. «La plupart de ces détaillants sont des copains.» Avec des prix compris entre 900 et 3000 francs, Longines semble relativement peu touchée par les mesures anticorruption prises par les autorités chinoises. Elle poursuit donc sa croissance à deux chiffres.

La mémoire de la marque

«Tu seras le premier dans ta plage de prix», a dit un jour feu le père Hayek à Walter von Känel. Plus qu’un ordre, ce fut un commandement et une mission accomplie. Avec une production globale d’environ 1,5 million de pièces, Longines tient le haut du pavé, mais veille au grain. Les concurrentes sont bien là, notamment la jeune princesse Tudor, adoubée par la reine mère Rolex, qui fait une entrée en force sur les principaux marchés de la planète.

A propos de la célèbre marque à la couronne, précisément, très active dans le parrainage des sports équestres, Walter von Känel se réjouit d’avoir décroché «un énorme contrat» avec la Fédération équestre internationale. Et ce petit-fils de paysan d’avoir une pensée émue pour Flora, véritable mascotte familiale. Cette jument morte à 28 ans n’était certes pas une championne de course et de saut d’obstacles, mais elle avait le grand mérite de ne jamais «virer» le jeune cavalier qui la montait.

Fêtant cette année ses 45 ans de fidélité à l’entreprise, le colonel est l’un des rares cadres de Swatch Group à avoir vécu la mutation de son entreprise sur une aussi longue période: la fin de l’entreprise familiale, le rapprochement de Longines avec Montres Rotary SA puis Ebauches SA en 1970, puis son attachement à General Watch (une société du groupe ASUAG), et enfin sa filiation à la SMH, ancêtre de Swatch Group. Au vrai, observe Walter von Känel, la maison horlogère Longines aura finalement conservé son caractère familial avec la famille Hayek. «Je n’ai aucune crainte que Nayla, Nick et Marc-Alexandre Hayek, très impliqués dans le management du groupe, vendent leur participation majoritaire.»

L’après 9 février

La confiance. Sans faille. C’est un trait fort du caractère de Walter von K. Les conséquences de la votation du 9 février dernier contre l’immigration de masse? «Je fais confiance aux autorités pour trouver une solution. On n’a pas le choix.» Un tiers des 500 collaborateurs de la société sont des étrangers. Ils représentent 27 nationalités! Tous les deux mois, le patron accueille la vingtaine de nouveaux en insistant sur «le respect des us et coutumes suisses et de la hiérarchie, ainsi que sur la tolérance». Il n’ose tout simplement pas imaginer ne plus pouvoir engager d’étrangers. Libéral-radical patenté, il précise: «Cette situation est acquise. On ne peut la changer. D’ailleurs, les gros entrepreneurs UDC ont les mêmes problèmes que nous.» Qu’on ne compte par ailleurs pas sur lui pour mettre en doute la politique de son camarade de parti et militaire, le conseiller fédéral Johann Schneider-Ammann: «C’est lui qui a mené à bien l’accord de libre-échange entre la Suisse et la Chine.» Quoi de mieux?

Ancien membre de la délégation bernoise dans l’Assemblée interjurassienne et actuel élu au Conseil du Jura bernois, Walter von Känel regrette que Jurassiens et Bernois se soient prononcés «trop vite» en novembre dernier sur la création d’un nouveau canton du Jura. Car, même si le statu quo lui convient plutôt, il trouve dommage que personne n’ait changé d’opinion et que les camps restent figés. L’esprit de corps, à ses yeux, ne devrait pas avoir de frontières.

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Que faire des milliers de nouveaux civilistes?

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Jeudi, 17 Juillet, 2014 - 06:00

Décodage. Les civilistes sont toujours plus nombreux, au point que le Conseil fédéral envisage de les employer notamment comme surveillants dans les salles de classe, ce qui fait bondir l’UDC. Cette popularité donne des ailes aux partisans d’un service citoyen élargi aux femmes et aux étrangers.

Par Serge Maillard
et Blandine Guignier

L’examen a rebuté bien des Romands allergiques à l’armée. Jusqu’en 2009, les jeunes appelés suisses qui refusaient de rejoindre l’école de recrues et voulaient intégrer le service civil devaient passer par un «examen de conscience» devant une commission. On leur demandait de s’expliquer sur leur réticence à mettre les pieds dans une caserne et à porter le fusil. Et pourquoi ils préféraient être incorporés dans un EMS, un hôpital ou un musée. La suppression de cette évaluation a «ouvert les vannes» du service civil et grossi brusquement ses rangs: les admissions sont passées de 1632 en 2008 à… 6720 l’année suivante! On compte aujourd’hui plus de 32 000 civilistes actifs en Suisse.

«Il y a eu un effet de rattrapage à partir de 2009: beaucoup d’aspirants civilistes avaient repoussé leur recrutement en attendant l’introduction du nouveau système, ce qui explique cette hausse soudaine», explique Jérémie Juvet, secrétaire général pour la Suisse romande à la Fédération suisse du service civil (CIVIVA), qui milite pour le développement de cette solution de rechange au service militaire.

Dans l’urgence, et sous pression de l’armée qui craignait une dilution de ses effectifs, le Conseil fédéral a pris des mesures pour restreindre l’attractivité du service civil – comme la nécessité pour le civiliste de confirmer son choix quatre semaines après la demande ou le retrait du formulaire d’inscription du site internet de la Confédération. Rien n’y a fait. Une baisse du nombre d’admissions a bien été enregistrée ces dernières années, mais la tendance de fond, elle, reste inchangée: le nombre de jours de service accomplis chaque année par les civilistes ne cesse d’augmenter. Il a plus que triplé en cinq ans, passant d’environ 400 000 en 2008 à plus de 1,3 million en 2013.

Sur les alpages et dans les écoles

Où caser cette masse de nouveaux venus? Chaque civiliste peut choisir dans un catalogue son lieu d’affectation. «Pour l’heure, nous avons assez de places pour tout le monde, même s’il y a des variations saisonnières», assure Olivier Rüegsegger, responsable de la communication de l’Organe d’exécution du service civil (ZIVI). Mais la situation pourrait bientôt se compliquer, prévient le responsable. Car la pénurie menace: «Beaucoup de civilistes admis en 2009, lorsque l’examen de conscience a disparu, doivent encore trouver une affectation.» A la CIVIVA, Jérémie Juvet confirme: «Selon nos projections, il faudra 18 000 places en 2018. Or, il y en a moins de 14 000 actuellement.»

Plusieurs actions ont été entreprises pour prévenir ce risque. Près de 400 nouvelles places seront disponibles d’ici à l’an prochain dans l’économie alpestre: les civilistes pourront désormais aussi intervenir en appoint chez les exploitants d’alpage. Mais ce bol d’air frais ne suffira pas à nourrir toutes les demandes. Le Conseil fédéral a donc mis en consultation l’an dernier un projet de révision de la loi sur le service civil. Sa mesure phare: créer des places d’affectation dans le domaine de l’instruction publique, dès 2016. Le projet de révision devrait passer devant les Chambres d’ici à la fin de l’année, «probablement à la session de septembre», selon Jérémie Juvet.

«Mauvaise influence sur les élèves»

Le projet est beaucoup plus ambitieux que l’extension à l’économie alpestre et devrait permettre de créer les places supplémentaires nécessaires. «Les syndicats d’enseignants se sont prononcés en faveur du principe, rappelle le militant. Un projet pilote mené dans le canton de Berne a d’ailleurs donné de bons résultats.»

Concrètement, les civilistes interviendraient pour appuyer des professeurs, par exemple pour la surveillance des devoirs. «Ils ne devront pas remplacer les enseignants. Et chaque canton sera libre de décider de l’engagement de civilistes dans ce domaine.»

L’UDC s’oppose farouchement à l’extension des affectations au domaine de l’enseignement. Le parti redoute que les civilistes ne finissent par se substituer aux professeurs. Conseiller national et lieutenant-colonel à l’armée, le Zurichois Hans Fehr craint aussi que les civilistes incorporés dans les écoles n’exercent une «mauvaise influence»  sur les élèves. «Ils pourraient encourager encore plus de jeunes à ne pas vouloir faire l’armée. Or, je rappelle que le service militaire reste une obligation constitutionnelle, que le peuple a une nouvelle fois confirmée dans les urnes l’an passé. Dans les faits, le service civil est toléré, mais doit rester une exception.»

Pour Hans Fehr, il ne faut surtout pas faciliter l’accès au service civil. Le politicien en fait une question d’égalité de traitement: «Aujourd’hui, le service civil est trop agréable, trop attractif. Les civilistes ne sont par exemple pas incorporés pendant la nuit, à l’inverse des militaires. Et plus nous faciliterons l’accès au service civil, plus il y aura de civilistes. Pour sortir de ce cercle vicieux, il faut au contraire davantage d’obstacles, et une dureté à la tâche équivalente à celle du service militaire.» Conscient qu’il sera difficile d’obtenir une majorité au Parlement contre le projet du gouvernement, le politicien espère néanmoins convaincre certaines franges du PLR et du PDC.

Ces arguments font bondir Jérémie Juvet de la CIVIVA, qui rappelle que les civilistes «consacrent à leur service une durée une fois et demie plus longue que les militaires». Pour lui, le plébiscite des Suisses contre l’initiative du Groupe pour une Suisse sans armée (GSsA) sur la suppression du service militaire obligatoire, refusée par 73,2% des votants en septembre dernier, «n’entame pas la légitimité du service civil».

Vers un service citoyen pour tous... et toutes?

Malgré le refus sec qui lui a été opposé par le peuple, l’initiative du GSsA a relancé les réflexions et le débat sur l’avenir du système de milice. «Seul un tiers de la population masculine en âge de servir accomplit effectivement son service militaire, estime Tibère Adler, nouveau directeur romand du think tank Avenir Suisse. On constate aujourd’hui un effritement de l’esprit de milice. Il faut en tenir compte!»

Au plan fédéral, un groupe de réflexion sur l’obligation de servir, qui inclut notamment des représentants du service civil, a été mis en place à la suite de cette initiative. Il devra rendre ses conclusions d’ici à mi-2015. Sa création fait aussi écho à plusieurs postulats, notamment celui du conseiller national socialiste valaisan Mathias Reynard: «Ma proposition consiste en un «service citoyen» étendu à tous, les hommes et les femmes, les Suisses et les étrangers. Cela ne doit pas être trop contraignant ni d’une durée trop longue, mais inclure tout le monde et souder la collectivité. Il faut à la fois respecter l’obligation de servir et adhérer à la réalité. Il s’agirait en quelque sorte d’un service civil raccourci.»

Aujourd’hui, pour intégrer le service civil, il faut d’abord être déclaré apte à l’armée lors du recrutement, ce qui exclut de facto les femmes: seule une dizaine en Suisse aurait entrepris cette démarche compliquée. Mathias Reynard concède que sa position est pour l’heure minoritaire sur le sujet: «Concrètement, il n’y a que deux personnes qui portent ce projet à Berne: Hugues Hiltpold (PLR genevois) et moi.» Mais des initiatives similaires se profilent hors de la Coupole: dans son livre 44 idées pour la Suisse, Avenir Suisse propose, lui aussi, un service citoyen obligatoire et universel. Alors que l’armée connaît des temps difficiles, le service civil pourrait ainsi jouer un rôle de plus en plus important dans la redéfinition du système de milice. En attendant les conclusions du groupe de réflexion sur l’obligation de servir, la prochaine étape se jouera donc devant les Chambres à l’automne. Et peut-être, par la suite, dans les cours de récréation.


Une mauvaise image qui colle à la peau des civilistes

Avant 1996 et la création du service civil comme possibilité de remplacement de l’école de recrues, les objecteurs de conscience avaient de fortes chances de se retrouver un moment «à l’ombre», pour leur refus de servir. Un héritage qui laisse des traces. La Fédération suisse du service civil évoque ainsi des civilistes encore aujourd’hui «discriminés à l’embauche» pour leur choix, dans certains secteurs. Elle cite le cas d’un jeune homme dont la candidature pour devenir garde-frontière a été refusée, en raison notamment de son parcours de civiliste. L’Administration fédérale des douanes justifie cette décision par «l’appréhension des civilistes à devoir porter des moyens de contrainte et leur réticence à appliquer les mesures de contraintes légales en cas d’agissement illégal», précise la fédération.

Depuis cette affaire, les pratiques au sein du corps des gardes-frontières auraient changé. Mais pour le conseiller national socialiste Mathias Reynard, l’image du civiliste tire-au-flanc contre le militaire bosseur a la vie dure. «Je suis assez consterné de voir qu’il y a encore des gens qui pensent comme au XIXe siècle. Alors qu’il est possible de se faire réformer facilement, il y a des jeunes qui sont prêts à rendre service à leur pays. Je trouve qu’il s’agit au contraire d’une preuve de bonne volonté.»


Les civilistes, des employés au rabais?

Engager des civilistes permet aux établissements d’accueil d’augmenter leurs effectifs à moindre coût. «Nous sommes de la main-d’œuvre bon marché», reconnaît Kevin Kaser. Cet étudiant en histoire à l’Université de Lausanne a décidé de travailler treize mois dans un EMS pour monter un programme d’animation à destination des résidents. Peut-on pour autant parler de concurrence avec les employés formés? «L’institut ne fait pas de profit et son budget est assez serré, nuance le jeune homme de 25 ans. Nous venons compléter le travail des animateurs professionnels. Si l’établissement n’avait pas la possibilité de nous engager, nos tâches ne seraient tout simplement pas réalisées et l’accompagnement des pensionnaires de l’EMS serait moins personnalisé.»

Selon la loi, le civiliste reçoit l’allocation pour perte de gain (APG), 5 francs d’argent de poche chaque jour, ainsi que la prise en charge de ses frais de logement et de nourriture. L’établissement doit aussi verser une contribution à la Confédération, une rétribution qui vise à garantir de ne pas fausser la concurrence. Mais cela ne suffit pas toujours à prévenir les abus. A Bâle, un civiliste de 22 ans entretenait les espaces verts pour le compte du service des parcs de la ville, alors qu’il avait fait son apprentissage de paysagiste au même endroit. Une «concurrence inacceptable» vis-à-vis des sous-traitants de la commune, ont clamé les représentants de la profession en avril dernier. L’Organe d’exécution du service civil (ZIVI) a déclaré cette embauche contraire au règlement et a promis de prendre des mesures.

Si de multiples initiatives entendent aujourd’hui ouvrir le service civil aux femmes et aux étrangers, c’est également pour régler un autre problème de concurrence: celle qui existe entre les civilistes, dont le travail est financé par l’APG, et les stagiaires, souvent moins bien rémunérés. Les institutions et entreprises peuvent favoriser le recours aux premiers, de facto des hommes de nationalité suisse, au détriment des seconds. «De manière générale, nous estimons que les stagiaires devraient recevoir la même rémunération que les civilistes, précise Jérémie Juvet, de la CIVIVA. Il faut par ailleurs permettre aux femmes et aux étrangers d’avoir accès aux mêmes offres et opportunités que les civilistes.» En Suisse, ceux-ci aident à «réduire les externalités négatives, c’est-à-dire qu’ils s’engagent là où les institutions n’auraient pas la possibilité de verser un salaire pour un employé». Mais pour l’organisme, leur engagement ne doit pas se faire sur le dos des stagiaires.

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Genève série d'été: Colette à l’hôtel Richemond, ce lieu qui lui est si cher

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Jeudi, 24 Juillet, 2014 - 05:47

Littérature. Colette a séjourné trois fois à Genève. Lors de tournées durant sa carrière de music-hall puis, bien plus tard, afin de suivre un traitement médical. En 1949, elle signe l’un de ses derniers romans, «Le fanal bleu», dans lequel elle emmène le lecteur dans un voyage presque immobile à travers cette ville dont elle appréciait le décor luxueux, calme et propre.

«Chère maman, nous arrivons. Très bon voyage, photographe et répétitions toute la journée, rien de tel pour vous remettre d’une nuit en chemin de fer! La ville est pavoisée d’énormes affiches. Je trouve ta lettre et suis contente.» Nous sommes en août 1908. Sidonie Gabrielle Colette, dite Colette, a 35 ans. Elle a quitté Willy, son premier mari, sous l’instigation duquel elle a écrit ses premiers livres. Colette découvre Genève où elle joue Son premier voyage, comédie de Xanrof et Guérin, au casino du parc des Eaux-Vives. A l’image de cet édifice, démoli en 1936, il ne reste aujourd’hui que peu de traces de la Cité de Calvin telle que Colette l’a connue. Ranimer cette ville d’antan reste toutefois possible pour celui qui se plonge dans Le fanal bleu. Ecrit en 1949, ce roman est l’un des derniers livres de Colette. Elle y égrène, parmi d’autres, les souvenirs de ses moments passés au bord du lac Léman. Ainsi, en cette matinée de juillet, c’est aussi «un Genève tout rayé de pluie» qui nous accueille à la sortie du train. Le fanal bleu en main, nous voilà partis en direction de l’hôtel Richemond, point de chute favori de la romancière française.

Colette y viendra à trois reprises. Déjà en 1908 puis en 1911. Alors que l’établissement érigé au coin de la rue Adhémar-Fabri n’abrite encore qu’une simple pension de famille. A cette époque, Colette mène une carrière de music-hall. France, Belgique, Italie, Tunisie, Suisse… Elle voyage et joue de ville en ville, tout en continuant à écrire. Les années passent puis, à l’aube de l’été 1946, Colette revient. Elle a alors 73 ans. Sa notoriété n’est plus à faire. Membre de l’Académie royale de Belgique et de l’Académie Goncourt, elle signe également de nombreux articles et critiques pour le journal parisien Le Matin. Elle est divorcée de ses deux premiers époux, Henry Gauthier-Villars, dit Willy, et Henry de Jouvenel, et partage désormais ses jours avec Maurice Goudeket.

Rebelle au vent

Six semaines durant, Colette s’installe au sixième étage de l’hôtel Richemond, qui nous ouvre aujourd’hui les portes de la suite qu’elle occupait. Les murs arborent encore son portrait. Colette est fatiguée. Elle souffre d’une arthrose de la hanche et de douleurs terribles qui la clouent à son fauteuil. Chaque matin, elle fait preuve d’une «tenace coquetterie» pour recevoir le médecin qui se présente ponctuellement et lui fait subir deux heures de sévices en «piqûres, pétrissages et profondes délégations électriques».

Le décor a entièrement changé depuis que les lieux ont été repris par le groupe Rocco Forte. Des couleurs sobres et des pièces modernes ont remplacé le mobilier d’époque, beaucoup plus chargé. Le quartier n’est plus aussi calme, mais la vue, elle, n’a pas changé. Derrière le monument Brunswick, le lac, «le mont d’argent», la vieille ville et la cathédrale. Et, depuis le petit balcon fleuri, le jet d’eau que Colette décrit comme un «jouet majestueux, un épi, une semence éployée au vent, rebelle au vent».

C’est vers lui que nous nous dirigeons à présent. Le long des quais, là où Colette a savouré le «printemps hésitant», le luxe et le calme de cette «cité étrangère» épargnée par la guerre. Elle était loin du vacarme incessant que le moteur des voitures produit aujourd’hui sur le pont du Mont-Blanc. Tout au long de son séjour, Colette a écrit, infatigablement. Et, peu à peu, malgré son scepticisme, elle s’est sentie mieux. Maurice l’a rejointe. Ils se sont promenés en voiture, lentement, dans les rues de la ville, de «jardins-restaurants aux rivages-jardins». Au bout du quai Gustave-Ador, c’est aussi un écrin de verdure qui nous accueille. Le casino-théâtre n’existe plus au parc des Eaux- Vives. Mais, lus à l’abri d’un cyprès, les mots du Fanal bleu suffisent à ranimer cette Genève que Colette a tant aimée.

Un dernier roman

«Par temps clair le lac est une Méditerranée, un peu avare en indigo. Un bain de lumière rose prodiguée changeait en viviers frémissants les cases, débordantes et ordonnées, des magasins agencés pour la victuaille, la dentelle, la chaussure et les parfums.» Colette ne cesse de s’étonner. Tout est si propre. Elle admire les «automobiles miroitantes comme des pianos neufs», le «vêtement sans tache» et toutes ces boutiques qui regorgent de denrées rares et fantastiques aux yeux d’une Parisienne recluse six ans «au sein du bleu de cave, du noir de guerre, du rouge de lumignon». Ce qu’elle aime par-dessus tout, ce sont ces gâteaux, ce chocolat et ce lait, si rares à Paris, mais omniprésents ici.

Puis, un jour, le traitement prend fin. Mais Colette souffre toujours «d’espoir» et de sa maladie. Elle sait «qu’après les rosiers en rangs s’apprête le feu symétrique des géraniums, et celui des sauges écarlates, puis viendront les dahlias, puis les chrysanthèmes»… Fin juin 1947, Colette quitte Genève. «Si Dieu me prête vie et santé l’an prochain, écrit-elle à Emilie Armleder, membre de la famille Armleder, alors propriétaire du Richemond, gardez-moi chez vous mon petit balcon ensoleillé couvert d’oiseaux, mon horizon de lac et de verdures – gardez-moi surtout les bienfaits de votre présence – gardez-moi mes vacances au Richemond.»

Mais Colette ne reviendra pas. Elle retrouve Paris. Où elle mène une vie de plus en plus sédentaire et signe ses derniers romans. Le 3 août 1954, Colette s’éteint. Elle avait 81 ans. Elle repose aujourd’hui au cimetière du Père-Lachaise.


Sidonie-Gabrielle Colette
Elle est née le 28 janvier 1873 dans l’Yonne.
Après avoir écrit ses premiers romans sous la houlette de son mari, Willy, elle joue dans de nombreuses pièces et rédige également des articles. Mariée deux fois, elle a eu une fille. Elle meurt en 1954.


A voir

Genève
Cottage Café

Un ravissant petit kiosque en bois. On s’y installe comme chez soi, parmi les livres et les journaux mis à disposition. Des tartines à la féra en passant par les tapas, tout ici est délicieux.
Adhémar-Fabri 7
www.cottagecafe.ch

Genève
Café Art’s
Petit café à l’atmosphère chaleureuse. On y sirote du jus de gingembre maison ou de la bière artisanale, on y admire les expositions temporaires d’artistes locaux.
Rue des Pâquis 17
022 738 07 97

Genève
Bains des Pâquis
Lieu de rendez-vous incontournable des Genevois, ouvert été comme hiver. Une buvette, des massages, un hammam, des cours de waterpolo ou de taï-chi. Voilà quelques-uns des services proposés à des prix tout à fait abordables.
Quai du Mont-Blanc 30
www.bains-des-paquis.ch

Genève
Ile Rousseau
Au centre du Rhône, ce petit îlot de verdure offre un moment de détente et de calme. Idéalement situé, il permet d’admirer la ville des deux rives du lac. Il abrite également un tea-room.
Ile Jean-Jacques-Rousseau 1
www.ville-geneve.ch

Genève
Bateau de Genève
La buvette du bateau, ouverte d’avril à août, propose plats du jour, tapas et soirées à thème. Amarré au quai marchand des Eaux-Vives, il est un navire hors du commun.
Quai Gustave-Ador 7
www.bateaugeneve.ch

Genève
Gelateria Arlecchino
Spécialisée dans les divers parfums de chocolat, cette gelateria est l’une des meilleures de la ville. On s’installe dans son petit tea-room ou on file jusqu’aux quais savourer sa glace face au jet d’eau.
Rue du 31-Décembre 1
www.larlecchino.ch

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Genève série d'été: le fabuleux parcours de Pictet de Rochemont

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Jeudi, 24 Juillet, 2014 - 05:48

Diplomatie. Journaliste, agronome, diplomate, Charles Pictet de Rochemont est avant tout le père de la République et de la neutralité suisse. Un incontournable du bicentenaire genevois.

La Vieille-Ville de Genève, Carouge, Lancy. Il n’est que peu d’endroits où Charles Pictet de Rochemont n’a pas posé les pieds. Partons du Port-Noir, symbole de l’attachement de Genève à la Confédération. Situé au bord du quai Gustave-Ador, c’est là que les troupes confédérées débarquèrent le 1er juin 1814. Charles Pictet de Rochemont a alors 59 ans. Il a terminé sa carrière militaire depuis longtemps, et est désormais connu. Comme journaliste au sein de la Bibliothèque britannique, revue qu’il a cofondée en 1796 et qui cherche à informer le grand public des inventions et modes à penser de la Grande-Bretagne. Mais aussi comme diplomate attitré de la République de Genève. C’est à ce titre qu’il revient de Bâle, où il a négocié avec les souverains alliés la reconnaissance de l’indépendance genevoise et sa réunion à la Confédération.

C’est ensuite à pied, à cheval ou, en l’occurrence, à bord du bus 2, que nous rejoignons le cours de Rive. De là, arpentons la rue Verdaine, direction la place du Bourg-de-Four, cœur de la Vieille-Ville et plus ancienne place de la Cité de Calvin. Nous voici en 1815. De retour des Congrès de Paris et de Vienne, Pictet de Rochemont a obtenu la cession de six communes du Pays de Gex au territoire genevois. Ce qui assure à la ville une frontière avec la Suisse. Le 19 mai 1815, la République de Genève entre officiellement dans la Confédération suisse comme 22e canton. Mais le succès diplomatique de Pictet de Rochemont ne s’arrête pas là. Le 20 novembre 1815, il obtient la reconnaissance internationale de la neutralité perpétuelle et l’inviolabilité de la Suisse.

Un dernier succès

Quelques pas nous séparent de la promenade de la Treille. Là, en surplomb du majestueux parc des Bastions, trône la statue de Pictet de Rochemont. Les plus courageux feront un détour par le cimetière de Plainpalais afin d’admirer le tombeau de ce père de la patrie genevoise. Quant aux autres, ils grimperont directement à bord du tram 12, direction Carouge. Derrière l’église Sainte-Croix, la place de la Sardaigne. C’est ici qu’à la fin de l’hiver 1816 Pictet de Rochemont proclame Carouge genevoise. Il revient de Turin, où le roi de Sardaigne a accepté de céder à Genève les 24 communes savoyardes et sardes nécessaires au désenclavement de son territoire sur la rive gauche du Léman.

Arrivés à la place Rondeau, nous quittons Carouge. Le bus 42 nous emmène vers Lancy. Au 41, route de Grand-Lancy plus exactement. Où nous admirons l’ancienne propriété de Pictet de Rochemont. Installée en bordure des rails, cette grande demeure blanche abrite aujourd’hui la mairie de cette commune qui n’a cessé de croître. A quelques minutes de là, coincés entre la route et les rails, une dizaine de moutons. Comme un rappel de l’autre facette de Pictet de Rochemont: celle d’un agronome qui, entre deux exploits diplomatiques, retrouve son terrain agricole et florissant, ses champs de maïs et ses fameux moutons mérinos.


Charles Pictet de Rochemont
Né en 1755, il est connu pour avoir représenté Genève, mais aussi la Confédération, aux Congrès de Paris, de Vienne et de Turin.
Il exerçait également une activité d’agronome à Lancy, où il est mort le 28 décembre 1824.


A voir

Genève
Cyclo-concert historique

Enfourchez votre vélo et retrouvez un historien et cinq musiciens, le temps d’une balade. Du Port-Noir à Plainpalais, en passant par la Vieille-Ville, vous découvrirez, en musique et de manière originale, les lieux, personnages et événements marquants de l’entrée de Genève dans la Confédération.
www.ge200.ch

Genève
Jogging urbain
Un parcours de sept kilomètres, dix totems et un commentaire radio. Voilà ce que Genève Running Tours vous propose de réaliser jusqu’en mai 2015. Une occasion originale de découvrir l’histoire de Genève, en baskets et à son rythme.
www.ge200.ch

Genève
Exposition
Découvrez l’histoire de Genève au gré des billets exposés en ligne et dans le parc des Bastions.
www.ge200.ch
 

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Lea kloos / Image collect / Photomontage L’Hebdo
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Genève série d'été: le héros genevois de Mary Shelley

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Jeudi, 24 Juillet, 2014 - 05:49

Science-fiction. A Genève, Mary Shelley a écrit ce qui sera considéré comme l’un des plus grands romans fantastiques.

Printemps 1816, Mary Godwin a 19 ans. Elle a quitté sa famille et ses faubourgs londoniens pour suivre son amant et futur époux, le poète et philosophe Percy Shelley. Sa belle-sœur, Claire Clairmont, est également du voyage. Passé par la France puis le col des Rousses, le trio descend sur Saint-Cergue. Il traverse Nyon. Et, de là, il gagne Genève. L’Hôtel d’Angleterre, plus précisément. Installé au cœur du parc Mon Repos, cet ancien gîte répond alors également au nom d’Auberge de Sécheron ou Hôtel des Etrangers. Il se nomme aujourd’hui Villa Moynier et abrite en ses murs l’Académie de droit international humanitaire.

«Des fenêtres nous pouvons voir le magnifique lac, confie la jeune Mary à son carnet de voyage, la rive opposée en pente et couverte de vignes, les crêtes des montagnes noires s’élançant loin au-dessus, mêlées aux Alpes enneigées, le majestueux Mont-Blanc, le plus haut et le roi de tous. Nous avons loué un bateau et, chaque soir, aux environs de six heures, nous naviguons sur le lac, ce qui est délicieux.» Mais, bientôt, les particules de soufre lâchées par la récente éruption du volcan Tambora viennent brouiller ce ciel si paisible. C’est alors sur la rive opposée que les trois amis vont trouver refuge. A cette époque, Cologny ne comptait encore que quelques maisons, entourées de vignes. Un petit port se tenait là où se dessine à présent la route principale qui file vers Thonon. Il ne reste rien non plus de la Maison Chapuis. Cette construction, à peine plus modeste que ses voisines, dans laquelle les Shelley s’installent ce mois de juin 1816. Claire, elle, retrouve son amant, le poète Lord Byron, dans la Villa Diodati. Construite quelques mètres plus haut, au bord de l’actuel Pré Byron, cette grande et élégante demeure surplombe toujours le lac. C’est entre les murs de cette maison de maître que la petite troupe se retrouve jour après jour.

Naissance d’un mythe

Les quatre amis se divertissent sous le ciel bas. A coup de conversations littéraires et de récits gothiques qu’ils enchaînent jusque tard dans la nuit. «Chacun d’entre nous va écrire une histoire de fantôme», propose soudain Lord Byron. Si les deux hommes n’écriront finalement rien, Mary, elle, imaginera ce qui deviendra plus tard son tout premier roman: Frankenstein ou le Prométhée moderne. Une histoire fantastique dans laquelle la Suisse et ses paysages alpins occupent une place centrale. Les quartiers du Sécheron et de Plainpalais, le Salève, Chamonix… Au fil des pages, Mary Shelley emmène le lecteur à travers ces lieux qu’elle a elle-même côtoyés.

Les années passent. Mary Shelley vit désormais de sa plume. Un jour, elle décide de revenir en Suisse. Nous sommes en septembre 1840. Elle a 43 ans. Son époux est parti depuis longtemps, emporté par la mer. Accompagnée de son fils Percy Florence, Mary Shelley franchit le Simplon et arrive à Genève par la rive nord du lac. Le temps est étrangement morne et froid, comme ce matin de juillet. Mary Shelley retourne voir le petit port, les vignes et les collines de Cologny. Et là, elle se souvient de cette «époque heureuse de sa vie, quand la mort et le chagrin n’étaient que des mots qui n’éveillaient aucun écho dans son cœur.»


Mary Shelley
Née le 30 août 1797 de la philosophe Mary Wollstonecraft et de l’écrivain William Godwin, elle a très vite baigné dans l’univers de la littérature. Son roman Frankenstein inspirera le genre de la science-fiction. Elle est décédée en 1851.


A voir

Genève-Cologny
Visite

Daniel Vulliamy, membre de l’association des guides du patrimoine, organise des balades dans la Genève de Victor Frankenstein. De Cologny au cimetière de Plainpalais, en passant par la vieille ville, aucun lieu n’est laissé au hasard.
022 328 08 77
www.guides-geneve.ch

Genève-Cologny
Bateaux Mouettes

La ligne M4 des Mouettes genevoises permet de traverser le lac, du débarcadère de Chateaubriand, sur la rive droite, à Genève-Plage, près du monument du Port-Noir. Une façon de suivre les traces de Mary Shelley de manière simple et agréable.
www.mouettesgenevoises.ch

Cologny
Pré Byron

Accroché au coteau de Cologny, le Pré-Byron est un écrin de verdure qui jouxte la Villa Diodati. Il offre une vue imprenable sur le lac et tout Genève. Un lieu idéal pour se replonger dans la lecture de Franken-stein ou le Prométhée moderne.

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Genève série d'été: Céligny, le havre de paix de Richard Burton

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Jeudi, 24 Juillet, 2014 - 05:50

Cinéma. En 1957, Richard Burton s’éprend de cette enclave genevoise, de son calme et de ses villageois. Il s’y installe et y reviendra chaque année jusqu’à sa mort, en 1984. Sa maison, Le Pays de Galles, est toujours là. De même que sa tombe, dans le vieux cimetière, et le Buffet de la Gare où il se plaisait à lire le journal ou à siroter quelques verres.

«Fort de caractère»,«insomniaque», «impétueux», «alcoolique». Les biographes ne tarissent pas de qualificatifs négatifs lorsqu’il s’agit de Richard Burton. Pourtant, lorsqu’on se promène dans les ruelles de Céligny, c’est une autre facette que l’on découvre. Celle d’un homme de cœur, aimable, simple, ordinaire comme tout un chacun. C’est en 1957 que Richard Burton pose pour la première fois les pieds sur sol genevois. Il a alors 32 ans et partage sa vie avec Sybil Williams, dont il aura deux filles, Kate, née en 1957, et Jessica, née en 1961, toutes deux baptisées dans le temple de Céligny, au cœur du village.

Les années ont passé, mais la maison Le Pays de Galles, telle qu’il l’avait baptisée en souvenir de ses origines, est restée la même. Le lierre s’accroche à la façade blanche tandis que les arbres fruitiers se balancent sur la vaste pelouse fleurie. Derrière le portail, un chemin de gravier. Bienvenue au 40, route de Céligny. Une adresse accessible en voiture ou à bord du bus 811. Située sous la gare, le long de la route principale, la maison est isolée du reste du village. Qu’importe. Ici, loin du tumulte hollywoodien, Richard Burton se sent en paix. Le calme des lieux n’aura pourtant pas réussi à chasser ses démons.

Un parcours tumultueux

Douzième d’une famille de treize enfants, Richard Walter Jenkins revient de loin. Un père alcoolique. Une mère décédée alors qu’il n’avait que 2 ans. De grands films, mais quelques flops également. Toute sa vie, Richard Burton restera fort en gueule et excessivement porté sur la bouteille. Un charmeur invétéré qui enchaîne les conquêtes. Ainsi, les Célignotes ont vu défiler de nombreuses femmes. Parmi elles, quatre épouses: Sybil, Elizabeth, Susan. Et enfin Sally. Mais s’il en est une qui sort du lot, il s’agit bien évidemment de la deuxième. Ils se sont aimés dès 1961, lorsqu’ils se sont rencontrés sur le tournage de Cléopâtre. Ils se sont mariés, séparés, remariés puis séparés de nouveau. Richard Burton et Elizabeth Taylor ont incarné l’amour passionnel dans tout ce qu’il comporte de splendide et de déchirant.

Seul ou accompagné, Richard Burton est revenu à Céligny chaque année pendant vingt-six ans. Retrouvait-il ici comme un goût de son enfance, passée à Ponthrydyfen dans la campagne galloise? Tout est si calme. Perchée sur sa colline en surplomb du lac, l’enclave genevoise semble comme suspendue dans le temps. Des fleurs partout. Qui embaument l’air et habillent les rues de couleurs intenses et lumineuses. Pas un chat sur les routes, mais des milliers d’oiseaux dans les arbres. Et de l’eau, beaucoup d’eau. Dans le ruisseau qui longe les maisons de la route principale. Mais aussi dans les fontaines qui décorent jusqu’au plus petit chemin du village. Au 34, route des Coudres, Jean-Daniel Hofer s’active. Propriétaire d’un atelier mécanique depuis trente-cinq ans, il était enfant lorsque Richard Burton passait par là. Ils se saluaient, naturellement. Pour lui, l’acteur était un villageois comme les autres.

Harley Decorvet habite la maison d’à côté. Il a longtemps exercé en tant que jardinier au pays de Galles. Trop souvent sollicité, il refuse désormais de parler. Tant pis. Mireille Fillistorf, ancienne villageoise de Céligny, a elle aussi bien connu Richard Burton. Ses beaux-parents tenaient les rênes du Buffet de la Gare à l’époque où l’acteur est arrivé. «Leur amitié est devenue si forte qu’il leur a demandé d’être les parrain et marraine de sa fille.» Mireille Fillistorf se souvient de cet homme «plein d’humour et doté d’une générosité incroyable» qui lui a prêté sa maison pendant cinq ans. «C’était l’époque où il vivait avec Elizabeth Taylor. Il ne venait presque plus ici, car elle préférait aller à Gstaad où elle louait un chalet.»

Départ prématuré

Apprécié des Célignotes, Richard Burton est resté une curiosité de la nature. Capable d’engloutir des verres de Jack Daniel’s et de réciter du William Shakespeare avec la même frénésie. Il s’est pourtant bien fondu dans l’enclave genevoise. Selon certains, c’est au Buffet de la Gare qu’il passait le plus clair de son temps. Seuls quelques pas séparent sa villa de cette bâtisse rose, où il a dégusté d’innombrables bouteilles avec son ami Roger Fillistorf, ancien patron des lieux, décédé quelques années après lui. Aujourd’hui, deux drapeaux français et portugais ornent les fenêtres du restaurant, souvenirs du Mondial qui vient de s’achever. A l’intérieur, rien n’a changé. Des boiseries foncées, des vitraux et des fenêtres gravées, des photos et panneaux publicitaires d’époque. S’il y a passé du temps, c’est avant tout ici que Richard Burton a bu ses derniers verres.

Nous sommes le 3 août 1984. De retour à Céligny depuis quelques jours, Richard et Sally sortent manger au Buffet de la Gare avec leur ami John Hurt, alors de passage dans la région. Le lendemain, Richard se réveille avec la migraine. Il passe la journée au calme, se couche tôt. Mais, au petit matin du 5 août, il sombre dans l’inconscience. Il s’en est allé peu après, emporté par une hémorragie cérébrale. Richard Burton avait 59 ans. Il repose aujourd’hui dans le vieux cimetière de Céligny. A l’orée de la forêt, en surplomb de la petite rivière du Brassu, là où les tombes se partagent la terre avec les herbes folles, les mousses et les arbres. Ici, pas de gravier ni de béton. Un cimetière à l’anglaise, sauvage, embroussaillé, mais charmant. Sur la gauche en entrant, un petit bouquet défraîchi, quelques plantes en plastique, une lanterne et une simple pierre: Richard Burton, 1925-1984.


Richard Burton
De son vrai nom Richard Walter Jenkins, il est né le 10 novembre 1925 à Pontrhydyfen, au pays de Galles. Ses talents d’acteur se révèlent grâce à l’appui de son professeur, Philip Burton, qui l’adopte et dont il prend le nom. Marié cinq fois, il a eu trois filles. Il s’est éteint le 5 août 1984.


A voir

Céligny
Vieux cimetière

Après avoir traversé le village, le chemin qui mène au vieux cimetière part dans les champs et se fait de plus en plus sauvage. Une belle balade, simple et bucolique.
022 776 21 26
www.celigny.ch

Céligny
Buffet de la Gare
Le stamm de Richard Burton. Avec ses airs de brasserie art déco, le Buffet de la Gare de Céligny invite à la détente. Des plats, plutôt traditionnels, soignés et gourmands, servis par un personnel sympathique. Sans oublier la magnifique terrasse ombragée.
022 776 27 70
www.buffet-gare-celigny.ch

Céligny
Marais du bois de Bondex
Situé au nord-est de la commune de Céligny, ce marais a récemment été renaturé. Il constitue aujourd’hui une réserve naturelle, lieu de balade riche en eau et végétation.
022 776 21 26
www.celigny.ch

Céligny
Plage
La jolie petite plage de Céligny est desservie depuis Lausanne et Genève par les bateaux de la CGN. Un endroit tranquille, doté d’une douche, d’un vestiaire et de grils.
022 776 21 26
www.celigny.ch

Céligny
Bed & Breakfast La Coudre
Située sur la route de Saint-Jacques- de-Compostelle, Céligny accueille de nombreux marcheurs. Pour ceux qui désireraient y faire une halte, cette charmante propriété familiale du XIXe siècle propose neuf chambres différentes, dont une suite.
022 960 83 60
www.bnb-lacoudre.ch

Céligny
Célatelier
Activités à thème dans ce petit local situé sur la route des Coudres. Jeux de société, atelier bricolage et, le premier jeudi de chaque mois, soirée conviviale autour du livre.
076 376 46 69
celatelier@bluewin.ch

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Genève série d'été: dans les pas de...

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Jeudi, 24 Juillet, 2014 - 05:51

Evasion. Quoi de mieux pour découvrir une région que de chausser les lunettes de personnages illustres du passé qui y sont nés ou y ont vécu des moments essentiels de leur destin? Nous sommes partis en balade sur leurs traces pour retrouver le supplément d’âme qu’ils nous ont laissé en cadeau. A vous le tour!

Textes Sou’al Hemma
Photos Lea Kloos

 


Valais 10 juillet – Fribourg 17 juillet - Genève 24 juillet – Neuchâtel 31 juillet - Jura 7 août – Berne 14 août

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Marie-Josèphe Bonnet: "C’est la lutte des classes mondiale sur le front de la procréation."

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Jeudi, 24 Juillet, 2014 - 05:52

Interview. Oui, on peut s’opposer aux mères porteuses, et même au mariage gay, sans être catholique et de droite. La preuve par une féministe historique, qui veut déverrouiller le débat.

«Monsieur le président de la République...» De Jacques Delors à René Frydman, en passant par Yvette Roudy, c’est la fine fleur de la gauche française qui signe l’appel à François Hollande contre le recours aux mères porteuses rendu public la semaine dernière (collectif-corp.com).

A l’origine de cette initiative, une historienne et féministe, militante homosexuelle de la première heure. L’an dernier, la cofondatrice des Gouines rouges signait un livre* dans lequel, au nom des idéaux d’émancipation des années 70, elle s’opposait au mariage gay et aux dérives de la procrétion médicalement assistée. Arguments d’un esprit libre.

Le recours aux mères porteuses est interdit en France, comme en Suisse, mais de plus en plus de couples s’adonnent au tourisme procréatif. Que s’est-il passé dans le cas qui a déclenché votre appel au président de la République?

Il s’agit de jumelles nées d’une mère porteuse aux Etats-Unis. Elles sont donc citoyennes américaines, alors que le couple commanditaire est français. L’état civil français a refusé d’enregistrer leur filiation, et la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la France pour ce refus. Si elle cède, ce sera le triomphe de la politique du fait accompli. Comme de dire aux couples: c’est interdit en France mais, si vous allez acheter un bébé à l’étranger, au retour, le lien de filiation sera enregistré par l’état civil français. Il suffit d’avoir l’argent.

François Hollande s’est engagé formellement contre la gestation pour autrui (GPA)...

Dans les mots en 2013. Mais dans les faits aujourd’hui? Si la France ne fait pas appel contre cet arrêt, François Hollande aura, de fait, contribué à la légitimation de cette pratique: on ne pourra plus interdire longtemps la GPA en France, tout en reconnaissant ses effets. Le Collectif pour le respect de la personne (lire le profil ci-dessus) demande au président de s’opposer publiquement à l’admission par le droit des contrats de mères porteuses. Et aussi d’être le promoteur d’un projet de convention internationale interdisant le marché des bébés.

Pourquoi êtes-vous contre la GPA?

On encourage des mères à abandonner leur enfant, ce dernier devient un produit, une chose. C’est une instrumentalisation des femmes au profit d’un néolibéralisme aliénant. La procréation était un acte gratuit, nous sommes entrés dans l’ère de sa marchandisation et d’une nouvelle marchandisation du corps féminin. Des milliers de femmes pauvres sont incitées à produire des bébés pour des couples riches et à vendre leurs ovocytes après avoir subi une hyperstimulation ovarienne très dangereuse. Nous assistons à l’émergence d’un nouveau prolétariat, le prolétariat reproductif. C’est la lutte des classes mondiale sur le terrain de la procréation!

Un beau combat pour la gauche?

Oui, dans toute sa dimension inter­nationale. Car il ne suffit pas d’interdire la pratique chez nous et de se laver les mains sur ce qui se passe ailleurs. Nous avons une responsabilité nouvelle, il faut mondialiser la solidarité en refusant l’exploitation des femmes pauvres. Comment peut-on trouver normal d’aller acheter un bébé à l’étranger? Je vois dans la banalisation de la GPA une dégradation consternante du sentiment éthique.

Vous parlez comme une catholique de droite!

Je dénonce la propagande pro-GPA qui stigmatise les opposants sous des qualificatifs de droite ridicules. Le fait est que beaucoup de gens comme moi, qui ne sont ni catholiques ni de droite, sont opposés à la GPA, mais il était devenu impossible de le dire: le débat était complètement verrouillé à gauche par un lobby gay qui qualifiait d’homophobe tout opposant à ses objectifs. J’ai dû prendre mon courage à deux mains pour surmonter mon malaise et parler ouvertement de cette question. J’ai lutté pour l’émancipation des homosexuels dès la première heure et, en 1971, il fallait du courage pour descendre dans la rue. En 1979, j’ai soutenu une thèse d’histoire sur les relations amoureuses entre femmes, et je peux vous dire qu’on ne s’est pas bousculé pour me proposer un poste à l’université. Aujourd’hui, le courage, c’est d’écouter sa conscience et d’aller contre la pensée dominante qui se veut progressiste en matière de procréation et qui est, en fait, ultralibérale.

Une pensée dominante à gauche, chez les féministes?

Pas du tout. Les femmes sont généralement contre les contrats de mères porteuses. C’est une partie du mouvement gay, tendance LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels et trans), qui a pris tout le monde en otage au nom de la lutte contre l’homophobie.

A gauche aussi, une majorité de gens est contre la GPA, voire contre le mariage gay?

La vérité est qu’on n’en sait rien: aucun sondage n’existe et, même sondés, les gens de gauche peinent à penser librement sur ces questions. Ce qui est sûr, c’est qu’ils sont beaucoup plus divisés qu’on ne le dit; il s’est produit une polarisation droite-gauche du débat qui ne correspond pas à la réalité. Il y avait des membres du FN favorables au mariage gay. Qu’est-ce que ça prouve? Avec notre lettre ouverte au président de la République, nous voulons ancrer le débat à gauche et sortir de cette polarisation mensongère et stérilisante pour l’avenir de nos sociétés.

Dans votre livre, vous relevez ce paradoxe: le mariage est devenu de gauche. Il y a eu une dérive du mouvement homosexuel?

J’ai toujours été contre le mariage en général, je ne fais que tenir mes positions. Le mouvement homosexuel a toujours connu deux tendances: celle qui revendique la différence et celle qui aspire à être comme tout le monde. Aujourd’hui, le second courant a gagné: les homosexuels ne veulent plus se battre, ils ont concentré leur lutte sur le terrain juridique à travers un idéal de vie hyper-conventionnel. Ils sont aujourd’hui les plus fervents avocats de la famille bourgeoise autrefois haïe. Le problème est qu’ils ont besoin des biotechnologies pour faire des enfants sans l’autre sexe.

Vous tenez à l’idée qu’il faut un homme et une femme pour faire un enfant...

Oui! Nous sommes issus d’une double lignée, paternelle et maternelle, c’est ce qui fait la diversité humaine. Pour faire un enfant sans l’autre, selon sa volonté propre, il faut se mettre sous la dépendance des médecins. J’ajoute que, comme historienne, je suis très pessimiste sur ce qu’il adviendrait des femmes si les hommes n’avaient plus besoin d’elles pour procréer.

Le parent, n’est-ce pas celui qui aime et élève l’enfant?

On peut parfaitement élever un enfant sans l’avoir engendré, y compris au sein d’un couple homosexuel, c’est évident. Simplement, il y a un mot pour ça: «parent adoptif». Parlons français!

Et la femme qui accouche d’un enfant grâce à l’ovocyte d’une autre, comment l’appelez-vous?

Je l’appelle la mère, car une grossesse, ça dure neuf mois, il s’y passe des choses, et je pense que le droit français a raison de considérer que la mère est celle qui accouche. Dans tous les cas de figure, il y a un devoir de vérité vis-à-vis de l’enfant sur son origine biologique, sinon c’est de la maltraitance. On a relevé des cas de couples homosexuels où, par souci d’égalité, les partenaires refusent de dire lequel des deux a donné son sperme à la mère porteuse et où l’enfant porte leurs deux noms. Je trouve ça très grave. L’enfant a besoin de se représenter les personnes qui ont participé à sa conception.

Sur le marché de la procréation, les clients hétérosexuels restent majoritaires.

Le danger de déni des origines biologiques est le même. Je ne comprends pas pourquoi la stérilité est devenue si insupportable: ce n’est plus une malédiction, acceptons nos limites!

Vous dénoncez également les agences de mères porteuses étrangères qui, à court de recrues, démarchent jusqu’en France…

C’est le cas par exemple de la société Extroaordinary Conceptions, très active sur les réseaux sociaux. Cette agence américaine sponsorise aussi l’association Clara, grande avocate de la GPA en France. Clara a été fondée par le couple Mennesson, qui est à l’origine du récent arrêt de la Cour européenne… Comme je vous le disais, la logique ultralibérale est puissante. Et le capitalisme, grâce à la procréation médicalement assistée, est promis à une nouvelle jeunesse.

Mais que faire avec les enfants nés de mères porteuses à l’étranger? N’est-il pas éthique de régulariser leur situation?

Notre collectif a mis ses juristes au travail, il faut trouver des solutions. Elles existent et ne passent pas nécessairement par l’enregistrement de la «filiation d’intention».

Vous pensez vraiment qu’au niveau international on pourra renverser la tendance et interdire la GPA?

Pourquoi pas? On a bien réussi à abolir l’esclavage! C’est un grand combat qui s’annonce, mais si on n’est pas un idéaliste, ce n’est pas la peine de se lever le matin.

* «Adieu les rebelles!». De Marie-Josèphe Bonnet.
Ed. Flammarion, 137 p.

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A vendre, ravissant fortin idéal pour festival

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Jeudi, 24 Juillet, 2014 - 05:53

Zoom. Pour renflouer ses caisses, l’Etat italien vend son patrimoine. Cet été: un couvent, une base militaire, une maison du fascisme…

Des châteaux en Espagne, des plages en Grèce, des hôtels particuliers en France. Depuis quelques années, les amateurs d’aventures immobilières ont de quoi rêver en dur. Pour renflouer les caisses publiques, plusieurs Etats ont intensifié leurs opérations de vente du patrimoine.

Le dernier lot d’objets (15) à vendre a été rendu public en Italie il y a quelques jours et il ne manque pas d’originalité: pour celui qui veut épater ses amis, un palais à Venise, c’est bien, mais une maison du fascisme à Caravaggio (Lombardie) ou un fortin à l’embouchure du golfe de La Spezia (Ligurie), c’est mieux. Surtout si on a l’intention de créer un hôtel, une colonie de vacances ou un festival.

Acheteurs suisses bienvenus

L’organisme chargé de la transaction, l’Agenzia del Demanio, est la même entité publique-privée qui gère les biens de l’Etat confisqués à la Mafia. «Les acheteurs suisses sont les bienvenus», confirme Angelo Pizzin, un de ses agents. Il suffit de suivre la procédure (détaillée sur www.agenziadeldemanio.it), pour une vente aux enchères par correspondance qui fleure bon le jeu de poker: «Vous envoyez, jusqu’au 29 septembre, une offre écrite et c’est celui qui a proposé la plus grosse somme qui gagne.»

Angelo Pizzin était responsable, en 2013, de la vente d’un quasi-palais vénitien à Murano: il est parti – dans le portefeuille d’une société hôtelière – pour un peu plus d’un million d’euros. Tentant, non? N’oubliez pas tout de même, avant d’envoyer l’enveloppe, de vérifier l’état de conservation de l’objet. La plupart du temps, le site précise: «Très mauvais.»

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Ces politiques économiques qui ruinent les pays riches

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Jeudi, 24 Juillet, 2014 - 05:54

Critique. Les gouvernements ne parviennent pas à développer de nouveaux modèles de croissance à la suite de la crise de 2008. Pourtant, il y a urgence.

Les pays développés sont devenus des stimulus junkies (accros à la croissance) depuis la crise des subprimes. En mettant en place des politiques à taux d’intérêt bas et en s’obstinant à retrouver le taux de croissance de 2007, les gouvernements perdent la confiance de leurs citoyens. S’ils pensent pouvoir retrouver le niveau de vie d’avant-crise, ils ont tout faux, selon le livre When the Money Runs Out. The End of Western Affluence (Lorsque l’argent s’épuise. La fin de la croissance occidentale).

Certes, le titre est alarmant. Mais les arguments de l’auteur, Stephen D. King, sont percutants. Même s’il se montre défaitiste sur les solutions à la crise, il tient cependant à croire que tout n’est pas joué: «Le titre est seulement une tournure de mots, il n’est pas à prendre au sens propre…» Un simple avertissement, donc. L’économiste en chef de HSBC, première grande banque britannique, ne suggère alors pas à ses lecteurs de se retirer dans un paradis et de chercher la sécurité. En fait, il analyse les pays développés, car «ils ne sont plus capables de générer de la richesse».

Né en pleine effervescence «pop», en 1963, l’économiste ne retient pas de ces années-là les Beatles ou Jimi Hendrix, mais plutôt une réalité froidement économique. Pendant les quarante premières années de sa vie, le revenu par habitant au Royaume-Uni a presque triplé. Aussi, il se montre critique envers la décennie 2010: le revenu par habitant n’a plus augmenté que de 4% en Grande-Bretagne. Son constat est sans appel: «L’économie va très mal.»

Ces chiffres ne seraient pas inquiétants si la population ne s’était pas habituée à voir son niveau de vie augmenter sans cesse, analyse Stephen D. King. Et d’accuser les gouvernements des pays développés d’avoir entretenu un espoir vain en promettant des taux de croissance probablement inatteignables.

L’auteur s’efforce de démontrer que les gouvernements persistent à utiliser les mauvaises politiques macroéconomiques, dites «stabilisatrices».

Pessimiste mais réaliste

Deuxième constat: les politiques qui ont été adoptées par les pays développés ne cessent de créer des inégalités, de par cette incapacité à générer de la richesse. Un phénomène que l’économiste n’essaie pas directement d’expliquer, mais dont il étudie les conséquences sur les économies «stagnantes». Il s’appuie sur Adam Smith, père de l’économie politique, pour expliquer que ce stade stationnaire entraîne une perte de confiance entre la société et l’Etat.

La troisième inquiétude de Stephen D. King repose sur les pays développés et leur obsession du plan de relance. Les Etats parient sur les mauvaises politiques, comme un taux d’inflation bas, afin de retrouver une croissance satisfaisante. Or, estime l’auteur, «sur le long terme, les taux d’intérêt bas entretiennent davantage l’échec économique qu’ils n’activent une future reprise».
Les éléments qui ont stimulé la croissance il y a quelques années (par exemple la démographie) sont maintenant un handicap en raison d’une population qui ne cesse de vieillir.

King ne propose pas de recette miracle, mais il tente quelques suggestions. «Si les gens se font confiance et font confiance aux institutions, ils seront davantage amenés à faire marcher l’économie.» Pour améliorer les relations qu’entretiennent les Européens avec Bruxelles, il propose par exemple la création d’une union fiscale au sein de la zone euro. Une union qui devrait encourager la circulation des travailleurs et répondre ainsi aux besoins du marché de l’emploi. Et qui devrait faciliter les investissements là où les salaires sont bas. Cette union aurait la compétence d’intervenir pour corriger les éventuels blocages du système.

L’auteur prend d’ailleurs l’exemple d’un salarié espagnol pouvant se déplacer dans le nord de l’Europe, où l’emploi est plus favorable. Curieusement, le livre n’évoque pas la lutte contre le dumping salarial, alors qu’il dénonce une société à deux vitesses.

L’économiste pense que les banques centrales devraient réguler chaque banque, obligeant les politiques à adopter une stabilité à long terme au lieu de se concentrer sur les bénéfices à court terme. Enfin, les instituts d’émission doivent abandonner leurs objectifs de maîtrise de l’inflation.

Stephen D. King sous-estime-t-il les difficultés politiques pour mettre en place ces solutions? Ne met-il pas les Etats-Unis dans le même panier que l’Europe? Plusieurs questions restent en suspens. Mais cet ouvrage accessible à tous réussit à véhiculer son message principal. Si les politiques économiques continuent comme maintenant, nous ne retrouverons pas notre bon vieux taux de croissance d’avant 2007. La situation est pire qu’on ne le croit, mais elle n’est pas désespérée.

«When the Money Runs Out – The End of Western Affluence».
De Stephen D. King. Yale University Press, 261 pages.

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Chloé, 14 ans, assassinée pour punir sa mère

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Jeudi, 24 Juillet, 2014 - 05:57

Eclairage. L’adolescente est morte vendredi à Belmont (VD) des mains de l’ex-amant de sa mère. Ou comment la déception et la vengeance amoureuses peuvent détruire des vies. L’analyse des psys.

Florence Duarte
collaboration Isabelle Falconnier

Le 18 juillet, c’est le jour de sa naissance. Ce vendredi 18 juillet 2014 est devenu le jour de sa mort. Chloé, 14 ans, adorable visage d’ange blond que l’on peut encore regarder sur Facebook, a été tuée par balle, probablement à bout portant, le jour de son anniversaire dans les bois des hauts de Lutry (VD). La date n’a certainement pas été choisie au hasard: le meurtrier connaissait Chloé, il était un ancien amoureux de sa mère, il devait forcément avoir des informations sur elle et ses deux sœurs de 15 et 12 ans.

Ce vendredi d’été, de vacances scolaires, l’adolescente, scolarisée au collège Arnold-Reymond, à Pully, est enlevée à Belmont-sur-Lausanne dans la matinée, attrapée et poussée dans le coffre d’une voiture par un homme en noir portant cagoule. Grâce à son téléphone portable, bien qu’enfermée dans le coffre de ce véhicule de location, Chloé arrive à donner l’alerte. Un témoin de la scène, depuis son balcon, fait de même. A 11 heures, l’alerte est signalée par la Police cantonale vaudoise, et plus de 40 patrouilles sont mobilisées. Cela ne suffira pas. A 11 h 50, la voiture est localisée dans une forêt. Les gendarmes y découvrent les corps de Chloé S., 14 ans, et de Laurent A., 30 ans, le kidnappeur, qui s’est suicidé après avoir tué l’adolescente.

A 11 h 09, le beau-père de Chloé, l’actuel compagnon de sa mère, a publié un avis de disparition sur les réseaux sociaux, l’appel au secours de la famille. A 17 h 01, c’est lui, de nouveau, qui confirme l’issue du drame. Sous l’éclairage des médias depuis ce week-end, le meurtre de Chloé apparaît, une fois de plus, dans un contexte de séparation amoureuse. Ce n’est pas un «drame familial» comme on l’entend souvent, de l’affaire des jumelles de Saint-Sulpice (VD) aux faits divers récurrents dans la presse française, puisque le meurtrier n’est pas l’un des géniteurs, mais c’est une tragédie de la séparation, puisque l’homme qui ôte la vie était un ex-amant de la mère. Le «je t’aime encore, je te tue» est ici d’autant plus choquant que l’homme quitté s’en prend à l’enfant de l’autre, massacre l’amour inconditionnel d’une mère.

La mère de Chloé s’appelle Caroline M. S., elle a 45 ans, est musicienne, professeure de piano, et a fondé une académie de musique pour adultes et enfants en 2003. L’histoire de cette femme, de son ex-compagnon de 15 ans plus jeune, de sa fille, de toute sa famille endeuillée, résonne en nous. Laurent A. et Caroline M. S. n’auraient eu qu’une aventure passagère en 2013. Ils n’auraient jamais vécu ensemble. Depuis cet hiver, Caroline fréquente Claude, le «beau-père» de Chloé. Coup de foudre, emménagement rapide. Laurent, décrit par une source comme «agressif et dominateur», était-il d’une jalousie meurtrière?

A ce stade des révélations faites par la police et par des proches, cette opération punitive peut apparaître comme la vengeance d’un laissé-pour-compte. Cette affaire secoue l’opinion publique, parle surtout à chacun d’entre nous, à chaque amoureux que nous sommes. Un couple sur deux environ divorce, combien se séparent, plusieurs fois au cours d’une vie, avec enfants et fratrie recomposée? Combien refont leur vie, multiplient les aventures, exposent leurs enfants à plusieurs beaux-parents successifs? Comment savoir qu’un ex peut «disjoncter»? Passer à l’acte, tuer un enfant? Quand est-ce que des sentiments peuvent virer violents?

Pour tenter de comprendre, nous avons questionné plusieurs psychiatres et spécialistes du couple. Voici une tentative d’autopsie de la violence amoureuse.

La différence d’âge joue-t-elle un rôle?

«Il y a souvent un attachement plus grand de la part des hommes plus jeunes, qui tombent amoureux éperdument, constate Juliette Buffat, psychiatre et psychothérapeute systémique de couple à Genève. La femme plus âgée s’engage moins, elle ne voit pas leur relation comme durable. Quant aux couguars, elles ne s’engagent jamais avec un homme plus jeune, elles assurent leurs arrières. L’homme, lui, se livre entièrement. Quand la relation s’arrête, il est d’autant plus désespéré.»

Pour Christel Petitcollin, conseillère en développement personnel à Montpellier, spécialiste et auteure de plusieurs livres sur les manipulateurs (pervers narcissiques), le cadre et les indices sont criants ici. «Comme dans tous les cas de manipulation, ces hommes prennent leur «conjointe» pour un substitut de mère. Avec elle, ils attendent un amour maternel fou et irréaliste, qu’elle leur passe tous leurs caprices, qu’elle pousse tout le monde hors du nid. Ils sont bloqués dans la toute-puissance infantile. On ne peut pas rompre avec eux. Pour lui, le crime c’est qu’elle l’ait abandonné. Le manipulateur reste dans le déni de la séparation le plus longtemps possible. Tant qu’il pensait pouvoir la récupérer, il se tenait tranquille. Le moment critique est celui où il perd espoir. La période des vacances est, aussi, pour eux un moment difficile. Il est insupportable que «maman» parte sans eux.»

Comment sentir la dangerosité de son ex?

«La dangerosité dans des affaires passionnelles n’a rien à voir avec la dangerosité dans des cas d’attaque à main armée ou d’agressions simples, explique Gérard Niveau, psychiatre, responsable du Centre universitaire romand de médecine légale (CURML). Ce sont en général des gens sans antécédents de violence. Notre manière de mesurer le risque de violence se base en grande partie sur les antécédents de la personne. C’est un indicateur puissant du risque de récidive. Dans les affaires passionnelles, c’est impossible. Sauf si l’homme a un passé de violence conjugale. Les hommes impulsifs, violents, sont plus faciles à repérer, mais tous les crimes passionnels ne sont pas commis par des hommes impulsifs ou violents.»

Pour Jean-Jacques Wittezaele, psychothérapeute de couple, directeur de l’Institut Gregory Bateson (IGB), spécialisé dans les thérapies brèves, qui a des antennes à Liège, Paris et Lausanne, cette dangerosité se mesure en termes de «fragilité»: manque de confiance, conduites de jalousie, contrôle excessif, recherche de faire toutes les activités ensemble (au nom de l’amour d’abord, mais qui finissent par limiter le sentiment de liberté de l’autre). Si on a le sentiment que l’autre réclame trop de réassurance au point de devenir un sujet de préoccupation envahissant, il vaut mieux envisager de mettre un terme à cette relation avant que la colère nous envahisse trop. La clarté des propos est plus indiquée qu’une proposition de rupture en douceur, qui laisse l’autre dans le doute, l’incertitude et qui entretient le sentiment qu’en insistant un peu, on pourra peut-être le (la) faire changer d’avis.»

Comment vient cette vengeance par dépit amoureux?

«Avant le passage à l’acte, le registre de la vengeance possible est très large, assure Gérard Niveau. C’est notre lot quotidien de psychiatres légistes: violence verbale, harcèlement téléphonique, diffamation sur les réseaux sociaux. C’est malheureusement très courant. La frontière entre ce qui est tolérable et ce qui devient dangereux est difficile à tracer. Une infime minorité d’hommes seulement passent à l’acte, et ce passage en reste généralement aux coups, aux gifles.»

Pour Jean-Jacques Wittezaele, les émotions d’une personne fragile peuvent être exacerbées lorsque la rupture est liée au choix d’un(e) autre partenaire ou d’un(e) rival(e). «Dans ces cas-là, c’est souvent l’image de soi qui est blessée (blessure narcissique, ego bafoué), et la réaction peut être violente dans certains cas. Il arrive que la personne quittée vive la rupture comme «la fin du monde», soit envahie de pensées obsessionnelles et soit prête à tout pour laver cet affront ou cette trahison, quitte à sacrifier sa propre vie ou celle de l’autre, voire encore, comme ce fut le cas ici, s’en prendre à ce que l’autre a de plus cher.»

Combien de temps après la séparation cette vengeance peut-elle s’exercer?

«Il est rare que la vengeance s’exerce longtemps après la rupture, observe Gérard Niveau. Si c’est le cas, c’est souvent que les ex-conjoints ou amants sont restés en contact d’une manière ou d’une autre. Il y a des gens qui ruminent longtemps, et tout peut alimenter leur ressentiment, n’importe quel événement heureux qui arrive dans la vie de l’autre, une remise en couple, un déménagement, quelque chose qui relance la colère.»

Pour Jean-Jacques Wittezaele, une blessure amoureuse peut rester à vif très longtemps, des mois, voire des années. «On voit encore des couples se déchirer après plus de dix années de séparation. On peut avoir envie de lui faire payer «ça» jusqu’à la fin de sa vie! En général, dans ces cas-là, toutes les exhortations rationnelles à «tourner la page» ne font qu’entretenir la colère ou la déception. On invite d’ailleurs la personne harcelée à ne plus réagir du tout, ni aux coups de téléphone ni aux SMS.»

Pourquoi tuer l’enfant?

Gérard Niveau: «C’est un phénomène de déplacement de la punition. Une façon de punir la mère des enfants en la condamnant à la tristesse éternelle, de tenter de la priver définitivement de la possibilité d’être heureuse. Comme lui s’est senti privé du droit d’être heureux.»

Christel Petitcollin: «Le meilleur moyen de faire souffrir une mère est de toucher à sa nichée. Cette femme ne pourra jamais faire le deuil de sa fille. Le choix des dates symboliques est très prisé par les manipulateurs. Choisir le jour de son anniversaire, de sa naissance, pour tuer cette enfant est particulièrement sadique. On essaie de nous faire croire que ces hommes souffrent. Comme Bertrand Cantat, comme Oscar Pistorius, il s’agit de psychopathes de la toute-puissance. On a toujours au fond de soi un instinct qu’on n’écoute pas. Un clignotant intérieur. Face à ces loups solitaires, qui demandent toujours à l’amour d’aller trop vite, il faut écouter son intuition. Son instinct de survie.»

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Le crash du MH 17 sera-t-il le Lockerbie de Vladimir Poutine?

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Jeudi, 24 Juillet, 2014 - 05:58

Analyse. Les 298 victimes du Boeing 777 malaisien mettent au jour de manière éclatante les mensonges et la duplicité du président russe, qui n’a cessé de fournir des armes, des mercenaires et des experts militaires aux insurgés du Donbass. A lui de jouer s’il ne veut pas, à l’instar de Kadhafi naguère, se retrouver dans la peau d’un paria.

Adrian Karatnycky

Les conséquences épouvantables du tir de missile contre le vol MH 17 de Malaysia Airlines vont très au-delà de la mort stupide de 298 personnes et de la souffrance infligée à leurs proches. Ce tir est un incident international aux conséquences aussi considérables que l’attentat à la bombe de Lockerbie contre le vol Pan Am 103, ordonné par Mouammar Kadhafi en 1988, qui allait faire d’un homme jusqu’alors considéré comme un despote excentrique un paria international mortellement dangereux. Si le président russe Vladimir Poutine, à la différence de Kadhafi, n’a pas ordonné lui-même le tir de missile qui a abattu l’avion de Malaysia Airlines, la tragédie met l’accent sur les dangers pour la sécurité internationale causés par son aventurisme téméraire et son recours à des sbires dans ce qu’on appelle désormais une guerre hybride.

Depuis que le conflit en Ukraine orientale a commencé, la propagande russe a tenté d’en brosser le portrait d’une guerre civile, d’un affrontement fratricide ukrainien: une formulation devenue un expédient confortable pour bien des démocraties européennes soucieuses de ne pas trop gâcher leurs relations économiques avec la Russie.

Tout accuse la russie

Le crash meurtrier du MH 17 a globalisé les combats dans l’Ukraine de l’Est en une guerre qui a coûté les vies de nombreux Européens de l’Ouest, Asiatiques et Australiens. Il a placé le rôle central de la Russie sous une nouvelle lumière, un rôle d’épine dorsale des affrontements en Ukraine orientale, et il a fait tomber le masque des subterfuges et de la propagande de Moscou.
Premièrement, quelques minutes après la disparition du vol MH 17 des écrans radars, le chef rebelle Igor Girkine – un officier de la Direction générale des renseignements des forces armées russes (GRU) qui a pris le nom de guerre de Strelkov, «le flingueur» – a posté sur sa page d’un réseau social russe l’information que les insurgés avaient descendu un avion de transport militaire ukrainien dans le voisinage du lieu où la tragédie s’est produite. Les services de sécurité ukrainiens ont également publié des enregistrements de communications interceptées des rebelles, dans lesquelles ils se congratulaient d’avoir abattu un appareil ennemi avant de réaliser qu’ils avaient touché un avion de ligne commercial.

Deuxièmement, les preuves s’accumulent que c’est bien un Buk, un missile produit en Russie capable d’atteindre une altitude de plus de 25 kilomètres, qui a abattu le Boeing 777 de Malaysia Airlines. Une dépêche du 29 juin de l’agence d’informations russe Itar-Tass signalait que les rebelles étaient désormais en possession de ce type de missiles mais assurait que cet armement avait été pris aux forces ukrainiennes, ce que Kiev dément, insistant sur le fait que tous ses missiles et leurs lanceurs sont restés sous son contrôle. L’habitude des troupes ukrainiennes serait plutôt de détruire de telles armes avant de se rendre ou de battre en retraite. Il est plus probable qu’une telle version ait été mise sur pied pour permettre à Moscou de nier toute implication dans un soutien direct à la cause des insurgés.

Propagande

Troisièmement, il y a toujours plus de preuves que la Russie a transféré en quantité des armements lourds aux insurgés pour tenir en respect les forces ukrainiennes qui, ces dernières semaines, ont reconquis du territoire occupé par les rebelles. Le gouvernement de Kiev contrôle aujourd’hui les trois quarts des régions dans lesquelles le mouvement séparatiste s’était déployé. Une des régions que les forces de Kiev ne contrôlent toujours pas est précisément celle au-dessus de laquelle le Boeing de Malaysia Airlines a été abattu.

Soucieux de la réaction internationale contre les auteurs de l’attaque et leurs liens avec la Russie, les médias grossièrement propagandistes à la solde de Poutine ont passé la vitesse supérieure. Certains d’entre eux imputent la responsabilité de l’attaque aux forces ukrainiennes. L’ambassadeur russe à l’ONU, Vitali Chourkine, a affirmé que l’Ukraine devait être tenue pour responsable parce que son autorité de l’aviation civile avait autorisé le survol d’une zone de combat. Poutine lui-même a plus vaguement accusé Kiev d’avoir créé les circonstances du drame en refusant de faire la paix, alors même qu’il sait qu’à fin juin et début juillet l’Ukraine a maintenu un cessez-le-feu que les insurgés n’ont pas respecté. Il sait aussi que c’est sur ses propres instructions que la Russie a recruté des mercenaires, livré des armes lourdes et envoyé des experts militaires entraînés et des techniciens pour mener dans le Donbass ukrainien une guerre par procuration.

L’accusation russe d’une complicité ukrainienne dans le désastre du MH 17 ne tient pas debout. L’Ukraine est, dans ce conflit du Donbass, la seule force dotée d’avions de combat et de transport de troupes. On ne voit guère comment elle aurait voulu abattre un avion au-dessus du territoire insurgé, puisque les rebelles n’en possèdent aucun. Par ailleurs, l’armée ukrainienne est en lien avec ses contrôleurs de l’air et sait en temps réel quels avions traversent l’espace aérien.

Il y a quelques jours encore, Vladimir Poutine était aux anges. Il savourait sa gloire de leader respectable. Il y a eu d’abord les photos prises de lui au côté de la chancelière Angela Merkel à la finale de la Coupe du monde de football, en tant qu’hôte de la prochaine édition de 2018. Puis on a vu ses images en compagnie des leaders des économies mondiales en forte croissance, Chine, Brésil, Inde et Afrique du Sud.

Poutine en danger

Sur fond de débris du vol MH 17 de Malaysia Airlines, cette image de respectabilité est aujourd’hui bien éclaboussée. Ces mois où la Russie a livré des armes, fourni des combattants et financé l’insurrection séparatiste dans l’est de l’Ukraine apparaissent en pleine lumière, sous le regard scrutateur des médias internationaux, et les empreintes digitales de Poutine constellent toute la tragédie.

Mais cette crise constitue un grave danger pour le président russe et le place à un tournant politique – tout en lui offrant paradoxalement une issue de secours. D’un côté, il risque le statut de paria, un isolement international accru, des sanctions et une nouvelle guerre froide. De l’autre, il peut battre en retraite, couper son soutien aux insurgés et les contraindre à fuir ou à déposer les armes. On saura très bientôt quelle est la voie qu’il choisira.

On a perçu ces dernières semaines les signes d’une inquiétude grandissante parmi les modérés du Kremlin et au sein du monde russe des affaires: la guerre par procuration en Ukraine fait trop de tort à l’économie et se mue en menace potentielle contre la stabilité à long terme du pays. La semaine dernière, avec les nouvelles sanctions américaines et le risque d’un isolement de la Russie à la suite du Lockerbie de Vladimir Poutine, la Bourse russe a perdu plus de 8% et ce n’est pas fini.

Poutine doit prendre prétexte de la tragédie du MH 17 pour opérer une désescalade rapide en Ukraine orientale. Il peut inciter les 15 000 combattants insurgés du Donbass – dont bon nombre de Russes – à déposer les armes. Et il peut stopper immédiatement la livraison de chars de combat, de missiles et d’autres armes aux rebelles. Ou, à la manière d’un Kadhafi, il peut devenir un paria et plonger son pays dans l’isolement international, maintenant que toute la lumière est faite sur son soutien éhonté aux sbires de la Russie qui tentent de créer en Ukraine une zone d’instabilité permanente.

Son Lockerbie et sa décision, c’est maintenant.

© The New Republic
Traduction et adaptation
Gian Pozzy

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Reuters
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«Autant Netanyahou qu’Abbas sont trop faibles pour faire la paix»

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Jeudi, 24 Juillet, 2014 - 05:59

Interview. Yuval Diskin, ancien chef du Shabak, le contre-espionnage israélien, explique que les conditions d’une paix avec les Palestiniens semblent hors de portée tant la haine a grandi.

Propos recueillis par Julia Amalia Heyer

Deux semaines après le lancement de son opération militaire sur Gaza, le gouvernement israélien poursuivait ses bombardements le mardi 22 juillet. Des bombardements qui gagnaient en intensité (plus de 600 morts parmi les Palestiniens et 27 du côté israélien), comme les efforts diplomatiques pour un cessez-le-feu. Eclairage de Yuval Diskin sur les origines et les perspectives de cette nouvelle crise.

Pourquoi, après dix jours d’attaques aériennes, Israël a-t-il lancé une offensive terrestre contre Gaza?

Israël n’avait pas d’autre choix que d’accentuer la pression. Toutes les tentatives de médiation ont échoué. Par une invasion limitée, l’armée tente de détruire les tunnels entre Gaza et Israël afin que le gouvernement ait un bilan à présenter car, ces derniers temps, son électorat réclamait une invasion à cor et à cri. Le mot d’ordre est de ne pas aller dans les zones habitées mais de détruire les accès aux tunnels. Bien sûr, cela ne changera guère la situation: les roquettes sont tirées à partir des habitations où elles sont stockées.

Comment cela va-t-il continuer?

Israël est un instrument entre les mains du Hamas, pas le contraire. Le Hamas se fiche que sa population pâtisse ou non des attaques, car elle souffre de toute façon. Même les morts dans ses propres rangs ne le préoccupent pas forcément car son but est de modifier la situation à Gaza. Pour Israël, c’est compliqué: il faudrait un ou deux ans pour occuper Gaza et détruire un à un tous les tunnels, les dépôts d’armes et de munitions. Ce serait long mais, militairement, pas impossible. Reste que nous aurions alors près de 2 millions d’êtres humains sous notre contrôle et serions en butte aux critiques de la communauté internationale.

Israël ne jette-t-il pas les Palestiniens dans les bras du Hamas?

Ça y ressemble. Les gens de Gaza n’ont plus rien à perdre, tout comme le Hamas. Et c’est bien le problème. Quand l’armée a repris le commandement en Egypte, elle a détruit en quelques jours les tunnels entre Gaza et le Sinaï, vitaux pour les trafics et l’économie locale. Depuis, le Hamas n’arrive même plus à payer les salaires de ses fonctionnaires.

Qui peut arrêter cette guerre?

Lors de la dernière tentative, nous avons vu que l’Egypte, à la différence de naguère, ne s’investissait pas. Le Caire entend continuer d’humilier le Hamas.

Pourquoi Israël ne parle-t-il pas directement avec le Hamas?

Ce n’est pas possible. En fait, seuls les Egyptiens sont en posture de négocier. Pour cela, ils doivent mettre sur la table une offre généreuse, comme l’ouverture de leur frontière de Rafah. Et Israël doit faire des concessions, permettre davantage de liberté de mouvement.

Est-ce dans ce but que le Hamas a provoqué l’escalade actuelle?

Au début, le Hamas ne voulait pas non plus cette guerre. Mais tout a débuté avec le meurtre de trois adolescents en Cisjordanie. A ce que je sais, la direction du Hamas en a été surprise, elle semble n’avoir ni planifié ni ordonné cet acte.

C’est pourtant ce que Netanyahou a affirmé. Il voulait ainsi affecter le gouvernement commun du Fatah et du Hamas en Cisjordanie.

Après l’enlèvement des trois jeunes, le Hamas a tout de suite compris qu’il avait un problème. Dès que l’opération militaire a été déclenchée en Cisjordanie, des extrémistes de Gaza se sont mis à canarder Israël, qui a lancé ses bombardements. Mais quand ensuite un jeune Palestinien de Jérusalem a été tué, le Hamas lui-même s’est senti légitimé à attaquer Israël.

Comment le gouvernement israélien aurait-il dû réagir?

Netanyahou a eu tort de vouloir perturber l’alliance du Hamas et du président palestinien Mahmoud Abbas. Israël aurait dû réagir plus intelligemment et soutenir les Palestiniens car, après tout, nous voudrions la paix avec tout le monde. Un accord avec un gouvernement palestinien unitaire aurait été plus sensé que de faire d’Abbas un terroriste. La condition eût été, bien sûr, que ce gouvernement unitaire abjure le terrorisme, reconnaisse Israël et respecte tous les accords antérieurs.

Les dernières négociations de paix n’ont échoué que récemment, une fois de plus.

Rien d’étonnant. Aujourd’hui, nous avons un problème que nous n’avions pas auparavant, par exemple avant le premier accord d’Oslo: à l’époque, nous avions de vraies personnalités. Yitzhak Rabin en était une. Il savait qu’il devrait en payer le prix mais il a quand même choisi de négocier avec les Palestiniens. Du côté palestinien, avec Yasser Arafat, il y avait aussi une telle personnalité. Avec Mahmoud Abbas, il sera très difficile de faire la paix, mais pas parce qu’il n’en veut pas.

Pourquoi?

Ni Abbas – que je connais bien – ni Netanyahou ne sont de vrais leaders. Abbas est un type bien, il est opposé au terrorisme et il le dit. Mais deux personnes qui ne sont pas des chefs ne peuvent pas faire la paix. En plus, ces deux-là ne s’aiment pas et ne se font pas confiance.

Le seul moyen de résoudre ce conflit est un accord régional associant Israël, les Palestiniens, la Jordanie et l’Egypte. Le soutien de pays tels que l’Arabie saoudite, les Emirats et peut-être la Turquie serait aussi souhaitable.

Pourquoi Netanyahou ne travaille-t-il pas à un tel compromis et préfère invoquer sans cesse le péril de la bombe atomique iranienne?

Benyamin Netanyahou a fait son mantra de la menace iranienne, il y a là quelque chose de presque messianique. Et, bien sûr, il en tire des dividendes politiques: il est plus facile d’obtenir un consensus populaire à propos de l’Iran que sur la question d’un accord avec les Palestiniens. Car, sur ce point, Netanyahou a un problème avec son propre électorat.

Vous constatez que la colonisation juive en Cisjordanie atteint bientôt un point de non-retour et que la création d’un Etat palestinien ne sera ainsi plus possible.

Nous sommes tout près de ce point critique. Le nombre de colons augmente et la solution à ce problème est déjà presque hors de portée, ne serait-ce que d’un point de vue logistique, même si la volonté politique existait. Or, le gouvernement actuel a plus construit que jamais auparavant.

Une solution au conflit est-elle donc possible?

Il faut procéder pas à pas, engranger de petits succès. Il faut l’engagement de la partie palestinienne et Israël doit cesser toutes ses activités de colonisation, hors les grands blocs. Et tout de suite! Sans quoi, il ne restera plus que la possibilité d’un unique grand Etat commun. Et c’est une solution plutôt effrayante.

Le jeune Mohammed Khdeir, tué par des extrémistes juifs, a été reconnu comme une victime du terrorisme, ce qui est nouveau. Pourquoi le Shabak n’intervient-il pas plus résolument contre le terrorisme juif?

C’est notre souci depuis longtemps. Nous n’avons pas les mêmes outils que contre la terreur palestinienne. Le problème majeur est de traduire les criminels devant la justice et de les envoyer en prison car, quand il est question de juifs, les juges sont très sourcilleux avec nous. Il faut que l’affaire soit grave pour que la justice agisse contre le terrorisme juif.

Un élu du parti des colons Le Foyer juif a écrit que l’ennemi d’Israël était «chaque Palestinien».

La haine et ce climat nationaliste surchauffé étaient déjà perceptibles bien avant cet assassinat épouvantable. Mais le fait que cela se soit produit, d’une façon aussi brutale, est inconcevable. Cela peut sembler paradoxal, mais même dans le meurtre il y a des différences. Mohammed Khdeir, on lui a versé de l’essence dans les voies respiratoires et on lui a mis le feu. Vivant. Ce sont des gens comme Naftali Bennett (leader du parti ultranationaliste et sioniste Le Foyer juif et du mouvement procolonies My Israel) qui ont créé ce climat avec d’autres politiciens extrémistes et les rabbins. Ils sont irresponsables car ils ne pensent qu’à leur réélection, pas aux conséquences à long terme pour la société israélienne. © Der Spiegel

Traduction et adaptation Gian Pozzy


Yuval Diskin

Né en 1956, Yuval Diskin a dirigé le Shabak (ou Shin Beth), le service de contre-espionnage israélien, de 2005 à 2011. Ancien officier de Tsahal, il a travaillé pour le Shabak dès 1978, dirigeant successivement les régions de Naplouse, de Jénine et de Jérusalem. Durant la guerre du Liban, en 1982, il a opéré à Beyrouth et à Sidon.

 

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Adel Hana / Keystone
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La Suisse et la Grande Guerre

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Jeudi, 24 Juillet, 2014 - 06:00

Quiz. Comment la Confédération a-t-elle traversé les années de la Première Guerre mondiale, à laquelle les belligérants eux-mêmes étaient si mal préparés? 50 questions pour approfondir vos connaissances.

«Une tranquillité exceptionnelle en Europe», c’est ainsi que Winston Churchill commente dans ses Mémoires l’ambiance du printemps et de l’été 1914. Aujourd’hui, à un siècle du début du conflit, on n’a pas fini de s’étonner que les contemporains n’aient pas mieux perçu qu’ils fonçaient vers l’horreur. Entre la crise de Tanger en 1905 et les guerres balkaniques de 1913, maintes fois les chancelleries avaient cru la paix perdue. Un affrontement était jugé inévitable, chaque pays se préparait à en découdre, mais personne ne le vit arriver à ce moment-là, au terme d’un mois de juillet décrit rétrospectivement comme splendide, malgré l’assassinat de l’archiduc d’Autriche à Sarajevo fin juin. Surtout, personne n’avait anticipé que les combats dureraient plus de cinquante longs mois.

Lovée au milieu des belligérants, la Suisse ne fait pas exception. Elle aussi a revu l’organisation de son armée, procédé à des manœuvres et réfléchi à la manière de défendre sa neutralité. Mais elle se retrouvera aussi stupéfaite et prise au dépourvu par l’ampleur et la violence de la déflagration. Au point que certains, en haut lieu, douteront qu’elle parvienne réellement à se tenir à l’écart, et qu’elle ne soit pas forcée de choisir son camp.

La responsabilité du déclenchement des hostilités occupera encore les historiens des prochains siècles: l’Empire austro-hongrois voulait se venger de la Serbie, les Russes ont mobilisé tout en temporisant, les Allemands se sont hâtés de mettre en œuvre leur plan d’attaque, peaufiné depuis des années, en violant la neutralité belge, plutôt que la Suisse, pour contourner les forteresses érigées par la France tout le long de la frontière.

Ce débat sur la responsabilité toujours attribuée à «l’autre» puissance en occulte un plus gênant: celui sur la légèreté coupable avec laquelle gouvernements et états-majors lancent au combat des millions d’hommes, avant de les faire patauger et mourir dans la boue des tranchées d’un front stag­nant, qui court de la mer du Nord à la Suisse, pendant des mois.

L’historien Jean-Yves Le Naour rappelle, dans 1914, la grande illusion, comment, par exemple, la France a continué à vêtir ses soldats d’un pantalon rouge garance, qui en fera des cibles irrésistibles pour les mitrailleuses allemandes. Il dé-crit l’absurde doctrine d’engagement qui consiste à charger comme à l’époque de Napoléon, et qui fera périr des centaines de jeunes officiers et de soldats pour zéro avancée sur le terrain dans les premières semaines de la guerre: 27 000 Français sont ainsi tués le 22 août 1914 dans les Ardennes, quatre fois plus qu’à Waterloo.

Fossé entre Romands et Alémaniques

Au total, la Grande Guerre fera 19 millions de morts (10 millions de militaires, 9 millions de civils) et 21 millions de blessés. Une boucherie traumatisante, qui ne sera pourtant pas la dernière.

Au milieu de cette fournaise, la Suisse tira malgré tout son épingle du jeu. Malgré le fossé entre Romands et Alémaniques. Malgré la germanophilie du haut commandement. Malgré les difficultés d’approvisionnement. Malgré les tensions sociales. Malgré les doutes des belligérants sur le maintien de sa neutralité. Malgré de retentissants scandales d’espionnage. Malgré l’implication de certains politiciens dans des tentatives de paix séparée – le coup de poignard dans le dos que redoutaient les Alliés sur le front russe.

Parmi la déferlante éditoriale qui accompagne les commémorations dans les pays belligérants, le destin de la Suisse est rarement évoqué autrement que sous l’angle humanitaire.

Dans la mémoire collective nationale, le versant helvétique de 1914-1918 n’a guère été implémenté non plus, peut-être parce qu’il ne colle pas à l’image mythologique du petit pays uni dans la tourmente. Grâce à cinquante questions, L’Hebdo vous propose de tester et d’approfondir vos connaissances sur cette période clé.

En anéantissant trois empires (Autriche-Hongrie, Russie, ottoman), en donnant naissance à la révolution russe, au fascisme et au nazisme, 1914-1918 a bouleversé le monde et, s’il est une chose que les événements de cette période méconnue démontre, c’est bien que la Confédération, épargnée par les combats, ne le fut pas par l’onde des chocs. Quand sonne enfin l’Armistice, en novembre 1918, elle se croit au bord de la révolution. La fermeture des frontières n’empêche pas le vent de l’histoire de souffler. A vous de le mesurer.


1En novembre 1912, une ville suisse accueille le Congrès de l’Internationale socialiste pour la paix, où Jaurès prend la parole. Laquelle?
A Montreux
B Genève
C Bâle

2En 1912, la Société suisse des officiers lance une collecte nationale pour pallier le manque d’investissements du Conseil fédéral dans un secteur en plein essor. Lequel?
A La construction de chars blindés
B L’acquisition d’avions
C L’acquisition de sous-marins

3Quelle est la part de la population étrangère en Suisse à la veille de la Grande Guerre?
A 5%
B 10%
C 15%

4Dans quelle ville suisse compte-t-on le plus d’étrangers?
A Lugano
B Winterthour
C Genève

5Deux semaines avant l’éclatement du conflit, Alfred de Claparède, représentant la Suisse à Berlin, rapporte une conversation avec Arthur Zimmermann, sous-secrétaire de l’Office allemand des affaires étrangères, sur le risque de guerre à la suite de l’attentat de Sarajevo. Que confie l’Allemand au Suisse?
A «L’Autriche-Hongrie va écraser en deux semaines le royaume de Serbie, ce sera une promenade de santé.»
B «N’ayez crainte. Quoi qu’il arrive, le Kaiser a donné des ordres, la neutralité suisse ne sera pas violée.»
C «Allons donc! Croyez-vous que les grandes puissances voudront en découdre à cause de cette question locale?»

6Quand le Conseil fédéral décide-t-il la mobilisation générale en Suisse?
A Le 31 juillet
B Le 1er août
C Le 10 août

7Quel écrivain d’origine suisse lance «L’appel aux étrangers vivant en France», le 29 juillet 1914, afin qu’ils s’engagent dans la Légion?
A Charles Ferdinand Ramuz
B Blaise Cendrars
C Charles-Albert Cingria

8Que fait le Conseil fédéral le 4 août, lorsque les hostilités commencent?
A Il proteste contre l’invasion de la Belgique par les troupes allemandes
B Il adresse aux pays en guerre une déclaration de neutralité
C Il enjoint la population à faire des provisions

9Combien y a-t-il de Romands au sein du Conseil fédéral quand éclate la guerre?
A Deux
B Un
C Aucun

10Le 3 août, l’Assemblée fédérale vote les pleins pouvoirs au Conseil fédéral pour prendre «toutes les mesures propres à assurer la sécurité, l’intégrité et la neutralité de la Suisse et à sauvegarder le crédit et les intérêts économiques du pays». Selon quel score?
A A l’unanimité
B Il y a trois abstentions
C Une vingtaine de députés pacifistes s’opposent à l’arrêté

11Où se trouve la balle qui a tué la première victime de la Première Guerre mondiale?
A Au Musée jurassien d’art et d’histoire de Delémont
B Au musée du CICR à Genève
C Au Mémorial de Verdun

12A Paris, en août 1914, les laiteries d’une enseigne suisse sont vandalisées par une foule qui croit que l’entreprise est allemande. De quelle société s’agit-il?
A Nestlé
B Maggi
C Milka

13Où se trouve la borne du «km 0» de la ligne qui séparait les fronts alliés et allemands?
A Dans une forêt près de Bâle
B Sur le territoire de la commune de Bonfol, dans le Jura
C Sur la route entre Delle et Boncourt

14Comment s’appelait la muse des soldats suisses cantonnés dans le Jura?
A Dorothée Müller
B Gilberte de Courgenay
C Berthe de Berthoud

15En 1914, la Suisse compte 3,7 millions d’habitants. Combien d’hommes sont mobilisés?
A 220 000 hommes
B 100 000 hommes
C 180 000 hommes

16En septembre 1914, Romain Rolland, écrivain pacifiste réfugié en Suisse, publie un texte qui fait date dans le «Journal de Genève». Quel est son titre?
A Au-dessus de la mêlée
B Au-dessus de la haine
C Un balcon sur l’Europe

17Quel peintre célèbre a immortalisé le général Wille?
A Abraham Hermenjat
B Félix Vallotton
C Ferdinand Hodler

18Quel souverain le général Wille avait-il reçu à Meilen, chez lui, en 1912?
A Guillaume II
B Nicolas II
C George V

19Incroyable mais vrai, les poilus partent au front avec un uniforme dont la veste est bleue et le pantalon rouge garance, qui en fait des cibles particulièrement visibles.
Les soldats suisses sont à peine moins voyants, vêtus de bleu. La fabrication d’uniformes gris-vert tarde, malgré une ordonnance du Conseil fédéral datant d’octobre 1914. Jusqu’à quand?

A 1915
B 1916
C 1917

20Décembre 1914, dans «Notre point de vue suisse», un écrivain alémanique ose dire qu’il n’y a pas de neutralité d’opinion. Cette prise de position est très mal accueillie en Allemagne. De qui s’agit-il?
A Carl Spitteler
B Max Pulver
C Hans Ganz

21Colonel et conseiller national, Edouard Secretan va utiliser son journal pendant toute la guerre pour fustiger les sympathies des Alémaniques pour l’Empire allemand. De quel titre était-il le rédacteur en chef?
A Le Journal de Genève
B La Gazette de Lausanne
C La Liberté

22«De tout mon cœur, je suis du côté de l’Allemagne.» Qui écrit cette phrase le 1er septembre 1914?
A Le général Wille
B Le rédacteur en chef de l’OltnerTagblatt
C L’ambassadeur d’Autriche à Berne

23En octobre 1914, le CICR ouvre à Genève l’Agence internationale des prisonniers de guerre, qui établira plus de 4 millions de fiches pour faire parvenir à 2,5 millions de prisonniers de guerre du courrier et des colis. Dans quel roman de Guy de Pourtalès est décrite la formidable mise sur pied de cette organisation, qui traitera jusqu’à 5000 demandes de renseignements par jour?
A Les amis suisses
B La pêche miraculeuse
C Les lettres de ma promise

24Dès le début de la guerre, la Suisse s’active pour organiser l’échange de grands blessés entre belligérants, puis leur internement. Les sanatoriums de stations alpines sont réquisitionnés. Au total, combien d’internés ont-ils été accueillis?
A 41 000
B 67 000
C 101 000

25Mai 1915, le chef de l’état-major Theophil Sprecher von Bernegg fait part de sa profonde inquiétude au Conseil fédéral. Pourquoi?
A Il redoute une invasion italienne
B L’ambassade suisse à Berlin a eu vent d’une invasion de la Suisse
C Des troupes françaises ont violé la frontière près de Bonfol, avant de faire marche arrière

26En août 1915, le ministre des Etats-Unis d’Amérique à Berne, Stovall, fait part au Département d’Etat d’une préoccupation que le Conseil fédéral demande à son propre ambassadeur de démentir. De quoi s’agit-il?
A Le général Wille aurait secrètement rencontré des membres de l’état-major allemand
B Excédée par les entraves au commerce, la Suisse serait sur le point d’entrer en guerre aux côtés des Allemands
C Le Conseil fédéral aurait autorisé des membres de la famille impériale autrichienne à venir se reposer en Suisse

27Début décembre 1915, le cryptographe Langie alerte le chef du Département fédéral militaire Decoppet: «Je veux bien travailler pour l’état-major suisse, mais non pour l’état-major allemand.» Que soupçonne-t-il?
A Que des dépêches sont transmises aux Allemands et aux Autrichiens
B Que le code utilisé n’est plus sûr
C Qu’il a trop de travail et qu’il faudrait engager un confrère

28En 1916, au Cabaret Voltaire de Zurich naît un mouvement artistique original autour d’artistes réfugiés en Suisse. Lequel est-ce?
A Le cubisme
B Le dadaïsme
C Le futurisme

29En 1916, le Conseil fédéral s’excuse auprès du Kaiser. Pourquoi?
A Des effigies de l’empereur ont été brûlées sur la place de Plainpalais à Genève
B Le journal satirique L’Arbalète a publié un dessin pornographique de l’empereur nu
C Le drapeau allemand hissé en l’honneur de l’anniversaire du Kaiser a été arraché au consulat de Lausanne

30En 1916, le conseiller fédéral Decoppet offre à ses collègues sa démission, en vain. Pourquoi?
A Il a découvert que le général lui avait soustrait des informations de première importance lors de l’affaire dite «des colonels»
B Il est fatigué
C Le budget de l’armée a tellement explosé qu’il redoute que les chambres ne l’approuvent pas

31En 1916, une ville est bombardée par erreur par l’aviation allemande, une mésaventure qui signale la carence des moyens de défense aérienne. Laquelle?
A Porrentruy
B Bâle
C La Chaux-de-Fonds

32En 1917, le Conseil fédéral décide de remplacer Wille à la tête de l’armée, alerté par des médecins qui le trouvaient «sénile». La destitution n’a pas lieu. Pourquoi?
A Les trois conseillers fédéraux chargés de parler à Wille se font tellement réprimander par lui qu’ils renoncent
B Le candidat de remplacement meurt subitement
C L’ambassade d’Allemagne, qui a eu vent du complot, menace la Suisse de graves représailles

33Le 18 juin 1917, le conseiller fédéral Arthur Hoffmann, chef du Département politique (comme on appelait alors le Département des affaires étrangères) doit démissionner avec effet immédiat. Pourquoi?
A Il est gravement malade, une des premières victimes de la grippe espagnole
B Un journal suédois révèle qu’il a tenté de négocier une paix séparée entre l’Allemagne et la Russie, une violation inacceptable de la neutralité pour les Alliés, qui plus est sans en informer ses collègues du gouvernement
C Il s’est compromis au bar du Bellevue avec une espionne allemande

34Pour remplacer Arthur Hoffmann, la «Neue Zürcher Zeitung» plaide avec véhémence pour l’élection de Gustave Ador, alors qu’il avait refusé d’être candidat par le passé. Pourquoi?
A Parce qu’il est libéral
B C’est le tour d’un Genevois
C Le président du CICR apparaît comme la seule personnalité propre à restaurer le crédit international de la Suisse après la désastreuse affaire Hoffmann

35Dans sa revue «Stimmen im Sturm aus der deutschen Schweiz», le pasteur Eduard Blocher, grand-père de Christoph, se distingue pendant toute la guerre par ses propos. Pourquoi?
A Il plaide pour l’accueil de réfugiés
B Il est l’une des rares voix alémaniques à fustiger le pangermanisme du général Wille
C Il se montre pangermaniste et anti-Welsches

36En janvier 1918, le professeur genevois William Rappard écrit à un ami américain, le colonel House. Il mentionne un fait inquiétant:
A Des révolutionnaires bolcheviques sont actifs en Suisse, «notre pays ne saura pas faire face à une insurrection».
B Les stocks alimentaires sont presque épuisés, «nos rations quotidiennes sont largement inférieures à celles des pays en guerre».
C L’armée suisse souhaite acheter des munitions aux Américains, «tous nos stocks ont été vendus aux Autrichiens».

37Conséquence de la guerre, l’endettement explose et de nouveaux impôts sont levés. Mais sur quoi reposaient jusqu’alors les recettes de la Confédération?
A Elles provenaient des droits de douane à 85%
B Elles provenaient de péages perçus au Gothard et au Simplon à hauteur de 50%
C Elles provenaient d’un impôt sur les transactions financières réalisées avec l’étranger à hauteur de 40%.

38De quoi les soldats se plaignent-ils tout au long de la guerre?
A Des poux
B Des rations alimentaires trop chiches
C Du drill à la prussienne, introduit par le général

39Combien de jours les soldats mobilisés passèrent-ils en moyenne sous les drapeaux?
A 100
B 500
C 1000

40Le 11 novembre 1918, la division des affaires étrangères du Département politique transmet un message à ses légations (ambassades) à Paris, Rome, Londres et Washington. Quelle est la teneur du message?
A Le Conseil fédéral souhaite que soient transmises aux vainqueurs des félicitations chaleureuses
B Le Conseil fédéral commence le lobbying pour proposer Genève comme siège de la future Société des Nations
C Le Conseil fédéral récuse toute intervention des Alliés pour l’aider à gérer les troubles dus à l’agitation sociale

41Le 11 novembre 1918, c’est l’Armistice, la fin tant attendue de la guerre, mais la Suisse est en émoi. Pourquoi?
A Après avoir survolé Zurich, un zeppelin est tombé sur Oerlikon, il y a plusieurs dizaines de morts
B C’est la grève générale
C Des anarchistes ont fait sauter une bombe à la gare d’Olten

42En octobre 1918, une réforme institutionnelle majeure est acceptée par le peuple et les cantons qui l’avaient refusée jusqu’ici. De quoi s’agit-il?
A L’introduction du droit de vote des femmes
B L’introduction de la représentation proportionnelle au Conseil national
C L’introduction du référendum sur tout traité international

43La guerre a un effet désastreux sur le niveau de vie des Suisses. En 1918, quelle est la part de la population qui émarge à l’assistance publique?
A Un habitant sur trois
B Un habitant sur six
C Un habitant sur dix

44Le président américain Wilson a imposé Genève comme siège de la Société des Nations. Un pays intrigue pour contester ce choix. Lequel?
A La France
B La Grande-Bretagne
C La Belgique

45Que se passe-t-il pour Robert Grimm, le leader de la grève générale?
A Les autorités profitent de son origine allemande pour l’expulser
B Il écope de six mois de prison ferme et écrit un livre
C Protégé par son immunité parlementaire, il est réélu au Conseil national

46Dans laquelle de ces villes Lénine n’a-t-il pas habité pendant ses années d’exil en Suisse?
A Carouge
B Berne
C Lausanne

47Quand Lénine quitte-t-il définitivement la Suisse pour rejoindre la Russie en pleine révolution?
A Le 1er mai 1916
B Le 9 avril 1917
C Le 10 octobre 1917

48Qui a sculpté le «Fritz» qui s’élevait naguère aux Rangiers?
A Une compagnie de soldats mobilisés dans la région pendant la mobilisation
B Le sculpteur genevois Louis Ferrari, qui avait servi dans la région
C Le sculpteur et peintre neuchâtelois Charles L’Eplattenier

49En 1987, Niklaus Meienberg publie des extraits de correspondance privée du général Wille qui choquent tellement que le Conseil fédéral est interpellé.
Dans quel journal?

A Berner Tagwacht
B Tages-Anzeiger
C Weltwoche

50La guerre a fait mesurer aux Suisses les risques d’un isolement. Ils s’engagent avec enthousiasme dans la création de la Société des Nations. Quels sont les cantons qui disent le plus massivement oui, le 16 mai 1920?
A Vaud, Tessin et Neuchâtel
B Vaud, Neuchâtel et Genève
C Vaud, Zurich et Genève

CT collaboration Luc Debraine


Réponses

1 C
2 B
3 C
4 A Il y a 51% d’étrangers à Lugano, 42% à Genève et 34% à Zurich.
5 C
6 A Elle commence le 1er août. Les hommes entrent en service entre le 3 et le 7 août.
7 B
8 B Le Conseil fédéral ne proteste pas contre la violation de la neutralité belge, malgré l’émoi qu’elle suscite dans la population.
9 B Il s’agit de Camille Decoppet (PLR/VD), en charge du Département militaire fédéral
10 A C’est le cas dans la plupart des pays, belligérants ou pas.
11 A
12 B
13 B
14 B
15 A
16 A
17 C
18 A Guillaume II était le parrain de son petit-fils.
19 B
20 A Carl Spitteler reçut le prix Nobel de littérature en 1919.
21 B
22 A
23 B
24 B
25 A Il redoute une invasion à la frontière sud au moment où l’Italie entre en guerre contre les Empires centraux.
26 B Tout au long de la guerre, le Conseil fédéral doit répondre aux critiques et aux craintes des Alliés.
27 A C’est ainsi que débute l’affaire des colonels, qui fera scandale. La manière dont le général minimise les actes de ses subordonnés provoque l’ire des Romands et aggrave le fossé entre régions linguistiques.
28 B
29 C
30 A Pour l’empêcher de démissionner, ses collègues menacent de faire de même. Le gouvernement frôle l’implosion.
31 A
32 B Il s’agit du Genevois Alfred Audéoud, commandant du premier corps d’armée.
33 B
34 C
35 C
36 B
37 A
38 C
39 B
40 C
41 B
42 B Le Parti radical perd sa majorité.
43 B 
44 C
45 B
46 C
47 B
48 C
49 C
50 A


A lire et à consulter

Notre webdossier sur www.hebdo.ch, avec notamment des indications de l’historien Olivier Meuwly sur la bibliographie récente du conflit.

Webdossier«La Suisse et la guerre de 14-18» sur www.letemps.ch

Webdossier des «Documents diplomatiques suisses» sur www.dodis.ch avec des dizaines de documents désormais directement accessibles en ligne.

Le site du Dictionnaire historique suisse www.dhs.ch, qui permet une recherche par mot clé.

1914, la grande illusion,
 de Jean-Yves Le Naour, Perrin, 2012.

Conseil fédéral
Dictionnaire biographique des cent premiers conseillers fédéraux, d’Urs Altermatt, Cabédita, 1993.

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Roger Viollet
Bibliothèque nationale suisse/ 14-18.ch
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Neuchâtel série d'été: infatigable Andersen sur le chemin des Brenets

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Jeudi, 31 Juillet, 2014 - 05:47

Le Locle. Grand voyageur et amoureux de la Suisse, le conteur danois avait ses habitudes chez ses amis Houriet et Jürgensen. Au menu: excursions intensives.

Dimanche 5 août 1860, Le Locle. Hans Christian Andersen écrit dans son journal*: «Allé, par temps très bon, avec Jürgensen aux Brenets et, là, fus à l’église; le chant, sans orgue, sonnait joliment, mais du sermon je ne compris rien.»

Andersen, Jürgensen: deux noms danois entremêlés à l’ombre des sapins neuchâtelois, quelque part entre Le Locle et Les Brenets. En chemin d’une localité à l’autre, sur la crête d’où la vue sur les bassins du Doubs et sur la France est la plus spectaculaire, il y a cet objet curieusement néogothique, cette tour Jürgensen qui offre un poétique belvédère aux promeneurs charmés, mais dont la raison d’être reste mystérieuse. Parmi les fables qu’elle inspire, il y a celle qui voit Hans Christian Andersen écrire ici certains de ses contes, et pourquoi pas les plus célèbres. Allez, La petite sirène, en hommage à l’esprit enchanté du Saut-du-Doubs?

La vérité historique est un peu différente. Le romancier, conteur, poète et grand voyageur danois a séjourné trois fois au Locle. Mais son dernier passage (1867) précède de deux ans l’acquisition, par ses amis les Jürgensen, du sylvestre domaine du Châtelard, où s’érigera la tour. Différents membres de la dynastie horlogère dano-neuchâteloise ont bel et bien accueilli Andersen, mais dans leur maison du Locle.

Si l’auteur des Contes n’a pas vu la tour Jürgensen, il est passé par là, et pas qu’une fois: d’un séjour à l’autre, il répète maintes fois la promenade du Locle aux Brenets et les va-et-vient sur la frontière française, comme charmé par l’idée de ce franchissement.

Tenez, le soir même de sa première visite, en août 1833. Il s’est levé tôt, à Neuchâtel, pour arriver à temps: «A trois heures du matin, je suis parti en voiture. Du haut des monts du Jura, j’ai vu, dans la clarté du matin, toute l’altière chaîne des Alpes comme peinte sur l’horizon.» A onze heures seulement il arrive au Locle, car le nouveau train, qu’il trouvera lors de son second séjour en 1860 – «Maintenant, tout marche à la vapeur» –, n’existe pas encore. Fourbu? Réclamant un lit et rien d’autre? Point du tout. Il sort se promener avec ses hôtes «parmi les montagnes», «dans le calme merveilleux des noires forêts de sapins». Jusqu’où? «Nous arrivâmes au Doubs et pénétrâmes sur le sol français.» Le retour ne se fait que de nuit, après un dîner dans une auberge: «Sommes allés chez nous au clair de lune, c’était comme dans la tombe; à une église de France une cloche sonnait vêpres.»

A ce moment-là, Andersen a 28 ans et une seule paire de chaussures, qui doit attendre de sécher pour repartir en promenade. Il est un poète et dramaturge en devenir, fils d’un cordonnier et d’une domestique: le vilain petit canard n’a pas encore endossé les habits de cygne blanc de la célébrité.

Quelques jours plus tard, après être monté dans «une barque à fond plat» au débarcadère des Brenets, il découvre le Saut-du-Doubs, autre but d’excursion dont il ne se lassera pas: «Le fleuve était parfaitement calme; bientôt, nous avons pénétré entre des rochers gris à pic (…) à gauche, c’était la côte de France, à droite, celle de la Suisse.» Et l’enchantement de la chute: «On dirait le lait le plus blanc, qui monte en nuages courbes du gouffre noir, une fumée de poussière d’eau s’élevait au-dessus de la cime des sapins.»

La meilleure manière de mettre aujourd’hui ses pas dans ceux d’Andersen? Philippe Léchaire, ex-conseiller communal des Brenets et membre de l’association qui a présidé à la restauration de la tour Jürgensen, conseille le Chemin des planètes: «A pied, Andersen ne peut être passé que par là.» Cet itinéraire, aujourd’hui assorti d’indications didactiques sur le système solaire, part des Monts, en surplomb de la gare du Locle, et finit aux Brenets environ une heure et demie plus tard. Puis, sur un bateau de la NLB (Navigation sur le lac des Brenets), la minicroisière jusqu’au Saut-du-Doubs dure vingt minutes.

Mais, pour bien faire, il faut partir de la rue Crêt-Vaillant, au Locle, et de la première demeure où Andersen a séjourné: l’imposante maison Houriet, au numéro 28, semble avoir traversé le temps sans prendre une ride, comme le reste de cette rue historique, une des premières de la ville horlogère.

C’est en effet Jules Houriet, membre de la plus prestigieuse dynastie horlogère locloise, qui, le premier, invite au Locle ce jeune artiste danois passablement fauché, désireux d’apprendre le français et habité par une fringale de voyages qui ne se démentira pas. Le lien s’est fait via Sophie-Henriette, sœur de Jules Houriet dont Urban Jürgensen, apprenti horloger danois, s’est épris lors de son «tour d’Europe». Le couple vit à ce moment-là à Copenhague, mais viendra plus tard s’installer au Locle. Chaleureuse et prospère, la famille Jürgensen deviendra un point d’attache pour l’auteur des Habits neufs de l’empereur. L’un des fils Jürgensen publiera la première traduction française des Fantaisies danoises aux Editions Joël Cherbuliez, à Genève.
A-t-il écrit sous les sapins, le grand enchanteur? Il y a, pour sûr, achevé son grand drame poétique Agnès et le Triton. Et les spécialistes estiment que les paysages suisses lui ont inspiré le cadre de plusieurs contes.

* «Voyages en Suisse». De Hans Christian Andersen. Ed. Cabédita, 2005.
** Sur Andersen et les Jürgensen: «Nouvelle Revue Neuchâteloise», No 52, 1996.
Et aussi: «Le pays de Neuchâtel vu par les écrivains de l’extérieur». De Philippe Terrier.
Attinger-Hauterive, 2011.


Hans Christian Andersen

Né en 1805 à Odense, au Danemark, il est le fils d’un cordonnier et d’une domestique. Dramaturge, poète, écrivain voyageur, il devient célèbre grâce à ses contes, dont Le vilain petit canard, parabole autobio-graphique. Il fait treize séjours en Suisse, dont il ramène plusieurs dessins et croquis. Il meurt en 1875, comblé d’honneurs et bouleversé par la guerre franco-allemande.


A voir

Col des Roches
Les moulins souterrains

«Je fus sur le point de m’évanouir...» Les moulins souterrains du Col-des-Roches ont beaucoup impressionné Andersen. Ils restent impressionnants, même si la visite est aujourd’hui
parfaitement aménagée.
032 889 68 92.
www.lesmoulins.ch

Le Locle
Les fresques de Biéler

«Les hommes ont divisé le cours du soleil, déterminé les heures...» A ne pas manquer, sur l’avant-toit de l’hôtel de ville, la fresque Heimatstil de Charles Biéler, qui raconte les mythes fondateurs de l’horlogerie (1922).
Av. de l’Hotel-de-Ville.
www.lelocle.ch

Le Locle
Le Musée d’horlogerie

Sur la route des Monts, c’est-à-dire sur le chemin des Brenets, le Musée d’horlogerie propose une méditation sur le temps dans l’écrin très vert  d’une somptueuse propriété.
032 931 16 80
www.mhl-monts.ch

Les Brenets
Le Château rose

Ne pas se fier au nom, on est dans une ferme d’alpage, sur les hauteurs: Anne-Lise et Raymond Oppliger proposent, en grillades,  la viande de leur ferme. Chaleur et rusticité.
032 931 10 40
www.chateau-rose.ch

Les Brenets
Le Passiflore

La halte urbaine et conviviale, c’est chez Doris Collin, au Passiflore. Le café a une terrasse panoramique, la maison d’hôtes des chambres à la déco décoiffante et de généreux espaces communs, dont une salle de jeux pour enfants.
032 920 31 15
www.lepassiflore.ch

Les Brenets
Les Rives du Doubs

Pour manger des truites et dormir les pieds dans l’eau, cet hôtel-restaurant a tout ce qu’il faut. Le débarcadère est à deux pas pour une croisière au Saut-du-Doubs (vingt minutes). Le départ du chemin pédestre aussi (une heure).
032 933 99 99
www.rives-du-doubs.ch


Sommaire:

Cézanne, un séjour neuchâtelois  par temps de cochon
Corinna Bille, enfance d’été sur lac de Bienne
Artaud apprend à dessiner à Neuchâtel
infatigable Andersen  sur le chemin des Brenets

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