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Neuchâtel série d'été: Artaud apprend à dessiner à Neuchâtel

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Jeudi, 31 Juillet, 2014 - 05:48

Le Chanet. Dans la clinique du Dr Dardel, le futur auteur du «Théâtre et son double» vient soigner ses troubles nerveux. Le début d’un parcours de génie et de douleur.

La «malade B», dont Antonin Artaud dessine, d’un geste noir, le portrait au fusain en 1920, est-elle une patiente du docteur Dardel à la clinique du Chanet ou du docteur Toulouse à l’asile de Villejuif? Une incertitude demeure, les deux possibilités sont vraisemblables: en cette année de ses 24 ans, le futur fondateur du «théâtre de la cruauté» a passé de Neuchâtel à Paris, séjournant successivement dans les deux établissements. Ses parents, des bourgeois aisés de Marseille, multiplient les démarches pour aider ce garçon que l’on dirait venu d’ailleurs – «beau comme une vague, émouvant comme une catastrophe», dira Simone Breton – affecté de violents maux de tête depuis l’adolescence.

Le docteur Maurice Dardel, ex-médecin-chef de la maison de santé de Préfargier, a ouvert en 1913 sa clinique privée neuchâteloise, sur un ancien domaine agricole. Il promet une approche renouvelée des troubles nerveux. Antonin Artaud sera son patient un peu moins de deux ans, selon Philippe Terrier, auteur d’un livre sur les auteurs illustres ayant séjourné dans la région.* Le jeune patient ne guérira pas mais trouvera, pour la première fois, un soulagement dans le laudanum. C’est le début d’un long compagnonnage avec les opiacés pour ce poète, acteur et théoricien du théâtre génial et douloureux: «L’opium est cette imprescriptible et impérieuse substance qui permet de rentrer dans la vie de leur âme à ceux qui ont eu le malheur de l’avoir perdue», écrira-t-il dans sa Lettre à Monsieur le législateur de la loi sur les stupéfiants.

C’est au Chanet, aussi, qu’Artaud apprend à dessiner et à peindre. C’est là, raconte Paule Thévenin**, qu’il offre le portrait de la «malade B» à la fille d’un patient qui deviendra son amie, Rette Elmer. Pour le reste, on ne sait pas grand-chose de son passage à Neuchâtel, dont il ne subsiste aucune trace écrite. Sinon cette phrase, dans une lettre à la femme de sa vie, la comédienne Génica Athanasiou: «Ah! me trouver avec toi au bord d’un de ces sublimes lacs suisses…»

La clinique du Chanet a été fermée à l’aube des années 30 et le domaine, racheté par la ville de Neuchâtel, a accueilli successivement une caserne, une compagnie des gardes-fortifications et l’Institut suisse de police. L’immeuble est aujourd’hui «en attente d’une nouvelle affectation ou de sa démolition», indique l’archiviste communal, Olivier Girardbille.

Il n’a rien de très séduisant, ce site où ont pris place plusieurs terrains de sport, qui invite à la promenade. «On peut imaginer Artaud marchant sur le chemin qui longe la forêt, jusqu’à Peseux», suggère Philippe Terrier. Ou tester la piste finlandaise du Circuit Santé. Ou descendre en ville à pied, en passant par le Gor du Vauseyon et la collégiale. Au bout: un sublime lac suisse.

* «Le pays de Neuchâtel vu par les écrivains de l’extérieur du milieu du XIXe à l’aube du XXIe». De Philippe Terrier. Attinger-Hauterive, 2011.
** «Antonin Artaud, dessins et portraits». De Paule Thévenin et Jacques Derrida. Gallimard, 1986.


Antonin Artaud

Né à Marseille en 1896, mort à Ivry-sur-Seine en 1948, le poète, essayiste et acteur a marqué la modernité scénique avec Le théâtre et son double. Il a fréquenté les surréalistes et incarné un inoubliable Marat dans le Napoléon d’Abel Gance.


A voir

Neuchâtel
Le Gor du Vauseyon
Un monde sauvage en plein centre-ville: dans les gorges du Seyon, une équipe de passionnés achève l’installation d’une série de roues à eau qui reproduisent les modèles historiques originaux situés dans toute la Suisse.
Visite libre ou guidée.
www.moulinsdugor.ch

Neuchâtel
La Famiglia Leccese

Héritier de la tradition des cercles, c’est un des rarissimes bistrots italiens authentiques de Suisse romande. Cuisine des Pouilles et ambiance «alla buona». Et tant pis pour le quartier, particulièrement disgracieux.
Rue de l’Ecluse 49
032 724 41 10

Neuchâtel
Isaana

Dans le même esprit – simple et bon – mais situé dans les rues piétonnes à proximité de la place Pury: un super petit thaïlandais de derrière les fagots.
Rue des Chavannes 25
032 710 19 19


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Cézanne, un séjour neuchâtelois  par temps de cochon
Corinna Bille, enfance d’été sur lac de Bienne
Artaud apprend à dessiner à Neuchâtel
infatigable Andersen  sur le chemin des Brenets

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Lea Kloos
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Neuchâtel série d'été: Corinna Bille, enfance d’été sur lac de Bienne

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Jeudi, 31 Juillet, 2014 - 05:49

Le Landeron. Pour l’écrivaine, Bel-Air fut une résidence de vacances sur les terres d’origine de son père. Sarah Quiquerez, arrière-petite-fille de son oncle, y a créé un parc animalier.

«Les étés infinis: Bel-Air – le cri des corbeaux – le cabinet sur un arbre – l’aristoloche de l’atelier – un petit temple grec à fronton blanc dans les arbres…»* Corinna Bille, écrivaine enchantée, disait de son enfance qu’elle fut «une succession d’enchantements», ponctuée de voyages et de «maisons extraordinaires».** La plus célèbre de ces maisons est le Paradou, l’extravagant château construit en 1905 à Sierre par son père, le peintre Edmond Bille, figure immense et adorée.

Mais il y a aussi Bel-Air, vaste domaine agricole surplombant Le Landeron. Edmond Bille, qui est né à Valangin, se rapproche, l’été, de sa famille neuchâteloise: il a acheté Bel-Air avec son frère René, qui est agriculteur. Il y a là de quoi loger largement deux familles. Et puis il y a le «petit temple grec», en lisière du parc, avec vue sur le lac de Bienne: un atelier construit par le propriétaire précédent, le peintre Maximilien de Meuron.

Le bonheur de Sarah

Le domaine de Bel-Air est toujours là. On y brunche à la ferme, on y fête des anniversaires d’enfants avant de visiter son parc animalier. Sarah Quiquerez, maîtresse des lieux et arrière-petite-fille de René, est fière de n’avoir rien raboté des quelque 30 hectares d’origine: «Bel-Air sans les terres, ce n’est plus Bel-Air», dit-elle de sa voix entière. Sur la table de la cuisine, le livre autobiographique de son aïeule*, emprunté à sa mère pour l’occasion, mais pas encore lu: «Trop de travail. Cet endroit est mon paradis, mais c’est lourd et ça ne s’arrête jamais.»

Pour reprendre le domaine, Sarah, qui a été mécanicienne sur motos puis gardienne d’animaux, a fait un CFC d’agricultrice à 40 ans tout en élevant trois enfants. Son mari, ferblantier, ne rentre que le soir: elle a su dès le départ qu’elle allait porter la maison sur ses épaules. Elle a commencé par produire du fromage de chèvre, avant de développer le parc animalier qui fait sa fierté et le bonheur des petits visiteurs: des yacks, des chinchillas, des kangourous et des alpagas, 25 espèces en tout. Depuis la passerelle qui surplombe les enclos, elle les interpelle tendrement: «Ça a toujours été mon rêve, un endroit à moi avec des animaux.»

Et l’atelier du peintre, le petit temple grec? «Il n’est pas en très bon état…» Le voilà, à l’entrée du domaine, mais il faut savoir que c’est lui: les colonnes ont disparu, le toit a fait l’objet d’un rafistolage expéditif, juste de quoi garantir un abri au sec pour moutons et alpagas. Il faudrait le restaurer, bien sûr. «Mais le service des monuments et sites ne finance que la moitié des travaux et, jusqu’ici, je n’ai fait que parer au plus pressé.»

Le fait est que Sarah a hérité d’un domaine en très mauvais état, que les descendants de René ont occupé sans l’entretenir. Edmond, lui, avait déjà revendu sa part à son frère en 1921, lorsque Corinna Bille avait 8 ans: le krach de Nestlé lui avait fait perdre quelques millions. Même le paradis a un prix.

* «Le vrai conte de ma vie». De Corinna Bille. Empreintes, 1992.
** «Corinna Bille. Le vrai conte de sa vie».
De Gilberte Favre. Collection L’Aire bleue, 2012.


Corinna Bille

Née en 1912, du remariage du peintre Edmond Bille avec Catherine Tapparel. Son œuvre âpre et sensuelle porte la marque du Valais où elle grandit et vit avec Maurice Chappaz. Parmi ses chefs-d’œuvre: Théoda. Elle meurt en 1979.


A voir

Bel-Air
La Case africaine

Après les brunchs à la ferme et le parc animalier, c’est la dernière invention de Sarah Quiquerez sur le domaine: cuisine africaine maison dans case en bois faite main. L’épisode du Dîner à la ferme diffusé le 14 novembre sur RTS Un a été tourné ici.
Sur réservation 032 751 68 31/076 419 15 30
www.brebis.ch

Le Landeron
L’Escarbot

De la cuisine au décor, tout est créatif, original et délicat dans ce café-restaurant situé au cœur du vieux bourg du Landeron. Avec une mention spéciale à l’éclairage.
032 751 72 83
www.escarbot.ch

Le Landeron
Les Médiévales du vieux bourg

C’est une des plus belles bourgades médiévales de Suisse. Elle méritait sa fête ad hoc, voilà qui est fait, et Sarah Quiquerez est de la partie: théâtre, musique, artisanat et ripaille d’époque pour clore l’été en beauté.
Les 29, 30 et 31 août.
www.medievalesdulanderon.ch


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Cézanne, un séjour neuchâtelois  par temps de cochon
Corinna Bille, enfance d’été sur lac de Bienne
Artaud apprend à dessiner à Neuchâtel
infatigable Andersen  sur le chemin des Brenets

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Neuchâtel série d'été: Cézanne, un séjour neuchâtelois par temps de cochon

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Jeudi, 31 Juillet, 2014 - 05:50

Gorges de l’Areuse. Le maître d’Aix a planté son chevalet près de Champ-du-Moulin. Mais jusqu’ici, qui le savait? Histoire d’une aquarelle mal titrée et d’un passionné parti sur les traces du maître.

C’est l’aquarelle R 458, détenue par la Galleria Nazionale d’Arte Moderna à Rome. Elle figure les gorges de l’Areuse, mais les Neuchâtelois eux-mêmes l’ignorent. Il faut dire que le tableau a été longtemps catalogué sous le vague titre de Rochers et passage. Tout récemment, grâce aux recherches de Raymond Hurtu, membre de la Société Paul Cézanne, il a changé de nom: Les gorges de l’Areuse depuis la passerelle de Cuchemanteau.

On y va. On arrive en train (ou en voiture) depuis Neuchâtel à Champ-du-Moulin, site vert magnétique prisé des amateurs de mariages champêtres. On passe devant l’Hôtel de la Truite et sa salle des fêtes Heimatstil fraîchement rénovée. On s’engage, en direction du lac, sur le sentier qui longe la rivière, pour une des plus charmantes promenades que l’on puisse faire dans le canton (deux heures jusqu’à Boudry). Un délice de fraîcheur moussue et romantique, et, dans les jours qui suivent une bonne pluie, une rivière gonflée à bloc qui prend des airs d’Iguaçu miniature et vous cloue le bec de son boucan. Les spécialistes d’hydrologie vous expliqueront que l’Areuse est, à cause de la porosité du Jura alentour, un cours d’eau hypersensible aux précipitations.

La passerelle de Cuchemanteau est la deuxième sur le chemin, à un quart d’heure de Champ-du-Moulin. Elle forme un Y sur le côté gauche. Il faut le savoir, car depuis ce mois d’août 1890 où Cézanne y posa son chevalet, elle a été rénovée et agrandie.

On s’y engage, on cherche le point de vue du peintre et… hormis le grand rocher vertical sur la gauche, on ne reconnaît rien. Raymond Hurtu rêve-t-il? Comment diable a-t-il pu faire un lien entre l’aquarelle R 458 et ce coin de pays neuchâtelois?

On rentre, on empoigne son téléphone, on obtient une réponse: «Le paysage a beaucoup changé, dit l’ami de Cézanne. La rivière, à cet endroit, a subi toutes sortes d’aménagements. Les rochers à droite du tableau, par exemple, ne sont plus là. En revanche, ils existent toujours sur de vieilles cartes postales que j’ai retrouvées, qui rappellent l’aquarelle de manière frappante et qui ne peuvent avoir été photographiées que depuis cette passerelle.» Elémentaire, mon cher Watson.

Sachant que Cézanne avait séjourné à Neuchâtel en 1890, Raymond Hurtu, ex-prof de dessin parisien propriétaire d’une maison dans le Jura, a donc mené dans la région, dix ans durant, des investigations dignes d’un polar. Les cartes postales de brocante lui ont fourni de précieux indices. L’une d’elles, par exemple, montre un peintre ayant posé chevalet et parasol devant le château de Colombier: «Ce pourrait être Cézanne lui-même! Car depuis l’emplacement exact choisi par l’artiste sur la carte postale, il a aquarellé le château.» Œuvre R 345 du catalogue. Quoi d’autre? L’aquarelle R 317, qui montre le débarcadère de Cortaillod: «Pour y aller, il a pris le bateau navette depuis Neuchâtel, j’ai retrouvé les horaires…» Les archives météorologiques ont parlé elles aussi: Raymond Hurtu peut vous affirmer que durant les deux mois du séjour de Cézanne à Neuchâtel, soit août-septembre 1890, «il a fait un temps épouvantable».

Au fil des événements

L’enquêteur a peiné car les documents à disposition étaient rares: «On n’a aucune lettre commentant ce voyage. Comme Cézanne était brouillé avec Zola, il n’écrivait plus à personne…» Au bout du compte, voilà le fil des événements tel que Raymond Hurtu l’a reconstitué*: Paul Cézanne, sa femme Hortense et leur fils Paul passent trois mois en Suisse en 1890. Ils viennent de Franche-Comté, où les a appelés la liquidation d’une succession. C’est Hortense, surtout, qui aime la Suisse. Cézanne lui-même semble moins chaud. «En fait, précise Raymond Hurtu, ce peintre solitaire fuit la ville pour les berges du lac et les environs.» Colombier, Cortaillod, les gorges de l’Areuse. La maître a 51 ans: «C’est sa période classique, la plus belle.» Même si aucun chef-d’œuvre célèbre ne naîtra du périple helvétique. La faute au mauvais temps, sûrement.

A Neuchâtel, la famille séjourne à l’Hôtel du Soleil, aujourd’hui disparu. La suite du voyage en Suisse passera par Berne, puis Fribourg, où catholiques et anticléricaux se battent jusque dans la rue. Là, le peintre, «dans un mouvement d’humeur contre sa famille», plante femme et enfant et saute dans un train pour Genève. L’incident trouvera un dénouement diplomatique, mais le fond de l’affaire, c’est que Cézanne en a marre des hôtels et veut rentrer chez lui à Aix. Ce qu’il fera, tandis que Paul et Hortense poursuivront leur voyage à Paris.

Hortense qui adorait jouer aux cartes, le soir, dans les salons d’hôtels. C’est probablement, pense Raymond Hurtu, en observant ces scènes durant son voyage en Suisse que Cézanne a mûri le projet de la série qu’il entame à son retour. Elle s’appelle Les joueurs de cartes et elle fera un carton, un siècle plus tard, sur le marché de l’art. Finalement, c’est Hortense qui avait raison: ce voyage à Neuchâtel était une bonne idée.

* Le fruit des recherches de Raymond Hurtu a été récemment mis en ligne par la Société Paul Cézanne: www.societe-cezanne.fr


Paul Cézanne
Né en 1839 à Aix-en-Provence, mort dans la même ville en 1906, Cézanne est un peintre impressionniste à part, considéré comme le grand précurseur du cubisme. Paysagiste magistral, il a surtout peint la Provence. Parmi ses œuvres les plus célèbres: La montagne de la Sainte-Victoire, et la série des Joueurs de cartes.


A voir

Gorges de l’Areuse
La dernière passerelle

En continuant la descente de l’Areuse vers Boudry, à environ une heure de Champ-du-Moulin, on découvre la plus récente des passerelles sur la rivière, inaugurée en 2002: une merveille de sculpture ondulante en bois signée Geninasca-Delefortrie.

Champ-du-Moulin
L’Hôtel de la Truite

C’est un restaurant, où l’on mange le poisson frais du vivier. Récemment restauré, il est redevenu une très bonne adresse. Trois chambres d’hôtes accueillent les dormeurs dans une maison un peu plus loin.
032 855 11 34
www.la-truite.ch

Champ-du-Moulin
La salle des fêtes

Une mention à part pour ce pavillon orné de fresques Heimatstil, juste à côté du restaurant. Elle aussi restaurée depuis l’an dernier, la salle peut accueillir jusqu’à 300 personnes dans un décor de conte de fées. Location au restaurant (voir ci-dessus).

La Presta
Les mines d’asphalte

Depuis Champ-du-Moulin, on peut reprendre le train en direction du Val-de-Travers pour visiter les spectaculaires mines d’asphalte et manger du jambon cuit dans l’asphalte. Un site unique en Europe. Attention : arrêt La Presta sur demande.
032 864 90 64
www.val-de-travers.ch

Môtiers
La Maison de l’absinthe

Encore quelques minutes de train et vous êtes à Môtiers, bourg de tous les charmes, où vous serez parmi les premiers visiteurs de la Maison de l’absinthe, inaugurée début juillet dans un magnifique immeuble du XVIIIe.
032 860 10 00
www.maison-absinthe.ch

Môtiers
La Grange
Un joyau exotique à quelques pas de là: le Musée d’art aborigène australien La Grange, au château d’Ivernois, qui accueille la formidable collection de la Fondation Burkhardt-Felder.
032 861 35 10
www.fondation-bf.ch


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Cézanne, un séjour neuchâtelois  par temps de cochon
Corinna Bille, enfance d’été sur lac de Bienne
Artaud apprend à dessiner à Neuchâtel
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Neuchâtel série d'été: dans les pas de...

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Jeudi, 31 Juillet, 2014 - 05:51

Evasion. Quoi de mieux pour découvrir une région que de chausser les lunettes de personnages illustres du passé qui y sont nés ou y ont vécu des moments essentiels de leur destin? Nous sommes partis en balade sur leurs traces pour retrouver le supplément d’âme qu’ils nous ont laissé en cadeau. A vous le tour!

Textes Anna Lietti
Photos Lea Kloos


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Valais 10 juillet – Fribourg 17 juillet - Genève 24 juillet – Neuchâtel 31 juillet - Jura 7 août – Berne 14 août

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La Nébuleuse, petite bière qui joue dans la cour des grandes

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Jeudi, 31 Juillet, 2014 - 05:52

Rencontre. Trois jeunes Lausannois multidiplômés lancent une nouvelle marque artisanale, brassée avec des malts et du houblon provenant du monde entier.

William Türler

On aurait pu croire, après l’arrivée de marques telles la Lausannoise, BFM, Trois Dames, les Fleurs du Malt ou Docteur Gab’s, que le marché de la bière artisanale allait commencer à saturer en Suisse romande. Le succès rencontré par la Nébuleuse prouve le contraire: lancée en début d’année par trois Lausannois diplômés de hautes écoles, elle a vu sa production passer de 700 à 7000 litres par mois en à peine un semestre.

«La part de marché de la bière artisanale se situe à environ 4% en Suisse, souligne Arthur Viaud, cofondateur. Aux Etats-Unis, ce chiffre atteint près de 20% alors qu’il n’existait aucune microbrasserie il y a une trentaine d’années. Cela laisse une bonne marge de progression.» De fait, plutôt que de s’affronter, les différents acteurs de la branche ont plutôt tendance à collaborer. La Nébuleuse et la Lausannoise partagent, par exemple, les mêmes locaux de production. Ce qui permet aux trois amis d’enfance que sont Arthur Viaud, Jérémy Pernet et Kouros Ghavami de limiter considérablement leurs frais d’investissement. «Cela ne sert à rien de se tirer dans les pattes, dit Arthur Viaud. Comme pour le vin, un amateur de bière artisanale n’est jamais captif. Il ne va pas s’approvisionner chez un seul producteur.»

En plusieurs versions

Distribuée dans différents bars lausannois «réceptifs» (comme les Artisans, le Saint Pierre, le Café du Pont et plus récemment la Grenette, bar éphémère situé à la place de la Riponne pour lequel les associés ont sorti une édition collaborative spéciale), cette nouvelle bière est vendue de 30 à 40% plus cher qu’une bière standard*.

«Nous voulons proposer un luxe abordable», résume Arthur Viaud, pour qui l’incrément de prix pour obtenir un produit de qualité reste minime par rapport à ce que l’on trouve parfois dans le domaine viticole.

La Nébuleuse se décline en plusieurs versions gustatives: la Stirling évoque les pale-ales américaines; légèrement épicée, la Namur Express tire son inspiration de la Belgique; quant à la Malt Capone, elle est fermentée avec du bourbon américain et des gousses de vanille. «Fabriquer de la bière artisanale, c’est comme cuisiner, souligne Arthur Viaud. Une même recette peut être appréciée par les uns et pas par les autres.»

Lors de leurs séjours à l’étranger, les trois amis ont eu l’occasion de tester ces différences de goût: ils ont passé notamment par King’s College London, l’Université de Cardiff et Swissnex Singapour avant de se lancer dans l’entrepreneuriat brassicole. Mais, à ce stade, l’export n’est pas leur priorité. Leurs projets immédiats visent plutôt à consolider leur base lausannoise. «Ce n’est pas le travail qui manque», résume Jérémy Pernet. Rentable depuis le mois dernier, la brasserie tourne actuellement au maximum de sa capacité de production.

Le phénomène des bières artisanales a démarré à la fin des années 90 avec des marques comme BFM et les Brasseurs, rappelle Christine Demen Meier, titulaire de la chaire food and beverage à l’Ecole hôtelière de Lausanne. Aujourd’hui, on compte plus de 60 microbrasseries en Suisse romande. «C’est un succès indéniable, mais tout n’est pas si simple pour ces petites structures, dit-elle. Il faut atteindre une certaine taille critique pour répondre aux demandes du marché et sans cesse innover pour conserver un côté exclusif. Enfin, il faut savoir que des groupes comme Carlsberg, conscients de cette demande croissante, se mettent eux aussi à proposer des bières plus personnalisées, de meilleure qualité et en moins grandes quantités.»
* A Genève, la Nébuleuse est distribuée chez Bottle Brothers, rue Henry-Blanvalet 12, ainsi qu’à l’épicerie fine Héritage, avenue Krieg 7.

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Laura Morier-Genoud
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La triste histoire du caporal Peugeot

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Jeudi, 31 Juillet, 2014 - 05:53

Trajectoire. Première victime militaire de la Grande Guerre, avec son ennemi le sous-lieutenant prussien Albert Mayer, Jules André Peugeot a été tué le 2 août 1914 à Joncherey, tout près de la frontière avec l’Ajoie. Quelques heures avant l’embrasement généralisé.

Le village de Joncherey, dans le Territoire de Belfort, rend hommage le samedi 2 mai aux deux premiers militaires tués lors de la Première Guerre mondiale: le caporal français Jules André Peugeot et le sous-lieutenant allemand Albert Mayer. La cérémonie est placée sous le signe de l’amitié franco-allemande. Un symbole de réconciliation qui tranche avec l’inscription du monument dédié au caporal Peugeot à Joncherey: «Plus de trente heures avant qu’elle ne déclarât la guerre à la France, l’Allemagne impériale et royale a répandu le premier sang français.»

Cet épisode méconnu de la Grande Guerre, survenu il y a un siècle exactement, est intéressant à double titre. Il trahit l’atmosphère explosive de l’été 1914, où l’accumulation des provocations réciproques – comme la mort de deux soldats à Joncherey – allait aboutir à la déclaration de guerre de l’Allemagne à la France le 3 août dans la soirée. L’escarmouche fatale, d’autre part, concerne la Suisse de près.

L’abbé-historien

Situé à deux kilomètres de Boncourt, dans le canton du Jura, le petit village franc-comtois de Joncherey était habité par des Suisses, dont Louis Daucourt et sa famille. Il s’avère que le frère de cet Ajoulot était l’abbé Arthur Daucourt, fondateur du Musée jurassien d’art et d’histoire de Delémont. Egalement historien, l’abbé Daucourt a relaté dans son journal la vie de la région pendant la guerre. Il a aussi recueilli nombre de reliques et de témoignages du conflit pour son musée, dont le bois d’un arbre transpercé par une des balles du sous-lieutenant Mayer, remis par son frère, Louis Daucourt. Le premier grave incident de cette guerre, qui allait faire 8 millions de morts et 20 millions de blessés, s’est en effet joué dans la cour de la maison du Suisse le 2 août 1914, en milieu de matinée.

Obéissance de cadavre

Ce jour-là, sur ordre du commandement allemand, une patrouille à cheval franchit la frontière française depuis l’Alsace. Elle est menée par le sous-lieutenant Albert Mayer, 22 ans, excellent cavalier originaire de Magdebourg, en Prusse. Simple reconnaissance des troupes ennemies? Provocation voulue par les troupes du Kaiser? Plus personne ne le sait avec exactitude. Comme plus personne ne discerne pourquoi le sous-lieutenant Mayer, pourtant pacifiste, espérant jusqu’à la veille de sa mort que l’Allemagne et la France trouveraient un terrain d’entente, a attaqué avec tant de brutalité l’escouade du caporal Peugeot postée dans la maison de Louis Daucourt. Un cas d’obéissance aveugle, appelée Kadavergehorsam (obéissance de cadavre), par les Allemands à l’époque?

Instituteur âgé de 21 ans, Jules André Peugeot est originaire d’Etupes, dans le Doubs. Il a sans doute des ancêtres communs avec la famille d’industriels franc-comtois Peugeot. Comme Albert Mayer, il est protestant, réfléchi, bien éduqué et plutôt doux de nature. Le 2 août 1914, il a quatre hommes sous ses ordres, avec pour mission de surveiller les chemins qui mènent à la frontière allemande. Le jour d’avant, il a envoyé l’un de ses soldats chercher du sucre à l’épicerie de Boncourt. Les douaniers suisses ont laissé passer le militaire français sans problème.
«Voilà les Prussiens!»

Vers 10 heures, la fille de la maison, Adrienne Nicolet, sort chercher de l’eau à une source proche. Elle aperçoit soudain dans les champs de blé des casques à pointe. Elle revient en criant: «Voilà les Prussiens!» La sentinelle du poste de surveillance voit arriver sur elle les militaires allemands au galop, avec à leur tête le sous-lieutenant Mayer, sabre au clair. Celui-ci charge la sentinelle française, sans toutefois la blesser. Puis, avec un revolver dans son autre main, il se dirige avec ses six cavaliers vers la cour de la maison, où l’attend le caporal Peugeot, genou à terre, en position de tir. Les coups partent à peu près en même temps. Deux balles d’Albert Mayer se perdent, l’une dans un arbre, l’autre sur la façade de la maison. La troisième atteint Jules André Peugeot à l’épaule droite, lui sectionnant l’aorte. Le caporal s’avance vers la porte d’entrée et s’écroule, mortellement atteint. Albert Mayer reçoit sans doute une balle du caporal Peugeot à l’aine gauche. Il continue sa course folle. Deux cents mètres plus loin, il est touché par une autre balle, peut-être tirée par un soldat de la patrouille française qui cheminait sur la route proche. Le projectile entre derrière l’oreille, à la hauteur de la tempe droite, tuant le sous-lieutenant. Les autres cavaliers allemands s’enfuient par la forêt qui couvre ces contreforts des Franches-Montagnes. L’un d’entre eux, blessé dans la bataille, se constitue prisonnier.

Les première et deuxième victimes de la Grande Guerre sont amenées à Joncherey, dans une grange, où elles passent quelques heures côte à côte «réconciliées dans la paix et le silence de la mort», comme l’écrira plus tard un médecin de la région. Le caporal Peugeot sera enterré à Etupes, le sous-lieutenant Mayer à Joncherey avant que sa dépouille ne soit transférée à Illfurt, dans le Haut-Rhin, lors de la création de la nécropole allemande.

Cette triste histoire est notamment racontée dans un ouvrage de Marc Glotz paru en 2012 à Ridisheim (Haut-Rhin). Elle sera aussi détaillée dès le 12 septembre dans l’exposition Traces de guerre, 14-18: regards actuels proposée par le Musée jurassien d’art et d’histoire de Delémont. Grâce au fonds constitué par son fondateur, Arthur Daucourt, l’institution restituera l’empreinte profonde de la guerre mondiale dans le Jura. Les tableaux-reliquaires sous verre de l’abbé Daucourt, où sont présentés divers objets (dont le morceau d’arbre troué par la balle d’Albert Mayer), seront montrés. Ainsi que le journal en plusieurs volumes du fondateur du musée. L’exposition posera surtout la question de l’intérêt actuel en Suisse pour la Première Guerre mondiale, alors que le pays n’a pas participé au conflit. Une manière de lire cette tragique page d’histoire en fonction des préoccupations du présent. 

«Traces de guerre, 14-18: regards actuels». Musée jurassien d’art et d’histoire. Du 12 septembre 2014
au 2 août 2015. www.mjah.ch

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Le scénario du pire refait surface

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Jeudi, 31 Juillet, 2014 - 05:54

Eclairage. Et si les autres pays européens infligeaient des amendes et exigeaient des cautions du même ordre que la France, qui a obtenu 1,3 milliard de francs d’UBS? Le risque de déconfiture plane sur les banques suisses.

La menace est devenue très réelle, soudainement: le 23 juillet, la justice française a montré des dents que les banquiers suisses ne lui connaissaient pas quand elle a exigé une caution de 1,3 milliard de francs à UBS au moment de l’inculper pour «blanchiment aggravé de fraude fiscale». Ou plus clairement, la grande banque est accusée d’avoir activement aidé des contribuables français à cacher leurs avoirs dans ses coffres en Suisse, à l’abri du secret bancaire.

Jusqu’alors, seules les sanctions infligées par des juges américains avaient suscité des inquiétudes. Dernière en date, l’amende de 2,5 milliards de francs prononcée début mai contre Credit Suisse avait en plus immédiatement précipité un flot de critiques à l’adresse de Brady Dougan, directeur général de la banque.

En comparaison, l’arsenal juridique des Européens a longtemps paru bien inoffensif. En France, UBS n’avait subi pour toute sanction qu’une amende de 12 millions de francs décrétée à l’été 2013 par l’Autorité de contrôle prudentiel, le gendarme financier. Credit Suisse et Julius Bär avaient obtenu en 2011 la fin des procédures en Allemagne grâce à des accords passés avec des autorités judiciaires qui prévoyaient des pénalités de 175 millions et de 65 millions de francs respectivement. Une voie qu’a pu encore suivre UBS en concluant, au 2e trimestre de cette année, un accord à l’amiable avec le parquet de Bochum, moyennant le paiement de quelque 360 millions de francs.

Le spectre du Risque systémique

Ces banques ont peut-être échappé au pire. Car rien ne démontre que les Européens accepteront encore longtemps de régler le passé à coup d’amendes relativement indolores. Pourquoi des juges frustrés par des décennies de non-coopération de la Suisse dans leurs luttes contre la fraude fiscale ne seraient-ils pas tentés de suivre l’exemple américain? Et pourquoi leurs gouvernements ne chercheraient-ils pas à regarnir leurs trésoreries vides en ponctionnant les banques helvétiques au prix fort?

L’échec de «Rubik» fin 2011 a anéanti toute chance d’accord global avec l’Union européenne ou ses Etats membres. Aujourd’hui, pratiquement chaque banque sait qu’elle peut être attaquée en justice pour avoir prêté assistance à des contribuables ayant fui le fisc de leur pays, et même pour les avoir démarchés de façon illicite. Et cela pendant longtemps. «Il est clair que ces agissements risquent de coûter très cher aux banques», observe Sergio Rossi, professeur d’économie à l’Université de Fribourg. Pas sûr qu’elles puissent toutes y résister.

Une telle accumulation de sanctions très coûteuses peut les affaiblir, voire les placer en situation d’insolvabilité. Plusieurs banques incapables de faire face simultanément à des sanctions pourraient ainsi entraîner les établissements sains dans leur chute. «Cela peut déclencher un risque systémique pour la place financière», prévient Michael Rockinger, professeur de finance à l’Université de Lausanne.

La bns minimise… mais reste aux aguets

La Banque nationale suisse (BNS) se montre consciente de ce péril. Elle écrit dans son Rapport sur la stabilité financière publié fin juillet que «des pertes peuvent aussi résulter de risques opérationnels et juridiques». Mais elle minimise aussitôt: «Il ne présente pas un danger pour la place financière», précise un porte-parole. Les fonds propres des banques lui paraissent assez élevés pour y faire face. Pour le moment.

«Envisager un risque systémique me paraît audacieux», ajoute Luc Thévenoz, directeur du Centre de droit bancaire de l’Université de Genève. Avant d’être sanctionnées, les banques doivent faire l’objet de procédures pénales. Or, celles-ci demeurent encore peu nombreuses. En outre, les amendes géantes doivent être compatibles avec les ordres juridiques de ces pays. Pas sûr que cela soit le cas partout. UBS se bat férocement en France pour y échapper.

Mais la BNS reste aux aguets. «Nous observons très attentivement les développements» des procédures judiciaires en cours, ajoute son porte-parole.

Pour éviter des dérapages, certaines voix exigent une intervention politique vigoureuse de Berne auprès des autorités des pays voisins. «Eveline Widmer-Schlumpf, cheffe du Département fédéral des finances, doit prendre des positions fortes. La Suisse doit savoir, au besoin, taper fort sur la table. Voire prendre des mesures de rétorsion pour rétablir l’équilibre», lance le professeur Michael Rockinger.

Cependant, même si Berne lance des contre-attaques ou oriente la curiosité des enquêteurs vers des excès commis par les établissements étrangers en Suisse, les banques helvétiques n’ont pas fini de payer leur sulfureux passé.

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L’UDC après Blocher: voici la génération 2015

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Jeudi, 31 Juillet, 2014 - 05:55

Décodage. Plus urbaine et bardée de diplômes, la relève de l’UDC est prête à assumer la succession du patriarche. Outre-Sarine surtout.

Christoph Blocher peut dormir tranquille. Ces dernières années ont vu émerger une relève qui assumera son héritage politique sans même réclamer de droit d’inventaire. Elle arrive, la génération 2015 de l’UDC, celle qui pèsera de plus en plus sur la ligne du parti lors de la prochaine législature, d’autant que Blocher a délaissé l’arène parlementaire. Bien qu’encore totalement inconnus en Suisse romande, les Gregor Rutz, Thomas Aeschi, Thomas Matter ou encore Peter Keller sortent lentement de l’ombre du «lider máximo».

Tout auréolé de sa victoire sur l’immigration de masse le 9 février, le milliardaire de Herrliberg reste dans l’immédiat bien en place, entouré de ses deux bras droits, Toni Brunner et Adrian Amstutz, présidents respectivement du parti et du groupe parlementaire. Mais dans le sillage des chefs, les jeunes pousses ne manquent pas, qui ne demandent qu’à éclore. «La relève existe depuis longtemps», affirme même le vice-président de l’UDC, Claude-Alain Voiblet. Le problème, c’est que le patriarche est toujours là, lui qui a toujours assisté – et qui le fera aussi à l’avenir – à toutes les séances du groupe. «La force stratégique de Christoph Blocher profite bien sûr à tout le monde. Mais sa présence a tendance à rendre les autres invisibles», note-t-il.

C’est dire que la passation des pouvoirs s’opère tout doucement à la tête de l’UDC. Peu à peu, la génération des années 90 se retire sur la pointe des pieds, parfois sur fond de scandale. C’est celle qui, après la prise de pouvoir des Zurichois sur les Bernois dans le parti, avait enclenché la dynamique de forte croissance du parti pour atteindre un sommet historique de 28,8% des suffrages en 2007. De son côté, la nouvelle génération trépigne d’impatience, avide de faire ses preuves. Les plus jeunes sont tous des trentenaires déjà très médiatisés, dont on ne connaît pourtant pas encore le réel potentiel. Ils et elles s’appellent Natalie Rickli (ZH), Céline Amaudruz (GE), Lukas Reimann (SG) ou encore Nadja Pieren (BE).

Foin des Racines agrariennes

Quel stupéfiant contraste entre ces deux générations! Derrière l’entrepreneur à succès Christoph Blocher, le gros de la troupe avait gardé des racines très agrariennes et artisanales avec pour nom Max Binder et Toni Bortoluzzi à Zurich, André Bugnon et Guy Parmelin en pays vaudois. La nouvelle vague n’a plus du tout les pieds ancrés dans la terre. Ce sont des enfants de la classe moyenne, peu fortunés, ayant grandi en ville ou dans une agglomération, qui ont souvent suivi une formation universitaire. Cela ne surprend pas le secrétaire général du parti, Martin Baltisser: «L’UDC a investi les agglomérations à l’image d’une Suisse qui est elle aussi devenue plus urbaine.»

Sauf que la vieille garde s’en irrite, elle qui a souvent mythifié les vertus de l’apprentissage au détriment de la filière académique. En témoigne la polémique qui a éclaté récemment à Zurich, où le «dinosaure» Toni Bortoluzzi (67 ans) a refusé de céder sa place au Conseil national à Barbara Steinemann (38 ans), une juriste compétente, mais pas vraiment «la femme idéale pour l’UDC» aux yeux du menuisier à la retraite. L’un des futurs leaders de l’UDC s’appelle Thomas Aeschi (ZG), un nom encore inconnu en Suisse romande. Sa carte de visite résume tout: «lic.oec.HSG/Harvard MPA, National­rat/Swiss Member of Parliament». Ce vibrionnant conseiller en entreprise de 35 ans n’a pas seulement passé par Saint-Gall, mais aussi par Harvard, dont il est ressorti avec un master en administration publique. Il travaille pour Strategy&, une entreprise américaine de consulting active à travers 60 bureaux dans le monde, dont un à Zurich. Auparavant, il avait passé deux ans dans une banque, «globale, bien sûr».

Réseaux sociaux

Gregor Rutz, autre futur homme fort du parti, est un peu moins mondialisé, mais tout aussi urbain. Fils d’un menuisier certes, mais «complètement nul dans toute activité manuelle», il a fait des études de droit et possède aujourd’hui son propre bureau de consulting à Zollikon, tout en habitant Zurich. Thomas Matter, quant à lui, a fait pleurer sa maman en renonçant à suivre une filière universitaire. Cet entrepreneur-né, au parcours atypique, a préféré fonder deux banques. Il a décidé de s’engager en politique pour sauver ce qu’il reste du secret bancaire, du moins en Suisse. A peine débarqué sous la Coupole, il s’est déjà forgé la réputation «d’ennemi numéro un d’Eveline Widmer-Schlumpf», la ministre des Finances.

«Christoph Blocher a su faire évoluer l’UDC d’un parti paysan conservateur à un parti libéral sur le plan économique, mais soucieux de préserver ses valeurs politiques», souligne le Nidwaldien Peter Keller. «Mais notre ADN, à savoir la souveraineté, le fédéralisme et la neutralité, est toujours resté le même», ajoute-t-il.

La nouvelle génération a aussi investi les médias sociaux, à l’image d’une Natalie Rickli que les médias alémaniques ont sacrée «reine de la génération Facebook». Il est vrai qu’elle y est omniprésente, et très suivie par ailleurs. On la voit plusieurs fois encourager l’équipe suisse de foot (1342 likes le 15 juin dernier avec la simple photo d’un gril!), visiter le tunnel du Gothard «où le réseau wifi fonctionne déjà», faire campagne contre la pornographie enfantine et pour l’expulsion des étrangers criminels. «Je suis sur Facebook depuis la nuit des temps, 2008 je pense. C’est un vecteur de communication dont on ne peut plus se passer pour s’adresser aux jeunes», constate-t-elle.

Si Lukas Reimann et Gregor Rutz actualisent régulièrement leur journal sur Facebook, d’autres sont beaucoup plus discrets, comme Thomas Aeschi ou Thomas Matter, qui ont juste ouvert un profil pour occuper le terrain, sans plus. «Il ne faut pas surestimer les réseaux sociaux», avertit Gregor Rutz, qui boude ainsi Twitter, «un vecteur inadapté pour la politique». «Le contact avec la population reste la chose la plus importante à soigner», ajoute-t-il.

Globalisé et conservateur

En fait, cette relève existe partout à l’UDC, sauf en Suisse romande, où Céline Amaudruz est bien seule à la représenter. Claude-Alain Voiblet plaide la patience. «L’UDC a une génération de retard dans son essor de ce côté-ci de la Sarine. Mais elle occupe aujourd’hui 600 sièges dans les parlements des villes de plus de 10 000 habitants, alors qu’elle est quasiment partie de zéro voici quinze ans. Dans les Grands Conseils des cantons romands, la députation de l’UDC est souvent la plus jeune avec celle du PS.» Ainsi, plusieurs trentenaires ont des chances réelles de débarquer sous la Coupole en 2015: Michaël Buffat dans le canton de Vaud, Jérôme Desmeules ou Grégory Logean en Valais pour succéder au conseiller d’Etat Oskar Freysinger, ainsi que Manfred Bühler voire Anne-Caroline Graber dans le Jura bernois.

Les futurs leaders de l’UDC ont élargi leurs horizons, voyagent plus et maîtrisent mieux les langues, l’anglais à défaut du français. On pourrait donc s’attendre à une attitude plus souple, notamment dans le dossier européen, tant cette faculté à se frotter à une économie globalisée et le repli politique identitaire paraissent schizophréniques. Il n’en sera rien. «Je ne vois pas la moindre contradiction ici, assure Thomas Aeschi. Plus je vais à l’étranger, plus je me conforte dans l’idée qu’il vaut la peine de se battre pour conserver le système suisse, axé sur la méritocratie.» Les «enfants» de Christoph Blocher sont différents, mais ils assumeront son héritage sans grande remise en question. Autant par conviction que par respect filial. La plupart d’entre eux ont adhéré au parti après avoir été séduits par son message identitaire et son charisme.

Restent deux questions: ces nouvelles figures seront-elles d’aussi bons bailleurs de fonds pour le parti et ses campagnes que Blocher lui-même et ses compagnons de route historiques comme Walter Frey? Aucun n’a accumulé à ce stade une fortune personnelle. De même, cette génération se dévouera-t-elle pour briguer des mandats dans un exécutif, au niveau cantonal ou fédéral, et gagner en influence dans les pouvoirs exécutifs? Si l’on excepte une Céline Amaudruz qui a terminé neuvième dans la course au Conseil d’Etat genevois en 2013, les futurs leaders de l’UDC ne se bousculent pas au portillon. Gregor Rutz et Thomas Matter, très heureux dans leurs rôles d’«entrepreneur» et d’«indépendant», disent exclure cette éventualité. Thomas Aeschi est plus hésitant. Mais il ne faut pas se fier à ces déclarations. A l’UDC, il n’est pas de bon ton d’afficher des ambitions pour un poste dont l’essence consiste à défendre l’Etat, celui-là même qu’on n’hésite pas à honnir dans la propagande électorale.


Le joker Magdalena

Quel rôle politique entend jouer la fille de Christoph Blocher?

Succession. Des quatre enfants du tribun, c’est elle, Magdalena Martullo-Blocher, l’aînée, qui fut chargée au 1er janvier 2004 de reprendre EMS-Chemie, l’entreprise en mains familiales, quand son père fut élu au Conseil fédéral. Régulièrement interpellée par les médias, cette femme d’affaires, qui va fêter en août ses 45 ans, dément vouloir entrer en politique. Reste qu’elle ne se prive pas de prendre position, tel un décalque de son père (lire en page 51 la réaction de Jacques Neirynck à ses propos sur le financement de la recherche). Qu’elle brigue un mandat ou pas, l’autre question qui demeure sans réponse jusqu’ici est aussi de savoir si la famille Blocher, multimilliardaire, continuera à faire profiter l’UDC de ses dons pour mener campagne. CT


Thomas Aeschi

ZG, 35 ans, depuis 2011 au Conseil national

Certains de ses collègues l’ont surnommé TTA – qu’il faut prononcer à l’anglaise – pour «Thomas Turbo Aeschi». Plus globalisé, tu meurs! A 16 ans déjà, il fait une année de lycée dans la banlieue de Chicago, étudie l’économie à Saint-Gall non sans passer un semestre en Malaisie et en Israël, avant de décrocher un master en administration publique à Harvard. Déjà, il se profile sur les questions financières et étrangères. «J’ai été politisé à l’âge de 14 ans par la votation sur l’EEE en 1992, c’est l’origine de mon engagement à l’UDC», confie-t-il. Prône-t-il l’Alleingang ou la voie bilatérale pour la Suisse? «Il faut trouver un chemin intelligent qui permette d’éviter l’adhésion rampante à l’UE tout en maintenant les contacts avec notre principal partenaire économique», répond-il. Thomas Aeschi a déjà une bonne maîtrise de la langue de bois.


Gregor Rutz

ZH, 42 ans, depuis 2012 au Conseil national
Il dit qu’il ne briguera «jamais » le Conseil fédéral, qui compte d’ailleurs déjà un ancien pianiste de bar (Alain Berset) dans ses rangs. Ne le croyez pas trop vite! D’autres que lui l’y voient tout à fait, à commencer par Christoph Blocher. Celui qui a commencé par être un jeune PLR avant de se convertir à l’UDC est un stratège parfaitement réseauté. Avant de se mettre à son compte, il a été secrétaire général de l’UDC lors de la période de tous les triomphes électoraux, de 2001 à 2008. Tenant de la ligne dure sur le contenu, il a cependant le contact facile avec tous les partis. Il se profile beaucoup dans les questions d’immigration et de la défense des libertés individuelles.
 


Peter Keller

NW, 43 ans, depuis 2011 au Conseil national

«Suaviter in modo, fortiter in re» («modéré dans la forme, mais ferme sur le contenu»). Historien de formation, ex-enseignant et auteur à la Weltwoche, Peter Keller annonce en latin l’UDC de demain, qui se cherche des candidats plus consensuels pour réinvestir le Conseil des Etats en 2015. Mais sur la politique européenne, l’UDC ne cédera rien. Le 11 juin dernier, lors de l’excursion de son groupe, Peter Keller a raconté la victoire des Confédérés sur les Habsbourg en 1315 à Morgarten. Avant d’ajouter que l’ennemi de la Suisse, c’est désormais l’UE. Le ton est donné.
 


Céline Amaudruz

GE, 35 ans, depuis 2011 au Conseil national

Son profil Facebook se résume à une photo, celle de la rade qu’elle traverse à la nage, en attendant le pont, ce serpent de mer genevois. La présidente de l’UDC cantonale est une fonceuse. Levée à 4 h 30 du matin, elle fait du sport, travaille à 60% pour l’UBS, gère sa section tout en siégeant à Berne. «Ma priorité restera ma carrière professionnelle, même si je décide de fonder une famille», assure cette juriste de formation, à laquelle sa maman a toujours conseillé de «rester indépendante». Sous la Coupole, elle intervient beaucoup sur les thèmes sécuritaires et migratoires en tant que membre de la Commission des institutions politiques (CIP).
 


Natalie Rickli

ZH, 37 ans, depuis 2007 au Conseil national

C’est l’ange blond de l’UDC, très active sur les médias sociaux avant d’y réduire un peu sa présence après un burn-out. Ses détracteurs lui reprochent sa vision manichéenne de la politique, mais ça paie. Elle a été la parlementaire la mieux élue de Suisse en 2011, devant Christoph Blocher. Cette résidente de Winterthour, qui indique «part­ner relation manager» comme profession sur sa carte de visite, s’est spécialisée dans la politique de la sécurité et des médias. Elle est une des plus féroces pourfendeuses de la SSR.
 


Thomas Matter

ZH, 48 ans, depuis 2014 au Conseil national

Il vient d’arriver au Conseil national, c’est lui qui a succédé à Christoph Blocher, qui s’y ennuyait ferme. Mais il est déjà connu comme le loup blanc. Ce banquier, propriétaire de la Neue Helvetische Bank qu’il a fondée en 2011, est l’un des membres du comité d’initiative pour le maintien du secret bancaire en Suisse qu’il veut ancrer dans la Constitution. Une initiative qui, soutenue aussi par des personnalités du PLR et du PDC, pourrait mettre des bâtons dans les roues de la ministre des Finances, Eveline Widmer-Schlumpf. «Nous ne voulons pas d’un échange automatique des données en Suisse ni d’un Etat trop puissant du genre RDA faisant du contribuable un citoyen transparent.»
 


Lukas Reimann

SG, 32 ans, depuis 2007 au Conseil national

Encore un juriste à l’UDC, qui devrait terminer ses études en 2015. En reprenant, au pied levé, des mains d’un Pirmin Schwander malade, la présidence de l’Action pour une Suisse indépendante et neutre (ASIN), il est désormais le porte-drapeau de cette jeunesse helvétique rejetant tout rapprochement avec l’UE. Ouvert au monde – il a passé un an à Boston dans une école internationale à l’âge de 16 ans et a sillonné l’Ukraine en voiture avec des copains l’an passé – mais fermé à l’Europe politique. Plus radicale que l’UDC, l’ASIN prône même ouvertement la dénonciation des accords bilatéraux.

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Michel Guillaume
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La fraude fiscale de Dominique Giroud? «Même pas grave»

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Jeudi, 31 Juillet, 2014 - 05:56

Décodage. Le vigneron a produit des faux et soustrait au fisc plus de 8 millions de bénéfices. Sanction pénale? Un sursis et 1012 francs de frais de justice, pour bonne conduite. Son ardoise fiscale a également été réduite.

En Suisse, frauder le fisc pour des millions de francs de manière «consciente et volontaire» en falsifiant des documents et en s’abritant derrière des sociétés écrans n’est pas considéré comme un délit grave. C’est ce qui ressort de l’ordonnance pénale rendue par la justice vaudoise le 16 juillet dernier, condamnant Dominique Giroud à 180 jours-amende avec sursis et 1012 fr. 50 de frais de justice pour «usage de faux».

Ce document, dont L’Hebdo a obtenu copie, montre que le vigneron valaisan a bel et bien dissimulé 8,5 millions de francs – 8 461 947 pour être précis – sur les bénéfices de Giroud Vins SA, entre 2004 et 2009. C’est ce qu’avait révélé la RTS dans deux reportages interdits par la justice valaisanne puis finalement diffusés fin mai.

Jusqu’ici, seule la peine avec sursis avait été rendue publique le 16 juillet. Cette annonce avait soulevé plusieurs questions, notamment sur les raisons de son apparente mansuétude et sur l’ampleur du rattrapage fiscal auquel s’exposait le vigneron fraudeur. Le contenu de l’ordonnance signée par le procureur vaudois Yvan Gillard permet d’y répondre en partie. Le texte précise notamment le montant exact de la fraude commise par Dominique Giroud. Sur 8,5 millions de francs de bénéfices «soustraits à l’imposition», l’Administration fédérale des contributions (AFC) a estimé que 719 000 francs étaient dus au titre de l’impôt fédéral direct «illicitement évité».

Ce montant implique que, au total, Dominique Giroud s’expose à un rattrapage fiscal de plus de 3 millions de francs pour la fraude touchant sa société Giroud Vins SA (lire ci-contre). Ce chiffre ne comprend toutefois pas les revenus éludés par l’encaveur à titre personnel, qui se monteraient à 13 millions de francs selon la RTS.

Sur le fond, le règlement par voie d’ordonnance de cette affaire hautement médiatisée, marquée par un contexte de tensions politiques sur l’avenir du secret bancaire en Suisse (lire L’Hebdo No 27), montre surtout que la justice vaudoise et l’AFC ont préféré enfiler leurs gants de velours, retenant avant tout les éléments à décharge.

Frauder n’est pas un crime

Bien sûr, les autorités ont bien dû constater que le contribuable Giroud n’était pas un saint. «L’activité délictueuse s’est étendue sur plusieurs années, a impliqué l’usage de plusieurs titres faux et porté sur un montant substantiel, note le procureur Yvan Gillard. Il faut souligner que l’intéressé a mis sur pied toute une structure (…) qui créait une grande opacité dans la gestion des liquidités.» Le vigneron utilisait de fausses factures pour réduire les bénéfices de sa société Giroud Vins SA. Il se rendait personnellement chez UBS pour retirer les montants en espèces – par centaines de milliers de francs – avant de les déposer sur le compte d’une société offshore auprès de Credit Suisse. Pour établir ces faux documents, «Dominique Giroud a utilisé les noms d’une dizaine de producteurs, se servant à une reprise au moins du papier à en-tête remis par le fournisseur concerné». La conclusion d’Yvan Gillard: «Il ne fait aucun doute que Dominique Giroud a agi avec conscience et volonté.» Voilà pour les éléments retenus à charge.

La suite de l’argumentaire prend la forme d’un conseil gracieusement offert à tous les fraudeurs fiscaux: si par malheur vous vous faites pincer, passez vite à Canossa et tout ira bien. «Pour fixer la peine, explique le procureur vaudois dans ses considérants, on tiendra compte, à décharge, de la bonne co-opération de Dominique Giroud durant l’enquête fiscale, lequel a admis tout ce qui lui était reproché. Il a déclaré regretter ses agissements, auxquels il a mis fin spontanément en 2009. Son casier judiciaire est vierge, et il a d’ores et déjà commencé à rembourser les montants dus.»

Ce n’est pas tout. Pour justifier la faible gravité attribuée au cas, le procureur se base sur l’interprétation de l’Administration fiscale des contributions (AFC), qui a elle-même accepté de réduire l’amende de ce fraudeur décidément modèle. «Il y a lieu de préciser, indique en effet l’ordonnance, que le cas n’a pas été considéré comme grave au sens de l’article 175 de la loi sur l’impôt fédéral direct, dès lors que l’amende prononcée n’a pas dépassé le montant des impôts soustraits.»

En clair: déjà au bénéfice d’un sursis au pénal, Dominique Giroud s’en tirera sur le plan fiscal en réglant une amende d’un montant inférieur aux 719 000 francs d’impôt fédéral impayés par Giroud Vins SA. L’article de loi en question précise que, dans des affaires considérées comme de peu de gravité, la note peut être réduite à un tiers du montant impayé. A l’inverse, le montant peut être triplé.

«Ensemble de paramètres»

Si le fait de cacher des millions au fisc de manière «consciente et volontaire» par des versements en cash sur les comptes d’une société offshore n’a pas été considéré comme grave, qu’est-ce qui aurait pu l’être? Les experts en droit fiscal interrogés par L’Hebdo n’ont pas souhaité aborder la question sous cet angle. Pietro Sansonetti, expert en droit pénal fiscal au cabinet Schellenberg Wittmer, explique que cette évaluation de la gravité relève d’un «ensemble de paramètres atténuants et aggravants destiné à permettre de prononcer une pénalité financière qui ne soit pas arbitraire».

L’avocat fiscaliste Xavier Oberson, qui défend Dominique Giroud, estime quant à lui que la condamnation de son client est une première hautement symbolique. «Les dénonciations pénales en matière fiscale sont restées extrêmement rares jusqu’ici. Je pense que cette condamnation est le signe d’un changement. Elle montre que nous entrons dans un monde où les infractions fiscales intéressent de plus en plus la justice pénale. Cela explique certainement l’ampleur sans précédent qu’a prise cette affaire dans les médias.»

Pietro Sansonetti abonde dans ce sens: «Dans leur grande majorité, les cas de fraude fiscale sont traités et réglés au niveau des administrations fiscales elles-mêmes, sans qu’ils ne fassent l’objet de dénonciations à la justice pénale. Cette situation pourrait toutefois changer avec le nouveau droit pénal fiscal, actuellement en gestation. Quoi qu’il en soit, on observe d’ores et déjà depuis quelques années une sévérité accrue en matière de pénalités pour fraude fiscale.»

Les propos de ces experts suggèrent que le simple fait que l’enquête fiscale contre Dominique Giroud ait pu atteindre le stade d’une condamnation pénale serait déjà considéré comme une mesure exceptionnelle, dont la symbolique serait suffisante en soi pour souligner la gravité du cas. Ce cap franchi, ni la justice ni l’AFC n’auraient jugé nécessaire d’enfoncer le clou par une sanction pénale ou financière trop sévère.

Malgré tous les discours sur le «changement de paradigme» du secret bancaire et sur la sévérité nouvelle des autorités fiscales, c’est ainsi que se termine la plus importante affaire de fraude fiscale publiquement dénoncée en Suisse depuis des décennies. Devant un tribunal vaudois, par une sanction à la tête du fraudeur.


Au tour du fisc valaisan

L’encaveur devra régler environ 3 millions de francs d’amende et d’arriérés pour les bénéfices soustraits par Giroud Vins SA.

S’il a fraudé l’un, c’est qu’il a fraudé l’autre. En reconnaissant sa faute et en passant un accord avec la justice vaudoise et le fisc fédéral, Dominique Giroud a établi du même coup le cadre du rattrapage fiscal qui l’attend en Valais.

Si la fraude sur l’impôt fédéral direct se monte à 719 000 francs, le montant dû pour les parts cantonales et communales devrait se monter à un peu plus d’un million de francs. En tenant compte des pénalités – inférieures au montant de la fraude – et des intérêts, l’ardoise totale pour régler les bénéfices soustraits par Giroud Vins SA devrait atteindre 3 millions de francs. Ni le Département valaisan des finances ni le Service cantonal des contributions n’ont souhaité indiquer si une procédure était engagée pour les récupérer.

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Pierre-Antoine Grisoni / Strates
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Gaza ou la fabrique moderne de dystopie

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Jeudi, 31 Juillet, 2014 - 05:58

Plaidoyer. L’auteure n’est autre que la reine de Jordanie, Rania, d’origine palestinienne. On appelle dystopie l’antonyme de l’utopie, la contre-utopie, soit une société imaginaire organisée de telle manière qu’elle empêche ses membres d’atteindre le bonheur.

Rania Al Abdullah

Les sociétés dystopiques sont décrites dans des pages de romans tels que Hunger Games, de Suzanne Collins, ou Divergent de Veronica Roth. Ils nous donnent un aperçu de sociétés perverties, d’où la liberté et la justice ont disparu; où les privations sont un mode de vie; où la vie n’est pas essentielle. Ces romans nous demandent d’imaginer une société où les gens sont poussés aux limites de ce qu’ils peuvent endurer – et où ils sont souvent tués s’ils n’y parviennent pas.

Mais ce n’est que de la fiction, n’est-ce pas? La dernière page tournée, c’est fini.

Faux.

L’histoire la plus dystopique de notre temps n’est pas une œuvre de fiction. C’est un endroit bien réel peuplé de gens bien réels.

C’est Gaza. Le lieu de vie le plus terrible du monde.

Un lieu où des gens tiennent tête à la pauvreté, à la violence, aux préjugés, à l’intimidation, à la faim, au manque de soins de santé et de liberté de mouvement, à l’emprisonnement, au chômage généralisé, à l’insécurité, à une surveillance incessante, à la privation des biens essentiels, au désespoir, à une éducation défaillante, à l’isolement forcé, au mépris des droits de l’homme, à la douleur de perdre des proches aimés. Gaza, 1,8 million d’habitants, tient tête à tout ça, tous les jours. Sous le regard d’une communauté internationale largement indifférente.
Femmes, enfants, nourrissons. Vieux, handicapés. Innocents. Ils tiennent tête chaque jour à toutes ces injustices parce que, depuis huit ans, ils ont existé – pas vécu – sous le siège imposé par Israël.

Un Palestinien de 17 ans incarcéré dans une prison israélienne a décrit la misère que les Gazaouis endurent tous les jours: «C’est comme être l’ombre de ton propre corps, vissé au sol, incapable de t’en échapper. Tu te vois gisant là, mais tu ne peux pas remplir de vie ton ombre.»

En deux mots: une mort lente.

A moins d’avoir vécu jour après jour cet assiègement et ces assauts suffocants, il est impossible d’imaginer le désespoir qu’endurent les Gazaouis. N’oubliez pas: 70% de la population de Gaza est formée de réfugiés.

Je ne peux pas espérer, par ces simples mots, rendre justice à leur souffrance.

Imaginez que vous êtes emprisonné dans une bande de terre stérile, longue d’environ 40 kilomètres et large de 6 à 12 kilomètres. Imaginez que vos enfants ont besoin de soins médicaux urgents que les cliniques de Gaza ne peuvent assurer. Jour après jour, vous attendez au passage frontière sans savoir si, aujourd’hui, vous et votre enfant serez autorisés à passer pour quêter les soins dont vous avez besoin.

Imaginez que vous donnez naissance à des enfants alors qu’il n’y a pas d’accès à l’eau, que l’évacuation des eaux usées est déficiente et que l’électricité ne marche qu’à peine la moitié du temps. Imaginez que vous dépendez des colis de l’UNRWA, l’agence de l’ONU pour les réfugiés, pour maintenir votre famille en vie.

Et imaginez maintenant que les gens de Gaza vivent en plus sous des bombardements quotidiens.

Plus d’un quart des tués, ces dernières semaines, étaient des enfants. Des centaines d’autres ont été mutilés ou sont orphelins. Des dizaines de milliers de familles sont brisées ou déplacées.

Imaginez-vous assis à la table familiale avec vos proches: on vous donne quelques minutes pour évacuer votre maison avant qu’elle ne soit bombardée. Les missiles rasent votre logis. Les photos irremplaçables de vos grands-parents ont disparu. Les dessins que vos enfants faisaient, petits, sont détruits, vos papiers d’identité sont perdus, votre histoire personnelle est effacée.
Imaginez encore que vous tentez de sauver des vies à l’hôpital malgré la pénurie d’équipements médicaux et des instruments rouillés. Vos chaussures pleines de sang collent au sol. Puis l’hôpital est bombardé.

Gaza est en situation de traumatisme.

Tout ce que les habitants de Gaza veulent, c’est ce que chacun de nous veut. La possibilité de vivre une vie normale, dans la dignité et la sécurité, et de construire un avenir dans lequel les enfants pourront prospérer, rêver et se réaliser. Il doit leur être permis de le faire.

Il faut d’abord un cessez-le-feu, mais ce n’est pas la seule solution. Nous ne pouvons permettre le retour à un statu quo infernal, à la lutte quotidienne pour survivre. Il faut que suive rapidement un effort général, voué à rendre la vie aux ombres de Gaza. Il faut ouvrir les points de passage, reconnaître les droits, garantir la liberté, réparer les infrastructures, rétablir les relations commerciales, équiper les écoles, restaurer les hôpitaux, soigner les blessures. L’espoir doit fleurir. (…)

Allons-nous rester à l’écart et regarder tandis que sont jetées sous nos yeux les bases cruelles d’une dystopie moderne? Ou notre humanité commune nous unira-t-elle pour nous inciter à agir et sauver les gens de Gaza? En les sauvant, nous nous sauverons.

© The WorldPost/Global Viewpoint Network Traduction Gian Pozzy

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John Kerry l’effet spécial K

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Jeudi, 31 Juillet, 2014 - 05:59

Portrait. Depuis une dizaine de jours, John Kerry se débat inlassablement pour amener Israël et le Hamas à signer un cessez-le-feu durable. Et démontre sa capacité à mobiliser, tant en Europe qu’au Moyen-Orient. De par son engagement et son style, qui se démarquent de ceux de Hillary Clinton, s’imposera-t-il comme le meilleur diplomate que les Etats-Unis aient connu depuis Henry Kissinger?

Clément Bürge New York

Il se démène, John Kerry, mais rien n’y fait. Toute négociation d’un cessez-le-feu entre Israël et Gaza n’est pas parvenu jusqu’ici à freiner l’escalade de la violence et le nombre de morts. Des combats qui se sont encore intensifiés après la trêve humanitaire du samedi 26 juillet et la suspension du conflit imposée le lundi par les Etats-Unis à Israël, qui n’aura duré que quelques heures malgré les appels incessants à un cessez-le-feu immédiat et durable de l’ONU ainsi que de nombreux Etats. Depuis une dizaine de jours, le chef du Département d’Etat, chargé des Affaires étrangères, enchaîne infatigablement voyages, visites et entretiens pour trouver une solution à ce conflit.

Déjà au lendemain de sa nomination à la tête de la diplomatie américaine, John Kerry s’était battu vaillamment sur le dossier israélo-palestinien. A partir de mars 2013, il s’était ainsi lancé dans un vaste processus de réconciliation entre les deux pays, caractérisé par une approche originale. Il a par exemple employé des consultants de McKinsey pour effectuer une analyse du tissu économique palestinien. Et a promis un plan de relance économique de 4 milliards de dollars si un accord était trouvé entre les deux parties – la promesse la plus généreuse faite aux Palestiniens depuis les accords d’Oslo, en 1993.

Au final, Benyamin Netanyahou avait accepté de réaliser le plus grand nombre de concessions dans l’histoire de son pays, comme la libération de 78 prisonniers palestiniens qui étaient enfermés depuis l’époque des accords d’Oslo. Encore plus crucial, il a approuvé que les négociations territoriales se fondent sur les frontières de 1967. Les représentants palestiniens ont aussi lâché du lest, par exemple en n’exigeant pas le gel des colonies israéliennes avant de parlementer. «Sans John Kerry et sa persévérance, cela ne se serait jamais produit», estime David Rohde, spécialiste de la politique étrangère américaine auprès de Reuters.

L’arrivée de John Kerry en Israël illustre le rôle qu’il joue au sein de l’administration de Barack Obama: il est celui qui redynamise la politique étrangère américaine comme peu de ses récents prédécesseurs l’ont fait. Celui en qui le président peut aveuglément faire confiance pour gérer les situations les plus folles aux quatre coins du monde.

L’homme parfait

A première vue, l’ancien sénateur a l’air plutôt maladroit. Son nez longiligne, ses petits yeux de marmotte et sa taille de géant – 1 m 93 – lui donnent un air de Dingo. Il ne s’agit pas de sa seule ressemblance avec l’ami canin de Donald et de Mickey. John Kerry, lui aussi, a une tendance à commettre des gaffes. N’a-t-il pas inventé par erreur le nom d’un pays, le «Kirzakhstan» (une contraction entre le Kirghizstan et le Kazakhstan), lors d’un discours? Au-delà de ces déficiences, il dispose certainement du profil le plus adapté pour devenir l’un des plus grands secrétaires d’Etat de l’histoire.

Depuis sa plus tendre enfance, John Kerry a baigné dans un environnement international. Fils d’un diplomate, il passe son enfance à faire le tour du monde, étudiant même, à l’âge de 11 ans, à l’Institut Montana, une petite école privée près de Zoug. Il parle le français, avec un accent prononcé, mais français quand même.

A 23 ans, il s’engage en tant que volontaire au sein de la marine américaine et il est envoyé en 1968 combattre au Vietnam. Un acte qui lui a donné une légitimité sans égale aux Etats-Unis. «Il connaît la guerre, la réalité du terrain, et il a eu le courage d’y aller», raconte Michael Hunt, historien de la politique étrangère américaine. Au lendemain du conflit, John Kerry critique cette guerre inutile, que lui rappellera tant l’Irak, des années plus tard. Une dénonciation qui le met sur le devant de la scène politique avant même d’avoir 30 ans.

L’homme arrive alors au Sénat en 1985. Et il préside le Comité des affaires étrangères entre 2009 et 2013. «Il voyageait plusieurs mois par année, notamment en Europe, relève Richard Gowan, directeur associé du Centre de coopération internationale à l’Université de New York. Sa connaissance des hommes d’Etat étrangers est excellente.»

Pour Michael Hunt, John Kerry partage plusieurs traits avec l’un des plus brillants diplomates de l’histoire américaine: Henry Kissinger. «Ils ont le même côté cosmopolite, une bonne connaissance du monde et de l’ambition. Ils sont tous deux d’excellents négociateurs.» Autre ressemblance, les défis qu’ils doivent affronter: «Dans les années 70, Henry Kissinger gérait les conséquences de la guerre du Vietnam et un pouvoir américain prétendument sur le déclin. John Kerry se retrouve dans la même situation, en s’occupant de la gueule de bois militaire irakienne et afghane et des forces américaines limitées.»

L’atout principal de John Kerry tient à son capital politique. «Il se trouve sur le devant de la scène depuis des décennies, il était candidat présidentiel en 2004, il s’agit littéralement d’une star», explique David Rohde. En plus de cela, John Kerry, 71 ans, n’a plus rien à perdre. «C’est son dernier mandat, analyse le journaliste. Il peut prendre tous les risques qu’il souhaite.» Une situation radicalement différente de celle de sa prédécesseur, Hillary Clinton, qui n’a jamais véritablement cessé d’être en campagne en vue de l’élection présidentielle de 2016.

Et l’homme dispose maintenant d’une plus grande marge de manœuvre que cette dernière lorsqu’elle occupait son poste: lors de son second mandat, Barack Obama a décidé de moins se focaliser sur la politique étrangère pour mieux se concentrer sur les affaires internes du pays, laissant ainsi John Kerry libre de prendre des initiatives. Hillary Clinton, perçue alors comme une rivale du clan Obama, se faisait davantage contrôler par l’administration.

Une Politique étrangère redynamisée

Depuis son arrivée au sein de l’administration Obama, John Kerry n’a eu de cesse de redynamiser la politique étrangère américaine. Et avec une réussite certaine. L’un de ses plus grands succès s’est déroulé récemment, en juin dernier, en Afghanistan, quand l’élection présidentielle a débouché sur une impasse. Le candidat Abdullah Abdullah accusait Ashraf Ghani, dauphin de Hamid Karzai et prétendu vainqueur de l’élection, d’avoir dérobé plusieurs centaines de milliers de bulletins de vote. Kaboul était alors en proie à des manifestations. D’anciens seigneurs de guerre menaçaient de reprendre les armes. Le pays se trouvait de nouveau au bord de la guerre civile.

John Kerry est arrivé. Les conseillers de Barack Obama l’avaient pourtant prévenu: toute intervention américaine ne ferait qu’empirer la situation. Le chef du Département d’Etat les ignora. Il connaissait bien les hommes au cœur de cette affaire. Il était en contact avec eux depuis 2009 déjà, à l’époque où il se trouvait à la tête du comité chargé des Affaires étrangères au Congrès.

John Kerry avait un plan, simple et clair: organiser un nouveau décompte sous surveillance internationale des 8 millions de bulletins de vote. La nuit du 10 juillet, John Kerry a réuni tous les acteurs de l’élection à l’ambassade des Etats-Unis. Ashraf Ghani et Hamid Karzai ont accepté le plan. Ne restait plus qu’Abdullah Abdullah. Le démocrate allait devoir faire appel à toutes ses capacités de persuasion.

«Je te demande cela en tant qu’ami, fais-moi confiance», lui a dit John Kerry. Il lui a parlé de sa vie de militaire au Vietnam, de son élection présidentielle ratée en 2004. Il lui a rappelé que 8 millions d’Afghans avaient voté, et cela malgré les menaces des talibans. «Nos soldats ne sont pas venus se battre et mourir en Afghanistan pour que cette élection rate», a encore insisté le secrétaire d’Etat. A 9 heures du soir, un accord était trouvé.

Un négociateur hors pair

La créativité du secrétaire d’Etat l’a aussi mené à utiliser une petite ville européenne, Genève, pour relancer des négociations cruciales. «On le sent à l’aise à Genève, presque plus qu’à Washington, commente Richard Gowan. Il aime la vieille Europe. Il sentait que Genève pouvait l’aider.» John Kerry s’est ainsi rendu au siège européen des Nations Unies plusieurs fois – dix fois très exactement – pour désamorcer les autres crises majeures du moment, la Syrie et l’Ukraine.

Pourquoi la ville du bout du lac? John Kerry avait la sensation que l’endroit était le meilleur pour mener des négociations avec son homologue russe, Sergueï Lavrov. «Il s’est dit qu’il pourrait ranimer un vieux fantôme de la diplomatie américaine», explique le professeur. La ville reste un symbole des relations russo-américaines durant la guerre froide. Dwight Eisenhower y avait rencontré Nikita Khrouchtchev en 1955 pour apaiser les tensions après la mort de Staline. «Ronald Reagan et Mikhaïl Gorbatchev y ont tenu leur première rencontre», rappelle encore Richard Gowan. Genève était la seule ville où les deux superpouvoirs ont pu se réunir lors de la seconde moitié du siècle passé.

John Kerry a aussi cherché à exploiter un autre atout à Genève: son incroyable talent de négociateur. En face-à-face, il tient tête aux personnalités les plus puissantes de la planète. Une spécialité qui le distingue d’Hillary Clinton. «Elle menait une diplomatie plus atypique, plus orientée autour du soft power et de la promotion des droits des femmes, précise Klaus Larres, un historien qui s’est penché sur les secrétaires d’Etat à l’Université de Caroline du Nord. Quant à John Kerry, il vient d’une lignée de diplomates plus traditionnelle. Plus protocolaire aussi.»

Cette différence de style se retrouve aussi dans leurs priorités géographiques: Hillary Clinton était une des artisanes du «pivot vers l’Asie» de l’administration Obama et passait ainsi plus de temps dans cette partie du globe, contrairement à John Kerry, qui s’est pour l’instant concentré sur des zones d’influence plus classiques, comme l’Europe et le Moyen-Orient.

Une préférence qui l’a amené à se focaliser sur les relations avec la Russie. Des relations pour lesquelles il a su faire valoir ses atouts de négociateur. Lorsqu’il a rencontré Sergueï Lavrov à Genève, John Kerry a ainsi charmé l’homme d’Etat, surnommé pourtant le Ministre du non. Appartenant à la même génération, les deux partagent une passion pour le football, un style de diplomatie à l’ancienne et aiment se charrier gentiment. Tout le contraire de ses rapports avec Condoleezza Rice, que le Russe appréciait provoquer.

Ces océans à sauver

La diplomatie genevoise de John Kerry a aussi connu quelques succès. En septembre 2013, John Kerry et Sergueï Lavrov y ont signé un accord portant sur le retrait à 90% des armes chimiques en Syrie. Puis, en mars dernier, les deux hommes ont conclu un autre accord à Genève, sur le désarmement des séparatistes prorusses établis dans l’est de l’Ukraine. Le secrétaire d’Etat américain a même réussi à obtenir une convention intérimaire sur la question du nucléaire iranien.

Certains diront que cela n’est pas assez: après des mois de négociations, Israël et le Hamas sont de nouveau en guerre. Et les crises ukrainiennes et syriennes ne sont de loin pas résolues. Mais, compte tenu de la gravité des circonstances, le secrétaire d’Etat américain a certainement cherché à en tirer le meilleur. «Dans chacune des crises, les cartes que John Kerry pouvait jouer étaient très mauvaises, que ce soit en Syrie, en Israël ou en Ukraine», analyse Ian Bremmer, président de l’Eurasia Group, une firme d’analyse de risque politique. Une situation symptomatique d’un monde de plus en plus multipolaire, où l’influence américaine est plus faible qu’autrefois.

L’homme a trouvé, depuis, un autre combat à mener: les océans. John Kerry, un marin amoureux de la mer dès son plus jeune âge, a multiplié les initiatives pour les sauvegarder, devenant le premier secrétaire d’Etat de l’histoire à s’intéresser aux questions environnementales. Un combat qui a culminé lors d’une conférence organisée en juin par son département en compagnie de la star Leonardo DiCaprio. John Kerry a alors annoncé l’établissement d’une des plus grandes zones de protection marine de l’histoire américaine.


John Kerry

1943 Naît à Aurora, dans le Colorado, d’un père diplomate et d’une mère infirmière.
1962 Etudie à l’Université Yale.
1966-70 Rejoint la marine américaine. Il est envoyé au Vietnam et obtient le grade de lieutenant.
1985 Elu au Sénat (Chambre haute) en tant que représentant démocrate du Massachusetts.
2004 Perd l’élection présidentielle contre George W. Bush. Il choisit le jeune Barack Obama pour donner le discours clé de la Democratic National Convention.
2008 Soutient la candidature de Barack Obama au détriment de Hillary Clinton dès le début des primaires démocrates.
2009 Nommé président du Comité des affaires étrangères du Sénat.
2012 Appuie de nouveau Barack Obama lors de la campagne présidentielle.
2013 En janvier, nommé à la tête du Département d’Etat américain.

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Les idées reçues sur la santé: vrai/faux

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Jeudi, 31 Juillet, 2014 - 06:00

Décodage. Allergies, sommeil, alimentation… Les croyances sanitaires ont la vie dure, alors qu’elles n’ont souvent aucun fondement scientifique. Comment distinguer les superstitions des conseils réellement utiles? Tour d’horizon.

Texte William Türler
Illustrations Matthias Rihs

Transpirer permet d’éliminer les toxines. Les enfants nourris au lait maternel développent moins d’allergies. Il est sain de boire beaucoup d’eau… De nombreuses idées reçues se perpétuent d’une génération à l’autre, alors même qu’aucune étude clinique n’a pu en démontrer la véracité de manière définitive. Pis, certaines se révèlent tout simplement fausses et s’apparentent à des superstitions. Nous les avons soumises à des spécialistes:

Nutrition

Ne pas manger de la viande rouge plus d’une fois par semaine: faux
Plus que le nombre de rations, il faudrait plutôt contrôler la quantité hebdomadaire consommée. Les organismes de prévention du cancer recommandent de ne pas dépasser 500 grammes de viande rouge par semaine. En effet, cet aliment contient beaucoup de protéines, mais compte également des graisses et des acides aminés pouvant augmenter les risques de cancer.

Diminuer le gluten permet de se sentir plus en forme: peut-être
Le gluten est devenu depuis quelques années l’ennemi public numéro un. Les restaurants, produits et régimes certifiés «sans gluten» fleurissent un peu partout autour du globe. Cependant, aucune preuve clinique ne confirme pour l’instant les bienfaits directs d’une alimentation sans gluten. Du moins pour les personnes ne présentant pas une intolérance à cette substance.

«En revanche, des avantages indirects, notamment sur le contrôle du poids, peuvent être observés», note Vittorio Giusti, directeur du Centre métabolique intercantonal de Payerne. Manger des produits sans gluten signifie souvent consommer moins de calories, surtout si l’on limite les pizzas, les pâtes, le pain et, plus globalement, tous les types de féculents. Ou si l’on remplace le gluten par des fruits et des légumes. Selon Philippe Eigenmann, responsable de l’Unité d’allergologie pédiatrique aux HUG, il convient de distinguer trois types de réactions au gluten. La première, qui concerne moins de 1% des individus, peut se manifester sous la forme d’une allergie sévère (urticaire, difficulté à respirer, etc.). La deuxième, très rare aussi, est appelée maladie cœliaque. Elle peut notamment perturber la croissance des enfants en détruisant la muqueuse des intestins. Enfin, l’intolérance non cœliaque au gluten concerne potentiellement beaucoup plus de monde, notamment les personnes ayant l’impression de se sentir plus en forme avec une alimentation sans gluten. «Cela peut se vérifier objectivement, même si l’effet est parfois limité dans le temps», note le médecin.

Boire 1,5 litre d’eau par jour est bon pour la santé: vrai
D’une manière générale, bien s’hydrater est toujours positif pour l’organisme. «Avec moins d’un litre par jour, l’activité rénale est plus difficile», souligne Vittorio Giusti. Un test simple consiste à vérifier la couleur de son urine. Plus celle-ci est claire, meilleure est l’hydratation. Plus elle est foncée, plus elle contient de substances à éliminer (résidus d’aliments, acides aminés, électrolytes) et plus les risques de calculs rénaux, mais aussi d’infections urinaires, sont importants.

Bien sûr, la quantité de 1,5 litre doit être comprise comme une moyenne. Le niveau doit en outre être adapté selon l’activité physique et certaines spécificités physiques. On conseille par exemple 2 litres au minimum pour les individus souffrant de problèmes d’obésité ou des reins, ainsi que pour les sportifs réguliers. Ces derniers diminueront également de cette manière les risques de crampes, sans avoir besoin de consommer un surplus de magnésium. Enfin, boire beaucoup d’eau est utile pour les personnes souhaitant perdre du poids: cela permet de réduire l’appétit en remplissant sans calories l’estomac.

Le cholestérol est mauvais pour la santé: peut-être
Vaste débat que celui concernant le cholestérol. Précurseur d’hormones, de sels biliaires, de vitamines, mais aussi constituant cellulaire, le cholestérol est primordial à notre équilibre vital. D’un autre côté, à l’image d’autres lipides, il peut se retrouver dans les artères et leur faire perdre de leur élasticité ou provoquer l’apparition d’un athérome pouvant aboutir à leur obturation (athérosclérose).

Ce lipide naturellement présent dans notre organisme est au cœur de prises de position contradictoires au sein de la communauté scientifique. Diabolisé par certains, d’autres militent aujourd’hui contre le mythe du cholestérol boucheur d’artères. Pour ces derniers, rien ne prouverait, dans la littérature scientifique, l’existence d’un lien entre le niveau de cholestérol et l’athérosclérose.

L’hebdomadaire américain Time a publié, il y a quelques semaines, une enquête remettant en cause beaucoup d’idées reçues concernant le cholestérol et les graisses en général. Le beurre, les viandes rouges et les œufs ne seraient pas les ennemis jurés décrits depuis les années 80. En outre, manger moins de graisses ne réduirait pas les risques de maladies cardiovasculaires. Au contraire, certaines graisses, comme celles que l’on trouve dans le saumon ou l’huile d’olive, apportent un effet protecteur. Enfin, il convient de distinguer entre bon et mauvais cholestérol dans les graisses saturées: le premier (HDL) contribue à supprimer le second (LDL), qui s’accumule sur les parois artérielles.

Il faut manger cinq fruits et légumes de couleurs différentes par jour: vrai
C’est là un idéal, mais il est peu réaliste. «Les enquêtes montrent que le message est très bien passé au sein de la population; cependant, très peu de gens l’appliquent véritablement au quotidien, note Vittorio Giusti. Or, un tel régime permet de réduire les risques de maladies cardio-vasculaires et de cancers.»

On peut associer les différents types de micronutriments aux couleurs. Par exemple, les fruits rouges contiennent des antioxydants qui, outre leurs effets bénéfiques pour la peau, permettent de diminuer les risques d’apparition de certains cancers, notamment les mélanomes. Attention: dans les faits, les couleurs devraient correspondre à des portions de 80 à 100 grammes. Une salade de fruits quotidienne ne suffit donc pas.

Les aliments bios sont meilleurs pour la santé: faux
Aucune preuve scientifique ne confirme l’hypothèse selon laquelle le bio serait meilleur pour la santé que les aliments  classiques. La Suisse reste malgré tout l’un des pays au monde où l’on consomme le plus de produits bios. Selon l’organisation faîtière Bio Suisse, le nombre de producteurs biologiques a continué d’augmenter dans le pays l’an dernier pour friser la barre des 6000. Le secteur a ainsi atteint un nouveau record en dépassant pour la première fois les 2 milliards de francs, en hausse de 12% sur un an.

L’agriculture biologique représente aujourd’hui une part de marché d’environ 7%. «Il faut cependant faire attention, relève Vittorio Giusti. Les fruits et légumes bios, qui ne sont pas traités avec des pesticides, sont plus fragiles et contaminables, ce qui peut favoriser les infections alimentaires.»

En ce qui concerne la viande et le poisson bio, dont la consommation a connu une très forte croissance depuis deux ans, il convient, là aussi, de prendre un certain recul: par exemple, les poissons bios élevés dans des réserves d’eau bénéficient souvent d’une alimentation artificielle sans grande variété, voire de denrées (poudres, blé, etc.) non bios.
Selon une enquête récente du magazine Bon à Savoir, le bio ne le serait pas toujours entièrement: certains producteurs utiliseraient des plants et des semences d’agriculture conventionnelle. Une méthode qui garde cependant certains avantages. Vittorio Giusti relève par exemple un aspect positif en matière de réduction des risques d’allergies aux pesticides et aux allergies croisées pesticides/légumes ou fruits.

Sommeil

On récupère mieux lorsque l’on se couche avant minuit: faux

Davantage que l’heure à laquelle on s’endort, le plus important pour bénéficier d’un sommeil de qualité consiste à se coucher et à se réveiller à des heures régulières en écoutant son horloge biologique. «On récupère davantage durant les deux premiers cycles du sommeil; ceux-ci peuvent se situer avant ou après minuit», observe Raphaël Heinzer, médecin responsable du centre du sommeil au CHUV. Ainsi, contrairement à une idée répandue, les heures de sommeil avant minuit ne comptent pas «double». Génétiquement parlant, certaines personnes sont plus éveillées et aptes au travail le matin, d’autres le soir. Il convient donc pour elles d’adapter au mieux leur rythme en fonction de ces prédispositions.

L’un des moyens permettant de savoir où se situent ses horaires propres consiste à se mettre quelques jours en mode vacances, c’est-à-dire à s’endormir et se réveiller naturellement. A noter qu’il reste toujours possible de contrer la nature en modifiant, l’espace de quelques jours, ses habitudes de sommeil. Il est cependant fort probable que le naturel reviendra au galop: les personnes qui se forceraient à dormir quatre heures par nuit l’espace d’une semaine vont automatiquement rattraper ce retard durant le week-end, par exemple. 
 
La pleine lune empêche de dormir: peut-être
Cela fait des millénaires que les hommes se posent des questions concernant l’influence des phases de la lune sur leur comportement. Pour l’heure, aucune preuve scientifique n’a pu clairement démontrer que la pleine lune empêchait de dormir. Une enquête menée l’année dernière par l’Université de Bâle sur une trentaine d’individus sous électroencéphalogramme tendrait toutefois à indiquer qu’on éprouverait davantage de difficultés à s’endormir lors des nuits de pleine lune. En outre, la durée de sommeil profond serait moins importante. Bref, objectivement et subjectivement, le sommeil serait de moins bonne qualité lors de ces phases.

L’une des explications tiendrait à nos origines animales. On sait par exemple que plusieurs animaux marins sont particulièrement sensibles aux marées, liées à la position de la lune.
Pour Raphaël Heinzer, l’étude bâloise «sème un doute» quant à l’influence de notre satellite sur la qualité de nos nuits. Il conviendrait cependant, selon lui, de la répliquer sur un plus grand nombre d’individus. «A ce jour, on n’a prouvé aucune corrélation scientifique entre la pleine lune et le nombre de suicides, de crises d’épilepsie ou d’admissions dans les hôpitaux psychiatriques, dit-il. On assiste en revanche souvent à des biais en la matière. C’est-à-dire à des souvenirs sélectifs ou des associations rétrospectives entre un réveil au milieu de la nuit et le fait que la lune soit pleine.» Le seul élément pouvant avoir une influence réelle est la lumière. Par exemple dans le cas d’une chambre à coucher dont les stores seraient mal fermés.

Les microsiestes permettent de mieux récupérer que des siestes de plus de vingt minutes: vrai
En règle générale, il vaut mieux faire une turbosieste (cinq à quinze minutes) que de dépasser les vingt minutes. Passé ce seuil, les chances d’atteindre un stade de sommeil profond augmentent et, avec elles, le risque de se réveiller en mode «groggy». Les personnes qui se plaignent d’insomnies ou d’un sommeil de mauvaise qualité devraient renoncer à n’importe quel type de sieste: «Le pire consiste à faire une sieste de plus de vingt minutes, après 16 heures», relève Raphaël Heinzer.

Il ne faut pas réveiller un somnambule: vrai
C’est vrai, mais pas pour les raisons habituellement mises en avant. «Disons que ce n’est pas dangereux, c’est juste peu sympathique de réveiller quelqu’un en sommeil profond…», résume Raphaël Heinzer. La personne réveillée ne subirait en l’occurrence aucun dommage irréversible. Elle pourrait manifester en revanche une réaction de rejet suite à ce qu’elle considérerait comme une agression. Pour rappel, 15% des enfants de moins de 10 ans peuvent occasionnellement faire du somnambulisme et 2,5% de manière fréquente. Ces proportions descendent respectivement à 2,5% et 0,4% pour les adultes.

Sport

Les échauffements et les étirements diminuent les risques de blessures: faux
Pour Gérald Gremion, médecin du sport et responsable du Swiss Olympic Medical Center, il n’est pas indispensable de s’échauffer avant une activité physique. «Cela permet de préparer ses poumons, son cœur et ses vaisseaux à un effort à venir, mais on peut tout aussi bien commencer l’activité en douceur, puis en augmenter l’intensité progressivement.» De plus, un échauffement ne prévient aucunement le risque de blessures. Celles-ci se manifestent d’ailleurs très rarement au début, mais plutôt à la fin, lorsque le corps est chaud.

Idem pour les étirements. Pratiquer ce genre d’exercices juste après une séance de sport pourrait même favoriser les risques de blessures en contribuant à la destruction des cellules musculaires les plus fragiles et en renforçant les réactions inflammatoires. Aussi, il vaut mieux attendre au moins deux heures après la fin de l’activité physique, selon Gérald Gremion. «Les étirements ne permettent en aucun cas de lutter contre les courbatures.» Ils peuvent en revanche améliorer la mobilité musculaire et articulaire, c’est-à-dire rendre le corps moins raide.

Transpirer permet d’éliminer les toxines: faux
Voilà qui en surprendra plus d’un: on n’élimine pas de toxines en transpirant. «Dans la sueur, on trouve surtout de l’eau, un peu de sel, de chlore et de fer, et rien d’autre», relève Gérald Gremion. Suer n’a qu’une fonction essentielle: la thermorégulation, c’est-à-dire permettre à notre corps de maintenir une température entre 36 et 38 degrés.

Par ailleurs, il ne faut pas croire que transpirer lorsqu’on est malade ou qu’on souffre de fièvre permet d’éliminer les virus et les microbes. «Cela peut se révéler au contraire dangereux, note Gérald Gremion. On risque une myocardite, c’est-à-dire une inflammation du muscle cardiaque, qui, selon les cas, peut être mortelle.» Il conseille d’attendre une semaine après que les
derniers symptômes d’une grippe ont disparu pour reprendre une activité sportive.

Faire de l’exercice le matin le ventre vide permet de maigrir: vrai
Pour résumer, l’idée est la suivante: au réveil, avant de prendre son petit-déjeuner, les réserves de sucre dans les muscles et dans le foie se retrouvent à un niveau très bas. En faisant de l’exercice à ce moment de la journée, l’organisme a donc davantage tendance à piocher dans les graisses. «Il faut cependant être entraîné pour que les enzymes aient l’habitude d’aller chercher les graisses là où elles se trouvent», relève Gérald Gremion.

En l’occurrence, les graisses que l’on atteint ainsi se situent surtout au niveau de l’abdomen et non du fessier, sauf pour les femmes enceintes. Et, bien sûr, il n’est pas question de courir un marathon sans rien dans l’estomac…

Allergies

Les enfants nourris au lait maternel développent moins d’allergies: faux
Philippe Eigenmann, de l’Unité d’allergologie pédiatrique aux HUG, rappelle que l’allaitement ne permet en aucune façon de prévenir l’apparition d’allergies chez les enfants. En revanche, le lait maternel compte de nombreux autres avantages par rapport aux laits maternisés, notamment en termes d’apports nutritionnels et sur un plan immunologique. Les immunoglobulines présentes dans le lait maternel fournissent en effet des défenses immunitaires (anticorps) au bébé.

«En ce qui concerne les allergies, il ne faut pas culpabiliser les mères qui ne veulent ou ne peuvent pas allaiter leurs enfants, explique le médecin. D’ailleurs, beaucoup le font et ne comprennent pas pourquoi ces derniers développent malgré tout des allergies.»

Les allergies alimentaires peuvent faire apparaître de l’eczéma: faux
«Beaucoup de parents sont persuadés que l’eczéma, qui touche entre 10 et 15% des nourrissons, est toujours lié à une allergie alimentaire, par exemple au lait ou aux œufs. En fait, il s’agit avant tout d’une maladie de sécheresse de la peau n’ayant souvent rien à voir avec les aliments», note Philippe Eigenmann. Une allergie alimentaire peut en revanche aggraver un eczéma.
De la même manière, l’urticaire chronique est une sensibilité de la peau, sans lien direct avec les aliments consommés.

Colorants et conservateurs favorisent les allergies: faux
On pense souvent que les conservateurs et les colorants présents dans les aliments favorisent les réactions allergiques. Or, cela n’est pas prouvé. Ces substances peuvent en revanche favoriser des intolérances, risquant éventuellement de mener à une hyperactivité chez l’enfant, «comme le piment peut faire éternuer ou la caféine maintenir éveillés ceux qui en consomment», souligne Philippe Eigenmann.

Les enfants élevés à la ferme sont moins allergiques: vrai
Les allergies dépendent notamment de prédispositions génétiques, mais aussi du type d’environnement dans lequel l’enfant a évolué. Des études menées au sein des universités de Bâle et de Munich démontrent que les enfants ayant grandi dans des familles d’agriculteurs sont moins sujets aux allergies.

Le fait de boire du lait non pasteurisé et d’être fréquemment en contact avec des animaux jouerait un rôle important dans ce processus.«Les bactéries, les toxines et, plus globalement, la saleté stimulent le système immunitaire, explique Philippe Eigenmann. Lorsque celui-ci est moins sollicité, il a davantage tendance à réagir à des aliments ou au pollen.» En revanche, aucune corrélation n’a été établie entre le fait d’avoir été simplement élevé au grand air et la diminution des allergies.

Le rhume des foins diminue avec l’âge: vrai
Avec les années, le système immunitaire se modifie. Il devient plus tolérant, notamment au pollen. «Une partie de la mémoire immunitaire diminue également avec l’âge», ajoute Philippe Eigenmann. Ainsi, dans la majorité des cas, le rhume des foins – qui concerne entre 15 et 20% de la population suisse, contre 20 à 25% pour les allergies en général – commence entre 4 et 5 ans et tend à décliner vers 30 ou 40 ans. En revanche, il n’est pas exclu que cette réaction se manifeste tardivement selon les individus, même auprès de personnes âgées n’en ayant jamais souffert au cours de leur vie.

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Jura série d'été: la petite Gilberte, grande égérie de Courgenay

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Mercredi, 6 Août, 2014 - 05:44

Chanson. La petite Gilberte travaillait comme serveuse à l’hôtel de ses parents à Courgenay. Touché par l’humanité qu’elle manifestait envers les soldats et leurs officiers, un musicien lui écrit un air. Cent ans après, les militaires continuent à fredonner le nom de la jeune fille.

Elle est partout. Et ce, dès la sortie de la gare. Rue, hôtel, café, restaurant: tout porte son nom. «La petite Gilberte, c’est un peu comme un logo ici», s’amuse la guide, Liliane Vindret. Et de nous montrer cette pancarte en noir et blanc portant aussi le nom de Gilberte, à l’entrée de cet hôtel. «C’est ici qu’elle a habité la plus grande partie de sa vie. Là où elle est devenue célèbre.»

En quelques pas, on traverse la rue qui sépare la gare de l’hôtel. Il suffit ensuite de monter les quelques marches fleuries d’hortensias rouge cerise pour se retrouver devant l’entrée. La porte s’ouvre sur un bar et quelques tables. Là encore, Gilberte Montavon est partout. Tableau, photos, livres, cartes postales… Une horloge ancienne attire le regard. Elle avait appartenu au père de la jeune femme, autrefois horloger. Seuls deux exemplaires existent encore.

Aujourd’hui, l’hôtel, qui a été rénové tout en restant fidèle à son apparence des années 1910, est géré par Jacqueline Boyard. Des touristes, surtout venus de Suisse alémanique, y séjournent pour découvrir l’histoire de la petite Gilberte.

Une histoire qui débute pendant la Grande Guerre, quand le père de la jeune fille achète l’établissement. Elle y travaille comme simple serveuse, mais avec ce petit plus qui la rendra célèbre: son sourire et son humanité touchent tout un chacun en ces années sombres.

Nous sommes le 11 octobre 1917. Un homme au crâne dégarni et guitare à la main pousse la porte de l’hôtel. C’est Hanns in der Gand, le musicien. Il connaît la petite Gilberte depuis 1915 et la voit sympathiser avec les soldats. Il l’observe, allant de table en table, demandant des nouvelles de leur famille, se rappelant chaque prénom et tous leurs problèmes.

«Combien de soldats et d’officiers connaissez-vous, Gilberte?» lui demande-t-il, curieux. «Trois cent mille soldats et tous les officiers!» lui répond-elle avec autant d’amusement que de spontanéité. Sa répartie inspire Hanns in der Gand. C’est décidé, il écrira une chanson sur cette étonnante jeune femme! «C’est la petite Gilberte, Gilberte de Courgenay, elle connaît trois cent mille soldats et tous les officiers…» La chanson que vont chanter des générations de Suisses alémaniques est née.

Le souvenir ému du père Piquerez

Le restaurant a conservé cette grande salle avec vue sur le jardin. C’est ici que les concerts avaient lieu lorsque la famille Montavon dirigeait l’hôtel. Et c’est aussi ici que la chanson qui a immortalisé la Gilberte a été chantée pour la première fois.

Davantage de photos décorent les murs. On la découvre avec les soldats, avec ses sœurs, dans son enfance, puis à Zurich après son mariage… Et, sur chacune, on la voit avec ses cheveux noirs en bandeau. Ce qui, à cette époque, avait ému le père Piquerez, encore étudiant. N’avait-il pas déclaré: «Elle était belle… Elle était bonne… Elle était jolie et gentille, tout en sachant d’un mot vous faire comprendre que, si l’amour est douce chose, on ne plaisante pas sur ce chapitre.»

Quand l’oubli s’installe

Toujours intrigués par la vie de Gilberte, nous voulons savoir où elle est née, où elle a passé son enfance. Est-ce vraiment au bout de la rue qui porte son nom, dans cette maison de trois étages abandonnée, vitres fissurées, volets cassés? A Courgenay, personne ne peut l’affirmer avec certitude. On hésite, on nous dirige à droite et à gauche, on fouille dans les mémoires. Les habitants de Courgenay ont oublié qu’avant de vivre à l’Hôtel de la Gare, la petite Gilberte est née au chemin dit en Fontaine-Allée. Elle y a vécu jusqu’à ses 10 ans, jusqu’à ce que son père achète l’hôtel.

Un chemin qui se trouvait non loin de la rue Pierre-Péquignat. Un autre personnage célèbre de Courgenay. Il a été décapité en 1740 après avoir pris la tête des paysans révoltés contre la principauté de l’évêché de Bâle.

En contournant son buste sur la place de la mairie, on tombe forcément sur l’école où la petite Gilberte a suivi sa scolarité obligatoire. «Tabliers gris et doigts tachés de noir, elle s’est assise au pied des escaliers avec sa cousine Marthe. Comme à leur habitude, elles se sont confié leurs grands secrets de petites filles, s’inventant des langages codés et rigolant de tout», a écrit sa nièce, Eliane Chytil-Montavon.

En face, une autre fierté du village, l’église, connue pour ses vitraux colorés. Sur son fronton, on peut lire l’inscription «Deo erexerunt cives» (les citoyens l’ont érigée pour Dieu).
Aujourd’hui, la petite Gilberte est quasi inconnue en Suisse romande, et plus particulièrement auprès de la nouvelle génération. «Il y a des exceptions, assure Liliane Vindret. L’autre jour, j’étais dans le train Delémont-Porrentruy, et de jeunes Suisses alémaniques se sont mis à siffler le refrain lorsque nous sommes passés à Courgenay.»
Malgré tout, la guide jurassienne craint qu’au fil des années, l’histoire de Gilberte de Courgenay ne disparaisse de la mémoire collective. FS


Gilberte Montavon

Née en 1896 à Courgenay (JU), la petite Gilberte est morte en 1957 à Zurich. Serveuse à l’hôtel de ses parents pendant la Première Guerre mondiale, une chanson militaire lui sera dédiée. Elle représente toutes les jeunes filles qui aidaient leur famille dans les auberges au temps de la Grande Guerre.


A voir

Courgenay
Hôtel de la Gare
Incontournable pour se plonger dans la vie de la petite Gilberte et l’ambiance d’une région au cœur de la guerre 14-18. Le charme des années 1910 des sept chambres récemment rénovées a été préservé. Le restaurant propose des spécialités de la région.
032 471 22 22
www.lapetitegilberte.ch

Courgenay
Hôtel du Bœuf
Dans un cadre chaleureux, l’Hôtel du Bœuf possède dix chambres réparties en trois catégories. Au restaurant, la carte du terroir offre des plats variés qui mettent en valeur la cuisine régionale.
032 471 11 21
www.boeuf-courgenay.ch

Courgenay
Auberge de la Diligence
Cuisine franco-italienne. Antonio et Emica préparent des pâtes maison et diverses sauces.
032 471 11 65

Courgenay
Moulin de Paplemont
Situé entre Courgenay, Courtemautruy et Cornol, il a été construit en 1691. Le diamètre de sa roue est de 9 m 60, ce qui fait d’elle l’une des plus grandes de Suisse.
www.courgenay.ch

Courgenay
La Pierre-Percée
Le dolmen de la Pierre-Percée est un des plus importants souvenirs druidiques de la région. L’ouverture au cœur de la pierre a donné naissance à de nombreuses légendes.
www.courgenay.ch

Courgenay
Site de Derrière-Monterri
Dans ce site archéologique, plusieurs vestiges ont été mis au jour. Un village romain, des traces de l’âge de bronze et de l’âge de la pierre ont aussi été découverts. Appelé «camp de Jules César», il reste l’un des rares lieux à posséder des vestiges des temps modernes ainsi que du Moyen Age.
www.courgenay.ch


Sommaire:

L’enfance de Louis Chevrolet, entre pêche  à la carpe et bénédiction de biquette
Irène Joliot-Curie, réfugiée chez le préfet
Béguelin, l’incarnation d’une liberté
La petite Gilberte,  grande égérie de Courgenay

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Xavier Voirol / DR/ Photomontage L’Hebdo
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Jura série d'été: Irène Joliot-Curie, réfugiée chez le préfet

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Mercredi, 6 Août, 2014 - 05:46

Porrentruy. En juin 1944, menacée par la Gestapo, la lauréate du prix Nobel de chimie passe la frontière incognito…

Paille ou gazon. A l’intérieur des murs fortifiés ou sur la pelouse au pied de la grosse tour Réfous, 38 mètres de guet protégeant la cité depuis le XIIIe siècle? Où était assise, reposant sur ses coudes, griffonnant quelques logarithmes dans un carnet, se reposant après des jours de marche effrénée dans les maquis, cette Parisienne de 47 ans, accompagnée de ses deux enfants de 17 et 12 ans? Seul un bulletin météo certifierait la version à garder. Qu’elle ait été couchée sur la paille d’un dortoir ou alanguie à l’air pur bénéfique pour sa tuberculose, cette femme distinguée pour son savoir, honorée dans les gazettes du monde entier intrigue un soldat en ce début du mois de juin 1944, au château de Porrentruy, haut lieu d’internement des réfugiés français.

A l’arrière du château, sur les hauts de la plaine dans la ferme Waldegg, les services de renseignement de l’armée n’ont pas été informés de son passage en Suisse. Le hasard a voulu qu’elle franchisse la frontière à Damvant, dans la nuit du 5 au 6 juin 1944. Au petit matin, c’est le débarquement! Et bientôt, un afflux de réfugiés français – 20 000 – digne de l’exode de 1940. La petite histoire raconte qu’elle a été remarquée grâce aux «signes cabalistiques» qu’elle griffonnait. Sa passion pour les sciences, sa générosité (elle aurait donné des cours de physique par tous les vents), l’ont fait repérer. Le pays est ami, Dieu merci.

Exfiltrés par la résistance

Irène Joliot-Curie est Prix Nobel de chimie 1935. Ses parents sont Pierre et Marie Curie. Sa mère adorée, morte d’une leucémie aiguë en 1934, est la seule femme doublement nobélisée. Irène est mariée à Frédéric Joliot, qu’elle a rencontré à l’Institut du radium, dans le laboratoire de sa mère. Ensemble, ils ont découvert la radioactivité artificielle et forment un redoutable duo. Juste avant la guerre, l’équipe du Collège de France que dirige Frédéric découvre la fission nucléaire. C’est dans ce cadre-là qu’il y a menace sur le couple de chercheurs. Les puissances veulent maîtriser l’énergie nucléaire. Arrêté deux fois par la Gestapo, Frédéric Joliot, membre de la Résistance, entre en clandestinité complète fin mai 1944. Les époux séparés s’écriront sous des pseudonymes. Il est «Jean-Piere Caumont», elle est «Gabrielle».

En mai 1944, leur fille Hélène, intelectuellement brillante, tout comme ses parents, passe le bac. Elle le décrochera près de Montbéliard, où elle loge dans une famille homonyme. Irène, Hélène et le petit Pierre sont exfiltrés par des Francs-tireurs et partisans (FTP) dans la nuit du D-Day.

Victor Henry,  préfet de Porrentruy et  ancien commissaire à la SDN, en costume trois pièces, pochette blanche et raie sur le côté, les découvre tous les trois au château. Gentleman, il conduit la famille dans ses appartements de fonction à la préfecture. L’Hôtel de Gléresse, splendide hôtel particulier avec double porte cochère, abrite aujourd’hui les archives de l’ancien évêché de Bâle, rue des Annonciades. A l’intérieur, une entrée vaste, froide et pavée pour calèches, et une voûte en stuc. L’un des deux étages a accueilli Irène Joliot-Curie. Un jardin, des pommiers reinettes, des sapins, du mobilier d’été raffiné. Elle n’en a pas beaucoup profité. Le préfet a fait marcher ses relations. Un de ses amis, Daniel Cherpillod, industriel dans le sud du Jura, l’accueillera dans son chalet de Gstaad. L’Oberland deux mois avant la Libération. FD


Irène joliot-curie

La fille  aînée de Pierre et Marie Curie naît en 1897 à Paris. En 1935, avec son mari Frédéric Joliot, elle reçoit le prix Nobel de chimie. Sous le Front populaire, elle est sous-secrétaire d’Etat. A 59 ans, elle meurt, comme sa mère, d’une leucémie.


A voir

Porrentruy
Chambres d’hôte

Entre château et préfecture, un logement de charme dans une maison façon tour de Babel sur cinq niveaux, décorée avec goût. Fabienne Rossi soigne les petits-déjeuners. Accueil douillet entre XIXe siècle et années 70.
032 466 52 64
www.unangepasse.ch

Porrentruy
Circuit secret

Une clé électronique pour ouvrir huit cachettes à travers la ville. Et découvrir, au fond d’un cachot ou d’un caveau, un bout d’histoire fabuleux ou terrifiant. Les projections son et lumière, à huis clos, fascinent les enfants. Un petit côté Fort Boyard futé. Idéal par temps gris et menaçant.
032 420 47 72
www.juratourisme.ch

Porrentruy
Hôtel-Dieu

Au musée du même nom, dans cet édifice baroque qui fut un hôpital tenu par des sœurs, deux expos évoquent le passage d’Irène Joliot-Curie. La pharmacie, sa marqueterie précieuse et ses 240 pots vertueux. Les photos signées Albert Perronne, mémoire de la ville, qui témoignent de 1944.
032 466 72 72
www.mhdp.ch


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L’enfance de Louis Chevrolet, entre pêche  à la carpe et bénédiction de biquette
Irène Joliot-Curie, réfugiée chez le préfet
Béguelin, l’incarnation d’une liberté
La petite Gilberte,  grande égérie de Courgenay

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Jura série d'été: Béguelin, l’incarnation d’une liberté

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Jeudi, 7 Août, 2014 - 05:45

Delémont. Au cœur de la ville jurassienne, les rues sont encore imprégnées de la lutte séparatiste que Roland Béguelin a menée.

Delémont, quartier dit de la Turquie. Nous cherchons la rue Franche, plus précisément le numéro 16, cette petite maison qui affiche l’écriteau «Ici a habité Roland Béguelin». Juste cinq mots. Comme si cinq mots pouvaient résumer l’histoire du père fondateur du canton du Jura.
!
Pour combler ce vide, il faut remonter le temps jusqu’en 1947, quand éclate l’affaire Moeckli. Le Parlement bernois refuse de confier le Département cantonal des travaux publics à Georges Moeckli, sous prétexte qu’il est de langue française. «C’était la goutte d’eau qui a fait déborder le vase», se souvient l’historien François Kohler. Les événements se sont ensuite enchaîné pour prendre toujours plus d’ampleur. Et, lors d’une manifestation proséparatiste, le Jura commence à s’embraser.

Toujours à la «rencontre» de Roland Béguelin, nos pas nous guident à la ruelle de l’Ecluse, non loin de la gare, en face de cette imprimerie où naguère travaillait ce fils d’ouvrier comme administrateur, et où était tiré l’hebdomadaire Jura libre.

Notre cheminement passe ensuite par la cour du château. Un lieu symbolique. C’est là que Roland Béguelin a pris pour la première fois la parole à la Fête du peuple jurassien. C’était en 1957. Très vite, la cour devient trop petite pour accueillir tous les séparatistes, de plus en plus nombreux. Ils se déplacent alors vers l’hôtel de ville, place de la Liberté, occupent la rue qui deviendra plus tard celle du 23-Juin. Aujourd’hui, les propos convaincus et convaincants du militant ont été remplacés par des rires ou des cris d’écoliers.

«Roland Béguelin était très tenace, solitaire, voire un peu froid par moments», le décrit François Kohler. Ses confrères historiens le qualifient d’ambitieux, rigoureux, perfectionniste, un brin narcissique. Des traits de caractère qui lui ont insufflé la combativité pour ne jamais abandonner son projet pour le Jura. D’autant que la première initiative cantonale visant à consulter les Jurassiens sur l’opportunité d’un vote au sujet de la séparation est rejetée. La victoire arrive le 23 juin 1974. Le Jura se sépare enfin du canton de Berne. L’auteur jurassien Vincent Philippe écrit: «Roland venait de gagner une des plus longues, difficiles et brillantes entreprises politiques de la Suisse. (…) Dans son cœur, on devinait un Everest de joie.» Ce soir-là, les séparatistes occupent toute la place en face de la gare pour y faire la fête.

Des années plus tard, des habitants ont voulu que l’avenue de la Gare devienne la rue Roland-Béguelin. «Mais c’était trop compliqué à cause des nombreux commerces qui auraient dû changer leur adresse», se souvient François Kohler. Le libérateur n’a ainsi pas de rue, mais une place au centre-ville. Comme Roger Schaffter, celui avec qui il a formé un des tandems les plus efficaces pour l’indépendance du Jura.

Quand Béguelin apprend qu’il est atteint d’un lymphome, il n’en informe personne, se souciant jusqu’à la fin des autres plus que de lui-même. Sur sa tombe, au cimetière Saint-Michel, se trouve cette inscription: «Il a redonné au Jura sa fierté et sa liberté». FS


Roland Béguelin

Né en novembre 1921, le membre fondateur du Mouvement séparatiste était l’âme du rassemblement jurassien et le premier président du Parlement du Jura. Décédé en 1993, il est enterré à Delémont.


A voir

Delémont
Musée jurassien
Au cœur de la localité, pas loin de la cour du château, ce musée est la porte d’entrée sur l’histoire jurassienne.
032 422 80 77
www.mjah.ch

Develier
Musée Chappuis-Fähndrich
Créé en 1956, il a recueilli toutes sortes d’objets abandonnés du Jura. Cette collection présente un aspect de la culture régionale et bien plus.
079 462 66 33
www.lemusee.ch

Delémont
La Gioconda

Situé en pleine place Roland-Béguelin, le bar-cafétéria propose de très bonnes glaces. A faire suivre d’un excellent sirop sur la terrasse ombragée.
032 422 04 26


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L’enfance de Louis Chevrolet, entre pêche  à la carpe et bénédiction de biquette
Irène Joliot-Curie, réfugiée chez le préfet
Béguelin, l’incarnation d’une liberté
La petite Gilberte,  grande égérie de Courgenay

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Jura série d'été: l’enfance de Louis Chevrolet, entre pêche à la carpe et bénédiction de biquette

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Jeudi, 7 Août, 2014 - 05:47

Automobile. L’inventeur des célèbres voitures américaines a passé sa jeune enfance entre Bonfol et Beurnevésin. Presque rien n’a changé depuis 1878.

Beurnevésin, 162 habitants. Il fait chaud ce dimanche de juillet, entre deux journées de gris. Les bottes de pluie collent aux mollets. On est à la frontière française, tout près de ce coin frais et reposant nommé Réchésy, dans le Territoire de Belfort où les Bâlois achètent des résidences secondaires un rien décaties, mais tellement bobos. Beurnevésin, c’est encore le village à la Suisse, le village paysan à l’ancienne, celui des travailleurs agricoles, des vieilles familles, pas des nouveaux riches à BMW.

Le manège de chevaux donne sur la route. L’odeur de foin mouillé est forte. Au giratoire, avant d’avaler la dernière borne pour la France, une minuscule station-service évoque les Etats-Unis, l’envie d’espace et de vitesse. De poussière soulevée plutôt que de flaques d’eau froide. Deux pompes à essence façon fifties et une colonne bancomat attendent les routards. Louis Chevrolet ferait le plein de sa Caprice Classic bleu ciel à toit blanc, banquettes en velours clair, ceintures de sécurité General Motors cliquant comme celles des avions. Il ferait le plein de super, une Caprice consomme lourd aux 100 «kil», il payerait avec son American Express et mettrait le cap sur la France. Il se dirait: «Beurnevésin n’a pas changé, ou si peu, depuis 1887.» Ça lui rappellerait son enfance. Le départ vers Beaune, l’exil transfrontalier voulu par son père horloger. Il avait 9 ans. Il n’est jamais revenu.

Louis Chevrolet, d’origine jurassienne par son père et sa mère, bien que né à La Chaux-de-Fonds le 25 décembre 1878, a donné son nom à l’une des plus mythiques voitures américaines. Une Chevrolet, comme une Cadillac, c’est une grosse bagnole aux allures de requin, un monstre de ferraille dont les pneus crissent dans les tête-à-queue entre policiers capés et malfrats bien outillés. C’est la voiture du lieutenant Kojak poursuivant des salopards. Louis Chevrolet, fils de Joseph Félicien Chevrolet et de Marie Anne Angéline Mahon, crée sa marque à Detroit en 1911 en s’associant avec le cofondateur de General Motors, un certain William Crapo Durant, dit «Bill».

Pilote casse-cou

Le Jurassien a 32 ans. Il est alors mécanicien, formé à Beaune chez un marchand de cycles, engagé à New York en 1900 chez De Dion-Bouton, puis chez Buick. Il est aussi un pilote de course casse-cou et réputé (3 ans sur un lit d’hôpital en 15 ans, quatre de ses mécanos tués à ses côtés). Il se brouille très vite avec Bill, lâche l’affaire, péclote. En 1929, avec la crise, son entreprise de construction de moteurs d’avion s’écrabouille. Il réintègre Chevrolet comme simple mécanicien. Il meurt en 1941 à 62 ans.

A Beurnevésin, il y a l’école de Louis-culottes courtes. Juste en face de la petite station-service! Sur la façade principale, une inscription datée 1840: «Laissez venir à moi les petits enfants». Jésus a donc accueilli Louis, qui a dû fréquenter l’établissement. Il vécut dans le village de 1882 à 1887, soit de l’âge de 3 à 9 ans, environ. Juste derrière l’école, sur une hauteur, se trouve l’église où ont dû être baptisés Berthe Léonie, Emile Arthur et Marthe Marie, les petits de la fratrie. Ce dimanche midi s’achève la messe célébrée par trois curés, dont le père Joseph, de Kinshasa, en séjour à Boncourt. Après les poignées de main, direction l’Hôtel-Restaurant de la Couronne, sur la route principale, pour une friture de carpe, spécialité locale, et sa salade croquante. L’hôtel existe depuis 1832. Il a pu accueillir le petit Louis, d’origine modeste, pour une occasion particulière, un banquet, une célébration.

Les Chevrolet se sont installés à Beurnevésin parce que la famille s’agrandissait. Ici, on est en terre Mahon, chez la mère. A la Couronne, un ancien maire de la commune croit connaître l’emplacement de leur maison, qui n’existe plus. Depuis sa chaise, devant la fenêtre, il montre un endroit au loin: «Ils habitaient en face du pâturage, devant ces nouvelles constructions.» C’est vague. C’est au bord d’un talus, à l’arrivée de la route de Bonfol.

Bonfol, 707 habitants

Les Chevrolet venaient de là. Après La Chaux-de-Fonds, probablement en 1879-1880, avec Louis bébé, ils se posent ici. Le village s’enorgueillit de cet illustre natif. Depuis le train venant de Porrentruy, on aperçoit le stade de foot qui porte son nom. Il n’y avait pas de gare à l’époque. Et pas de Chevrolet Impala ou Camaro pour tracer la route. Il fait bon aujourd’hui relier à pied Bonfol à Beurnevésin, découvrir sur le chemin les traditions villageoises. Un circuit improvisé entre les ex-voto de l’église Saint-Laurent, une statue barbue et chevelue au bord de la route et une chapelle dans les bois nous fait découvrir saint Fromond, protecteur des animaux, vénéré depuis le XVIIe siècle – le curé du village continue de bénir toute la ménagerie qu’on lui amène en procession, le lendemain de l’Ascension (poneys, chiens, tortues…). Cette année, une chèvre a dévoré la croix de l’évêque auxiliaire! Louis aurait-il fait bénir un chaton?

Pour terminer la balade, il faut partir aux étangs, les plus renommés de Suisse du point de vue botanique. Un lieu superbe, classé réserve naturelle depuis 1962. L’étang Monnier, dit du Milieu, où l’on plante cannes à pêche et chaises longues en toile, à l’ancienne. Les petits étangs Rougeat, aux nénuphars blancs ou roses, qui se succèdent comme autant de clairières dans la forêt lumineuse (et vierge de tout détritus), entre chênes et aulnes. On y rêve d’un déjeuner sur l’herbe, avec nappe à carreaux et pichets de sirop. Louis et ses parents ont pu aller en barque sur le grand étang du village, dit étang du Moulin, créé en 1497, asséché depuis. Force de la nature, Louis Chevrolet s’est enraciné ici pour mieux s’envoler. FD


Louis Chevrolet

L’inventeur de la voiture américaine Chevrolet est originaire de Bonfol. Né à La Chaux-de-Fonds en 1878, il suit ses parents dans le Jura puis en France. Il arrive à New York en 1900. C’est à Detroit qu’il lance sa marque, en 1911. Simple ouvrier, il meurt en 1941 dans la ville qui a fait sa gloire.


A voir

Beurnevésin
Hôtel de la Couronne

Dans cet hôtel tenu par la famille Comte, la table est prisée depuis 1832 pour sa friture de carpe servie avec une mayo relevée. Au menu, il y a aussi filets de perche, truite au bleu et totché. A l’étage, des chambres et un dortoir spartiate accueillent les randonneurs.
032 474 44 63

Beurnevésin
Eglise aux vitraux

Derrière l’école du XIXe siècle, l’église romane Saint-Jacques surplombe le village. Entre les pierres fraîches et les vitraux signés Hans Stocker, un des maîtres du genre, une pensée pieuse ne fait pas de mal. Au-dessus de l’autel, la voûte du Moyen Age offre en fresque les quatre évangélistes.

Bonfol
Table d’hôte

Alexa Cuenot, 36 ans, reçoit à domicile, dans la salle à manger de l’ancienne cure. Pour quatre à dix couverts réservés sur demande, des plats de saison, à partir de produits frais et régionaux. Une réception aux petits oignons… et le café au clair de lune.
032 474 43 06
www.saveurs-saison.ch

Bonfol
Hôtel des Trois Rois

Quand il fait soleil, c’est l’endroit pour siroter sa Romanette ou son pastis. Sur la place, sous le parasol, on dévore une des pizzas au feu de bois dépaysantes et bon marché: l’Ajoulote ou la Franc-Comtoise. On peut digérer à l’étage. La salle de bain est immense et royale.
032 474 51 34

Bonfol
Chapelle de Saint-Fromond

Dans les bois, la minichapelle de 1866 raconte l’histoire du guérisseur ermite, contemporain de saint Ursanne et de saint Imier au VIIe siècle, assassiné par deux vagabonds.

Bonfol
Céramiques

Felicitas Holzgang maintient vivace la tradition de la poterie, dans son atelier-boutique. Un musée, dans l’ancienne école, est ouvert de mars à octobre. Un dépliant contenant toutes les infos utiles et une carte de la région est disponible auprès de la commune.
www.bonfol.ch


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Béguelin, l’incarnation d’une liberté
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Jura série d'été: dans les pas de...

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Jeudi, 7 Août, 2014 - 05:48

Evasion. Quoi de mieux pour découvrir une région que de chausser les lunettes de personnages illustres du passé qui y sont nés ou y ont vécu des moments essentiels de leur destin? Nous sommes partis en balade sur leurs traces pour retrouver le supplément d’âme qu’ils nous ont laissé en cadeau. A vous le tour!

Textes Florence Duarte et Fatima Sator
Photos Xavier Voirol


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Irène Joliot-Curie, réfugiée chez le préfet
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La petite Gilberte,  grande égérie de Courgenay


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Quand la CIA imagine un 11 Septembre financier

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Jeudi, 7 Août, 2014 - 05:49

Livre. Dans «The Death of Money», le financier-espion James Rickards évoque le danger d’une attaque monétaire orchestrée par les ennemis de l’Amérique.

Si le Trésor des Etats-Unis avait touché un billet vertà chaque prédiction de la fin du dollar, la dette de l’Oncle Sam serait remboursée depuis longtemps. Reste que la thèse, même récurrente, est toujours digne d’intérêt. Car il en va de la fin du dollar comme de l’existence des extraterrestres: le plus intéressant dans la discussion est ce qu’elle révèle sur les ressorts profonds de ceux qui choisissent d’y croire, ou pas.

L’ouvrage The Death of Money, paru en avril chez Penguin et aussitôt inclus dans la liste des best-sellers du New York Times, est de ce genre-là: pour percevoir son intérêt, indéniable par moments, mieux vaut ne pas prendre le propos trop au pied de la lettre. A commencer par son titre.

Entendons-nous: si l’auteur James Rickards a bien écrit The Death of Money, soit «la fin de l’argent», il veut évidemment parler de la chute du dollar américain. La fin du dollar entraînant automatiquement la chute de toutes les monnaies, la déflation, l’hyper­inflation, le collapse des marchés et le chaos dans toutes les civilisations, le raccourci entre «fin de l’argent» et «fin du dollar» est donc tout à fait justifié.

A noter aussi que si James

Rickards avait choisi comme titre The Death of Dollar, ce qui aurait tout de même été un peu plus fidèle à son contenu, il aurait dû se faire une place parmi plus de 6 millions de résultats sur Google. Le titre The Death of Money, a contrario, a l’avantage de ne faire apparaître «que» 1,5 million de résultats concurrents, ce qui lui donne presque un côté original.

L’intérêt du livre de James Rickards tient dans la thèse selon laquelle la chute du dollar ne sera pas provoquée par un lent pourrissement intérieur – comme le défendent généralement les inconsolables de la convertibilité or – mais parce que le billet vert sera attaqué. Oui, attaqué. Par des ennemis de l’Amérique, lors d’une véritable guerre des devises. Cet assaut, prévient James Rickards, prendra la forme d’un «Pearl Harbor financier».

Et qui sont ces ennemis? Pas besoin de tourner autour du pot: la Chine, bien sûr. «La Chine détient pour plus de 3000 milliards de titres en dollars, explique James Rickards. Chaque dévaluation de 10% provoquée par la Réserve fédérale représente un transfert de richesse de la Chine aux Etats-Unis de 300 milliards de dollars. On ne sait pas combien de temps la Chine tolérera cela. Or, si la Chine ne peut pas vaincre les Etats-Unis sur la mer ou dans le ciel, elle le peut à travers les marchés financiers.»

Mais ce n’est pas tout. La liste des ennemis de l’Amérique est longue. Il y a aussi la Russie. Et n’oublions pas les terroristes. Ou encore mieux, additionnons le tout: la Chine et la Russie, avec des techniques de terroristes. Ce paysage ne serait pas complet sans la CIA et le Pentagone, qui sont au courant de cette menace. Mais ces fonctionnaires bornés ont décidé de ne rien faire. Je vois ce sourire narquois se dessiner sur vos lèvres, mais attendez avant de tourner la page.

Car curieusement, c’est sur cet aspect le plus scabreux de la thèse que le livre The Death of Money est aussi le plus intéressant. D’abord parce que James Rickards raconte à ce propos une histoire méconnue: les tentatives des services secrets américains de cerner la menace que pourrait faire courir le terrorisme sur la finance mondiale.

James Rickards raconte comment, à l’occasion d’une conférence qu’il donnait sur la finance islamique, peu après les attentats du 11 Septembre, un banquier de Wall Street lui glissa à l’oreille: «J’aide la CIA sur un projet lié à la finance terroriste. Ils ont besoin de gens comme vous.» Une visite plus tard à Langley, siège de l’Agence, James Rickards travaillait pour la CIA sur un projet appelé Prophesy.

Les agents secrets tentaient d’élucider la rumeur selon laquelle des personnes informées des attaques contre le World Trade Center avaient engrangé des millions de profits en pariant sur la baisse des actions des compagnies aériennes. La thèse a finalement été démentie, mais l’idée est restée plantée dans l’esprit des espions. Pendant trois ans, James Rickards a aidé la CIA à développer des algorithmes capables de détecter des agissements terroristes via la Bourse.

Le projet Prophesy a été abandonné en 2004, mais a été poursuivi dans le secteur privé avec le soutien de In-Q-Tel, le fonds d’investissement de la CIA. Rebaptisé MARKINT, pour «Market Intelligence», le programme s’est transformé en un outil de surveillance des marchés adapté à toutes les «menaces», économiques ou géopolitiques. James Rickards dit par exemple que son logiciel aurait été capable de détecter à l’avance les gigantesques transactions en or physique ordonnées par le président vénézuélien Hugo Chávez en 2011. La boucle est bouclée: le logiciel MARKINT pourrait-il dire si la Chine se met à accumuler de l’or en prévision d’une attaque contre le dollar?
James Rickards ne le dit pas dans son livre, mais outre son statut de commentateur et d’auteur de best-sellers économiques, il dirige aussi la société Omnis Inc., fondée par un ancien de la CIA. Basée à Langley, en Virginie, elle vend au plus offrant ses solutions de «surveillance de menaces financières».

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Jardinier des villes

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Jeudi, 7 Août, 2014 - 05:50

Rencontre. Le Britannique John Tebbs s’est imposé en quelques mois comme la nouvelle idole des citadins férus de jardinage. Grâce à son approche locale et à son site pointu: The Garden Edit. Portrait d’un passionné.

Camille von Kaenel

Le soleil brille sur Londres. Et pourtant John Tebbs ne se trouve pas parmi les plantes, dans l’un des nombreux jardins qu’il entretient pour des clients, mais à la maison. Le jardinier se prépare à un shooting pour un magazine italien. «Je ne suis allé dans aucun espace vert aujourd’hui, alors qu’avoir les mains plongées dans la terre demeure ma principale source d’inspiration. Il faut dire que ma petite entreprise m’occupe de plus en plus.»

Modeste, le jeune homme de 35 ans n’ose pas se vanter de sa fulgurante ascension dans le monde du jardinage. Il est devenu la star des médias anglais et internationaux depuis la naissance de son site web The Garden Edit, il y a neuf mois. Il l’a conçu lors d’un hiver particulièrement enneigé et sombre, qui l’empêchait de sortir travailler. «Je passais beaucoup de temps sur l’internet et j’ai remarqué qu’il existait de nombreux sites de vente avec une sélection d’habits ou de meubles. Mais je n’ai rien trouvé de similaire pour les jardins, du moins aucune offre dirigée vers une population jeune et urbaine.»

Dépoussiérer un hobby ringard

La collection d’objets disponible sur The Garden Edit se différencie alors par un élégant arrosoir du designer Bauhaus Carl Auböck ou encore par des pots en céramique rugueux de l’Américaine Pilar Wiley. Elle compte aussi pelles, livres ou mangeoires pour oiseaux. «John Tebbs possède un regard aiguisé pour repérer des objets fonctionnels mais beaux», décrit Jessica MacCormick, une photographe néo-zélandaise qui collabore régulièrement avec le jardinier. Son sens de l’esthétique a réussi à dépoussiérer un hobby longtemps considéré comme ringard, et séduit toujours davantage les jardiniers amateurs, particulièrement les citadins. «Il fait partie d’un mouvement culturel, analyse Jessica MacCormick. La société contemporaine est à la recherche de plaisirs simples et désire remettre un peu de nature dans les maisons.»

«Je me suis toujours intéressé au design, précise John Tebbs. J’ai d’ailleurs étudié l’histoire de l’art et l’architecture durant trois ans avant de me tourner vers le jardinage.» Son approche trouve aussi son influence dans l’Angleterre rurale et la petite ville d’Ashby-de-la-Zouch, au nord de Birmingham, où il a grandi tout en aidant son père dans le potager familial.

«Les gens m’imaginent comme un grand designer ou paysagiste, une étiquette dans laquelle je ne me reconnais pas. Mon style consiste plutôt à laisser le jardin à l’état libre, en me servant d’une palette de plantes de la campagne anglaise.»

M, le magazine du quotidien français Le Monde, l’a mandaté au mois de juin dernier pour produire une page hebdomadaire sur le jardinage. John Tebbs s’enthousiasme pour le projet, dans lequel il voit un moyen de partager sa passion. Il y fait l’éloge de ses plantes préférées et des tendances saisonnières. Plutôt que de mettre en vitrine ses goûts personnels, son site et sa page hebdomadaire représentent à ses yeux une manière de tisser des liens avec d’autres amoureux des espaces verts. Il voyage autour du monde pour rassembler les histoires des jardins qui l’inspirent le plus, des textes accompagnés de photos qu’il publie sur The Garden Edit. «J’apprécie de rencontrer des gens de tous horizons, pour qui le jardin prend des significations différentes.»

Pour les années à venir, John Tebbs songe à l’ouverture d’un magasin «dans le monde réel». Mais pas de précipitation: il se laisse pour l’instant porter par sa nouvelle notoriété et les multiples sollicitations. «Mon agenda ne me permet plus de jardiner comme auparavant. Je sais que cela changera à l’avenir. D’autant que passer du temps au milieu des plantes m’est tout simplement indispensable.» Son succès prouve qu’il n’est pas le seul.

www.thegardenedit.com

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Jessica Maccormick
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Radio Meuh, la petite webradio savoyarde au sommet

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Jeudi, 7 Août, 2014 - 05:51

Portrait. Fondée en 2007 à La Clusaz, Radio Meuh est devenue en quelques années la première webradio indépendante de France. Un succès dû en partie aux auditeurs suisses.

Sophie Gaitzsch

La Clusaz, un joli village des Alpes savoyardes de quelque 1845 habitants. C’est de là-haut que Radio Meuh diffuse. Sa localisation loin des grands axes n’a pas empêché la station née en 2007 de rencontrer un succès national et de séduire même au-delà des frontières françaises. Sa recette? Une programmation «pointue mais accessible», qui mélange soul et groove, l’absence de publicité et de bavardage, un nom accrocheur, un logo original.

La station a enregistré au mois de juin 1,4 million d’écoutes actives (connexions de plus de trente secondes), un score actuellement en cours de certification auprès de l’OJD, l’organisme français compétent. Ce résultat fait d’elle la première webradio indépendante de France, soit émettant uniquement sur l’internet sans lien avec un grand groupe.

A l’origine de l’idée, deux amis passionnés de musique: Philippe Thévenet, 40 ans, et Christian Pollet, 45 ans. Au milieu des années 2000, le premier gère un restaurant et le second travaille comme informaticien. «Enfant déjà, je créais des compilations sur des cassettes, raconte Philippe Thévenet, qui se consacre aujourd’hui à plein temps à Radio Meuh. Nous avions au départ l’ambition de créer une radio FM locale, mais nous nous sommes vite aperçus que c’était trop compliqué. Puis l’internet et le streaming ont ouvert de nouvelles possibilités.» Un moyen de concrétiser leur rêve à moindre coût.

A sa musique originale, la chaîne ajoute rapidement des jingles décalés – des minisketchs inventés spontanément «autour d’un verre avec un groupe de potes» – qui constituent une de ses marques de fabrique. «Nous jouons avec notre côté paysan, nos origines du pays du reblochon et notre nom un peu primaire qui contraste avec notre musique.»

«Le web constitue un espace pour se démarquer et adopter un ton différent, explique Nicolas Kunzi, président du comité de l’Association suisse des radios numériques. C’est d’autant plus vrai en France, où la quasi-totalité des radios FM locales ne choisissent pas elles-mêmes la musique qu’elles diffusent mais achètent des programmes prémontés, un service fourni par une poignée de gros acteurs qui entraîne une uniformisation de l’offre.»

Radio Meuh, qui rassemble aujourd’hui une équipe de dix personnes «du coin», s’est fait connaître grâce à l’organisation de soirées. L’hiver, les DJ de la maison tournent dans les stations de ski, l’été sur la côte atlantique. La radio participe en moyenne à 150 événements par an dans toute la France, le tout appuyé par des produits dérivés, bonnets et T-shirts flanqués de l’emblème du projet, une engageante tête de vache. Elle possède même, depuis 2013, son propre festival dans son village, le Radiomeuh Circus Festival, qui a notamment accueilli Laurent Garnier, grand nom de l’électro.

Résultat de ces efforts pour se faire connaître: c’est à Paris que Radio Meuh est le plus écouté, suivi de Nantes, Lyon et Annecy. Mais la station enthousiasme aussi en Suisse, où se trouvent 10% de ses auditeurs. «Comme La Clusaz est un lieu touristique, les visiteurs ont ramené la bonne parole chez eux! Nous plaisons aux magasins, aux bars et restaurants, aux personnes qui écoutent de la musique en travaillant, note Philippe Thévenet. Nous participons ainsi au quotidien de beaucoup de gens.»

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