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Monrovia, une ville en état de fièvre

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Jeudi, 16 Octobre, 2014 - 05:57

Reportage. Au Liberia, pour lutter contre Ebola, il manque avant tout des soignants comme Salomé Karwah, dont les parents ont succombé. Elle a été infectée puis guérie et travaille aujourd’hui dans une clinique de Monrovia.

Bartholomäus Grill

Le jour où son père est mort, on a aussi identifié le virus chez elle. C’était le 21 août et la jeune femme s’est vu attribuer une tente dans un lazaret au cœur du plus grand centre de prise en charge de Monrovia. La dépouille de son père a été emmenée dans un sac de plastique en périphérie de la ville et brûlée. «Ce fut le jour le plus terrible de ma vie. Je me disais: «Tu ne t’en sortiras pas, tu suivras ton père.» Quelques jours plus tard, sa mère succombait à son tour.

Salomé Karwah se sentait à l’article de la mort, elle avait une fièvre très élevée, de violentes céphalées et elle vomissait tout le temps. Elle a renoncé: après le décès de ses parents, elle n’avait plus envie de vivre. Sa sœur aînée et son fiancé, des parents, des voisins, tous étaient infectés. Comme si l’épidémie d’Ebola devait tôt ou tard toucher tout le monde à Unification Town, la banlieue de Monrovia où Salomé vivait.

Puis le miracle a eu lieu. L’état de santé de Salomé s’améliorait de jour en jour grâce aux soins et à une bonne alimentation. Au bout de trois semaines, elle était remise. «C’était comme une renaissance», raconte-t-elle avec le sourire. La jeune femme ronde de 25 ans, nurse de profession, est assise sous une toile de tente à la réception de la clinique destinée aux personnes touchées par Ebola. Elle porte un bonnet, des bottes de caoutchouc et une veste blanche estampillée «Médecins sans frontières». L’ONG a bâti ce dispensaire provisoire dans le quartier de Paynesville. A ce jour, 606 patients ont été traités, 353 d’entre eux sont morts. Chaque jour de nouveaux malades débarquent, pris en charge par des hommes vêtus de combinaisons de protection jaunes.

Quelques jours après sa guérison, Salomé Karwah est retournée à la clinique. Elle a suivi un cours accéléré et travaille désormais comme aide-soignante là où elle a elle-même lutté contre le virus. La mourante s’est muée en salvatrice. Car Salomé possède un atout inestimable: après sa guérison, elle est immunisée, du moins contre ce virus Ebola précis. Et nul n’est capable aussi bien qu’elle de dispenser de la consolation et de l’espoir.

Loin des images d’horreur

«Je suis passée par les mêmes maux que vous, dit-elle aux malades. Vous pouvez survivre, regardez-moi!» Ayant guéri, elle veut donner quelque chose en retour et espère en même temps surmonter ainsi son traumatisme. «Ecrivez ça, demande-t-elle, écrivez sur la vie, pas sur la mort!» La vie, justement, s’écoule devant la clinique: des voitures qui klaxonnent, ornées de rubans, une jeune épouse tout en blanc salue. Malgré Ebola, à Monrovia, on se marie, la vie continue. Les marchands de bananes poussent leur charrette le long des rues, les femmes proposent leur manioc au marché, les mécaniciens réparent les mobylettes, les bars diffusent en direct les matchs de la Premier League britannique.

A première vue, il n’y a aucune de ces images d’horreur envoyées depuis des semaines de Monrovia à travers le monde: ces morts entassés dans des cliniques débordées, les chiens qui dévorent les cadavres. Certes, toutes ces scènes existent, y compris la souffrance, le désespoir, la peur. Mais Monrovia n’est pas l’enfer décrit par certains tabloïds et même par le sérieux magazine Time. Ici, on ne contemple pas l’apocalypse en accéléré mais la vie quotidienne d’une métropole africaine délabrée.

Seuls de rares signes indiquent que la capitale du Liberia vit l’état d’urgence: devant les immeubles administratifs, des gardes mesurent la température des visiteurs à l’aide de thermomètres instantanés. On voit partout des bidons de désinfectant. Les écoles sont fermées et, la nuit, les rues sont désertées: un couvre-feu a été instauré. D’énormes affiches proclament: «Ebola est un tueur, protégeons-nous!» Parfois, une ambulance passe en trombe et les passants s’exclament: «Ebola!»

A ce jour, le virus a tué plus de 4000 personnes et en a infecté le double au Liberia, en Sierra Leone et en Guinée. Ce sont les chiffres officiels de l’OMS, les chiffres réels pourraient être autrement plus élevés. C’est de très loin l’épidémie la plus grave depuis la découverte de l’agent pathogène d’Ebola en 1976. Une catastrophe silencieuse, rampante, imperceptible au premier regard se concrétise à Monrovia. L’épidémie affecte terriblement les populations concernées. Les habitants se rencontrent avec méfiance, évitent le contact physique et renoncent aux rituels des salutations, à se serrer la main, à s’enlacer et à s’embrasser.

Même les jeunes gens qui se retrouvent au bar du Golden Beach pour le coucher de soleil mettent de la distance entre eux. Reste qu’ils semblent détendus, la plupart savent que seul le contact direct avec des malades ou des cadavres et leurs fluides corporels peut transmettre l’infection. Au Golden Beach, comme partout à Monrovia, Ebola est le sujet de conversation de rigueur, avec cette question: pourquoi a-t-il fallu tant de temps pour que le danger soit reconnu?

Le virus a été identifié pour la première fois en mars dernier dans les forêts du sud-est de la Guinée, puis il s’est rapidement propagé au Liberia et à la Sierra Leone. Alors que l’OMS affirmait encore que la maladie était sous contrôle, l’agent pathogène avait déjà atteint les villes côtières et leurs bidonvilles surpeuplés. La réaction lente et hésitante des autorités, ajoutée à l’indifférence du reste du monde, a agi comme accélérateur.

Le sursaut tant attendu

«Nous en sommes au septième mois de l’épidémie et la communauté internationale s’est enfin réveillée parce qu’elle craint une pandémie», constate Thomas ten Boer, 55 ans, coordinateur au Liberia d’une organisation allemande de lutte contre la dénutrition. Il admet que l’engagement accru des Européens et des Américains a du sens, mais considère avec scepticisme leur «activisme fébrile». Il est inutile de se contenter de construire des centres de soin, la question est: «Qui y travaille? D’où arrivera le personnel qualifié?» Le système sanitaire désastreux s’est effondré. Par peur de l’infection, le personnel médical formé ne vient plus travailler. Rien qu’au Liberia, 94 médecins et soignants ont déjà succombé à la maladie. La semaine dernière, seuls 150 des 250 lits du centre de traitement de Médecins sans frontières à Paynesville étaient occupés.

Deux Libériens sur cinq sont analphabètes, la grande majorité de la population vit dans une extrême pauvreté. Pour enrayer les canaux de transmission d’Ebola, il faudrait modifier les comportements. «Mais comment y parvenir rapidement quand si peu de personnel médical connaît la culture locale?» se demande Thomas ten Boer, qui travaille à Monrovia depuis plus de six ans. Les habitudes alimentaires, le lavage des dépouilles, les rites funéraires, la promiscuité dans les bidonvilles, l’absence d’hygiène, les superstitions, tout cela ne se change pas d’un jour à l’autre. Et la mise en quarantaine de quartiers entiers, comme l’armée libérienne l’avait fait pour le bidonville de West Point à Monrovia, est totalement inefficace dans la guerre contre Ebola. «Il faut des soignants, pas des soldats», ajoute le coopérant.

En fait, il faut des gens comme Salomé Karwah. Pas seulement parce qu’elle est immunisée contre Ebola mais parce qu’elle peut contribuer à informer les gens. Quand elle ne travaille pas à la clinique, la jeune femme sillonne son village et explique comment se protéger du virus. Et tente de découvrir les malades que leurs familles cachent par honte ou par peur. Lors de ses tournées, elle est souvent agressée: bien qu’elle possède un certificat qui atteste de sa guérison, beaucoup d’habitants la croient toujours contagieuse. «Nous vivons avec un stigmate. Certaines de mes collègues ont été attaquées et jetées hors de leur maison.»

Salomé entend proférer les théories conspirationnistes les plus folles: «Plein de gens pensent qu’Ebola n’existe tout simplement pas. Ou que c’est l’œuvre de méchants sorciers.» Mais plus rien ne la choque: «Il faudra beaucoup de temps mais, au bout du compte, nous vaincrons l’épidémie», assure-t-elle.

© DER SPIEGEL traduction et adaptation gian pozzy

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Olivier Roy: "Il y a beaucoup de points communs entre le maoïsme entre le djihadisme."

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Jeudi, 16 Octobre, 2014 - 05:58

Interview. De la guerre avec les moudjahidin à la guerre aux préjugés contre l’islam. Chercheur hors normes, Olivier Roy raconte son parcours et sa méthode: l’expérience d’abord, la théorie ensuite.

Les experts qui commentent l’actualité au Moyen-Orient sont nombreux sur la scène médiatique; peu sont aussi pertinents qu’Olivier Roy. On comprend mieux pourquoi en lisant le livre d’entretiens où ce chercheur français hors norme raconte son parcours*: sa connaissance du sujet commence sac au dos, les pieds dans la poussière du terrain.

Olivier Roy a été compagnon de route des moudjahidin, il s’est fondu, lors de la dissolution de l’URSS en Asie centrale, dans une délégation d’oulémas saoudiens à Tachkent avant de diriger la mission de l’OSCE au Tadjikistan. Un pied dans l’action, l’autre dans l’analyse, il réinjecte sans cesse dans le débat une dose salutaire de réalité pour combattre préjugés et fantasmes sur l’islam.

Marié et père de deux garçons, l’homme vit aujourd’hui sur les collines de Fiesole, à quelques cyprès de l’Institut universitaire européen de Florence où il enseigne. Nous l’y avons rencontré, un jour d’été indien à la quiétude irréelle.

Vous souriez en contemplant, du haut de vos collines toscanes, la ronde des «experts» sollicités par les médias pour commenter l’actualité au Moyen-Orient. Vous êtes pourtant l’un d’eux…

Je déplore surtout ce qui se passe sur les plateaux télé. Le journaliste ne dit plus rien: il donne la parole aux experts. Toute parole d’expert est bonne à prendre et tout le monde est expert, il suffit de se proclamer tel. Résultat: il se dit tout et son contraire, et la compréhension ne progresse pas.

Comment gérez-vous les sollicitations médiatiques?

J’évite la télé, je choisis mes interlocuteurs. Pour comprendre l’actualité, il faut la replacer dans le temps long. C’est encore possible dans la presse écrite.

La plupart des «experts» ont commencé par asseoir leur carrière universitaire. Vous, vous avez fait tout à rebours: en 1969, à 19 ans, vous êtes au seuil de l’Ecole normale supérieure et vous claquez la porte pour partir en Afghanistan en stop.

Je ne savais pas que j’allais devenir chercheur au CNRS (Centre national de la recherche scientifique, ndlr), je cherchais l’aventure. Mais aujourd’hui je revendique cette approche: aller voir d’abord, conceptualiser ensuite. Cela évite d’approcher la réalité, comme le font trop souvent les universitaires, à partir de classifications abstraites issues de travaux antérieurs. C’est en parcourant l’Afghanistan à pied que je me suis forgé une connaissance inédite sur ce pays.

Vous avez compris par exemple que la réalité des clans et des tribus constitue une clé de lecture plus pertinente que l’islam?

Je n’ai cessé de le vérifier depuis: nous commettons l’erreur d’essentialiser l’islam, c’est-à-dire de chercher des réponses dans sa théologie et non dans la manière dont il est vécu.

Vous avez vécu chez les moudjahidin: là, c’est carrément la guerre que vous cherchiez!

Je cherchais la minute de vérité; l’expérience extrême qui met l’humain à nu et après laquelle on ne peut plus regarder le monde comme avant.

Vous l’avez trouvée?

Non, bien sûr. Frôler la mort ne vous rapproche pas de la vérité. Les gens restent banals. Avec les moudjahidin, j’ai passé le plus clair de mon temps à parler bouffe. Qu’est-ce qu’on mange ce soir? Quand est-ce que c’est prêt?

Votre connaissance du terrain, en Afghanistan et, plus tard, en Asie centrale, vous a vite rendu séduisant aux yeux des services secrets. Et vous n’avez pas hésité à boire des verres avec des gars du KGB ou de la CIA. Sans peur de vous compromettre?

Je suis arrivé à la conclusion qu’il est inutile de chercher à ne serrer que des mains propres: un professionnel habile arrivera toujours à vous tromper. En revanche, je me suis forgé une règle de conduite: dire la même chose à tout le monde et faire connaître mes positions. Ecrire, publier.

Dans les années 70, vous militez dans les rangs de la Gauche prolétarienne: pourquoi dites-vous que cette expérience vous a aidé à comprendre al-Qaida?

J’ai observé comment un jeune de 18-20 ans en rupture de ban peut basculer dans une idéologie radicale. Il y a beaucoup de points communs entre le maoïsme et le djihadisme: une idéologie aberrante, le postulat de la table rase, l’adhésion à une communauté imaginaire (le peuple, l’oumma), l’existence d’un livre sacré (le Livre rouge, le Coran), la théorie de l’avant-garde militaire qui doit se sacrifier pour conscientiser les masses…

Mais la Gauche prolétarienne recrutait dans les lycées haut de gamme et al-Qaida dans les banlieues défavorisées!

Dans les deux cas, les clients sont des jeunes en rupture avec leur milieu et leurs aînés. La radicalisation se fait dans des groupes de pairs.

Le fondamentalisme islamique ne relève pas du retour à la tradition?

Pas du tout, c’est une déculturation. Les fondamentalismes émergent en rupture avec la culture d’origine, c’est très clair chez les salafistes (les djihadistes se réclament du salafisme, ndlr). Voyez comment les Saoudiens ont détruit La Mecque: ils ont rasé le vieux et reconstruit sur le mode du centre commercial à l’américaine. Sauf que les femmes sont voilées et que les malls ferment à l’heure de la prière. Le salafisme, c’est Las Vegas plus la charia! La globalisation et la déculturation sont des phénomènes profondément modernes que l’on retrouve dans tous les renouveaux intégristes, pas seulement dans l’islam.

Pour justifier l’esclavage de ses prisonnières yézidies, Daech se réclame de la tradition islamique…

Daech puise dans une pratique qui a existé dans tout le bassin méditerranéen depuis l’Antiquité pour donner une justification religieuse à ce qui n’est ici que du viol. Sexe et violence: ça fait partie de la fascination des jeunes pour Daech.

Pourquoi affirmez-vous que la sécularisation des sociétés produit du fondamentalisme religieux?

Parce qu’elle isole le religieux du quotidien dont il faisait autrefois partie. Il accule les croyants à se constituer en communautés de foi assiégées. Voyez le pentecôtisme, la religion avec la plus forte progression planétaire. Les nouvelles communautés de foi ne tolèrent pas la tiédeur, elles veulent des fidèles ardents.

Sur ce terrain-là aussi, votre vécu a nourri vos réflexions?

Oui. Je suis né dans une famille protestante de La Rochelle, j’étais un croyant modéré, très impliqué dans les mouvements de jeunesse, et j’aurais pu continuer à aller au culte tous les dimanches si les évangéliques n’étaient pas arrivés, me sommant de répéter tout haut que Jésus est mon sauveur. Ça m’a fait fuir. Mais ce que je retiens surtout de ces années-là, c’est que les groupes de jeunes étaient mixtes et que nous baignions dans une atmosphère humaniste et tolérante qui ne collait pas avec les rigueurs de la théologie calviniste. Ce décalage entre théologie et religiosité vécue, il nous paraît normal chez les protestants ou les catholiques. Mais nous nions qu’il soit possible pour les musulmans. En réalité, la clé de leurs comportements, comme des nôtres, est toujours ailleurs que dans la religion. L’islam est notre tigre de papier.

Mais pourquoi surestimons-nous le facteur religieux chez les autres?

Parce que nous vivons une crise civilisationnelle, qui nous amène à nous replier sur la notion d’identité. Qu’il y a un décalage schizophrénique entre les valeurs chrétiennes d’un côté et celles des sociétés dans lesquelles nous vivons, qui sont aux antipodes de la religion tout en se réclamant d’un christianisme identitaire. Au lieu d’affronter cette contradiction, nous nous fabriquons un ennemi auquel nous attribuons ce que nous n’avons plus: une cohérence entre religion et culture.

La sécularisation n’empêche pas les crimes d’honneur dans les familles musulmanes…

S’il y a crimes d’honneur, c’est parce que les filles veulent quitter leur famille, étudier, s’émanciper: c’est le signe d’une modernité en marche. Signe tragique, bien sûr. Mais l’avenir appartient aux jeunes générations.

En somme, l’islam n’a rien de spécifique?

L’islam n’a rien de spécifique, mais il y a une spécificité du Moyen-Orient: les transformations de l’islam adviennent sur fond de mutations géostratégiques majeures. Il y a d’abord eu l’immigration massive en provenance des pays musulmans. Et maintenant la reconfiguration des forces régionales autour d’un clivage chiites-sunnites, autrement dit, Iran-Arabie saoudite. Un contre-exemple: au Brésil, la population protestante est passée, en vingt-cinq ans, de 2 à 37% sans que cela fasse de vagues parce qu’il n’y a pas d’enjeu géostratégique. Imaginez la même mutation au XVIIIe siècle, sur fond de conflit entre Grande-Bretagne et Espagne.

Vous avez épousé une femme orthodoxe syriaque née en Turquie: pour cela, vous vous êtes converti.

C’est une religion à l’ancienne, qui me convient bien. On pratique un certain nombre de rites et personne ne fait intrusion dans vos affaires, en vous demandant par exemple si vous avez la foi.


Olivier Roy

Né en 1949 à La Rochelle, agrégé de philosophie, il a commencé par enseigner cette matière au lycée de Dreux. Grand voyageur, directeur de recherche au CNRS, il a dirigé la mission de l’OSCE au Tadjikistan en 1993-1994. Il est actuellement professeur à l’Institut européen de Florence. Parmi ses livres: L’échec de l’islam politique (1992), L’islam mondialisé (2002), La sainte ignorance (2008).

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Astrid Di Crollalanza
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Heidi Tagliavini, entre guerre et paix

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Jeudi, 16 Octobre, 2014 - 05:59

Au mur de son bureau situé à deux pas de la place Maïdan à Kiev, une carte géante de l’Ukraine. A chaque instant, la représentante spéciale de la présidence de l’OSCE Heidi Tagliavini mesure l’immensité de sa tâche: ramener la paix dans la région du Donbass, sur un territoire d’environ 23 000 kilomètres carrés, l’équivalent de la moitié de la Suisse. Cela tout au long d’une ligne de front de 480 kilomètres entre rebelles séparatistes et armée ukrainienne. Le 5 septembre, le groupe de contact dont elle fait partie a signé un cessez-le-feu qui a au moins réduit le champ des hostilités. Mais chaque jour apporte encore son lot d’incidents, voire de drames, comme celui de la mort d’un collaborateur neuchâtelois du CICR.

Et pourtant, Heidi Tagliavini a tout de suite accepté cette mission. Par dévouement spontané à une région devenue pour elle comme une patrie d’adoption. Durant toute sa carrière, elle a multiplié les missions dans l’ex-empire de l’Union soviétique, y compris les plus risquées, comme en 1995 en Tchétchénie. Elle invoque aussi une question d’éthique, en pensant à la population dont elle a à cœur d’alléger les souffrances. Enfin, elle fait confiance au format choisi. «Ce groupe de contact trilatéral est pour l’instant la seule plate­forme de dialogue réunissant Russes et Ukrainiens sous l’égide de l’OSCE promettant de progresser vers une solution. Je suis une femme rationnelle, même si j’accorde une place importante à l’intuition et à l’instinct, deux éléments généralement sous-estimés dans la diplomatie», explique-t-elle.

Le sud-est de l’Ukraine est le théâtre d’une guerre hybride, non déclarée, à la fois anachronique dans l’emploi des armes et hyperactuelle en matière de propagande et de désinformation. Y mettre un terme est une mission quasiment impossible. Au front ne ferraillent pas que les deux principaux belligérants, soit les deux républiques populaires autoproclamées (de Donetsk et de Lougansk) face à l’armée ukrainienne, mais aussi de nombreux éléments incontrôlés, dont les bataillons financés par les oligarques des deux côtés. Si quelqu’un peut malgré cela tenter de pacifier les esprits, s’est dit Didier Burkhalter – président de la Confédération et de l’OSCE cette année –, alors ce ne peut être que Heidi Tagliavini.

L’actuel ministre des Affaires étrangères a donc été tout heureux de sortir cette diplomate de haut vol d’une retraite prématurée prise sous l’ère de Micheline Calmy-Rey, laquelle ne lui avait jamais offert l’ambassade de Russie dont elle rêvait. Non seulement Heidi Tagliavini connaît la région comme sa poche, mais cette philologue jouit d’une réputation de «génie des langues»: elle s’est toujours fait un devoir d’apprendre la langue du pays où elle travaille. Elle en sait ainsi huit au total, dont le russe sous toutes ses formes: celui très riche de la littérature, celui plus cru de la rue et bien sûr celui de la diplomatie. Avec son alphabet cyrillique, ses verbes de mouvement et ses déclinaisons, la langue de Tolstoï fait certes souffrir beaucoup d’étudiants. Mais ceux qui font l’effort de s’y plonger sont aussi récompensés: «Dans toute cette région de l’ex-URSS, les gens sont très reconnaissants qu’on puisse communiquer dans leur langue, qu’ils savent difficile», note Heidi Tagliavini.

Cela dit, une bonne maîtrise de la langue ne résout pas encore tous les problèmes comme par magie. Selon tous ceux qui la connaissent et souvent admirent la «facilitatrice», sa force réside dans sa formidable ténacité, son psychisme à toute épreuve, sa faculté à rebondir malgré les revers ponctuels.

Etablir un contact direct

Que d’écueils à surmonter dès qu’elle arrive à Kiev le 8 juin, juste à temps pour l’intronisation du nouveau président ukrainien Petro Porochenko. A l’espoir né d’un léger progrès succède souvent une nouvelle désillusion. En dix jours, elle et ses deux partenaires du groupe – l’ambassadeur russe Michaïl Zurabov et l’ancien président ukrainien Leonid Koutchma – mettent sous toit un premier plan de paix. Non sans une grosse prise de risques: alors que les séparatistes détiennent encore deux groupes d’otages, tous trois se rendent à Donetsk et établissent un premier contact avec les leaders des rebelles. C’est la méthode Tagliavini: établir un contact direct, communiquer son plan tout en plaidant pour la libération des otages. Elle gagne en moins d’une semaine sur ce dernier point. Las, le 30 juin, Petro Porochenko décide de reprendre son «opération antiterroriste» contre les rebelles séparatistes. Le conflit plonge alors dans sa phase la plus meurtrière, alourdissant chaque jour de plusieurs dizaines le nombre des victimes.

C’est l’été, une saison que craint Heidi Tagliavini, qui sait d’expérience qu’en cette période de vacances la communauté internationale tourne au ralenti. Nouveau drame le 17 juillet, lorsqu’un avion de la compagnie Malaysian Airlines s’écrase, touché par un missile sol-air probablement déclenché par les séparatistes, qui confondent le MH 17 avec un avion militaire ukrainien. Le crash fait quelque trois cents innocentes victimes, dont les cadavres sont encore pillés à terre par certains rebelles.

Réveil des consciences

Pourtant, ce 17 juillet marque aussi un tournant. D’abord parce que ces images d’une insupportable indignité réveillent les consciences planétaires, mais aussi pour une raison anecdotique passée totalement inaperçue. Pour des motifs avant tout sécuritaires, le groupe de contact a envisagé de mettre sur pied des visio­conférences entre Kiev et Donetsk – dans les locaux de l’OSCE – avec les leaders séparatistes. Et c’est précisément ce jeudi-là qu’a lieu la première. «Un pur hasard», selon Heidi Tagliavini, mais qui va beaucoup faciliter les contacts avec les rebelles. «Nous avons ainsi pu prendre ensemble des mesures de crise afin de sécuriser le site de l’accident, garantir son accès aux inspecteurs par un corridor de sécurité», relève-t-elle.

A ce moment-là pourtant, le conflit s’enlise dans une phase militaire sans fin prévisible à court terme. L’armée ukrainienne n’a pas les moyens de remporter une victoire totale. Lorsqu’elle paraît prendre le dessus en libérant Sloviansk, elle force les rebelles à se replier sur Donetsk et Lougansk, et ceux-ci en profitent pour se cacher parmi la population. Un déluge de feu s’abat sur ces deux villes: une catastrophe humanitaire pour leurs habitants contraints à se réfugier en Russie voisine, mais aussi un dégât d’image considérable pour l’armée ukrainienne. Après avoir pris ses distances avec des séparatistes en lesquels elle peine à se reconnaître, la population se met surtout à détester le gouvernement de Kiev.

C’est dans ce contexte de violence extrême que le groupe de contact décroche un cessez-le-feu signé à Minsk le 5 septembre sur la base d’un protocole d’accord en douze points. Peu nombreux sont ceux qui croient qu’il va tenir. Et pour cause: les deux séparatistes qui paraphent le document sont d’illustres inconnus dont la fonction n’est même pas mentionnée! Cette ambiguïté laisse présager le pire, car certains éléments incontrôlés parmi les rebelles déclament vite qu’ils ne se sentent pas engagés par ce cessez-le-feu, pourtant complété par un mémorandum le 19 septembre.

Succès ou échec?

Toujours avides de titres péremptoires, les médias cherchent une réponse rapide à la question clé: ce cessez-le-feu est-il un succès ou un échec? Ces derniers jours, ils penchent de plus en plus pour la seconde hypothèse. Les plus pessimistes croient même avoir dénombré plus de mille violations de la trêve, même si la Special Monitoring Mission (SMM) ne confirme rien. «Nous ne tenons aucune statistique à ce sujet», note Alexander Hug, adjoint suisse du chef de la SMM.

Heidi Tagliavini s’inscrit en faux contre ces oiseaux de mauvais augure. A ses yeux, l’accord de Minsk est un point de bascule important: «Un cessez-le-feu est clairement un moment clé dans tout conflit, une percée indispensable pour stabiliser une région. Nous sommes désormais passés à une phase de désescalade du conflit», affirme-t-elle sans ambages.

En revanche, il subsiste encore des poches de violence à des endroits stratégiques clés, comme l’aéroport de Donetsk. Alexander Hug a pu s’en rendre compte le 14 septembre dernier. Ce géant de deux mètres a acquis un statut de héros aux Pays-Bas pour avoir concrétisé sur le terrain l’accès au lieu du crash du MH 17 et le rapatriement des corps des victimes, pour la plupart néerlandaises. Ce dimanche-là, il a eu beaucoup de chance. Alors qu’il emmène une patrouille de la SMM dans deux véhicules blindés, il vit une situation critique tout près de virer au drame.

Pessimisme ambiant

A un checkpoint, il doit dévier d’une route pourtant agréée préalablement par les belligérants. Soudain, les observateurs de l’OSCE se retrouvent pris en tenaille entre deux lignes de tir. Alexander Hug avertit les commandants des deux bords, avec lesquels il est bien sûr en contact direct. Mais, des postes de commandement aux troupes sur le terrain, le message tarde à passer. Durant trois heures, la patrouille de la SMM est «prisonnière» sous l’intense feu croisé des artilleurs. Touché, l’un de ses véhicules doit être abandonné. C’est un vrai miracle qu’aucun des observateurs n’ait été blessé. «Nous avons évité le pire grâce au blindage des véhicules, avoue Alexander Hug. Ce jour-là, nous avons pris conscience de la faiblesse des structures de commandement, des deux côtés.»

Si une chose a le don d’irriter Heidi Tagliavini, c’est bien le pessimisme ambiant de ceux qui voient le verre presque vide alors qu’il est en tout cas à moitié plein. Elle se révolte face à ceux qui ne raisonnent qu’en termes binaires de «succès» ou d’«échec». «En réalité, nous sommes sortis de la spirale de la violence du mois d’août qui a tant fait souffrir une région de 4,5 millions d’habitants. Ils ne doivent plus vivre dans un climat de peur existentielle engendrant des traumatismes de guerre, notamment chez les enfants, s’enflamme la diplomate. Croyez-moi, quand vous avez vécu sous les tirs d’artillerie comme moi en Tchétchénie, vous appréciez un cessez-le-feu à sa juste valeur.»

Face aux nombreux incidents de ces deux dernières semaines, l’OSCE dispose depuis cette semaine d’un outil supplémentaire. Des drones loués à l’entreprise autrichienne Schiebel: les deux premiers sont arrivés en Ukraine le 5 octobre. Au premier abord, cela paraît être l’atout décisif aux mains de la SMM pour mieux surveiller le théâtre des opérations militaires. En fait, il s’avère que l’apparition de ces drones comporte un risque non négligeable. Aux yeux des séparatistes, ils constituent une provocation de premier ordre. Certains de leurs leaders ont déjà menacé de les abattre froidement, sous prétexte qu’ils ne pourront pas être sûrs que ces drones n’appartiennent pas à l’armée ukrainienne. Sans parler des Russes qui ne toléreront jamais que l’on espionne ce qui se passe de leur côté de la frontière.

Lors d’une conférence de presse tenue à Odessa le 8 octobre dernier, Alexander Hug a tenté d’apaiser les craintes face aux nombreuses questions de la presse locale, répercutant des rumeurs d’une mission militaire franco-allemande. «Notre mission est civile, et non militaire. Aucun de nos monitors n’est armé», a-t-il souligné.

Alors que l’hiver approche, l’OSCE redouble d’efforts pour consolider le cessez-le-feu, avec au front une diplomatie suisse omniprésente pour relever son plus grand défi des cinquante dernières années. Dans l’ombre des Burkhalter, Tagliavini et Hug, le chef de la mission suisse de l’OSCE à Vienne, Thomas Greminger, a emmené en Ukraine une délégation de 35 ambassadeurs afin de les convaincre de renforcer la SMM. But: passer de 230 à 500 observateurs, étendre le parc des véhicules blindés de 15 à 85 pour assurer leur sécurité et trouver plus de 50 millions de francs pour renflouer le budget annuel de l’OSCE, qui a décidé de prolonger la mission de la SMM jusqu’à fin mars 2015.

Fédéralisme tabou

Si Heidi Tagliavini et son groupe de contact parviennent à faire taire les canons, ils auront réussi la première partie de leur mandat. Commencerait alors un processus de réflexion sur l’avenir politique de la région du sud-est de l’Ukraine. A Kiev, le gouvernement et la Rada – le parlement – ont déjà décidé d’un statut spécial de trois ans pour la région du Donbass. Reste à savoir sur quoi tout cela va déboucher. Le président Petro Porochenko a promis une «décentralisation» du pouvoir, tout en se gardant bien de parler de «fédéralisme», un mot qui reste tabou en Ukraine, car il y est synonyme de désintégration progressive du pays.

Côté russe, Vladimir Poutine a déjà annoncé la couleur. Il veut imposer une «nouvelle Russie» dans le sud-est du pays. Peu importe de savoir si les séparatistes parviendront ou non à s’emparer de l’aéroport de Donetsk, d’une importante centrale hydroélectrique à proximité ou encore de Marioupol pour obtenir un accès à la mer. Il a déjà déstabilisé toute cette région, où les deux «républiques populaires» autoproclamées s’apprêtent à délivrer de nouveaux documents à leurs citoyens tout en prélevant de nouveaux impôts.

«Vous allez trop vite en besogne», répond Heidi Tagliavini lorsqu’on lui demande d’esquisser l’avenir politique de la région du Donbass. Selon elle, il faut d’abord consolider le cessez-le-feu, et ensuite seulement on pourra s’attaquer aux structures politiques. Une chose est sûre: il faudra s’assurer que le Donbass reste une partie intégrante de l’Ukraine, ne serait-ce que pour ne pas entériner une violation crasse du droit international garantissant le respect des frontières de chaque Etat.

Selon toute vraisemblance, la mission de la diplomate ne s’achèvera pas au terme de la présidence suisse de l’OSCE le 31 décembre prochain. Lorsque la Serbie reprendra le flambeau, la Suisse restera membre de la troïka à la tête d’une organisation qui a regagné en visibilité et en crédibilité sur la scène mondiale, au point que l’Allemagne souhaite désormais prendre sa présidence en 2016.

Selon certaines sources, les Serbes seraient d’accord de continuer à laisser œuvrer Heidi Tagliavini au sein du groupe de contact trilatéral. L’intéressée élude la question. En cette journée très nuageuse, elle lève les yeux au ciel et lance: «Mon avenir est dans les étoiles, et aujourd’hui on ne les voit pas!»


Heidi Tagliavini

Née à Bâle en 1950, cette philologue de formation parlant huit langues rejoint en 1982 les services diplomatiques. Elle devient rapidement une spécialiste des missions de règlement de conflits, de maintien de la paix et d’enquête, notamment en Tchétchénie (1995) et en Géorgie (2008). A la retraite depuis l’été 2012, elle siège au comité de l’assemblée du CICR depuis 2013.


Heidi Tagliavini en Ukraine

8 juin 2014 Début de sa mission de représentante spéciale de la présidence de l’OSCE.
20 juin Plan de paix du groupe de contact trilatéral.
23 juin Première rencontre avec les dirigeants séparatistes à Donetsk.
5 et 19 septembre Accord de cessez-le-feu, complété par un mémorandum.


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Détox: comment ça marche

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Jeudi, 16 Octobre, 2014 - 06:00

Décryptage. Chasser les toxines à coup de smoothies de légumes ou de jours de jeûne est à la mode. Enquête autour d’un phénomène qui prend de l’ampleur.

Détox. C’est le nouveau mot à la mode. Les librairies regorgent d’ouvrages sur le sujet. Sur leurs couvertures, des smoothies verts et des armées des légumes au garde-à-vous, prêts à mener la guerre aux vilaines toxines. Et, comme le marché est prometteur, des entreprises de livraison de jus détoxifiants se sont lancées aussi bien en Suisse romande qu’en Suisse alémanique. Nouveau concept de restauration consacré au bien-être, l’entreprise Takinoa, qui a ouvert un restaurant à Lausanne et s’apprête à en ouvrir deux autres en Suisse romande, prévoit elle aussi une gamme de repas détox. Basée à Morges, Amy Webster, une conseillère en nutrition d’origine américaine, a, elle, lancé un programme de détox online.
Alors, efficace la détox? Qu’en disent ceux qui ont essayé? Comment ça marche et comment la pratiquer? Faut-il jeûner? Ne boire que des jus et des smoothies de légumes durant une semaine entière? L’Hebdo a mené l’enquête.

Oui, Ça marche!

Lorsque l’on écoute les Romands qui se sont lancés dans une cure de détox parler de ses bienfaits, on se demande s’ils ne sont pas tous membres de la Confrérie des légumes pressés. De l’avis unanime, les effets bénéfiques sont nombreux, à commencer par un regain d’énergie, une peau embellie, une meilleure qualité de sommeil et une sérénité retrouvée. Et cela, sans éprouver de sensation de faim.

La Vaudoise Caroline, végétarienne convaincue depuis des décennies, souffrait d’insomnies depuis de nombreuses années. «Grâce à la détox que j’ai suivie au printemps dernier, je dors sans me réveiller la nuit. Je ne m’attendais pas à ça. Et je suis persuadée que ce n’est pas psychologique. En fait, je voulais juste me recentrer sur ma nutrition. Mon mari, qui m’a suivie dans ma démarche, est devenu, lui, plus résistant et tombe moins malade.»

La Neuchâteloise Stéphanie Dellandrea, mère de trois enfants et active professionnellement, parle des effets surprenants apportés par les jus et les smoothies de légumes. «Le sommeil devient plus réparateur, la peau plus douce et j’ai atteint mon poids idéal. Durant la cure, je me sentais zen et pleine d’énergie. Depuis, je continue les jus le matin et à midi.»

Mère de famille et psychologue, Svea Nielsen, elle, évoque d’autres résultats positifs. «Durant la cure, les idées deviennent plus claires, plus fluides, comme s’il n’y avait plus d’interférences. Et la fatigue a disparu. De plus, les smoothies et les jus sont plus vite faits qu’un repas normal.»

Phénomène commercial

Pour ceux qui n’ont pas le temps de préparer leurs jus, il existe des solutions toutes prêtes, livrées en paquets express à domicile. Le marché est en plein boom et permet de mesurer le phénomène détox. A Lausanne, Wendy Vanhonacker a créé Fit‘n’Tasty au début de l’année. Trois personnes y travaillent à plein temps. S’inspirant de ce qui se fait aux Etats-Unis, la jeune femme propose des repas sains, équilibrés et diététiques, mais également des cures de détox d’un à cinq jours, soit des jus de fruits et légumes biologiques et de la région pressés artisanalement juste avant leur livraison. «Dans la région, nous comptons déjà une centaine de clients par mois pour les jus. Ce sont surtout des femmes entre 25 et 35 ans. Je suis sûre que nous ne sommes qu’au début d’un phénomène. A New York et en Californie, on trouve de vastes magasins consacrés à la détox.» Le prix pour cinq jours détox à cinq jus par jour? Trois cent dix-neuf francs. Le prix comprend des recettes pour un repas léger à midi.

Autre entreprise qui surfe sur la vague des boissons purifiantes, Detox Delight. Basée à Zurich, elle s’est lancée voici dix-huit mois et emploie quatre personnes. Si les légumes ne sont pas bios, ils sont mûrs lors de la cueillette et proviennent de la région. Responsable de projet, Véronique Frémond explique: «Actuellement, nous en sommes à 30 commandes de jus détox par semaine. Et ça augmente régulièrement. Nous livrons dans toute la Suisse.» Comme sa consœur lausannoise, elle confirme que le phénomène est promis à de belles années. «Nous avons des feed-back positifs, les gens se sentent bien après de telles cures.»

Détox collective sur Facebook

Comment expliquer ce bien-être? Les smoothies verts ont-ils un effet dopant? Amy Webster, qui a fondé le site Simplement cru, propose des détox online deux fois par année. Elle a commencé ce printemps et la deuxième détox qu’elle organise a démarré le 20 septembre. Simple, contemporain et efficace, le concept séduit. Pas moins de 80 personnes de toute la Suisse romande et même de l’étranger la suivent. Une détox collective en quelque sorte. Elle précise qu’elle s’adresse aux bien portants qui désirent rester en bonne santé.

Page Facebook sur laquelle les participants peuvent partager leurs expériences et leurs doutes, e-mails quotidiens d’encouragement, propositions de recettes et d’activités physiques (en douceur), réponse aux nombreuses questions: cette ex-conseillère en communication ne chôme pas.

Trois formules au choix

Alors, miraculeuse la détox? Assise dans sa vaste et lumineuse cuisine où des graines germées poussent dans de grands bacs, Amy Webster explique le phénomène. Tout d’abord, elle rappelle que, dans notre société occidentale, nous consommons une nourriture trop riche, trop sucrée, trop grasse, trop salée et en trop grande quantité. «Notre organisme est surchargé. Quand on boit des jus ou des smoothies, ils passent rapidement dans le système digestif. L’énergie qui était utilisée à la digestion d’aliments est donc disponible pour d’autres tâches, pour nettoyer notre corps de toutes les toxines accumulées par exemple.» Lors d’une cure, ces dernières sont éliminées par les urines, les selles, la peau, les muqueuses, etc. C’est un vrai nettoyage.

Mais pourquoi faire un nettoyage à la sortie de l’été? «Cela permet de mettre les pendules à l’heure après les grillades et le relâchement des habitudes alimentaires des vacances. Et c’est l’occasion de se préparer pour l’hiver.» Loin d’être une djihadiste du smoothie, Amy Webster propose trois formules: tout jus, tout cru (fruits, légumes et crudités mais sans corps gras) et la version la moins contraignante nommée Easy pour le cru/cuit: jus, fruits, légumes, crudités et céréales cuites sans gluten. Toutes durent trois semaines. La première est une semaine d’organisation et d’approche, durant laquelle il s’agit de faire les courses, de se procurer le matériel nécessaire et d’éliminer une mauvaise habitude par jour, par exemple le café. La deuxième semaine est celle de la cure. Quant à la troisième semaine, elle sert à réintroduire les aliments éliminés au fil des jours.

Le regard du médecin

Au fait, quelle est la définition exacte de la détoxification? Et que se passe-t-il dans le corps d’une personne qui entreprend une cure? Médecin consultant à l’unité de nutrition des Hôpitaux universitaires de Genève, Dimitrios Samaras est spécialiste en médecine interne et en nutrition clinique. Sa définition de la détoxification est précise: «C’est l’augmentation de l’activité des enzymes de phase 2 du foie. Ces enzymes de phase 2 vont rendre solubles toutes les substances qui vont circuler dans notre corps et qui pourraient s’y accumuler sans en être excrétées. Ces toxines, rendues solubles, seront alors éliminées par les selles, l’urine, la sueur.»

Les toxines, qu’est-ce exactement? Ce sont certains additifs, des pesticides, des antibiotiques et des métaux lourds présents dans les aliments. Les légumes les plus détoxifiants sont le brocoli, le chou, le céleri, les oignons.

Selon lui, deux choses restent obscures aujourd’hui: la question de savoir ce qui est considéré comme une toxine ainsi que l’effet de la présence de toxines dans le corps et l’effet attendu si on en diminue la quantité. «Scientifiquement, le niveau d’évidence n’est pas bon.» Pas facile en effet de mesurer le bien-être des gens. C’est une notion très subjective, elle n’est ni carrée, ni mathématique.

Outre les jus, il existe une autre façon de pratiquer la détox: le jeûne. Dans ce domaine également, les ouvrages foisonnent et des cliniques proposent des séjours zéro calorie, ou presque. Ce qu’en pense Dimitrios Samaras? «Le jeûne, c’est une autre histoire. Les quatre ou cinq premiers jours, la personne va puiser de l’énergie dans ses muscles puis de plus en plus dans ses graisses.» Ces graisses produisent des corps cétoniques, donc des toxines. Les corps cétoniques ont des effets euphorisants, comme l’alcool, par exemple. Cela explique le bien-être ressenti lors d’un jeûne. Son conseil? «S’alimenter de façon saine et équilibrée tous les jours et non pas pendant trois semaines par année, avec un programme détox.»

Détox, smoothies et jus verts, cette mode fait sourire les professionnels de la santé du Centre Kousmine, à Vevey. Conseillère en nutrition, Nathalie Sauthier rappelle que la doctoresse Catherine Kousmine – qui a œuvré pour montrer la dépendance étroite entre la santé et l’alimentation – prescrivait à ses malades des détox voici cinquante ans déjà. «Le but est de soulager le foie qui est le maître de la détoxification. Elle parlait de régime «hypotoxique». Une détox, ce n’est pas anodin. Il vaut mieux faire un bilan préalable chez un professionnel de la santé avant de se lancer.»

Médecin ayant collaboré avec la doctoresse Kousmine, Luc Moudon, lui, met en garde ceux pour qui la détox ne serait qu’une parenthèse avant de se relancer dans la malbouffe. «La flore intestinale s’entretient tout au long de l’année. Ce que l’on mange influence notre santé, notre énergie et notre sommeil.»

Il tient cependant à préciser qu’un peu de toxines n’a jamais tué personne. Au contraire. «Les toxines agissent comme un vaccin le jour où le corps y est confronté. Les gens qui mangent tout bio n’ont pas ce système de défense. J’ai vu, chez ces personnes, des cas de cancer que l’on ne voit pas autrement.» On peut donc avaler un cheeseburger en toute bonne conscience? «Certaines personnes sont très polluées et se portent bien. Tout est une question d’équilibre et de constitution.» Chic alors… Un steak-frites, s’il vous plaît!


Restez simple! Les conseils de Dimitrios Samaras, médecin consultant à l'unité de nutrition des HUG, Genève

«Mettez tous ces aliments-là dans votre assiette toute l’année. Pourquoi attendre que toutes les toxines s’accumulent? Pourquoi faire des à-coups et ne pas adopter une vitesse de croisière?»

Crus ou cuits, les légumes? «L’important est de les consommer. Si une personne ne veut pas manger un chou-fleur cru, il ne faut pas la braquer en lui disant que s’il est cuit, il est moins intéressant. En général, cru est mieux que cuit et cuit croquant est mieux que trop cuit.»

Comment apprêter les légumes de la liste? Il n’y a pas de spécificité. Son conseil: keep it simple (restez simple). Les légumes secs quant à eux n’ont pas les mêmes propriétés. Moins un aliment est frais, plus son contenu vitaminique diminue.

Le professionnel de la santé souligne encore l’importance de consommer des aliments biologiques. «Les légumes qui ne sont pas bios ont une charge de pesticides augmentée. Comme certains poulets qui sont pleins d’antibiotiques et d’hormones.»


Corinne Jeanmonod Brandt
«Avec la détox, je me sens hyper bien et de bonne humeur»

A 45 ans, Corinne Jeanmonod Brandt est mère de quatre enfants et travaille dans l’accompagnement. Des problèmes de santé, elle n’en connaît pas vraiment. Alors pourquoi faire une détox d’une semaine avec des jus verts? «J’avais découvert le cru avec les recettes d’Amy Webster qui donne des cours à Morges, mais je ne les mettais pas beaucoup en pratique.»

Lorsqu’elle apprend que la conseillère en alimentation organise des détox avec un soutien et des conseils en ligne, elle s’inscrit. «C’était une bonne occasion de remettre le pied à l’étrier et d’introduire un maximum d’aliments frais et non transformés dans toute l’alimentation familiale.» Elle qui se dit gourmande, amatrice de bonne chère et de chocolat, raconte que cette semaine de détox ne lui a pas coûté de grands efforts. «Je n’ai jamais eu faim. Et quand on boit beaucoup de smoothies, on oublie de grignoter.»

Résultat? Une énergie décuplée, une «encore plus grande envie» de se lever le matin, une sensation de légèreté et, pour son mari qui l’a accompagnée dans la détox, une nette diminution des démangeaisons cutanées dues à son psoriasis. «Dans mon entourage, les gens me disaient: «Tu as l’air de bien aller!» Histoire de ne pas perdre les bonnes habitudes, la famille continue de boire des jus frais le matin et tout le long de la journée.

«Désormais, je mets beaucoup de vert dans l’alimentation que je prépare. J’ai remarqué que cela diminue l’envie de grignoter chez tout le monde.»


Patrick Delarive
«Jeûner était une expérience extraordinaire»

Mince, le teint frais et l’œil pétillant, Patrick Delarive, entrepreneur vaudois de 52 ans, raconte l’expérience qui, en juin, a transformé sa vie: dix jours, au sud de l’Espagne, dans une clinique, pour jeûner. «Le bien-être que j’ai ressenti était si puissant que j’en reste encore imprégné aujourd’hui.» Une vie socioprofessionnelle bien remplie, des repas pris au restaurant, le Vaudois qui aime le vin et la bonne chère était, comme il dit, «rouge et joufflu» à 45 ans déjà. Voici sept ou huit ans, il décide de se prendre en main et planifie une thalassothérapie tous les deux ans. «Mais je reprenais du poids. Et la fatigue s’accumulait.»

Son épouse entend parler des cliniques Büchinger. Il s’inscrit et part sans téléphone portable ni ordinateur. Sur place, le programme commence par une visite médicale. Suivent trois repas légers, et c’est le jeûne, avec tout de même 2 décilitres de bouillon léger midi et soir et une cuillère de miel dans une tisane à 16 h. «J’étais un peu angoissé. Je me demandais comment j’allais vivre sans manger.»

Résultat: zéro sensation de faim. Sur place, Patrick Delarive marche quelque 20 kilomètres par jour et fait une heure de sport en salle. Au bout de trois jours, il se rappelle être entré dans «une autre dimension. J’étais dans un tel état de bien-être. J’avais zéro souci et angoisses. La notion de temps avait disparu. Pour la première fois, je ne pensais à rien». De retour à Lausanne, délesté de 5 kilos et de 3500 euros, le prix du séjour, le Vaudois change ses habitudes. Aujourd’hui, il mange plus sainement, soit moins de viande mais plus de légumes. D’autres bonnes résolutions? «J’ai envie de refaire cette expérience. L’an prochain, j’aimerais rester deux semaines.»

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Ebola s’invite à halloween

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Jeudi, 23 Octobre, 2014 - 05:22

Zoom. Une fausse combinaison anticontamination contre le virus Ebola, vendue pour halloween, interpelle les médecins aux Etats-Unis.

Il est en passe de devenir le déguisement in du prochain halloween, la nuit du 31 octobre. Une tenue anticontamination pour les soignants en contact avec le virus Ebola. Plus précisément, une panoplie comprenant un masque à gaz, des gants en caoutchouc et une tenue «de confinement Ebola», vendue 79.99 dollars par la marque Brands on Sale, qui espère en écouler 1000 d’ici la fin du mois. Les bottes ne sont pas livrées avec, précise le site internet.

Pas de doute, il ne s’agit pas de la fin des stocks de costumes inspirés par la série Breaking Bad, qui avaient la cote l’an passé. Les mots «virus Ebola» figurent sur le déguisement et lèvent toute ambiguïté. Brands on Sale promet qu’il sera «littéralement le costume le plus viral de l’année». Ce qui n’est pas du goût de tout le monde, deux femmes étant actuellement atteintes du virus sur le sol américain.

Halloween permet d’exprimer les peurs plus ou moins cachées de la population, et les fabricants n’hésitent pas à s’inspirer directement de l’actualité. Brands on Sale commercialise aussi des «perruques Joan Rivers», inspirées de l’animatrice de télévision décédée le 4 septembre dernier. Et, durant l’accident minier de Copiapó, au Chili, qui avait bloqué 33 mineurs sous terre en 2010, des centaines de casques jaunes avaient été écoulés. Johnathon Weeks, le directeur de la marque, rappelle qu’il s’agit du costume des soignants d’Ebola, et qu’ils ne représentent pas les victimes de la maladie. «Cela ne fait pas de différence avec un costume de pompier ou de médecin», s’est-il justifié.

Pom-pom girl fusillée

En Grande-Bretagne, d’autres déguisements créent la polémique. Ceux d’un joueur de football américain, et d’une pom-pom girl, maculés de faux sang. Le tissu déchiré évoque des impacts de balles. Ils sont en rupture de stock dans les supermarchés Asda, pour la tranche d’âge des 9-12 ans. Une pétition avait été lancée pour les faire retirer de la vente, sans succès.

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Les stars du vin suisse

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Jeudi, 23 Octobre, 2014 - 05:51

Panorama. De Marie-Thérèse Chappaz, première vigneronne people du pays, au Grison Daniel Gantenbein, seul Suisse à figurer sur la carte des vins de l’hôtel 7 étoiles Burj Al Arab à Dubaï, notre pays possède une élite du vin dynamique, créative et portée sur l’excellence. Vingt-cinq véritables stars qui contribuent à donner à ce pan identitaire de notre économie l’aura dont il a besoin.

Les résultats de concours et les classements l’attestent, la qualité des vins suisses est de plus en plus souvent exemplaire. Près de la moitié des crus soumis à la dégustation du prestigieux magazine anglo-saxon Decanter ont obtenu une médaille. Et le Grand Prix du vin suisse, dont les résultats viennent d’être présentés à Berne avec 294 médailles d’or et 605 d’argent (palmarès en page 52), reflète une vitalité extraordinaire. Hélas, cette réalité positive est encore trop peu connue hors de nos frontières. Démonstration avec cette question: «Vous faites aussi du vin en Suisse?» demandait récemment un visiteur d’une foire du vin, à Bordeaux, à une œnologue helvétique.

Vue de l’étranger, la viticulture suisse – 400 millions de chiffre d’affaires annuel, quand même! – reste anecdotique, avec ses 14 833 hectares de vignoble. Tout juste l’équivalent de l’Alsace. S’y ajoute le record mondial de la diversité des cépages: près de deux cents! Une profusion… où les non-initiés se perdent complètement.

La viticulture suisse souffre aussi d’un déficit d’image dans ses propres frontières auprès du grand public. Héritage d’un passé pas toujours glorieux, réactualisé par les récents scandales de coupage. S’y greffe la concurrence des vins «faciles à boire» et bon marché, importés de pays souvent moins regardants sur les réglementations et sur les conditions de travail, mais où les ténors du vin peuvent s’offrir un marketing performant. Et voilà le chasselas de l’apéro remplacé par du prosecco…

Pour contrer cette tendance, la viticulture suisse doit redorer son image. Depuis 2007, Swiss Wine Promotion démultiplie ses actions, avec succès. L’Office des vins vaudois se démarque avec ses voyages au Japon. Puis il y a ces hommes et ces femmes qui se profilent comme les stars du vignoble suisse. Avec l’aide de sommeliers, blogueurs et amateurs éclairés, nous en avons retenu 25 qui sont de véritables locomotives, visibles sur la Toile mondiale, dans les journaux, à la télévision et sur les cartes des vins des meilleurs restaurants du monde entier. La clé du succès aux yeux de Paolo Basso: «Chaque étiquette de bon vin est une carte postale favorable à l’image du pays et de sa viticulture.»


Guido Brivio (TI)
Le top tessinois

Fer de lance de la viticulture tessinoise, élu «Magister elegantiarum» par la Neue Zürcher Zeitung, Guido Brivio, 49 ans, s’est illustré au travers de ses merlots blancs (raisin rouge vinifié en blanc). Formé à Bordeaux et en Californie, il sait que l’union fait la force. En 2001, il s’est associé avec un autre vigneron phare de son canton, Feliciano Gialdi. Ensemble, ils sont les meilleurs ambassadeurs du Tessin viticole, notamment grâce aux compétences de leur œnologue, Freddy de Martin, qui a élaboré parmi les plus fins crus tessinois. Le duo Brivio-Gialdi joue aussi un rôle fédérateur de locomotive, notamment avec le Quattromani, un assemblage de merlots devenu incontournable sur les tables les plus cotées du pays et au-delà.

Madeleine Gay (VS)
Grande dame du vin suisse

C’est Chandra Kurt, influente consultante en vin, qui l’affirme: «Madeleine Gay est la grande dame du vin suisse.» Un titre qui va bien à cette femme à l’authentique distinction, tout en retenue, mais au caractère affirmé. Car Madeleine Gay est une vraie combattante, déterminée et passionnée. Elle fait partie de ces vignerons qui écrivent et/ou réécrivent l’histoire du vin. Jeune déjà, forte de ses expériences à l’étranger, elle a contribué à faire passer le Valais du duo presque exclusif fendant-dôle à l’ère de la baisse des rendements, des assemblages subtils et des cépages inédits. Depuis trente ans, c’est elle qui veille à la créativité chez Provins, le plus gros producteur du pays (10% de la production suisse!) dont elle signe quelques-uns des meilleurs crus.
A la veille de sa retraite, elle continue à cumuler les médailles, au point que son aura se substitue presque à celle de l’entreprise. Vigneronne de l’année en 2008, elle fait aussi partie de l’équipe Provins, Vigneron de l’année 2013. La relève est donc assurée chez Provins, qui, sans Madeleine Gay, a élaboré l’Electus, loué jusque dans les pages du Financial Times.

Jean-René Germanier (VS)
Le lobbyiste talentueux

Avec ce regard toujours serein et ce petit sourire aimable mais jamais ambigu, Jean-René Germanier fédère tous les publics. Un profil idéal pour ce politicien de 56 ans, conseiller national libéral-radical depuis 2003, qui cumule les mandats, les conseils d’administration et les activités. Il défend le vin en lobbyiste de talent, avec sa motion pour une franchise douanière à 5 litres au lieu de 20 notamment. Normal lorsque l’on est œnologue, patron d’une entreprise familiale et historique (Bon Père William). Il la dirige avec son médiatique neveu Gilles Besse, président de Swiss Wine Promotion.

Paolo Basso (TI)
L’ambassadeur vigneron

Il rentre de Milan, où il participe à l’élaboration du pavillon suisse de l’Expo Milano 2015, et s’apprête à repartir pour le Japon, avant de regagner Paris: «Il faut se montrer. Dans un contexte de globalisation, le vin suisse ne peut pas rester dépendant de la seule consommation indigène», explique le Meilleur sommelier du monde 2013. Né en Italie en 1966 – il est double national, Suisse et Italien – Paolo Basso est un ambassadeur hors pair de nos vins. Mandaté par Swiss Wine Promotion, l’organe chargé de faire scintiller l’excellence des vins suisses auprès du public helvétique et étranger, il cumule titres et engagements. Sans pour autant délaisser son commerce de vins, Paolo Basso Wines à Lugano, il enseigne à Changins, vient d’être sollicité par Air France pour élaborer sa carte des vins, fait partie du jury GaultMillau chargé de nommer les 100 meilleurs vignerons suisses et les meilleures cartes de vins suisses… On voit partout sa silhouette fine et élégante, son regard acéré et ses commentaires ciselés. Grande nouvelle: en plus de toutes ses autres activités, Paolo Basso lance son premier vin cet automne: Il Rosso di Chiara, nommé d’après sa fille, qui est rousse. Un assemblage de type bordelais élaboré dans le Mendrisiotto: merlot, cabernet sauvignon et cabernet franc.

Blaise Duboux (VD)
La force tranquille

La revue de presse du président d’Arte Vitis et délégué de la Communauté de la vigne et du vin de Lavaux au comité Lavaux-Unesco est impressionnante. De Gilles Pudlowski aux blogs suisses et anglo-saxons en passant par toute la presse spécialisée, Blaise Duboux apparaît partout. Promu tête d’affiche par Parker (avec Robert Taramarcaz, Pierre-Luc Leyvraz et la Cantina Kopp von der Krone Visini), le talentueux vigneron d’Epesses, l’un des six vignerons partis en Asie ce printemps avec l’Office des vins vaudois, est passionné autant que bon communicateur.

Louis-Philippe Bovard (VD)
Le grand seigneur

Geny Hess, expert alémanique en vins et chroniqueur vedette de la branche, le qualifie de «grand seigneur du vin». Dixième génération du nom, Louis-
Philippe Bovard, 79 ans, a pris la tête du domaine familial en 1983, après des études de droit et d’économie. Pionnier de la culture biodynamique, il est une référence grâce à son mythique chasselas Médinette et à ses crus Salix et Buxus, emblématiques. Initiateur du Conservatoire du chasselas et du Musée de la vigne et du vin, cet amateur de grande cuisine ne peut que se réjouir de retrouver ses crus sur les cartes des meilleurs restaurants en Suisse et à l’étranger.

Raymond Paccot (VD)
L’ami des grands chefs

La Colombe de Raymond Paccot, à Féchy, est une référence. Autre précurseur de la biodynamie, il a été encouragé à l’excellence par son ami Frédy Girardet. Surnommé «magicien du chasselas», il livre des crus tout en fraîcheur et en tension. Un succès continu depuis 1994, quand il gagne la Coupe du chasselas. Sur son initiative, Frédy Girardet, Philippe Rochat et Benoît Violier (pour qui il élabore des crus signature) viennent de concocter un repas à six mains fort médiatisé.

Raoul Cruchon (VD)
Médiatique et créatif

Depuis cent cinquante ans, les Cruchon sont vignerons à Echichens. Avec son père Henri et son frère Michel, Raoul, né en 1960, est aujourd’hui à la tête de l’entreprise familiale. Impliqué dans la promotion des vins et du tourisme de la région de Morges, il a été aussi un précurseur de la biodynamie et un artisan du renouveau du vignoble vaudois. Membre du jury de l’émission de La Télé Les toqués du terroir aux côtés de Denis Martin et de Jean-Charles Simon, on l’a également entendu à la radio avec Les dicodeurs, puis vu avec la délégation de l’Office des vins vaudois en Asie. Son blanc de blanc mousseux ne lui a valu que des éloges.

Daniel Dufaux (VD)
Référence et innovation

«Très vaudois», donc discret, l’œnologue de la maison Henri Badoux à Aigle est aussi président de l’Union suisse des œnologues. Daniel Dufaux joue un vrai rôle d’ambassadeur des vins suisses à l’international. Référence dans son domaine, il s’implique pour redorer le blason des vins Badoux et de l’incroyable blockbuster historique qu’est l’Aigle les Murailles, «son» vin, le premier à avoir été «exporté» en Suisse alémanique puis dans le monde entier.

Christian Vessaz (FR)
Fer de lance du Vully

Depuis que Christian Vessaz veille sur l’historique Cru de l’Hôpital, propriété de la bourgeoisie de Morat à Môtier, le Vully viticole et son traminer, cépage devenu emblématique, ont gagné leurs lettres de noblesse dans la presse. A 37 ans, ce jeune vigneron inspiré est le fer de lance de toute cette région, répartie sur Fribourg et Vaud. Son approche très intellectuelle et passionnée du métier lui confère un rôle de moteur et fédérateur pour la génération montante des vignerons des environs. On lui doit la création de l’AOC Vully. Avec la famille Simonet, il contribue à l’essor de l’écotourisme dans le Vully.

Daniel Gantenbein (GR)
Le champion de l’export

Il exporte ses vins direction Moscou, New York et Londres. On se souvient d’en avoir vu à la carte d’El Bulli. Et on déguste au sommet de l’hôtel Burj Al Arab, à Dubaï, son pinot noir, facturé près de 1000 francs la bouteille.

Daniel Gantenbein fait clairement figure d’exception dans l’univers de la viticulture helvétique: 40% de sa production est vendue au-delà des frontières! Un cas unique qui vaut à ce moustachu à l’air bonhomme, terrien peu porté sur les mondanités et solitaire en affaires, une renommée sans doute encore plus grande en dehors de nos frontières qu’à l’interne. Il n’empêche, en Suisse aussi, les sommeliers des restaurants étoilés s’arrachent ses crus prestigieux. Trois seulement, en fait, et sans nom: pinot noir, chardonnay et riesling, aux étiquettes sobrement griffées «Gantenbein».

A la qualité de ses vins répond la beauté architecturale de son chai aux lignes contemporaines et aux espaces d’une renversante beauté. De quoi alimenter les colonnes de la presse du monde entier qui, dans la foulée, s’accorde à chanter les louanges de ce vigneron considéré comme une référence absolue. Une sorte de miracle, puisque ce mécanicien de formation et son épouse Martha se sont convertis à la vigne en autodidactes. Mais avec d’emblée le dessein de réaliser des crus comparables aux meilleurs vins bourguignons. Mission accomplie!

Michel-Olivier Schurch (NE)
Précurseur et pertinent

Présents sur la carte des vins de la majorité des meilleures tables de Suisse romande, les vins du domaine de la Grillette, à Cressier, sont griffés Michel-Olivier Schurch. Ce vigneron dynamique, sûr de lui et ouvert d’esprit joue volontiers les précurseurs. Mais jamais gratuitement. Son passage à la biodynamie et sa limitation drastique des rendements ont fait parler de lui. Mais ce sont surtout ses expériences en matière de cépages inédits dans la région, comme le merlot ou le malbec, qui lui valent les honneurs de la presse. Son chasselas élevé sur lies est mentionné au guide Hachette.

Thierry Grosjean (NE)
Le roi des rosés suisses

Le Château d’Auvernier, c’est l’emblème du vignoble neuchâtelois que tous les Suisses connaissent. Pour son œil-de-perdrix en particulier. Thierry Grosjean, ex-conseiller d’Etat PLR, est à la tête de cette entreprise familiale installée depuis quatre cents ans dans l’un des plus beaux édifices médiévaux de la région. Ses vins accumulent les distinctions et les médailles.

Jacques Tatasciore (NE)
Des pinots d’exception

On peut être peu diplomate mais néanmoins ambassadeur de l’excellence. C’est le cas de Jacques Tatasciore, économiste devenu vigneron trublion qui ne met en vente que des vins signature, des pinots noirs régulièrement comparés à des premiers crus bourguignons. Une qualité rare que seuls ceux du domaine de Chambleau viennent concurrencer dans le canton.

Martin Hubacher (BE)
Monsieur «Porto» biennois

Méconnu en Suisse romande, le Johanniterkeller, qui survole le lac de Bienne, apparaît comme une référence dans les médias alémaniques et auprès des blogueurs spécialisés. Moteur dans la région des Trois-Lacs, Martin Hubacher s’est associé avec Lukas Hasler pour élaborer un pinot noir d’exception, Bene, et il a lancé un «porto»… à base de pinot noir et de vin distillé de 1982!

Marie-Thérèse
Chappaz (VS)

Le regard azuré qui voit loin A 54 ans, Marie-Thérèse Chappaz est certainement la seule vigneronne suisse dont tout le monde connaît le nom. Et le regard bleu électrique qui rend inoubliables les étiquettes de ses incroyables vins doux: ermitage, arvine, et malvoisie Grain Noble. Dans le cercle des professionnels, on lui témoigne un profond respect pour son engagement précurseur à plus d’un titre: dans les années 80 et 90, elle a été l’une des premières femmes à se profiler dans un univers alors encore très masculin. Elle a ensuite joué un rôle moteur dans l’évolution qualitative des vins suisses, n’hésitant pas à bousculer les habitudes. Elle s’est enfin distinguée en championne de la biodynamie, une voie suivie par la nouvelle génération des vignerons les plus en vue. Ses vins connaissent un succès planétaire, même s’ils ne sont quasi jamais présentés en concours, puisque épuisés aussitôt mis en vente.

Cette star n’en demeure pas moins attachée à sa terre, n’hésitant pas à quitter une soirée de gala pour aller traiter la vigne. Elle fait aussi partie, avec Stéphane Gay, des initiateurs de la charte Grain Noble ConfidenCiel, groupement voué à la valorisation des vins surmaturés valaisans. Ses neuf hectares de vignes produisent aussi des rouges qui forcent l’admiration, souvent des cépages inédits dans la région. Et dire que Marie-Thérèse Chappaz voulait devenir sage-femme…

Martin Donatsch (GR)
D’égal à égal avec les grands de Bourgogne

Les vins du Weingut Donatsch, à Malans, dans les Grisons, sont parmi les plus connus de Suisse. A l’immense humilité de Martin Donatsch répond une gamme de vins exceptionnels qui valent à leur auteur un rayonnement rarement égalé, grâce à son Completer extraordinaire, son Passion qui rivalise avec les premiers crus de Bourgogne ou son Unique, «encore un cran au-
dessus». Et ce sont des spécialistes bourguignons qui l’affirment!

Irene Grünfelder (GR)
De l’école à la viticulture

Dans un milieu où les femmes restent minoritaires, le parcours d’Irene Grünfelder est atypique autant qu’exemplaire. Enseignante, elle a changé de cap parce que son époux possédait près de Jenins un terrain idéal pour la vigne. «J’ai fait de ma passion mon métier», explique cette mère de deux enfants très médiatisée. Aujourd’hui, le Weingut Eichholz collectionne les prix en Suisse et surtout en Allemagne où Irene Grünfelder fait un vrai travail d’ambassadrice. Comme Donatsch et Fromm, elle fait partie de Vinotiv, cercle de vignerons grisons visant à promouvoir l’excellence.

Georg Fromm (GR)
De Malans à Swiss

Ce gars à l’air modeste appartient pourtant à l’élite suisse. Drôle et ouvert, Georg Fromm accumule les succès et les mentions. Surtout depuis qu’il a développé un domaine viticole en Nouvelle-Zélande, revendu depuis. Comme Gantenbein, il valorise l’image des vins suisses à l’étranger, notamment sur les vols Swiss où l’on sert son pinot noir de Malans.

Ruedi Baumann (SH)
L’emblème de Schaffhouse

Leader du vignoble de Schaffhouse, à Oberhallau, Ruedi Baumann apparaît comme un vigneron phare dans la presse alémanique, notamment grâce à la qualité de son pinot noir haut de gamme R ou le célèbre Zwaa (qui veut dire deux, car il l’élabore avec Michael Meyer). Ce producteur, qui est l’un des seuls du canton à vinifier hors coopérative, s’investit pour faire connaître les vins alémaniques. Et fut l’invité de Jérôme Aké Béda en avril à l’Auberge de l’Onde à Saint-Saphorin.

Martin Wolfer (TG)
Champion du pinot 2013

Le jeune prodige de Weinfelden (32 ans), médaille d’or au Mondial du pinot l’année passée, appartient à la nouvelle génération des vignerons alémaniques. Il est le premier de la famille à avoir inscrit ses vins à des concours, après avoir intégré le vignoble familial (quatrième génération) au retour de voyages de formation en Tasmanie et en Australie. Les vins des Wolfer – ils sont cinq à travailler ensemble et à réaliser sept crus – font l’unanimité.

Urs Pircher (ZU)
Locomotive zurichoise

Premier champion du monde au Mondial du pinot en 2009, Urs Pircher passe pour la locomotive zurichoise. Avec Georg Fromm et Daniel Gantenbein, ce natif de 1956 fait partie de la génération des pionniers du renouveau de la viticulture alémanique. Dans son vignoble qui surplombe le Rhin, à Eglisau, il développe des crus ciselés. Après avoir cru au pinot noir dans les vignobles zurichois, il brille grâce à son raüschling et à son pinot gris.

Jean-Michel Novelle (GE)
Créatif et mondial

Lorsque l’on «googlise» Jean-Michel Novelle, ce sont des sites de référence allemands, belges, français et anglo-saxons qui louent les crus du domaine du Grand Clos (Fruit noir, Empreinte, Pégase…) et suivent le vigneron de Satigny devenu consultant dans le monde entier, du Chili en Ardèche. Il y a trente ans déjà, la presse encensait ce pionnier franc-tireur qui a contribué à sortir le vignoble genevois de l’image peu valorisante qui lui collait à la peau.

Emilienne Hutin (GE)
Question de génération

Au domaine Les Hutins, à Dardagny, le passage d’une génération à l’autre se fait en douceur. Emilienne Hutin travaille avec son père pour produire 27 vins (!) emblématiques de leurs cépages et très aboutis. Avisée en affaires autant qu’à la vigne, elle s’est forgé un beau renom en Suisse alémanique où la presse salue le travail de cette femme déterminée et innovante, notamment dans le cadre de la Mémoire des vins suisses et de l’Esprit de Genève.

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Grand Prix du vin 2014

Et les gagnants sont… Plus de 2800 vins de 520 producteurs ont été soumis au jury de la 8e édition du Grand Prix du vin suisse organisée par l’association Vinea. «L’Hebdo» vous livre les trois lauréats de chacune des douze catégories du seul concours national existant.

PREMIERS PRIX

Mousseux

Auguste Chevalley
Cidis-Uvavins

L’effervescence est bonne. Le nez sur des notes citronnées, de fruits blancs et de poire. Un vin tout en fraîcheur avec une finale un peu saline. Un vrai vin de fête!

Müller-Thurgau

Müller-Thurgau Auslese 2013
Weingut Lindenhof

Que de finesse dans ce nez typé à la fois floral et exotique! Belle race et bel équilibre en bouche. De la longueur et une légère douceur.

Assemblages Blancs

Cuvée Mme Rosmarie Mathier 2013
Nouveau Salquenen

Un nez complexe  qui évoque la confiture de reine-claude et le miel d’acacia. En bouche, c’est gras, racé et de belle longueur avec une petite pointe de douceur.

Pinot Noir

Pinot Rhein 2011
Pinot Rhein

Robe rubis avec quelques nuances d’évolution. Nez de fruits noirs bien mûrs et de bois précieux. En bouche, de la race, de l’élégance et encore un peu d’austérité qui va s’atténuer avec le temps.

Merlot

Merlot l’Orpailleur 2013
Frédéric Dumoulin

Une robe rubis soutenue. Le bouquet est complexe sur les fruits noirs (prune) ainsi que des notes balsamiques et épicées. Belle race et bel équilibre en bouche avec des tanins veloutés.

Autres Cépages Rouges Purs

Humagne Rouge de Leytron 2012
Cave Gilbert Devayes

Le bouquet très fin rappelle la violette et la fraise des bois. La bouche est souple, racée, avec une finale tout en fraîcheur!

Chasselas

Les Mazots, Fendant de Sion 2013 Maurice Gay
Robe or pâle. Nez typé fleur de tilleul, citron, acacia. Bouche tout en fraîcheur dans la pureté et la finesse. Très belle expression fine et droite.

Autres cépages Blancs

Johannisberg 2013
Cave Ardévaz

Un bouquet de fruits blancs teinté de quelques nuances truffées. Belle fraîcheur en bouche et petite amertume finale très caractéristique du cépage.

Rosés et Blancs de noirs

Œil-de-Perdrix 2013
Engel Vins

Robe pelure d’oignons aux reflets orangés chatoyants. Nez de mirabelle et de fruits jaunes. En bouche, il conjugue harmonieusement la structure, la fraîcheur, l’élégance et une longue persistance aromatique.

Gamay

To Die For 2013
Vin d’œuvre

La robe est grenat intense. Le bouquet nécessite une petite aération et dévoile ensuite de la complexité: pruneau, cerise noire, encre et même une petite touche animale. En bouche, c’est imposant et structuré.

Assemblages Rouges

Puissance Cinq 2012 Domaine
La Combaz

Robe grenat très dense. Un nez de fruits noirs, d’épices et de cigare. Au palais, c’est dense, harmonieux et l’on termine sur une longue finale de cacao. Très joli. Encore un peu jeune, mais promis à un bel avenir!

Vins avec sucres résiduels
dès 8 g/l de sucre

Amigne Grand Cru de Vétroz 2013
Les Celliers de Vétroz

Robe or pâle aux reflets dorés. Nez fin de pêche jaune et d’abricot. Au palais, la sucrosité est en équilibre avec une tension bien présente. Vin harmonieux à déguster sur un filet mignon de veau à la crème.

DEUXIEMES PRIX

Mousseux

Brut Marendaz Impérial, méthode traditionnelle
Cave de la Combe
La bulle est fine et crémeuse. On identifie au nez comme en bouche les fruits mûrs (prune) ainsi que des notes briochées. Très expressif. Le plus typé champagne. Son équilibre est magnifique!

Müller-Thurgau

Spiezer Riesling-Sylvaner 2013
Rebbau-Genossen-schaft Spiez
Couleur or pâle aux reflets verts. Nez typé et expressif sur le bourgeon de cassis. En bouche, de la fraîcheur, du gras et une pointe de sucre.

Assemblages Blancs

Chevalier Blanc 2012
Vins des Chevaliers
Jolie robe dorée. Le nez complexe rappelle à la fois les fruits blancs, les fleurs, les épices, le pain et le pamplemousse. En bouche, c’est tout aussi exubérant et puissant, tout en restant racé.

Pinot

Pinot Noir Salquenen 2013
Cave Fernand Cina
Un nez complexe de fruits noirs et de griotte. En bouche, c’est puissant (alcool) et long, tout en restant racé.

Noir Merlot

‘Na Tronadariserva 2011
Enoteca della Salute
Bouquet vanillé, actuellement très axé élevage. On retrouve ces notes en bouche qui se révèlent racées avec des tanins soyeux. Le bois est omniprésent, mais va se fondre d’ici à 3-4 ans. Le plus bordelais des trois!

Autres Cépages Rouges Purs

Gamaret Barrique, Château Rochefort, Allaman Grand Cru 2011
Ville de Lausanne
Nez complexe de fruits noirs, poivron, eucalyptus, girofle, cardamome, réglisse. La bouche est magnifique, les tanins encore fermes. A laisser reposer 3-5 ans.

Chasselas

Domaine le Petit Cottens, Grand Cru de Luins 2013
Domaine le Petit Cottens
Robe jaune clair. Nez discret, floral, silex. La bouche est droite et ciselée avec de la tension et un carbonique bien présent. Finale sur la minéralité.

Autres cépages Blancs

Les Solistes, Pinot Gris Ollon 2013
Artisans vignerons Ollon
Un nez de pêche blanche avec quelques notes beurrées et vanillées. En bouche, c’est ample avec une longue persistance aromatique.

Rosés et Blancs de noirs

Wall Bianco Wallisellen 2013
Gemeinde Wallisellen
Robe blanc pâle aux reflets verts. Le bouquet évoque les fruits rouges, la framboise en particulier. En bouche, les arômes se font plus discrets et l’on termine sur une petite touche de douceur.

Gamay

Gamay 2013 Cave
Saint-Georges

Robe grenat. Le nez typé évoque un panier de fruits rouges et noirs. Au palais, c’est souple, racé et harmonieux.

Assemblages Rouges

Collina d’Ora-Agra 2012
Fattoria Mon-cucchetto
Robe d’encre. Nez de fruits noirs, pain grillé et tabac, ainsi que quelques notes boisées balsamiques. La bouche est dense, compacte, encore un peu austère. Magnifique promesse d’ici à 7-10 ans.

Vins avec sucres résiduels
dès 8 g/l de sucre

Amigne Nobles Cépages 2013 
Charles Bonvin
Le bouquet évoque les fruits estivaux comme l’abricot, mais également les fruits plus exotiques tels que la mangue et l’orange. En bouche, c’est harmonieux et équilibré. Idéal sur une tarte aux abricots.

TROISIEMES PRIX

Mousseux

Bertrand de Mestral
Brut
Cidis-Uvavins
Une robe or pâle aux reflets verts. Le nez rappelle les agrumes (zeste de citron), les fleurs et une petite note de miel d’acacia. C’est gras, complexe et très élégant en bouche.

Müller-Thurgau

Lampert’s Riesling-Sylvaner 2013
Lampert’s Weingut Heidelberg
Un bouquet sur les fruits blancs, les fruits exotiques et les fleurs blanches, le tout teinté de notes épicées discrètes et élégantes. En bouche, c’est gras et racé.

Assemblages Blancs

Grand’Cour Blanc 2013
Domaine Grand’Cour
Robe dorée très pâle. Le bouquet complexe et exotique évoque les fruits de la passion, le litchi et la pêche. Belle finesse en bouche. L’ensemble est racé avec une pointe vanillée.

Pinot Noir

Pinot Noir Pur Sang 2011 
Caves de Chambleau
Robe grenat de belle tenue. Le nez évoque les fruits rouges, les épices et la garrigue. L’attaque est fraîche, le corps et la race magnifiques avec un petit côté résineux camphré. Remarquable maîtrise de l’élevage!

Merlot

Lenéo Riserva 2011
Fratelli Corti
Nez encore un peu fermé, mais qui s’ouvre après carafage. On décèle alors une symphonie de fruits noirs, encens, garrigue, notes balsamiques, épices et cuir. Bouche soyeuse, racée. Très beau vin.

Autres Cépages Rouges Purs

Cornalin de Sion 2012
Cave Sainte-Anne Héritier-Favre
Robe très dense opaque. Nez très animal, presque viandé. Belle race en bouche avec des tanins soyeux et une belle complexité aromatique. A carafer impérativement! Ce vin a besoin d’air pour donner le meilleur de lui-même!

Chasselas

Chasselas Réserve du Domaine 2013
Domaine des Molards
Nez citronné, zestes d’agrumes. En bouche, du citron confit et des fruits mûrs, ainsi que du corps et du gras. Beaucoup de puissance dans ce chasselas et une longue finale.

Autres cépages Blancs

Heida 2013
Albert Mathier  & Söhne
Nez ample sur la mirabelle et la pêche blanche. En bouche, c’est complexe, ample, mais bien équilibré par une tension rafraîchissante. Un vin à marier avec des volailles à chair fine comme la poularde ou le chapon.

 

Rosés et Blancs de noirs

Pinot Noir Rosé 2013
Aagne Famille Gysel
La robe vieux rose rappelle celle d’un clairet. Le nez évoque les fruits d’été tels que la pêche, la nectarine ou le melon. En bouche, c’est à la fois vif et volumineux! Un vrai vin estival!

Gamay

Pinot Noir Rosé 2013
Aagne Famille Gysel
La robe vieux rose rappelle celle d’un clairet. Le nez évoque les fruits d’été tels que la pêche, la nectarine ou le melon. En bouche, c’est à la fois vif et volumineux! Un vrai vin estival!

Assemblages Rouges

Chardonne Cardona 2012
Domaine Jean-François Neyroud Fonjallaz
Nez tout en fruits sur les fruits noirs, les griottes et les épices. En bouche, c’est rond, souple et harmonieux. Un vrai plaisir fruité!

Vins avec sucres résiduels
dès 8 g/l de sucre

Viognier de Corin 2013
Cave de Bretton
Robe dorée aux reflets verts. Le bouquet est typé sur les prunes blanches et la nectarine. Au palais, c’est ample et harmonieux. On termine sur une petite amertume positive qui prolonge la longueur du vin en bouche.


Plus de 2800 vins de 520 producteurs ont été soumis au jury de la 8e édition du Grand Prix du vin suisse organisée par l’association Vinea. Cent soixante dégustateurs ont désigné les meilleurs parmi 420 chasselas, 530 autres cépages blancs purs, 370 pinots et 450 vins d’assemblage. Cette édition confirme le niveau de qualité des crus du pays puisque plus de 10% ont décroché une médaille d’or. La répartition de cette plus haute distinction reflète l’importance des régions de production, avec le canton du Valais qui obtient 133 médailles d’or, suivi de Vaud (71), du Tessin (20), des Grisons (15), de Zurich (13), de Genève (11) et enfin de Neuchâtel (9). Par ailleurs, le titre de «Cave de l’année» est attribué à Charles Bonvin à Sion, le prix Bio au Gamaret Barrique Château Rochefort, Allaman Grand Cru 2011 de la Ville de Lausanne, le prix Vinissimo blanc à Maurice Gay à Chamoson pour son Fendant de Sion 2013 Les Mazots et le prix Vinissimo rouge à la ville de Loèche pour son Vin d’œuvre To Die For 2013.

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Illustration originale Igor Kravarik
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Savannah, le félin d’appartement

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Jeudi, 23 Octobre, 2014 - 05:52

Zoom. Née aux Etats-Unis, une nouvelle race de chat hybride connaît un certain engouement en Suisse. Une attirance qui a un coût: entre 1800 et 25 000 francs l’animal.

Céline Bilardo

«Ils sont élancés, ils ont une petite tête, de grandes oreilles et la robe tachetée comme le félin dont ils sont issus, le serval. Vous verrez par vous-même, ils sont encore plus beaux en vrai!» Le rendez-vous est pris à Sion, dans la petite chatterie de savannah ouverte depuis un an par Céline Garin et Justine Aymon. Ces deux jeunes femmes de 27 ans sont tombées amoureuses de cette nouvelle race hybride il y a trois ans. «Nous avons craqué pour sa beauté, mais surtout pour son caractère. Et nous avons rapidement voulu partager notre passion.» Plus grand chat domestique au monde selon le Livre des records, le savannah peut mesurer jusqu’à 60 cm au garrot, soit près de deux fois la taille d’un chat domestique «classique», et peser entre 7 et 14 kg à l’âge adulte.

«Entre un chien et un chat»

Né aux Etats-Unis en 1986 du croisement entre un chat sauvage venu d’Afrique, le serval, et un chat domestique (la légende parle d’un siamois), le savannah est souvent décrit comme intelligent et très doux. «Il est un bon compromis entre un chien et un chat: notre mâle Gibbs, par exemple, cherche le jeu, gratte à la porte, ramène les jouets qu’on lui lance, vous suit un peu partout… et, au contraire des autres chats domestiques, il aime bien l’eau», raconte l’éleveuse. Le félin aux couleurs argent et blanc, qu’il vaut mieux tenir en laisse, revêt les traits caractéristiques de son ancêtre. Seule sa force combattante semble fragile. Céline Garin admet qu’il faut lui accorder une attention particulière: «Si un savannah tombe malade, il s’isolera et perdra vite du poids. La rapidité de prise en charge est donc essentielle pour sa survie.»

L’attirance pour cette jeune race a un coût. Céline Garin et Justine Aymon ont acheté leurs chats en France pour 4000 euros. Et vendent cependant les chatons à des prix moins élevés, entre 1800 et 3200 francs. «La valeur d’un savannah se mesure par son degré de ressemblance au serval. Plus il y ressemble, en termes de robe et de gabarit, plus le montant grimpe, explique le Lucernois Pascal Gilli, premier éleveur de savannah en Suisse, qui en possède plus de dix-huit. Et si le chat est destiné à la reproduction, le montant peut s’élever à plus de 25 000 francs.»

Soumis à la loi

La loi suisse est très stricte vis-à-vis des savannah. «Leur détention est soumise à une autorisation cantonale, rappelle Nathalie Rochat, porte-parole de l’Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (OSAV). Seuls les savannah qui n’ont pas d’ancêtre sauvage dans les trois générations qui les précèdent sont considérés comme animaux de compagnie et ne demandent pas d’autorisation de détention. Pour l’élevage, l’autorisation cantonale est dans tous les cas obligatoire.» Cette norme vaut aussi pour les autres chats hybrides devenus populaires en Suisse, tels que l’ocicat, le bengal (chat-léopard), le caracat ou encore le chausie, tous arborant les couleurs et pelages de chats sauvages d’Afrique ou d’Asie.

Dennis C. Turner, éthologue, spécialiste des chats et chargé d’enseignement à l’Université de Zurich, note un intérêt grandissant pour ces chats exotiques en Suisse et en Suisse romande: «Les gens recherchent un chat qui ressemble à un félin et qui se laisse tout de même caresser. Les petites taches noires que le savannah tient du chat sauvage sont très appréciées.» Le spécialiste remarque toutefois que celles-ci s’estompent de génération en génération. Pas de quoi freiner l’engouement des futurs propriétaires: la liste d’attente s’allonge pour la chatterie valaisanne. Pour l’instant, elle est la seule reconnue en Suisse romande, mais Céline Garin est sûre que «les chatteries de savannah ne tarderont pas à se développer dans les années à venir».

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Plaider pour les musulmans

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Jeudi, 23 Octobre, 2014 - 05:54

Polémique. Face à la montée de l’islamophobie en France, Edwy Plenel publie un petit livre salutaire. Le journaliste, cofondateur de «Mediapart», affirme avec force que la haine développée à l’encontre d’une minorité finit toujours en rejet de la démocratie.

A tous ceux que saisit parfois un haut-le-cœur à la lecture de commentaires haineux sur les réseaux sociaux ou les sites des journaux, les 135 pages qu’a écrites Edwy Plenel Pour les musulmans seront un baume. Alors que l’islamophobie se banalise, le journaliste, ancien directeur de la rédaction du Monde et cofondateur de Mediapart, ose s’indigner, s’insurger et prendre la défense des Français qui ont pour religion l’islam, comme d’autres sont catholiques, protestants ou juifs. Il refuse d’essentialiser une communauté, et de voir dans chaque jeune de banlieue d’origine maghrébine un Mohamed Merah ou un Mehdi Nemmouche en puissance.

Edwy Plenel écrit pour les Français, mais les Suisses le liront utilement cinq ans après le vote sur l’interdiction des minarets, qui n’a eu d’effet que protestataire et n’a pas empêché l’émergence de volontaires djihadistes au cœur du réduit alpin.

Son plaidoyer suscite dans l’Hexagone d’intenses polémiques. D’abord parce que, dès la première ligne, Plenel attaque le philosophe, et désormais «immortel» membre de l’Académie française, Alain Finkielkraut dénonçant un «problème de l’islam en France» et un «souci de civilisation». Ensuite parce qu’il est caricaturalement opposé au polémiste Eric Zemmour qui vient de publier Le suicide français, un ouvrage réhabilitant avec une goguenardise satisfaite le pétainisme.

Au-delà des passes d’armes, que dit Plenel de si rare et de si provocant? L’agitation de la question religieuse est une diversion des questions démocratiques et sociales. Les passions xénophobes sont suscitées par «ceux d’en haut». Les élites de droite comme de gauche (Valls ne valant en la matière pas mieux que Sarkozy) font des musulmans des boucs émissaires, comme jadis les juifs. Le racisme est devenu bienséant, même s’il se met au goût du jour: Marine Le Pen pourfend ainsi l’antisémitisme pour mieux tomber dans l’islamophobie.

L’auteur a trouvé le titre de son ouvrage chez Emile Zola. Deux ans avant son célèbre J’accuse prenant fait et cause pour Dreyfus, l’écrivain avait publié un Pour les juifs dans lequel il ne mentionnait même pas le capitaine accusé à tort de trahison. Il y notait avec une prescience troublante les dangers de la stigmatisation et de l’exclusion qui peuvent conduire les victimes à la révolte: «On finit par créer un danger, en criant chaque matin qu’il existe, avertit Zola. A force de montrer au peuple un épouvantail, on crée le monstre réel.»

Le rejet des musulmans, avance Plenel, est aussi le retour du refoulé: la France n’a pas fait le deuil de son imaginaire colonial. Nombreux sont ceux qui croient encore à la supériorité de la civilisation européenne, sans même plus percevoir que leur croyance implique le racisme biologique et son sinistre cortège de sous-hommes. «La France, écrit-il, n’arrive pas à assumer notre nation telle qu’elle est devenue, telle qu’elle vit et qu’elle travaille, telle qu’elle grandit et s’épanouit. Plutôt que d’allumer des phares pour éclairer le futur qui s’y invente, ceux qui nous gouvernent ne regardent que dans le rétroviseur d’un passé révolu. Entendant le mot «multiculturalisme», qui n’est que le constat de la diversité française et de la richesse des relations qui s’y nouent, ils s’effraient d’un «communautarisme» supposé destructeur auquel ils opposent, avec un empressement affolé, le bouclier d’un laïcisme crispé, infidèle à la laïcité originelle.»

Actualité tragique

Nous manquons d’empathie et nous avons perdu l’envie de comprendre les autres, note le journaliste, qui cite Sartre et ses Réflexions sur la question juive, pour plaider l’inclusion des musulmans dans la communauté nationale: tous ceux qui sont «solidaires de l’entreprise nationale ont droit de regard sur elle, sont citoyens». A cet égard, Pour les musulmans aurait aussi pu s’intituler Pour la République, Pour les valeurs humanistes ou Pour la démocratie. Le temps presse, car derrière la haine des juifs puis des musulmans pointe celle des Roms, des homosexuels, des familles non traditionnelles, des femmes émancipées… Surtout, la haine des autres finit toujours en rejet de la démocratie.

Son plaidoyer est noble, mais l’adhésion à son discours est troublée par une actualité tragique. Quand on lui demande ce qu’il faut faire face à des Merah et Nemmouche qui assassinent des juifs, face aux djihadistes qui décapitent un promeneur ou des journalistes, Edwy Plenel ne se démonte pas, raconte patiemment trente ans de guerres et d’erreurs de l’Occident au Proche et au Moyen-Orient. «Comprendre n’est pas excuser ni justifier», répète-t-il. Mais les monstres dont Zola redoutait l’émergence sont lâchés. Dès lors, il faut autant s’employer à résoudre les conflits là-bas qu’à ne pas susciter de nouvelles vocations ici.

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Yves Daccord: "Au Proche-Orient, la crise s’annonce longue. Des pays vont disparaître, d’autres se créer."

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Jeudi, 23 Octobre, 2014 - 05:55

Interview. Des conflits toujours plus violents. Une technologie quasi omniprésente. Et bientôt un TripAdvisor de l’aide humanitaire? L’analyse du patron du CICR.

Propos recueillis par  Alain Jeannet et Sou’al Hemma

L’Ukraine, la Syrie, l’Irak... L’actualité est truffée de situations de crise, dont les acteurs se montrent toujours plus violents et intolérants envers les observateurs extérieurs, notamment les humanitaires. Comment le CICR s’adapte-t-il à ces bouleversements pour continuer à assumer ses missions?

Les délégués du CICR ont rendu visite à Abou Bakr al-Baghdadi alors qu’il était prisonnier des Américains au camp de Bucca, en Irak, entre 2005 et 2009. Ce qui vous donne une compréhension assez unique de l’EI (Etat islamique) et de son leader...

Je ne parlerais pas seulement de la tête de l’EI mais, plus largement, de ce qu’il représente dans cette région. En Irak plus qu’en Syrie, d’ailleurs. Parce que nous avons dans ce pays des liens qui datent d’avant la création de l’EI. Depuis presque trente ans, nous assistons à l’évolution de la situation, jusqu’à voir ce groupe prendre le contrôle d’un territoire et d’une population de quelque 8 millions de personnes grâce, notamment, à des alliances avec des tribus sunnites, groupes ex-baasites ou autres.

Comment qualifieriez-vous les liens que vous entretenez avec l’EI?

Il s’agit principalement de liens indirects au niveau du terrain, avec ceux qui contrôlent les villes, les hôpitaux… Et non de contacts directs avec le sommet de la hiérarchie.

Ces protagonistes respectent-ils le droit international humanitaire?

Le droit humanitaire au sens large n’est pas respecté en Irak ou en Syrie. En revanche, certains de ces groupes armés comprennent les besoins de la population. Dans certains cas, ils sont par exemple prêts à accepter la mise sur pied d’une infrastructure médicale.

Et pourtant ils égorgent leurs ennemis face caméra…

Je suis, comme vous, frappé par ce paradoxe. A la base, ils comprennent les besoins humanitaires de la population. Et, dans le même temps, ils se montrent toujours plus sophistiqués dans la mise en scène symbolique de leur éventuel irrespect radical du droit humanitaire. Ils ne sont pas les seuls. Parfois, les gouvernements ne procèdent pas autrement. Regardez la Syrie: dès les premiers jours, les parties au conflit des deux côtés ont clairement choisi comme stratégie de mettre la pression sur le système hospitalier du pays.

Quelles conséquences sur votre manière de travailler?

Il nous faut réfléchir davantage qu’auparavant à ce que recouvre cette notion de «proximité» qui nous dirige. Pourquoi cultiver des liens directs avec les personnes affectées? D’abord pour mieux comprendre leurs besoins. Mais aussi parce que notre connaissance du terrain et notre présence fondent notre légitimité.

Pratiquement?

Nous avons dû revoir notre fonctionnement. Nous ne pouvons par exemple plus exposer des délégués français, belges ou jordaniens en Irak. Pour la simple et bonne raison que leurs pays respectifs ont pris position contre l’EI. Et cela même s’ils sont des délégués du CICR qui reste par nature neutre et impartial.

La proportion de délégués suisses?

Elle reste importante, même si la proportion diminue par rapport à l’ensemble de nos collaborateurs, qui s’internationalise. Actuellement, sur un total de 13 500 collaborateurs, 1900 sont des internationaux. Dont un peu plus de 30% ont le passeport suisse. Le poids des collaborateurs dits résidents, lui, est en constante augmentation.

Proche du terrain, en contact avec toutes les parties des conflits, le CICR détient des informations précieuses et susceptibles d’intéresser la NSA, les services de renseignement. Bref, êtes-vous une cible pour les espions?

Certainement. Mais nous partons du principe que nous n’avons rien à cacher. A l’exception des informations concernant les détenus auxquels nous rendons visite, leurs familles et, de manière plus générale, les personnes que nous cherchons à protéger dans le cadre de nos missions. Ces données, nous mettons un point d’honneur à les garder strictement secrètes.

Comment?

Je ne peux pas vous le dire dans le détail. Ce que je peux vous dire en revanche, c’est que nous avons inversé notre politique: par le passé, tout était confidentiel. Sauf ce que nous divulguions. Aujourd’hui, nous partons du principe que tout est public. Excepté ce que nous décidons de garder confidentiel. Ce qui implique évidemment une bonne compréhension et la maîtrise des nouveaux moyens de communication – réseaux sociaux, internet mobile, etc.

Vous avez parlé récemment de la possible création d’une sorte de TripAdvisor de l’aide humanitaire, c’est votre expression. Une provocation?

Nullement. Nous, les organisations humanitaires en général, sommes toujours plus considérées comme des fournisseurs de services par les personnes affectées. Laissez-moi vous raconter une expérience faite en Somalie l’an passé, lorsqu’un ouragan a frappé le pays, deux jours avant que le typhon Haiyan ravage les Philippines. Nos équipes se sont déployées sur le terrain. Première remarque lorsqu’elles débarquent auprès des communautés touchées: «Vous êtes en retard!» Nous avions en effet mis trois jours à les atteindre, contre vingt-quatre heures pour les victimes du typhon aux Philippines.

Vous plaisantez?

Non. Ils s’étaient informés en temps réel sur notre intervention à l’autre bout du monde grâce à leur téléphone mobile. Voilà pourquoi je ne serais pas étonné qu’émergent des plateformes qui permettent d’évaluer, par les bénéficiaires eux-mêmes, la qualité des services des organisations humanitaires selon des critères de rapidité, d’efficacité et, surtout, de proximité.

Le métier de délégué du CICR est-il devenu plus dangereux ces dernières années?

Je ne pense pas, même si les événements récents peuvent donner cette impression. A l’époque, les délégués prenaient autant de risques. Mais ils étaient beaucoup moins nombreux sur le terrain. Un chiffre: notre budget annuel d’il y a trente ans correspondait à la somme que nous dépensons actuellement en une seule semaine!

Qu’est-ce qui a changé?

Les acteurs des conflits ont tendance à ne plus tolérer d’observateurs extérieurs. C’est vrai pour les humanitaires. Et aussi pour les journalistes. Prenez l’exemple, justement, des territoires contrôlés par le groupe Etat islamique: plus aucun journaliste indépendant ne les couvre. Voilà pourquoi il est d’autant plus important pour nous de faire les bons choix de personnes pour ces contacts avec les groupes armés.

A la suite du décès tragique de Laurent Du Pasquier à Donetsk, vous avez retiré le staff d’expatriés mais laissé sur place les résidents. Deux poids, deux mesures?

Non. Nous avons retiré tous nos collègues de Donetsk pour faire le point de la situation et comprendre ce qui s’était passé. Une précision, toutefois, sur notre politique en matière de sécurité de nos collaborateurs. Ce n’est pas le siège à Genève qui prend les décisions, mais les responsables sur le terrain. En l’occurrence notre chef de délégation à Kiev. Je dis cela parce que d’autres organisations, comme l’ONU, ont pris le chemin inverse, celui de la centralisation.

En savez-vous plus aujourd’hui sur les responsables de la mort de Laurent Du Pasquier?

Non. Et ce sera difficile de connaître exactement les responsabilités même si nous mettons tout en œuvre pour comprendre précisément ce qui a mené à la mort de Laurent.

L’Ukraine, la Syrie, l’Irak… Quelle sera à l’avenir l’importance de chacun de ces pays pour le CICR?

L’Ukraine, c’est un nouveau contexte pour nous. Un engagement important, le huitième en termes de moyens avec plus de 200 collaborateurs, dont 150 résidents. L’objectif est de chercher à répondre au mieux à la crise humanitaire en Ukraine tout en tenant compte des difficultés sécuritaires. A terme, je ne pense toutefois pas que cette zone restera prioritaire pour le CICR. Enfin, il faudra voir l’évolution du conflit. Par comparaison, nous sommes en Irak depuis trente ans. Nos collaborateurs, quelque 850 personnes en tout, peuvent y faire valoir une profondeur historique et une connaissance comme nulle part ailleurs.

Une région qui risque de vous mobiliser longtemps encore…

Au Proche-Orient, la crise s’annonce encore longue, en effet. Des pays pourraient même disparaître, de nouveaux se créer… Des frontières qui paraissent aujourd’hui intangibles vont bouger. Même celles de pays comme l’Arabie saoudite, l’Irak ou encore la Libye. Dans cette région, nous vivons une situation de type révolutionnaire. Le tissu social et culturel du passé se délite. Les affrontements entre communautés sunnites et chiites, par exemple, sont de toute évidence appelés à durer. Plus à l’ouest, nous resterons évidemment aussi très engagés. Dans le Sahel et en Afrique, dans cette zone immense qui comprend la Libye, le nord du Mali, le Nigeria, le Soudan du Sud, la Somalie.

Certaines zones mobilisent les Occidentaux, d’autres sont sorties ou vont sortir de leur radar. Lesquelles?

Vous n’avez aucun problème à lever des fonds pour l’Ukraine, l’Irak, la Syrie et peut-être Gaza. Mais pour les 75 autres pays dans lesquels nous sommes engagés, c’est une autre affaire. C’est d’ailleurs ce qui fait la force du CICR: nous sommes financés à plus de 90% par les gouvernements. Et 40% de nos fonds ne sont pas liés à des zones ou à des projets particuliers. Ce qui nous permet d’intervenir là où nous pensons qu’il est important de le faire, même si les conflits en question ne font plus la une des journaux. Le Congo, par exemple. Je m’attends aussi à ce que l’attention portée à l’Afghanistan et au Pakistan retombe. C’est loin, dangereux et compliqué. Et pourtant les besoins humanitaires y sont dantesques.

Quels sont les nouveaux défis posés au CICR?

Par exemple la guerre à distance, rendue possible par l’utilisation de drones pilotés par des soldats assis derrière leur écran, à l’aide d’un simple joystick. Qui est responsable? Quel impact psychologique sur les populations visées? Voilà une situation nouvelle et complexe pour le droit humanitaire.

Et les migrations?

C’est un enjeu humanitaire majeur. Nous sommes présents sur l’ensemble de la route migratoire aux côtés des Croix-Rouges nationales. Les courants migratoires, on l’oublie souvent, sont d’abord des flux sud-sud. Avec notamment des concentrations de population dans les grandes villes avec leur lot de problèmes sanitaires, de pauvreté, de violence, comme à Lagos, au Nigeria. Ou à Rio, au Brésil, où nous venons de mener un projet pilote très intéressant. On assiste à ce que j’appelle une urbanisation de l’humanitaire. Une tendance croissante.

Vous êtes arrivé à la tête du CICR il y a un peu plus de quatre ans. Avez-vous pu réaliser ce que vous aviez prévu?

A l’origine, le CICR est une institution suisse et occidentale. L’évolution de ces dernières années nous pousse toutefois à la globaliser tout en préservant une forte culture. Ce qui n’est pas évident.

Votre mode de recrutement?

Justement, il est devenu global. Nous recevons chaque année entre 15 000 et 18 000 candidatures. Nous avons encore des postes de délégués généralistes, mais nous recherchons beaucoup de spécialistes. Contrairement à Médecins sans frontières, par exemple, nous sommes appelés à agir dans des domaines variés. Nos critères? Ils diffèrent selon les situations et les besoins. Mais le but, c’est de disposer d’équipes multidisciplinaires et de maintenir une certaine diversité. A l’heure actuelle, le CICR compte plus de 120 professions différentes et 140 nationalités.

Et l’escalade de violence, quelle influence a-t-elle sur vos critères d’engagement?

Cette interrogation date de la fin des années 90, après le décès de plusieurs de nos membres. Nous sommes devenus plus exigeants et cherchons davantage des personnes stables, mûres, autonomes, qui connaissent leurs limites, savent travailler en équipe et disposent d’un profil de formation plus pointu. La moyenne d’âge de nos délégués a ainsi augmenté.

Israël, le Soudan, le Yémen, le Caucase… Vous avez vous-même un riche parcours de délégué. Seriez-vous prêt à reprendre du service dans l’endroit le plus dur où le CICR opère?

Oui. Il est toutefois difficile de pointer une situation singulière, un pays en particulier, car beaucoup de situations où nous opérons sont difficiles. La Libye reste par exemple très complexe et difficile à prévoir. La Syrie ou l’Irak sont parmi les lieux les plus violents. Mais nous les connaissons mieux. Il faut savoir qu’il n’est jamais évident de partir en mission. Le plus important? Ne jamais oublier que nous sommes humains. Cette conscience de notre fragilité, le facteur humain, c’est ce qui, au final, fait la force de notre organisation.


Profil

Yves daccord
Né en 1964, il s’est formé en sciences politi- ques. D’abord journaliste, il a rejoint le CICR en 1992. Il a notamment travaillé en Israël, au Soudan et au Yémen. De retour au siège du CICR en 1997, il a été chef adjoint de la Division de la promotion du droit interna-tional humanitaire, puis chef et ensuite directeur de la communication. Il occupe le poste de directeur général depuis 2010.

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Européens honorés à Lausanne. Où étaient les Suisses?

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Jeudi, 23 Octobre, 2014 - 05:56

Eclairage. La Fondation Jean Monnet a remis des médailles d’or aux trois plus hauts dirigeants de l’UE, Herman Van Rompuy, Martin Schulz et José Manuel Barroso, pour services rendus. Mais il n’y avait pas de conseiller fédéral, pas de secrétaire d’Etat. Tout un symbole.

Il y a des signes qui ne trompent pas. Le 14 novembre 2008, la Fondation Jean Monnet avait décerné sa médaille d’or à Jean-Claude Juncker, alors premier ministre du Luxembourg, et président d’un Eurogroupe qui allait au-devant de la pire crise de son histoire. Le président de la Confédération, Pascal Couchepin, s’était chargé lui-même de faire son éloge. Il avait certes reçu un brouillon de ses collaborateurs, mais avait complètement refait ce discours destiné à un «ami» incarnant le soft power de l’UE, «un chef-d’œuvre d’intelligence, de conviction et de patience».

Six ans plus tard, le 17 octobre 2014, devant une salle comble, la même fondation décerne à Lausanne la même distinction aux trois principaux dirigeants actuels à Bruxelles, soit José Manuel Barroso, président de la Commission, Herman Van Rompuy, président du Conseil européen, et Martin Schulz, président du Parlement. Un trio rarement réuni en dehors des séances internes à l’UE. C’est dire la rareté de l’occasion. Mais où sont les Suisses pour leur rendre hommage, entretenir le contact, partager leur émotion réelle d’être honorés par une fondation qui les relie à un des pères fondateurs de l’Europe? Le président, Didier Burkhalter, est à Milan pour tenter de pacifier l’Ukraine, tandis que le secrétaire d’Etat, Yves Rossier, est au fond de son lit avec 39 degrés de fièvre. C’est donc Henri Gétaz, directeur des Affaires européennes, qui s’est fendu d’un discours à vrai dire bien fade. Seuls les régionaux de l’étape, Pierre-Yves Maillard, président du Conseil d’Etat vaudois, Daniel Brélaz, syndic de Lausanne, et Dominique Arlettaz, recteur de l’université, ont sauvé l’honneur en délivrant des messages empathiques.

En ce vendredi soir pourtant radieux côté météo, rarement la Suisse et l’Union européenne ont paru si éloignées l’une de l’autre. La votation du 9 février dernier sur l’initiative contre l’immigration de masse a laissé des traces dans les esprits. Celle-ci remet en cause la voie bilatérale qui a permis à l’économie de créer quelque 500 000 emplois en dix ans. Alors que Pascal Couchepin considérait encore les Européens comme des amis, les eurosceptiques de ce pays ne voient plus en eux que «l’ennemi» qui ne consent pas à renégocier l’accord sur la libre circulation des personnes.

Test de solidarité

Certes, tout n’est pas parfait du côté de Bruxelles. Loin de là. Mais, au terme de ces cinq dernières années, le bilan n’est pas aussi noir que les Suisses se plaisent à le décrire avec condescendance. Malgré une crise d’une ampleur «inouïe», la pire depuis 1929, l’UE a préservé l’essentiel: son unité. «Face au risque de la sortie d’un membre de l’eurozone, nous avons passé le premier vrai test de solidarité européenne», a souligné le président sortant du Conseil européen, Herman Van Rompuy. L’UE en a tiré quelques leçons, se dotant de nouveaux instruments devant solidifier l’édifice, comme le mécanisme européen de stabilité ou le renforcement de la discipline budgétaire. «Des décisions prises au bord de l’abîme, le dos au mur, le couteau sous la gorge», a-t-il imagé.

L’UE a aussi reçu le prix Nobel de la paix, une marque de reconnaissance de son œuvre en faveur de la pacification et de la réunification du continent. Elle a encore lancé le programme le plus ambitieux de lutte contre le réchauffement climatique. «Ses valeurs continuent d’attirer de nouveaux candidats, dans les Balkans comme en Ukraine», a rappelé José Manuel Barroso.

Autocritique

Côté autocritique, les trois dirigeants européens ne se sont pas voilé la face. «Le principal problème de l’UE, celui du chômage, n’est pas résolu», a reconnu Martin Schulz. Alors que dans certains pays près de 50% des jeunes cherchent désespérément un emploi, le socialiste allemand s’en est alarmé: «Nous risquons de perdre toute une génération. Nous devons gagner cette lutte contre le chômage. C’est la crédibilité, et même la survie de l’UE qui est ici en jeu!»

Tout au long de la cérémonie a plané cet étrange paradoxe souligné par José Manuel Barroso. La Suisse n’est pas membre de l’Union européenne, alors qu’elle est finalement un exemple de fédéralisme dont Bruxelles s’inspire plus souvent que les Confédérés ne l’imaginent. «A maintes reprises, j’ai combattu férocement la Commission Barroso. Néanmoins, nous avons su aussi nous entendre au-delà des divisions dans les moments critiques», a déclaré Martin Schulz. Comme la Suisse, l’UE avance à coups de compromis. C’est sûrement là que réside aujourd’hui le seul espoir de sauver la voie bilatérale.

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La sale guerre des partis américains pour remporter les élections

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Jeudi, 23 Octobre, 2014 - 05:57

Analyse. Les démocrates et les républicains ont tous deux créé récemment des organisations dont le seul but est d’exhumer des révélations scabreuses sur le camp adverse pour le traîner dans la boue. La plupart des candidats aux législatives du 4 novembre y ont eu droit.

Julie Zaugg New York

La vidéo le montre deboutà côté d’une table chargée d’alcools forts, son col de chemise déboutonné. Bruce Braley semble décontracté. Dans sa maison où une assemblée d’avocats est venue le soutenir, le démocrate assène: «Si mon adversaire l’emporte, vous vous retrouverez à la tête de la commission judiciaire du Sénat avec un paysan de l’Iowa qui n’a jamais étudié le droit.» Une véritable insulte dans cet Etat agraire du Midwest que le politicien cherche à ravir au sénateur républicain Chuck Grassley lors des élections du 4 novembre. Filmée et postée en ligne, cette vidéo a fait l’effet d’une bombe, obligeant Bruce Braley à s’excuser publiquement.

Ce coup est l’œuvre d’America Rising, un groupe républicain constitué pour récolter des informations négatives sur les démocrates. Fondé en 2013 par Matt Rhoades, un ancien de la campagne de Mitt Romney, et par deux anciens porte-paroles du parti républicain, il emploie 67 personnes et a déjà levé plus d’un million de dollars cette année. Une bagatelle, en comparaison du dispositif démocrate: American Bridge 21st Century. Cet organisme créé en 2010 par David Brock, un ennemi juré de Bill Clinton avant qu’il ne retourne sa veste et apporte son soutien au clan, dénombre 165 employés et a amassé 12,3 millions de dollars depuis le début de l’année. Il compte le financier George Soros parmi ses donateurs.

Pour arriver à ses fins, ce genre de structure recourt à l’opposition research, qui est devenu un outil incontournable des campagnes électorales outre-Atlantique. «La tactique de l’oppo est aussi ancienne que la politique elle-même, mais son usage a explosé avec la mise en ligne de vastes quantités de données et l’apparition de caméras qui tiennent dans la paume de la main», note Ken Goldstein, professeur à l’Université de San Francisco et spécialiste des campagnes politiques.

Car l’une des principales méthodes employées par ces Sherlocks du XXIe siècle est l’usage de trackers, des employés chargés de suivre un candidat du camp adverse dans tous ses déplacements pour le filmer à chaque fois qu’il ouvre la bouche, dans l’espoir de capter une gaffe. La remarque de Mitt Romney durant la campagne présidentielle de 2012 sur les 47% de citoyens qui ne comptent pas a été filmée à son insu par un tracker. Elle lui a vraisemblablement coûté l’élection.

Ces détectives cherchent aussi à amasser un maximum d’informations issues des bases de données publiques. «Tout y passe: les déclarations d’impôts du candidat, son casier judiciaire, les éventuels procès dans lesquels il a été impliqué, ses propriétés immobilières, les votes qu’il a effectués comme élu, même au niveau municipal», détaille John Hancock, un républicain qui dirige une firme d’oppo dans l’Ohio. «On scrute aussi la présence des politiciens sur les réseaux sociaux, complète Larry Zilliox, un investigateur privé basé en Virginie qui a rédigé un guide appelé The Opposition Research Handbook. Ils y écrivent souvent des énormités, sans réfléchir.»

Ces renseignements sont ensuite glissés discrètement à un journaliste, diffusés via les réseaux sociaux ou utilisés comme munition lors des débats télévisés. «Il faut savoir se montrer créatif, dit John Hancock. Nous avons par exemple créé un jeu en ligne appelé Wehlanopoly pour faire du tort à Jim Whelan, un candidat démocrate dans le New Jersey. Chaque case illustrait un élément de son passé qu’il souhaitait cacher.»

Mais l’information brute n’a que peu de valeur en soi. «Le but est de rassembler ces données disparates pour tisser un récit sur le candidat qui contredit l’image qu’il veut donner de lui-même», relève Ken Goldstein. La narration imposée par les démocrates en amont des élections du midterm consiste à montrer un parti républicain sans cœur, qui écrase les plus faibles. American Bridge 21st Century a ainsi imaginé un dessin animé appelé Kochville, où l’on voit des candidats proches des frères Koch détruire des écoles et des petits commerces à coups de marteau. Ailleurs sur le site, Scott Brown, un candidat du New Hampshire, affirme qu’il est contre l’avortement même en cas de viol ou d’inceste. Et Thom Tillis, un républicain de Caroline du Nord, dénonce le salaire minimum.

Le graal ultime reste de trouver la gaffe ou le scandale qui va forcer le candidat à abandonner la course. C’est ce qui est arrivé à Todd Akin en 2012. Ce républicain du Missouri a dû se retirer de la course à l’élection au Sénat après avoir parlé de l’impossibilité pour une femme de tomber enceinte à la suite d’un «viol légitime». L’interview, donnée à une chaîne de télévision locale, a été exhumée par American Bridge 21st Century. John Balduzzi, un chercheur d’oppo démocrate, a pour sa part découvert des photos montrant Rich Iott, un républicain de l’Ohio, déguisé en nazi lors d’un événement de Wiking, un groupe qui rejoue les exploits d’une division de SS. Il n’a pas été élu.

Avant-goût de la présidentielle

Mettre en lumière les contradictions d’un candidat ou les promesses non tenues est également très efficace. America Rising s’est fait un malin plaisir de diffuser une vidéo montrant le démocrate Terry McAuliffe en train d’annoncer la construction d’une usine en Mongolie pour son entreprise automobile GreenTech, alors qu’il avait juré de rapatrier des emplois américains délocalisés en Chine s’il était élu.

Phénomène plus récent, il est devenu extrêmement dommageable pour un candidat d’être perçu comme trop proche du président Obama, surtout dans les Etats conservateurs. Début octobre, America Rising a ainsi diffusé plusieurs vidéos montrant les démocrates Kay Hagan (Caroline du Nord), Mary Landrieu (Louisiane) et Mark Pryor (Arkansas) en train de louer la réforme de la santé de Barack Obama.

Mais les élections de novembre ne sont qu’un avant-goût de ce qui attend les candidats à la présidentielle de 2016. America Rising a déjà commencé à compiler de gigantesques archives de tous les propos et apparitions publiques de Hillary Clinton. Quant à American Bridge 21st Century, il a créé Correct the Record, un organisme qui a pour seul but de réfuter les attaques contre la démocrate.

«Le développement de l’oppo a transformé en profondeur la politique américaine, constate John Balduzzi. Les politiciens pèsent désormais chacun de leurs mots lorsqu’ils s’expriment en public, n’osant plus se montrer en compagnie de leurs adversaires ou dire quoi que ce soit qui pourrait apparaître comme un compromis et donc un aveu de faiblesse. Ce n’est pas bon pour la démocratie.»

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«Le MEG sera le musée des possibles»

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Jeudi, 23 Octobre, 2014 - 05:58

Interview. Le nouveau Musée d’ethnographie de Genève ouvre le 31 octobre. Mais le mot musée n’est-il pas daté? Et qui comprend le terme ethno­graphie? Son directeur, Boris Wastiau, répond.

Enfin! Après quatre ans de travaux, le nouveau bâtiment du Musée d’ethnographie de Genève pourra être découvert dès le 31 octobre. Le MEG dispose désormais d’un superbe outil de travail et d’animations culturelles. Fallait-il encore parler d’ethnographie, terme élitaire et nébuleux, alors que d’autres institutions du même type optent pour des appellations plus populaires? Boris Wastiau, le directeur du MEG, évoque ces enjeux qui recouvrent l’identité même du musée genevois.

Le mot musée n’est-il pas dépassé? Aujourd’hui, les nouvelles institutions évitent le terme, trop associé au passé, à la poussière, à l’interdiction de parler trop fort…

Mon travail est plutôt de redonner à ce mot ses lettres de noblesse. Le musée, c’est un enjeu patrimonial. Il est lié à la notion de collection, et à la transmission de celle-ci de génération en génération, à son entretien, son étude, sa présentation. Nous allons à l’encontre de la connotation vieillotte du mot musée avec notre slogan: «Vous n’imaginez pas tout ce qu’il est possible de faire au MEG». Nous proposerons des expositions permanentes et temporaires. Mais aussi une série d’activités culturelles et scientifiques. Des cours, des conférences, de la musique, de la danse, des performances, de la littérature orale, des ateliers, y compris des ateliers culinaires, des anniversaires pour les enfants… Ce sera un lieu des possibles et non des interdictions. On pourra y parler fort, y prendre des photos, y manger, y circuler avec des poussettes…

Et le terme d’ethnographie? Est-il toujours d’actualité?

Nous avons au MEG une démarche anthropologique, au sens des sciences de l’homme. Ces sciences englobent l’ethnologie, mais aussi l’histoire, la muséologie, l’histoire de l’art, bref, tout ce qui converge vers l’étude de l’humain dans ses aspects sociaux et culturels. Certes, les termes ethnographie et ethno­logie sont en un sens désuets. Je ne connais pas d’université qui donne encore un cours d’«ethnographie». Même les Français, qui tenaient à dire «ethnologues» au lieu d’«anthropologues», qui faisait trop américain, ont abandonné cette idée.

Personne ne sait exactement ce qu’est l’ethnographie, non?

Sans doute. La plupart de nos visiteurs n’en ont pas la moindre idée. Mais ils sortiront du MEG en se disant «l’ethno­graphie, c’est ce qu’on vient de voir». Voilà l’essentiel. Nous avons réfléchi sur la dénomination du musée, avec les autorités. Mais sans suite. Le consensus était plutôt conservateur. Il fallait garder le nom de MEG. L’attachement à ce musée, à son nom et à son emplacement dans la ville est très grand à Genève. Je me suis engagé à poursuivre cette tradition en faisant mieux, plus grand et plus animé.

Ethnographie, ethnologie, anthropologie, on s’y perd…

Le mot ethnographie garde sa pertinence étymologique. Il correspond à ce que nous faisons toujours: la collecte de données sur le terrain et l’observation participante. L’ethnologie est plutôt l’étude comparée des peuples; cette étude utilise les informations données par l’ethnographie. L’anthropologie, aujourd’hui, a une activité théorique basée sur les connaissances ethno­graphiques et ethnologiques. Comment comprendre l’humanité, pourquoi les sociétés se développent puis disparaissent, comment se forment les Etats… Mais peu importent les mots que l’on donne à nos activités. Il faut s’en tenir à nos fondamentaux qui sont le travail de terrain, l’étude et l’exposition des collections, communiquer avec le public, faire passer des idées, ouvrir les enfants et les adultes à la richesse des cultures du monde, pour qu’ils comprennent qu’il existe d’autres manières de vivre en société.

D’autres valeurs?

Oui. J’aimerais que ce musée soit celui de l’anthropologie des valeurs. Pour faire comprendre que celles-ci peuvent être différentes d’une époque à l’autre, d’un lieu à l’autre. Il est beau de dire qu’il faut respecter les autres cultures, comme on le fait depuis cinquante ans. Mais il est encore plus intéressant de saisir qu’il existe d’autres valeurs, y compris celles qui sont en opposition avec les nôtres, y compris celles qui nous semblent inacceptables. On a fait du monde une espèce de lieu idéal et gentil, plein de respect universel. Il ne faut pas se voiler la face. Qu’est-ce qui fait l’actualité de tous les jours aujourd’hui? Ce sont des questions de religion. On nous explique qu’il s’agit de gens qui usurpent la religion. Reste que des personnes sont en train de mourir pour des valeurs auxquelles elles croient. N’oublions pas que la plupart des cultures du monde ont un fondement religieux. L’important est dès lors de bien les comprendre. C’est le rôle de notre musée.

Pourquoi pas un musée «des cultures du monde»?

On trouve cette appellation en Allemagne ou en Scandinavie. Mais cela implique que l’on parle du monde, mais non de l’Europe! Or ici, on réfléchit sans exclusive.

L’idée d’un musée encyclopédique, à l’immense contenu hétérogène, n’est-elle pas aussi datée?

Notre champ disciplinaire, l’anthropologie, est bien circonscrit. Notre contenu est beaucoup plus structuré que celui d’Internet. Vous avez toutes les thématiques sur Wikipédia, mais vous n’avez pas d’accès à la culture matérielle, aux vrais objets d’art et d’artisanat. C’est bien cette matérialité qui fascine le public. Pendant toute la crise économique, qu’est-ce qui a continué à marcher? Les objets manufacturés, comme l’horlogerie, le luxe, l’art. L’objet unique, le fait main continuent à avoir un appel fort.

Pouvez-vous tout montrer?

Nous avons par ici un complexe du regard. On n’aime pas les hiérarchies. On peut ne pas aimer des pièces réalisées à partir d’ossements humains. On hésite à dire que tel objet est plus exceptionnel qu’un autre. Ou à mettre en avant le fait que nous avons ici des collections exceptionnelles. C’est un handicap, d’autant que nous avons un public cosmopolite qui ne comprend pas cette modestie, ou cette réserve. Je suis pour mettre en valeur ce masque iroquois ou cette coupe Ming. Parce qu’ils sont importants. Parce qu’on peut être fier qu’ils appartiennent à la collectivité genevoise plutôt qu’au Metropolitan de New York.

Genève, c’est aussi 194 nationalités, non?

Nous offrons avec ce nouveau musée 2000 m² pour les cultures du monde. Contre environ 50 000 m² à Genève pour les cultures de la Suisse et un peu de l’Europe. Finalement, c’est très peu pour une ville aussi internationale que Genève.

La définition même du MEG restera-t-elle figée?

Certainement pas. Un musée, c’est un processus. Dans cinq ans, il ne sera plus le même qu’aujourd’hui. Nous aurons effectué des découvertes dans nos collections qui nous encourageront à nous remettre en question. Surtout, nous aurons eu le retour du public par rapport à ce que nous nous apprêtons à lui montrer.


Boris Wastiau

Né en 1970 en Belgique, passé par l’Université libre de Bruxelles, l’ethnologue a collaboré au Musée royal de Tervuren. Il est entré au MEG en 2007 comme responsable de l’Afrique et de l’Amérique avant d’en prendre la direction en 2009.

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Nicole Zermatten / Ville de Genève
Ethnologisches Museum Berlin
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Mario El-Khoury: le chercheur qui galvanise les entreprises suisses

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Jeudi, 23 Octobre, 2014 - 05:59

Portrait. Le directeur général du CSEM, à Neuchâtel, a fait de ce pôle de recherche et de développement un vivier d’innovations dans des domaines aussi divers que l’horlogerie, l’énergie solaire, les technologies de l’environnement ou la santé. Son enthousiasme et ses méthodes de management font des étincelles.

«Le plus beau jour de ma vie.» Nous sommes en octobre 1982. Mario El-Khoury vient de débarquer à l’aéroport de Genève-Cointrin, en provenance de Beyrouth. Se rendant en bus jusqu’à Lausanne, tout lui paraît anormalement normal. Des routes bien tracées, des arbres, des maisons en bon état. Un pays en paix. Il vient de quitter un Liban à feu et à sang. Après qu’un commando de l’organisation palestinienne Abou Nidal eut tenté d’assassiner l’ambassadeur israélien à Londres, l’armée israélienne est intervenue, avançant jusqu’à la capitale. Et les phalangistes ont massacré des centaines de civils à Sabra et Chatila. Doit-il, fils aîné d’une famille de trois enfants, rester au pays en faisant le deuil d’études supérieures impossibles et finir par être enrôlé dans une milice? Encouragé par ses parents, Mario El-Khoury, baccalauréat en poche, choisit l’exil. Il est alors à cent lieues d’imaginer que vingt-sept ans plus tard, en novembre 2009, il va être nommé directeur général de l’un des plus prestigieux lieux de recherche et de développement dans le pays, le Centre suisse d’électronique et de microtechnique (CSEM), à Neuchâtel.

Un tel poste lui semble alors inconcevable, même quinze ans après avoir rejoint cette institution en 1994. «Je pensais que mon nom m’empêcherait à jamais d’accéder à une telle fonction. Dans un autre pays que la Suisse, cela aurait été très difficile.» La voix naturellement douce de ce Libanais devenu selon ses amis «plus suisse que les Suisses» monte en intensité: «Il faut tout faire pour que la Suisse ne se ferme pas. Sa force dans l’innovation, c’est l’ouverture!» Ayant pour mission de proposer à ses clients partenaires et industriels des solutions innovantes sur mesure, le CSEM, qui fête ses 30 ans en 2014, est plus que jamais concerné par le foisonnement de technologies nouvelles, notamment dans les domaines de la santé, de l’énergie solaire, de l’environnement, de la domotique, etc. Tandis que l’Apple Watch faisait une sortie médiatique fracassante, le CSEM inaugurait un régulateur mécanique révolutionnaire en partenariat avec Vaucher Manufacture (lire ci-dessous). Un clin d’œil pour dire au monde: non, nous ne sommes pas largués, nous sommes bien là!

C’est donc une inépuisable boîte à idées en faveur des entreprises helvétiques que dirige Mario El-Khoury. Cet homme qui, pour rien au monde, ne manquerait de participer à une votation dans ce pays qui l’a adopté avoue avoir beaucoup de «chance» dans sa vie. «Je n’y puis rien», enchaîne-t-il avec un large sourire que lui inspire la Providence en laquelle ce chrétien de l’Eglise grecque-catholique melkite croit fermement. La chance? Peut-être. Mais le talent, sans aucun doute.

Son émigration, le directeur général du CSEM la doit à un habitant originaire de son village natal, Maghdouché, dans le sud du Liban, dans le district de Sidon. Des années auparavant, ce dernier a obtenu une bourse de la Confédération qui lui a permis d’entrer à l’EPFL. Sensibilisé par l’oncle de Mario qui désespère de voir son brillant neveu empêché de poursuivre ses études, l’homme résidant en Suisse rencontre l’ex-président de l’EPFL Jean-Claude Badoux, alors responsable de la commission d’admission des étrangers à la grande école. Il le convainc de faire une entorse au règlement et d’accueillir Mario El-Khoury en année préparatoire à l’EPFL sans avoir reçu tous ses certificats, que la guerre a bloqués au Liban. «A cette époque, se souvient Philippe Baud, prêtre et écrivain vaudois très proche de la famille El-Khoury, les jeunes Libanais venant étudier en Suisse étaient très responsables et sérieux, conscients de leurs privilèges.»

Prof catastrophique, prof fantastique

Soucieux de ne pas être une charge financière trop lourde pour ses parents, le jeune Mario réussit un concours qui l’autorise à passer directement en première année. Il veut faire de la robotique. Las, cette branche n’existe pas encore à l’EPFL! Alors il saute sur une autre branche, l’électricité. L’essentiel est de grimper toujours plus haut dans l’arbre de la connaissance. Un «professeur catastrophique» lors d’un séjour en troisième année à la Carnegie Mellon University à Pittsburgh le détourne provisoirement de l’architecture des ordinateurs. Mais un «professeur fantastique», chauve et ressemblant à Kojak de la série policière, l’initie à l’automatic control. «Les enseignants jouent un rôle majeur dans l’orientation de notre vie professionnelle», relève le chercheur qui toujours tire une leçon de toute expérience humaine.

De retour en Suisse, Mario El-Khoury s’oriente vers la thèse et le doctorat. Pour enseigner, au Liban, son pays qu’il n’a pas oublié, et soutenir financièrement sa famille. Le professeur Jacques Neirynck, son rapporteur de thèse, a déjà remarqué les talents de communicateur de cet «excellent étudiant» qui tranche avec maints ingénieurs souvent «très mauvais dans la communication». Alors pourquoi avoir finalement renoncé à retourner au pays? Quelques instants de silence. Et la réponse fuse, comme une évidence: «J’ai grandi, j’ai évolué. Contrairement au Liban, dont la situation est actuellement pire qu’il y a trente ans.» Aujourd’hui, sa mère (son père est décédé) et sa sœur vivent en Suisse.

De la pince à glaçons à la pompe à insuline

Marier théorie et pratique, c’est la passion du jeune chercheur. Comme sa thèse relève plutôt de la théorie mathématique, il se lance dans un projet d’amélioration d’un four de HCB Ciments et Bétons Holderbank, à Eclépens (VD). Et, «pour se défouler de sa thèse», il participe à un concours sur les robots mobiles (coucou, les revoilà!), dont il sort gagnant du prix Portescap. Le nom de la société chaux-de-fonnière qui l’engage. Et le voilà chef de projet. Deux ans et demi plus tard, un ancien collègue de l’EPFL l’appelle. Faute d’expérience industrielle, il n’a pas été retenu pour «un poste de rêve» au CSEM. «Présente-toi!» dit-il à Mario. Lequel est engagé en 1994. Lui qui ne faisait que dans les moteurs à Portescap se voit, comme responsable du secteur d’activité «contrôle industriel», responsable de plusieurs projets à la fois. «Le nirvana!»

Mario El-Khoury va accumuler les inventions, souvent récompensées par des prix. Son premier projet, qui concerne un système révolutionnaire pour le contrôle du chauffage dans les bâtiments, donnera naissance à la société Neurobat, soutenue par le CSEM et lauréate du Prix suisse de l’environnement 2012 pour son engagement à réduire la consommation d’énergie et les émissions de gaz à effet de serre. De la pince à glaçons à la pompe à insuline pour diabétiques, les inventions se multiplient, fruits non pas d’un seul homme mais de toute une équipe parmi les 400 collaborateurs hautement qualifiés du CSEM. Mario El-Khoury, qui préfère dire «nous» à «je», a l’âme d’un chef d’orchestre, un métier qu’il aurait bien aimé embrasser, en d’autres circonstances. Sa famille est d’ailleurs amatrice de musique. Son épouse neuchâteloise a chanté sous la direction de Michel Corboz, son fils et sa fille, étudiants tous les deux, jouent de divers instruments.

En cours d’emploi, le scientifique s’initie au management en 1999 avec un MBA à HEC Lausanne. Il songe alors à quitter le CSEM, consulte un chasseur de têtes qui lui lance tout de go: «On voit que vous n’avez jamais eu d’entretien d’embauche dans votre vie, vous êtes vraiment nul pour cet exercice!» Il devra plus tard se faire tirer l’oreille pour accepter de reprendre la tête de la division Ingénierie des systèmes au CSEM en 2003. Et, six ans plus tard, le conseil d’administration du CSEM que préside l’astronaute et astrophysicien Claude Nicollier n’hésite pas à le choisir pour la direction générale, pour prendre la suite de Thomas Hinderling, démissionnaire et souffrant d’un cancer qui finira par l’emporter. «Mario El-Khoury, un grand monsieur. J’ai pour lui une estime sans limite», confie Claude Nicollier après une riche journée de trois vols d’entraînement.

Allergique aux extrêmes

De l’expérience libanaise, le scientifique a tiré un profond rejet pour toutes les positions extrêmes qui ne peuvent que mener à des conflits. Même au sujet des montres connectées, il affiche un avis pondéré. Le designer en chef d’Apple, Jony Ive, estime en substance que l’Apple Watch finira par couler les montres suisses? «Je n’y crois pas», réplique Mario El-Khoury. Les horlogers suisses disent qu’ils n’en seront pas du tout affectés? «Je n’y crois pas non plus.» «L’être humain continuera à rechercher la performance d’un objet et à apprécier la beauté d’un autre.» Quoi qu’il en soit, affirme le patron du CSEM, «nous sommes prêts, nous maîtrisons les nouvelles technologies, et les horlogers savent qu’elles sont à leur disposition».

Vivier de start-up, fondateur d’une trentaine d’entreprises avec plus de 500 collaborateurs, le CSEM s’efforce de concilier innovation et tradition. Dans l’horlogerie mécanique, le tout nouveau régulateur Genequand assurant une autonomie de plus d’un mois à la montre mécanique combine deux technologies «qui ne sont pas à la portée de tout le monde»: des éléments flexibles comme ceux utilisés dans l’espace, sans frottement ni usure, et un usinage dans du silicium assurant une très grande précision. «Vous verrez, l’application conjointe de ces technologies vont vous surprendre», prévoit Mario El-Khoury avec enthousiasme. Cet homme «qui a les yeux qui brillent quand il voit les potentielles applications d’une recherche, comme le souligne Adrienne Corboud, vice-présidente pour l’innovation et la valorisation à l’EPFL, n’en a pas moins les pieds sur terre».

Parmi les nombreux secteurs où le CSEM s’engage (santé, environnement, eau, nutrition, etc.), il y a l’énergie solaire. Et son directeur général de rappeler qu’en 2010-2011 la Suisse exportait plus de 2 milliards de francs en équipements pour le marché photovoltaïque, notamment vendus à la Chine! Après la crise et la chute des prix du courant vert, de nouvelles technologies voient le jour, comme l’hétérojonction, qui permet d’améliorer le rendement des cellules photovoltaïques, ou comme l’intégration de ces dernières dans les bâtiments. «Nous devons être leaders dans ce domaine!» Preuve à l’appui: un mur solaire installé sur la façade sud du CSEM, composé de 210 panneaux suisses de nouvelle génération. Une première mondiale sera inaugurée au printemps prochain.

A la tête du CSEM, Mario El-Khoury a su faire en sorte que ce centre privé de recherche et de développement soit désormais reconnu et apprécié par le monde politique, économique et scientifique, tant en Suisse qu’à l’étranger. A l’écoute de ses collaborateurs, «il devine ce que nous ressentons sans qu’on le lui dise», souligne Michèle Siggen, sa première assistante lorsqu’il était directeur des systèmes au CSEM. Dans les séances de cadres, relève par ailleurs Christophe Ballif, responsable du PV-Center, «il présente lui-même les nouveautés technologiques du mois, non pour se les approprier mais pour être certain de bien les avoir assimilées en vue de les transmettre à l’extérieur».

«Auparavant, l’ambiance générale était plus conflictuelle», constate Jens Krauss, qui dirige la division Ingénierie des systèmes, précédemment conduite par Mario El-Khoury. Ce dernier est «toujours en quête de compromis; certes, c’est une qualité mais cela peut aussi s’avérer une faiblesse», ajoute ce Haut-Valaisan au parler direct. Concernant les start-up partenaires, il n’y a pas eu de compromis. Dès son arrivée, le directeur général a décidé que le CSEM devait réduire ses participations et ses implications dans la gouvernance de ces jeunes sociétés pour uniquement se focaliser sur leur développement technologique. «Nous n’avons pas à jouer aux banquiers.» Par ailleurs, le droit à l’erreur a été encouragé dans la maison. «Si l’on veut que les chercheurs soient créatifs, il ne faut surtout pas les pénaliser à la première erreur!»

Ne pas jouer au Jenga avec la Suisse

Dans les conférences qu’il donne à l’étranger, notamment en France, Mario El-Khoury se fait un plaisir de rappeler que, de la Suisse, il ne faut pas seulement retenir l’initiative sur les minarets ou celle du 9 février sur l’immigration massive. Les Suisses, souligne-t-il, ont été des citoyens assez responsables pour refuser dans les urnes une sixième semaine de congé, un salaire minimum et une baisse des impôts. Finalement très conservateur, Mario El-Khoury? Au vrai, l’homme redoute que les Suisses se mettent à imiter les autres nations au lieu de cultiver leurs propres atouts qui, au fil des décennies, ont fait la richesse du pays. Fermeture et imitation sont, selon lui, les dangers qui sournoisement guettent le pays. «Ne jouons pas au Jenga avec la Suisse jusqu’à ce qu’elle perde l’équilibre», prévient ce Libanais d’origine. Le Liban, ce pays déchiré qu’on appelait naguère la Suisse du Moyen-Orient.


Profil

Mario El-Khoury
Né le 12 mars 1963 à Maghdouché, dans le sud du Liban. Il rejoint le CSEM en 1994 après deux ans et demi chez Portescap. En 2003, il reprend la tête de la division Ingénierie des systèmes. Il est promu directeur des opérations en 2008 puis directeur général en 2009.


Un carrefour d’innovation

Lauréat du Prix européen de l’innovation 2013 pour la technologie révolutionnaire du silicium dans l’industrie horlogère, le CSEM est désormais largement reconnu dans le monde. Ce centre privé de recherche et de développement a été fondé en 1984 à Neuchâtel. Cette année-là, les Japonais faisaient durement trembler les horlogers suisses avec leurs montres à mouvement à quartz. Le CSEM est le fruit d’une fusion entre trois instituts de recherche, dont le Centre électronique horloger (CEH). Dix-sept ans plus tôt, en 1967, ce dernier concevait le premier mouvement à quartz que les Japonais surent brillamment exploiter au détriment des Suisses!
En trente ans, le CSEM a donné naissance à une trentaine de jeunes entreprises. A l’heure des montres connectées venant d’outre-Atlantique, il se dit prêt à relever le défi. A ses côtés, le bâtiment Microcity abrite l’Institut de microtechnique de l’EPFL et Neode, Parc scientifique et technologique, incubateur de nouvelles sociétés. Un carrefour d’innovation au cœur de Neuchâtel.

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Xavier Voirol
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les idées reçues sur les forfaits fiscaux: vrai/faux

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Jeudi, 23 Octobre, 2014 - 06:00

Décodage. Le forfait fiscal, soumis au vote populaire le 30 novembre, peut paraître très discutable sur le plan éthique. Il reste cependant une source importante de revenus et l’une des armes que la Suisse peut le plus efficacement employer face à la concurrence étrangère. Quatre questions pour se faire un avis.

C’est un vote nourri d’une bonne intention qui attend le peuple suisse le 30 novembre prochain: supprimer les privilèges fiscaux et, en particulier le plus criant de tous, le forfait fiscal. Ce dernier peut paraître choquant au pays des droits populaires étendus et de l’égalité faite reine, car il autorise une minorité de millionnaires étrangers à économiser des impôts parfois considérables en venant s’installer chez nous. Le citoyen contribuable, qui doit déclarer tout revenu jusqu’au dernier centime, et qui paie sa contribution parfois dans la douleur, peut en tirer une légitime frustration.

Le sentiment d’injustice doit-il alors prévaloir? Ou les affaires de gros sous nécessitent-elles d’être conduites exclusivement avec pragmatisme? Le forfait n’offre-t-il pas aussi des avantages, matériels avant tout? Petit tour d’une question qui met en opposition le sens de l’éthique et des rentrées fiscales pour la Suisse qui s’élèvent à près d’un milliard de francs par année.

L’application du forfait est hors de contrôle
Faux à 98%

Après avoir été instauré en 1862 dans le canton de Vaud, puis progressivement dans la plupart des autres cantons, le forfait fiscal figure dans le droit fédéral depuis 1934 sous le nom d’imposition d’après la dépense. Un régime qui est fixé depuis 1990 dans la loi fédérale sur l’impôt direct (LFID) et celle sur l’harmonisation des impôts directs (LHID). Il prévoit que la taxation se fait non pas sur les revenus du contribuable mais sur une somme forfaitaire basée sur les dépenses estimées du contribuable. Pour les déterminer, le fisc multiplie par cinq le coût du logement, plancher qui ne peut pas être inférieur à 300 000 francs. Le montant ainsi défini constitue l’assiette fiscale sur laquelle sont prélevés les impôts directs. Ces minima sont toutefois plus élevés dans certains cantons, notamment à Genève.

Au niveau fédéral, ces seuils seront relevés dès le 1er janvier 2016, lorsque entreront en vigueur des durcissements de ces deux lois votés par les Chambres en septembre 2012. Les forfaitaires seront alors taxés sur un montant atteignant au moins sept fois leurs frais de logement ou 400 000 francs au minimum.

En quinze ans, le nombre de bénéficiaires a pratiquement doublé, pour dépasser 5600 en 2012, dernière année pour laquelle les chiffres sont disponibles. Si la formule séduit de plus en plus de grandes fortunes étrangères, le laxisme de certains cantons y est pour quelque chose. Ainsi, le Valais a longtemps fixé des barèmes extrêmement modérés. Si bien que certains forfaitaires paient effectivement très peu d’impôts directs: le montant le plus bas encaissé ces dernières années atteint tout juste 10 000 francs, bien moins que ce que verse une famille de la classe moyenne imposée de façon ordinaire! Les 74 forfaitaires du canton de Fribourg ne déboursaient, en moyenne, que 27 000 francs d’impôts directs chacun en 2010, soit moins qu’un ménage de la classe moyenne supérieure. C’est pour mettre fin à ce genre de dérapage qu’est née la réforme du forfait de 2012.

La Suisse dépend économiquement du forfait
Faux à 95%

Dans l’ensemble, les forfaitaires paient des impôts bien supérieurs à ceux des contribuables ordinaires: quelque 85 300 francs d’impôts directs (fédéral, cantonal et communal) en moyenne nationale en 2010. A Genève, cette moyenne double pour atteindre 168 700 francs. L’addition des impôts directs s’élevait ainsi en Suisse à 668,4 millions de francs en 2010 et à 695 millions en 2012.

Ce sont des montants certes substantiels, mais qui ne représentent qu’une toute petite part des rentrées fiscales: 0,7% seulement des recettes totales de la Confédération, des cantons et des communes. Même dans les cantons qui la pratiquent le plus, Valais, Vaud et Genève, cette part reste très modeste, entre 1,6% et 1,9%.

La présence des forfaitaires a encore un autre impact positif sur les rentrées fiscales avec notamment la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et les impôts sur les successions (Montreux a encaissé 54 millions de francs en 2004 à la suite du décès d’un industriel britannique). Ce qui constitue, en tout, près d’un milliard de francs par an en recettes.

De telles sommes peuvent participer à l’équilibre des budgets publics sans être absolument déterminantes pour leur santé. Toutefois, avertit l’avocat Philippe Kenel, grand défenseur du forfait, «ce milliard annuel prendra toute son importance lorsque la réforme de la fiscalité des entreprises réduira de plusieurs milliards de francs les rentrées fiscales».

Au plan purement économique, l’apport des forfaitaires semble marginal également. Le nombre d’emplois que leur présence en Suisse induit se chiffre entre 22 000 et 32 000 selon les estimations. Autrement dit, moins de 1% des 3,54 millions de postes de travail à plein temps que compte le pays.

Ces emplois se concentrent dans les régions prisées par les forfaitaires, notamment au Tessin, dans les Grisons ainsi qu’en Valais, dans des stations comme Verbier ou la bernoise Gstaad, précise Frank Lampert, de la société de révision KPMG, un spécialiste de l’impôt au forfait.

Autre apport des bénéficiaires du forfait, le mécénat, qu’il est néanmoins difficile d’évaluer faute de statistiques. «Les donateurs souhaitent souvent conserver l’anonymat», explique Pascal Broulis. Le chef du Département vaudois des finances prend alors l’exemple de la fondation Leenaards pour démontrer l’ampleur que peuvent parfois prendre certains engagements: «Cette très active fondation est née d’un legs d’industriels belges, qui l’ont dotée de 325 millions de francs.» Les institutions ou les personnes actives dans les domaines sociaux, scientifiques ou culturels ne sont pas les seuls à profiter de dons. La commune d’Epalinges a, quant à elle, touché 10 millions de francs de la part d’Ingvar Kamprad, fondateur d’Ikea, qui a résidé dans cette localité des hauts de Lausanne pendant près de quarante ans.

Le forfait provoque la colère des pays étrangers
Faux à 70%

Ce n’est pas sur les arguments économiques que s’appuient les opposants au forfait, mais sur sa dimension morale et sur son acceptabilité par les autres pays. Le secret bancaire et les régimes fiscaux spéciaux des entreprises n’ont-ils pas été supprimés sous la pression étrangère? «La Suisse a tiré d’énormes profits de ses régimes fiscaux, alors que la concurrence dans ce domaine entraîne l’appauvrissement de régions entières du monde, soutient Laurent Tettamanti, militant de gauche et membre du comité d’initiative visant à supprimer le forfait fiscal. Au-delà de ses intérêts à court terme, notre pays a donc tout à gagner à promouvoir des rapports plus équilibrés avec les autres Etats afin d’accroître la stabilité du globe. La pratique du forfait devrait être alors interdite selon une règle internationale.»

Toutefois, aucun Etat n’a demandé la suppression des régimes fiscaux spéciaux en faveur des personnes physiques, précise Pascal Saint-Amans, directeur du Centre de politique et d’administration fiscale à l’Organisation de coopération et de développement économique (lire son interview ci-contre).

Plusieurs Etats ont néanmoins contraint la Suisse à modérer son forfait fiscal. Ainsi, la Belgique, l’Allemagne, l’Italie, l’Autriche, la Norvège, le Canada et les Etats-Unis exigent que leurs concitoyens taxés au forfait en Suisse déclarent les revenus qu’ils tirent de leur pays d’origine. Ces exceptions ont été réglées au niveau des conventions de double imposition et ne constituent donc pas un enjeu politique ou diplomatique brûlant.

Un pays ne décolère cependant pas, la France. Paris refuse que ses ressortissants imposés d’après la dépense puissent bénéficier de la convention de double imposition franco-suisse, et exige de les soumettre à son propre régime fiscal, nettement plus élevé. Cette menace s’applique surtout aux prélèvements à la source de revenus d’origine française, comme les dividendes. Les nombreux forfaitaires de l’Hexagone ont donc tout intérêt à brouiller les pistes en faisant, par exemple, transiter leurs revenus provenant de la France par d’autres pays comme le Luxembourg.

La Suisse tire parti de la concurrence fiscale internationale
Vrai à 75%

«Grâce au forfait, la Suisse appartient à la quinzaine de pays parmi lesquels les ultrariches choisissent de s’établir», avance le gérant de fortune valaisan Jean-Daniel Ballet, membre du comité de Swissrespect, une organisation qui défend une vision traditionnelle de la finance.

Mais elle fait face à une solide concurrence. La plus sérieuse est celle du Royaume-Uni. Ce dernier offre un statut de «résidents non domiciliés» permettant d’être taxé uniquement sur la part des revenus amenés dans le pays. Une formule ultra-avantageuse qui a pour effet de propulser Londres comme l’un des principaux centres mondiaux de milliardaires avec plus de 100 000 «réfugiés» fiscaux. Ainsi, en dépit d’un durcissement des conditions en 2008, le fisc britannique a empoché 6,8 milliards de livres sterling (10 milliards de francs) de recettes en 2012, soit 4% du total des impôts sur le revenu. L’Irlande applique un système similaire.

Beaucoup d’autres Etats s’ingénient à mettre en place des formules à même d’attirer le riche contribuable étranger. Le plus connu, Monaco. Il ne connaît pas d’impôt sur le revenu, ni sur la fortune. Ce régime, Andorre le pratique aussi pour toute personne qui réside au moins trois mois par année et ne travaille pas dans le pays. Le problème pour les résidents de ces micro-Etats, c’est d’y rester assez longtemps pour ne pas se voir accuser d’évasion fiscale.

Le Portugal, Malte, Chypre, le Liechtenstein et Gibraltar taxent à taux très réduit les étrangers qui viennent s’y installer sans y mener une activité lucrative. Les conditions: disposer d’un revenu minimal, voire acquérir un logement. Les minima sont si bas qu’un retraité suisse quelque peu nanti peut y prétendre. La Hongrie tente, elle, d’attirer les riches non-Européens en leur offrant un permis de résidence permanent s’ils achètent des obligations d’Etat pour un minimum de 300 000 euros (363 000 francs), dont 50 000 à fonds perdu.

Restent, enfin, les pays qui jouent sur des niches aux taux d’imposition très faibles, voire inexistants, comme l’absence d’impôt sur la fortune (Italie) ou sur les successions en ligne directe (Belgique). Le pays membre de l’OCDE au taux d’imposition moyen sur le revenu le plus faible est le Chili.

Chaque Etat tente ainsi d’attirer à lui des contribuables fortunés. Avec un calcul simple: s’ils apprécient leur pays d’accueil, ces riches étrangers ne se contenteront pas d’y faire leur vie. Ils apporteront leurs réseaux de relations, leur expérience internationale, leur savoir-faire, et peut-être même y orienteront-ils des investissements. A ce jeu-là, la Suisse sait très bien s’y prendre.


Interview. Les systèmes visant à attirer de riches contribuables étrangers ne sont absolument pas contestés par l’OCDE. Explications de l’un de ses directeurs, Pascal Saint-Amans.

«Aucun Etat ne demande de supprimer le régime des forfaits fiscaux»

En Suisse, on a appris à l’écouter. Directeur du Centre de politique et d’administration fiscale de l’OCDE, Pascal Saint-Amans est l’avocat du renforcement des règles internationales. Il est le bras armé de la communauté internationale pour contraindre les pays à adopter l’échange automatique de renseignements fiscaux. C’est aussi lui qui est en charge de faire disparaître les statuts fiscaux spéciaux qui permettent aux multinationales de diminuer leur charge d’impôts. S’il est un fonctionnaire international bien placé pour savoir si les régimes mis en place dans de nombreux pays pour attirer de riches étrangers sont acceptables, c’est lui.

L’OCDE veut-elle la disparition du forfait fiscal suisse et des régimes semblables à l’étranger?

La fiscalité des personnes physiques n’a jamais fait l’objet de travaux de recherche au sein de l’OCDE. Et cela n’a été demandé par aucun Etat. Ces derniers concentrent leur attention sur les systèmes facilitant la fraude, notamment ceux qui s’appuient sur l’opacité que permettait par exemple le secret bancaire. Pourtant, certains régimes visent clairement à attirer des étrangers fortunés.

L’OCDE s’attaque aux pratiques fiscales dommageables comme celles qui donnent la possibilité à des multinationales de minimiser leurs impôts. Les régimes visant à attirer de riches étrangers ne suivent-ils pas une logique similaire?

Pas tout à fait. Le combat engagé par l’OCDE contre les régimes fiscaux spéciaux en faveur des entreprises vise à rétablir le lien entre les lieux de production de biens et de services, d’une part, et le lieu où les bénéfices qui en résultent sont taxés. Comme on le sait, il est actuellement facile pour une grande entreprise de déplacer ses profits dans des juridictions où ces derniers sont peu taxés, voire pas du tout. Cette logique ne peut pas s’appliquer aux personnes physiques.

Pourquoi?

Ces dernières paient des impôts à leur lieu de domicile effectif. Une personne physique est plus facile à localiser que le bénéfice d’une entreprise. Le caractère dommageable de la concurrence fiscale que peuvent se livrer les Etats sur cette question est donc réduit.

Les individus n’ont-ils jamais de domicile fictif?

Cette question est généralement réglée par le droit interne de chaque pays. Par exemple, un Français officiellement domicilié à l’étranger mais qui réside plus de six mois en France est considéré comme contribuable français.

Les régimes fiscaux spéciaux en faveur des personnes fortunées pourront-ils figurer à l’avenir à l’agenda de l’OCDE?

Cela n’est pas certain. Mais vu qu’il s’agit d’un thème éminemment politique, il peut monter rapidement. Cela dit, les Etats ont probablement le sentiment que toucher à la fiscalité des individus constitue une atteinte à leur souveraineté.


Profil

Pascal Saint-Amans
Ancien élève de l’Ecole nationale d’administration, Pascal Saint-Amans a occupé différents postes au sein du Ministère français des finances, avant de rejoindre l’OCDE.


Metin Arditi: «Et la morale, bordel?»

Il figure dans les 300 plus grandes fortunes de Suisse. Et pourtant, Metin Arditi, écrivain, mécène, physicien et homme d’affaires genevois, juge sévèrement les forfaits fiscaux accordés aux contribuables les plus aisés de pays que nous appelons «amis».

A quoi tient la force d’un pays? De quoi dépend sa capacité à assurer le bonheur de ses citoyens? A exercer son libre arbitre? En un mot, à être indépendant? Ce ne sont ni son argent ni sa puissance militaire. C’est sa fibre morale. Sa capacité à se dresser pour défendre ses valeurs. L’histoire abonde d’exemples de pays qui ont fait les frais d’avoir oublié cette vérité. Les Etats-Unis, forts d’une armée de 500 000 hommes, ont combattu durant dix ans le Nord-Vietnam, l’ont bombardé tant qu’ils ont pu, avec tout ce qu’ils ont pu, napalm compris. Ils avaient en face d’eux des gens qui souvent se battaient nu-pieds. Qui a gagné la guerre? Les Nord-Vietnamiens. Ils luttaient pour leur indépendance, cette lutte avait une valeur, et dans cette valeur ils ont trouvé la force. Machiavel le dit: le nerf de la guerre, ce n’est pas l’argent, ce sont les hommes.

Les forfaits soulèvent une question morale

C’est entendu, les forfaits fiscaux ramènent de l’argent. Mais ils soulèvent une question d’ordre moral, et l’éluder serait contraire à nos intérêts économiques à long terme. Car en quoi consistent-ils? A pirater par des facilités fiscales de riches contribuables de pays que nous appelons «amis», et qui sont souvent dans des situations économiques bien plus défavorables que la nôtre. Nous n’agissons pas dans une logique de Robin des Bois: nous prenons à de moins riches pour donner à nous-mêmes, qui ne sommes pas aux abois. Sur le plan moral, ces arrangements sont indéfendables. On nous explique que ne pas payer son impôt dans son pays revient à voler l’Etat, ce qui est juste. Mais on ne se gêne pas pour inciter l’étranger à faire cela exactement, à l’égard de son pays à lui, pour autant qu’il vienne chez nous, où on ne lui prendra qu’un petit bout de ce qu’il aurait payé chez lui. Ce n’est pas glorieux.

Le vrai coût est caché

Il y a là, pour notre pays, deux coûts possibles. Le premier est d’ordre tactique, dans nos rapports d’Etat à Etat. Il n’est pas mince, nous le constatons tous les jours, à lire les tribulations pathétiques de nos dirigeants dans leurs négociations d’accords fiscaux avec l’étranger. Mais le vrai coût est caché. Il est d’ordre moral. Une telle politique peut-elle ne pas avoir d’impact sur notre système de valeurs, fondé sur la dureté à la tâche, le goût du travail bien fait, la fiabilité? La question est centrale: dans le long terme, ce sont ces valeurs qui garantiront aux citoyens de notre pays la meilleure vie possible. Ces valeurs, et certainement pas les revenus générés par les forfaits fiscaux. Jamais.

L’embarras de Widmer-Schlumpf

Bizarrement, l’argumentation de la ministre Widmer-Schlumpf n’aborde pas cette dimension du problème. On est même frappé par l’embarras de sa prise de position, pour ne pas dire par sa pauvreté. Elle présente en premier rang «l’attractivité économique» de la Suisse. Parler d’attractivité économique au sujet de personnes qui, bénéficiant d’un forfait fiscal, seront ipso facto interdites d’activité économique, c’est ridicule. Mais il y a plus grave: nulle part n’est affronté le dilemme moral. Nous retombons dans le déni de réalité qu’a entretenu le Conseil fédéral durant trente années à propos du secret bancaire, et qui nous a menés à des redditions honteuses et répétées en rase campagne. Nous répétons, au rang suprême du pays, l’attitude de certaines banques qui se nourrissaient en mettant sur pied de vastes opérations de piratage fiscal, qui ont mis en péril leur survie, c’est-à-dire des dizaines de milliers d’emplois, et qui leur ont valu l’opprobre général. A elles et au pays tout entier… N’avons-nous rien appris?

Metin Arditi
Né à Ankara en 1945, en Suisse depuis l’âge de 7 ans, docteur en physique EPFL, il fait une carrière dans l’immobilier tout
en créant la Fondation Arditi en 1988. Président de l’Orchestre de la Suisse romande
de 2000 à 2013, père
de la Fondation Les Instruments de la Paix-Genève, envoyé spécial de l’Unesco,
il se consacre
à l’écriture.


L'Auteur

Pascal Saint-Amans
Ancien élève de l’Ecole nationale d’administration, Pascal Saint-Amans a occupé différents postes au sein du Ministère français des finances, avant de rejoindre l’OCDE.

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Immobilier romand: Genève, le canton ne parvient pas encore à résorber sa pénurie

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Jeudi, 30 Octobre, 2014 - 05:58

Les nouvelles constructions ne comblent toujours pas le manque d’appartements. La faute à un marché aux règlements très stricts? Les prix des appartements en PPE et des maisons ont baissé. La tendance devrait se poursuivre ces prochains mois.

Patricia Meunier

Le canton de Genève subit encore et toujours une pénurie. La lecture des dernières statistiques de l’Office fédéral du logement démontre une nouvelle fois que le taux de vacance peine à évoluer: en 2012, il était de 0,33%, puis 0,36% en 2013 pour atteindre cette année un petit 0,39%. Avec cette infime croissance, la recherche d’une maison ou d’un appartement reste compliquée. «Pour avoir un marché en équilibre, le taux de logements disponibles devrait idéalement se situer à 1%», explique Etienne Nagy, directeur général du groupe Naef Immobilier à Genève.

Cette forte disparité entre l’offre et la demande résulte notamment du «réel boom économique que Genève a connu ces dernières années», analyse l’étude de Credit Suisse Marché immobilier 2014: durant la seule période de 2005 à 2011, 38 165 nouveaux emplois ont été créés pour répondre aux besoins en main-d’œuvre. Et sur une période presque comparable (2001-2011), la grande banque a chiffré une demande de 36 700 logements alors que le parc immobilier ne s’est élargi que d’environ 21 800 habitations. Soit un manque annuel évalué à 1490 logements.

L’établissement bancaire constate également que le parc immobilier du canton a enregistré une progression de 4% entre 2005 et 2011, alors que celui d’autres centres en expansion comme Zoug (10,6%) et comme celui de Zurich et sa région (6,1%) ont connu une croissance beaucoup plus dynamique.

La pression sur le marché ne va en rien diminuer de par la hausse du nombre de frontaliers, qu’ils soient Suisses ou Français, explique Philippe Kaufmann, responsable de la recherche dans le secteur immobilier à Credit Suisse. Exemple: 90 000 pendulaires se rendent chaque jour à Genève depuis la zone française voisine faute de pouvoir se loger dans le canton.

Les nouvelles constructions venues alimenter le marché n’ont pas encore provoqué un fléchissement du manque d’appartements. «Pour le segment des locations en particulier, l’offre reste trop restreinte en regard de la demande. Et un soulagement immédiat par de nouveaux projets n’est pas visible à l’horizon», précise encore Philippe Kaufmann. En revanche, les spécialistes notent que la disponibilité de logements haut de gamme a augmenté. Une hausse qui s’explique par une demande en contraction alors que l’offre s’est étoffée.

En comparaison avec la pénurie sur le marché des locations, la situation est quelque peu différente dans le segment de la propriété. L’offre s’est élargie et l’ardeur des acheteurs s’est calmée depuis l’introduction des nouvelles mesures sur l’obtention de prêts hypothécaires. Les prévisions sur la conjoncture économique moins bonnes, les incertitudes liées au marché de l’emploi dans tous les secteurs d’activité ont eu également de l’influence.

«Si la demande reste quantitativement très forte, les moyens financiers à disposition des ménages se sont cependant quelque peu réduits par rapport à 2012. Une réalité qui ne s’explique pas seulement par les nouvelles réglementations en matière de crédits hypothécaires mais aussi par le ralentissement économique dans les activités à hauts salaires, comme la finance et le négoce», confirme Hervé Froidevaux, associé chez Wüest & Partner.

Un retour au calme

Les prix des appartements en PPE et des maisons ont alors baissé. Une tendance qui devrait d’ailleurs se maintenir ces prochains mois. Même phénomène pour les logements de classe moyenne. «Depuis un an environ, les prix de vente dans le segment standard ont légèrement fléchi dans le canton. On note une perte de 2,4% au deuxième trimestre par rapport à l’année passée», détaille Philippe Kaufmann. A cette période, le prix de vente médian d’un appartement vendu était ainsi de 883 000 francs, selon l’Office cantonal de la statistique à Genève. Pour les maisons individuelles, le prix médian a quant à lui atteint près de 1,6 million de francs.

Le marché des PPE a enregistré une baisse modérée, soit de 2% à 5% annuels selon les segments. Les prix moyens par m2 varient de 6000 à 7000 francs dans la zone de développement où l’Etat décide notamment les prix des terrains, alors qu’il s’élève à 13 000 francs sur le marché dit «libre». Cet écart devrait néanmoins se rétracter dans le futur.

Contrairement aux potentiels acquéreurs d’un bien, les locataires devront se contenter d’une stagnation des prix. Une stagnation bienvenue. La pénurie de logements a provoqué une explosion des prix des loyers qui dépassent aujourd’hui de plus de 120% leur niveau de l’an 2000 sur l’ensemble de l’Arc lémanique, relève le rapport de Credit Suisse. A titre de comparaison: durant la même période, les loyers au niveau national n’ont augmenté que de 50%, et aucune autre région suisse n’a connu de hausse de plus de 61%.

Un marché particulier

Les actuelles conditions du marché genevois découlent également de la particularité de son territoire. Selon la statistique cantonale de 2012, Genève dispose de surfaces agricoles qui représentent un peu plus de la moitié de la superficie utile totale. Ce qui limite les espaces dévolus à la construction.
A cette contrainte s’ajoute celle de l’organisation des zones à bâtir. D’un côté, les superficies ordinaires. De l’autre, les superficies de développement, contrôlées par l’Etat afin de pouvoir offrir notamment des logements sociaux (lire ci-contre). Les autorités cantonales ont ainsi la possibilité de décider des prix des terrains et des loyers, ainsi que du taux de rendement des immeubles. Des règles strictes qui peuvent décourager les investisseurs et qui accentuent la pénurie d’habitations.


Les gros chantiers

Près de 50 000 nouveaux logements devraient être construits d’ici à  2030. Pour atteindre cet objectif, le canton prévoit de déclasser des zones agricoles.

Le plan directeur cantonal prévoit la construction de près de 50 000 nouveaux logements pour 2030, notamment en reclassant des zones agricoles. Pour y parvenir, les autorités ont prévu d’accélérer la cadence des chantiers. «Genève a beaucoup trop peu bâti ces dernières années. Une situation qui pourrait enfin changer avec ces constructions en zone de développement», explique Hervé Froidevaux, associé chez Wüest & Partner.

Même si l’évolution s’annonce positive, la capacité de l’offre ne devrait pas se trouver radicalement changée. Car les discussions et les négociations prennent du temps dans le canton. Par exemple, le futur quartier durable des Cherpines, qui s’étend sur une zone de plus de 58 hectares sur les communes de Confignon et de Plan-les-Ouates, avance à petits pas. Une fois terminé, il pourrait accueillir 3000 nouveaux appartements. Le plan directeur a été approuvé en 2013 par les autorités concernées. Il prévoit un quartier mixte où cohabiteront différents types de logements, dont du subventionné, avec des activités économiques.

Quant au projet Praille-Acacias-Vernets, il offrira près de 1500 logements pour 2018 sur le site de la caserne des Vernets. Après l’accord entre l’Etat et la commune de Veyrier, le projet des Grands-Esserts, situé près des futures gares du CEVA à Carouge-Bachet et à Champel-Hôpital, se poursuit. Le chantier pourrait démarrer en 2017-2018.

Depuis l’été dernier, le quartier de la Chapelle, situé sur les communes de Lancy et de Plan-les-Ouates, a été inauguré. Quelque 380 logements ont déjà pu être occupés cette année. Encore 300 autres appartements sont prévus à moyen terme. Au final, ce sont environ 1300 logements, des commerces, une école, des jardins familiaux et des espaces de détente qui animeront les lieux.

Un autre grand quartier de type éco, Les Vergers à Meyrin, devrait disposer de 1250 logements entre 2013 et 2018 répartis dans une trentaine de bâtiments. Environ 300 logements seront vendus en PPE, près de 400 seront destinés à des coopératives (HM) et près de 200 seront en loyer libre. Le quartier de l’Etang à Vernier, entre la cité des Avanchets et les citernes pétrolières, près de l’entrée de l’autoroute, accueillera près de 3000 habitants dans quelque 1000 logements. Les premiers occupants pourraient arriver en 2018 déjà. «Un plan localisé de quartier est développé parallèlement au déclassement. Ce qui permet d’avancer plus vite sur le projet», relève Christophe Aumeunier, secrétaire général de la Chambre genevoise immobilière.
Le premier coup de pioche est attendu pour le début de 2015.
 



 


Sommaire :

Intro
Vaud, le dynamisme de la construction  menace le marché d’une suroffre
Genève, le canton ne parvient pas encore à résorber sa pénurie
Valais, une baisse des prix s’amorce,  même dans les stations les plus prisées
Neuchâtel, es autorités investissent  dans les logements d’utilité publique
Fribourg, un canton bouleversé par les nouvelles contraintes sur les zones à bâtir

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Immobilier romand: Vaud, le dynamisme de la construction menace le marché d’une suroffre

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Jeudi, 30 Octobre, 2014 - 05:59

La pénurie qui sévit dans le canton pourrait se résorber d’ici à 2016 ou 2017 déjà. Les promoteurs sont appelés à la vigilance afin d’éviter le trop-plein de logements.

Patricia Michaud

Avant même d’avoir finalisé son projet de construction de 35 appartements en PPE, ce promoteur a déjà reçu les dossiers de candidature d’une dizaine de propriétaires potentiels vivant actuellement sur l’arc lémanique. Cet enthousiasme pour des biens situés dans un paisible village de la Broye vaudoise aurait été inconcevable il y a une quinzaine d’années. Mais, avec la pénurie de logements qui sévit dans le canton, les zones auparavant boudées deviennent beaucoup plus attractives.

Même séduit par l’idée de réaliser une affaire juteuse, le promoteur ne peut malgré tout se défaire d’un sentiment de malaise. Car s’il est encore extrêmement loin du seuil de 1,5% définissant un marché du logement équilibré, le taux de vacance cantonal actuel de 0,7% n’en demeure pas moins le plus élevé depuis 2008. Et la tendance haussière devrait se poursuivre en raison du nombre de projets immobiliers en cours de réalisation, prédit le promoteur. Dès lors, ses investissements dans les PPE broyardes ne présentent-ils pas un risque à moyen terme?

Ces craintes, ce n’est pas l’étude publiée il y a quelques mois par iConsulting qui va les apaiser. Selon ses auteurs, le taux de logements vacants pourrait remonter à 1,5% d’ici à 2016 ou 2017 déjà dans le canton. Au-delà de ce rééquilibrage, une situation de suroffre pourrait même se présenter en cas de mauvaise gestion du marché par ses acteurs. Les spécialistes du bureau lausannois comparent cette dynamique à celle des années 90, où le taux de vacance atteignait 2,7% à l’échelle cantonale et même 4% dans certaines régions.

Pour établir ses prévisions, i Consulting a calculé la réserve de terrains théoriquement disponibles à la construction. En se fondant sur les plans d’affectation existants, sur les surfaces liées au Plan directeur cantonal 2007 et sur les grandes démarches de planification en cours, le bureau estime que le potentiel d’accueil se chiffre à 200 000 personnes pour la période 2012-2014. Soit deux fois les besoins évalués par Statistique Vaud. Selon leur scénario, le canton pourrait enregistrer une hausse d’environ 100 000 habitants sur la même période.

Les auteurs de l’étude admettent que la taille et le rythme des ajustements du marché immobilier vaudois pourraient être influencés par plusieurs facteurs, tels que les effets potentiels de l’initiative du 9 février contre l’immigration de masse ou ceux de la révision de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire (LAT). Reste que «si on se retrouve dans un cas de figure où le taux de vacance moyen avoisine les 2%, certains districts du canton pourraient être dans la mistoufle», commente Yvan Schmidt, partenaire chez i Consulting.

Redistribution des cartes

L’expert rappelle que ces dernières années, l’assèchement du marché du logement dans l’arc lémanique a poussé de nombreux Vaudois à aller chercher un nid dans des régions auparavant moins populaires, telles que le Chablais ou la Broye. Dans ces zones, les nouvelles constructions ont alors poussé comme des champignons. De même, des permis de construire ont été attribués «dans des environnements de plus en plus complexes», souligne Yvan Schmidt. Il cite l’exemple de plusieurs parcelles en chantier en amont de l’autoroute A9, «qui sont soumises à de fortes nuisances sonores».

En cas de détente du marché, de tassement, voire de baisse des prix des logements dans les régions les plus convoitées du canton, «on connaîtra probablement un mouvement inverse à celui précédemment observé», poursuit le partenaire d’i Consulting. Un phénomène qui verrait des Vaudois revenir notamment sur les rives du Léman. Ce reflux pourrait concerner non seulement les Vaudois partis s’installer dans d’autres régions du canton, mais aussi ceux ayant décidé de traverser la frontière fribourgeoise. Lors de la publication de l’étude, les autorités et les milieux immobiliers du canton voisin n’ont d’ailleurs pas exclu un fléchissement de la croissance démographique, particulièrement dans les districts de la Veveyse, de la Gruyère, de la Glâne et de la Broye.

Avertissement

Dans ce contexte, il est essentiel que les acteurs du marché «soient particulièrement attentifs à ce qu’ils construisent» afin de ne pas se retrouver avec des logements sur les bras, commente Yvan Schmidt. Cet avertissement, qui relève du bon sens pour les «promoteurs les plus expérimentés», n’est pas pour autant superflu. «Parmi les petits investisseurs, il y en a qui ne se rendent vraiment pas compte que le marché vaudois vit un changement de paradigme. Ils viennent me consulter, tout étonnés de ne plus arriver à trouver d’acheteurs potentiels pour certains biens.» «Il est vrai que certains promoteurs parmi les plus opportunistes pourraient se retrouver en difficulté», précise Catherine Michel, présidente la section vaudoise de l’Union suisse des professionnels de l’immobilier (USPI): «En ce qui concerne les vrais professionnels de la branche, la prudence est de mise depuis un certain temps déjà.»

Toujours selon la présidente de l’USPI, une des questions les plus importantes que doit se poser un promoteur avant de lancer un nouveau projet est celle de l’emplacement. Yvan Schmidt abonde dans son sens: «Si j’envisage de construire des logements à Morges, je peux y aller quasiment les yeux fermés. Par contre, si mon terrain se trouve à Lucens, je vais devoir prendre en compte d’autres paramètres, tels que l’offre de la concurrence et les prix.»

Plus pragmatique, Anthony Collé, directeur du groupe immobilier MK, estime que le marché vaudois amorce une phase de «correction en douceur», qui n’implique pas de mesures de prévention supplémentaires. «Intuitifs par nature, les agents immobiliers rectifieront le tir spontanément.»

Le spécialiste rappelle que les banques sont devenues plus rigoureuses et prudentes en matière de prêts. Ce qui oblige les promoteurs à se concentrer sur des projets optimisés à une valeur foncière moins importante que ces cinq dernières années.

Cette retenue n’est pas pour déplaire à Michel Schmidt, secrétaire général de l’Assprop Vaud, une association regroupant des propriétaires immobiliers: «En Suisse, il règne une politique généralisée visant à répondre le plus vite possible au boom démographique via la construction. Notre association se bat au contraire pour que chaque projet fasse l’objet d’une concertation préalable impliquant l’ensemble des parties intéressées, afin de garantir une qualité de vie durable et un bâti qui respecte l’écologie, la mixité sociale et la responsabilité individuelle.»

Logements abordables

Du côté de l’Etat de Vaud, on craint au contraire que les résultats de l’étude d’i Consulting poussent les acteurs du marché immobilier à lever exagérément le pied, se désintéressant par la même occasion d’une thématique brûlante: les logements à loyer abordable. «Si la construction connaît un essor dans le canton, de nombreux chantiers concernent cependant des objets à prix élevé alors que l’on est encore loin du compte pour les appartements locatifs destinés à la classe moyenne», relève Jacques Biermann, chef de la Division cantonale du logement.

Dès lors, les mesures présentées par le Conseil d’Etat en guise de contre-projet à l’initiative de l’Asloca «Stop à la pénurie de logements» ont encore «tout leur sens», insiste le responsable. Les nouvelles règles – sur lesquelles les citoyens cantonaux devraient se prononcer au printemps 2015 – prévoient la possibilité pour les communes d’inciter les promoteurs à construire des logements d’utilité publique (LUP). Pour ce faire, elles disposeront d’outils tels que l’introduction de quotas dans les plans d’affectation ou le recours à des bonus de surface.


Hausse bienvenue du nombre de logements disponibles

Le taux de vacance a atteint son record depuis 2008 dans le canton. Sans surprise, la situation demeure toujours plus tendue au bord du Léman que dans les autres régions.

On est encore loin du 1,5% correspondant à un marché immobilier équilibré. Reste que le taux vaudois de logements vacants a légèrement augmenté entre la mi-2013 et la mi-2014, passant de 0,6% à 0,7%, soit sa valeur la plus élevée depuis 2008. Au 1er juin dernier, le canton comptait ainsi 2600 logements disponibles, dont 1530 proposés à la location, selon Statistique Vaud.

La hausse du taux de vacance dans le segment locatif – qui passe lui aussi de 0,6% à 0,7% – marque «le changement récent le plus notable sur le marché vaudois», relève Yvan Schmidt, partenaire chez i Consulting. Corollaire de la timide détente, «le temps de mise en location des logements s’est légèrement rallongé. Lorsqu’une régie publie une annonce, il n’y a plus forcément dix personnes qui appellent dans l’heure qui suit…»

Sur le marché de la PPE et des maisons individuelles, l’accalmie est encore plus forte. Signes révélateurs: «Le processus aboutissant à la conclusion d’un contrat de vente prend nettement plus de temps qu’auparavant», observe Yvan Schmidt. Et une stabilisation, voire une baisse des prix, a été constatée sur l’ensemble de l’arc lémanique. Charles Spierer, président de CGi Immobilier, relève cependant un renchérissement hors de cette zone, notamment dans le Gros-de-Vaud. «Il y a toujours deux marchés immobiliers vaudois: celui du bord du lac et celui des autres régions. Mais l’écart entre les deux commence à se rétrécir.»

Les taux de vacance – vente et location confondues – mettent eux aussi le doigt sur de grandes différences entre les districts du canton. Alors qu’une stagnation à 0,6% est enregistrée dans le Jura-Nord vaudois, le district de Lausanne accuse une baisse à 0,2% (contre 0,3% l’an dernier). A l’autre bout de l’échelle, le district d’Aigle voit son taux dépasser la fameuse barre du 1,5%, pour atteindre 1,8%. Autant de disparités que pourraient atténuer – partiellement – une série de grands projets en cours de planification.

On peut notamment citer les quelque 600 logements prévus sur un vaste terrain agricole déclassé dans la zone de la Petite-Prairie, à Nyon. Du côté de Chavannes-près-Renens, le quartier de Dorigny devrait accueillir près de 1700 habitants, alors que le projet de l’Orée, imaginé sur le site d’une ancienne briqueterie à Crissier, comprendra environ 350 logements. C’est bien sûr sans compter sur les milliers de logements qui seront mis à disposition via les deux écoquartiers inscrits dans le programme géant Métamorphose, en pleine capitale cantonale.
 



 


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Vaud, le dynamisme de la construction  menace le marché d’une suroffre
Genève, le canton ne parvient pas encore à résorber sa pénurie
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Immobilier romand: des prix à la baisse, une offre à la hausse

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Jeudi, 30 Octobre, 2014 - 06:00

Dossier. Les difficultés que rencontrent désormais les futurs propriétaires pour acquérir un bien ont pour effet de stabiliser les prix, voire de les tirer vers le bas. Quant aux taux de vacance, ils remontent dans la plupart des régions.

Texte Patricia Michaud
Photos Régis Colombo

Deux ans après son entrée en vigueur, le tour de vis de la Banque nationale suisse (BNS) limitant à 10% l’utilisation du 2e pilier comme fonds propres pour l’achat d’un bien immobilier déploie pleinement ses effets: les prix des PPE (propriétés par étages) et, dans une moindre mesure, des maisons individuelles stagnent, voire baissent. «Cette correction est désormais visible dans les indicateurs , commente Yvan Schmidt, partenaire chez i Consulting. Le marché réagit toujours avec un certain décalage aux mesures de régulation.»

La difficulté accrue des acheteurs à monter un plan de financement se ressent aussi dans la durée des transactions, qui s’est nettement allongée, relève Charles Spierer, président de CGi Immobilier. Aussi, pour s’adapter à cette nouvelle donne, certains promoteurs immobiliers modifient les projets en cours de planification, par exemple en prévoyant plus d’appartements aux dimensions réduites, afin d’alléger l’addition pour les acheteurs. Autre possibilité: convertir les PPE en locatifs.

Les observateurs, qui parlent d’un atterrissage en douceur du marché de la vente plutôt que d’un coup de blizzard, s’attendent à une poursuite de la détente l’année prochaine. Ce d’autant que plusieurs autres mesures restrictives ont été introduites récemment ou sont en discussion (lire encadré ci-contre). Dans ce contexte, même les taux hypothécaires historiquement bas ne devraient pas parvenir à renverser la vapeur. Pour mémoire, les taux de référence sur dix ans ont défoncé le plancher des 2% au troisième trimestre. En négociant âprement, les futurs propriétaires peuvent même les faire descendre jusqu’à 1,5%, estiment les spécialistes du site comparis.ch.

Avec des taux d’emprunt aussi favorables et des prix à la baisse, les personnes qui peuvent se permettre d’avancer 10% de fonds propres en cash ne seraient-elles pas bien avisées d’investir dans la pierre? «Oui, mais seulement à condition qu’elles n’aient pas l’intention de revendre leur bien après une courte durée», avertit Stéphane Defferrard, codirecteur de la société de conseil en investissement immobilier DL.

Tassement sur la location

Du côté du marché locatif, un léger tassement se profile également sur les prix, malgré le ralentissement de la demande vers la propriété. Dans leur dernier baromètre immobilier, les experts de Credit Suisse mettent cette accalmie sur le compte de la construction accrue de logements. En Suisse romande, «on a notamment assisté à un boom dans les cantons de Vaud, de Fribourg et du Valais», ajoute Yvan Schmidt.

Tous types d’objets confondus, les taux de vacance ont enregistré un rebond bienvenu dans la plupart des régions du pays, Arc lémanique et Plateau en tête. Au 1er juin 2014, 45 748 logements étaient ainsi disponibles à la location ou à la vente dans le pays, soit 1,08% du parc total (contre 0,96% un an plus tôt). Selon le partenaire d’i Consulting, cette tendance haussière devrait se poursuivre l’an prochain, offrant notamment une bouffée d’air aux locataires. Ou plutôt à certains locataires, comme tient à nuancer l’Asloca.

Forte de la constatation qu’une grande partie des nouveaux logements mis sur le marché sont inaccessibles à la classe moyenne en raison de leur standing, l’association a lancé cet automne une campagne. Cette dernière vise à inciter les autorités fédérales à concrétiser le plus rapidement possible plusieurs projets de lutte contre la cherté des loyers.


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Vaud, le dynamisme de la construction  menace le marché d’une suroffre
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Des technologies au service du sport

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Jeudi, 6 Novembre, 2014 - 05:46

Tabrasco Group

Fondateurs (de gauche à droite): Anne Baylon (35 ans), Xavier Veuthey (46 ans)
Années de création: 2011
Nombre d’employés: 17
Origine des fonds: prêt de la Fondation pour l’innovation technologique, Service de la promotion économique et du commerce du Canton de Vaud, fonds propres

En trois ans seulement, Tabrasco Group s’est fait un nom dans le monde du sport. L’entreprise a inventé un capteur de fréquence cardiaque utilisé lors de la Coupe du monde de tir à l’arc en 2012. Particularité: il permettait aux téléspectateurs de suivre en direct le rythme cardiaque des athlètes. «En 2015, nous commercialiserons une version plus évoluée du produit, qui permettra de connaître la pression sanguine, la température et le taux d’oxygénation du sang, se réjouit Xavier Veuthey, cofondateur. Dans le sport, le marché de l’instantanéité de l’information est estimé à 10 milliards de francs.»

Plusieurs fédérations sportives internationales, dont celles de natation et de golf, sont intéressées par la technologie. «Et nous visons également les sportifs amateurs.» Tabrasco Group s’apprête à racheter une entreprise suisse de microtechnique pour produire ses appareils. En 2015, la société table sur un chiffre d’affaires de plus de 2 millions de francs pour cette activité.
Jamais à court d’idées, la start-up a aussi créé des logiciels utilisés pour l’organisation de grandes rencontres sportives ou encore le suivi d’athlètes. Elle travaille par ailleurs à un système permettant d’améliorer le comptage des points dans les compétitions d’escrime.

 


Sommaire

Des capteurs pour aider les personnes âgées
Les écrans du futur
Trouver des places de parc libres
Diagnostiquer  les allergies en quelques minutes
Des technologies au service du sport
Recycler la chaleur perdue des usines
Des robots qui cultivent des salades

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Diagnostiquer les allergies en quelques minutes

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Jeudi, 6 Novembre, 2014 - 05:47

Abionic

Fondateurs (de gauche à droite): Iwan Märki (39 ans), Nicolas Durand (32 ans)
Année de création: 2010
Nombre d’employés: 12
Investisseurs: capital-risque, business angels, prêt de la Fondation pour l’innovation technologique, Venture Kick, Prix de Vigier et divers autres prix

Abionic a développé un système pour diagnostiquer les allergies, ultrarapidement et à partir d’une goutte de sang. Accessible pour quelques milliers de francs, son produit est destiné aux médecins installés en cabinet et vise à faciliter la vie des patients. «Notre technologie permet d’obtenir un résultat en quelques minutes, explique Nicolas Durand, ingénieur en microtechnique, cofondateur et directeur de la start-up. Le médecin peut poser un diagnostic immédiatement. Aujourd’hui, des échantillons de sang doivent être envoyés dans un laboratoire spécialisé, où les examens durent plusieurs heures, ce qui oblige le patient à revenir pour un second rendez-vous.» Le prototype d’Abionic teste une dizaine d’allergènes, parmi lesquels le bouleau, les graminées, les poils de chien et de chat ou encore les produits laitiers.

«En Europe, une personne sur cinq souffre d’allergies. Et le problème prend de l’ampleur dans les pays émergents, car les allergies se développent en parallèle avec l’amélioration du niveau d’hygiène.» Les premières machines seront commercialisées en Suisse en 2015. Une entrée sur les marchés étrangers, à commencer par la Grande-Bretagne et l’Allemagne, suivra dans le courant de l’année. Abionic ambitionne de trouver d’autres applications à sa technologie à l’avenir, notamment dans le diagnostic du cancer.

 


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Jeudi, 6 Novembre, 2014 - 05:48

Tinynode

Fondateurs: Pierre Castella (32 ans), Martin Zoller (27ans)
Année de création: 2012
Nombre d’employés: 5
Investisseurs: investisseurs privés


Les places de parc le long du boulevard de Grancy, à Lausanne, sont toutes occupées et plusieurs voitures tournent en rond pour trouver un espace libre. «Une utilisation du temps absurde», assène Pierre Castella. Avec sa start-up Tinynode, située à proximité, le jeune entrepreneur élabore un système qui permet de mieux gérer le stationnement en ville: des capteurs détectant la présence d’une voiture sur un emplacement grâce à des changements dans le champ magnétique. «La connaissance en temps réel des taux d’occupation, c’est la prochaine révolution dans l’industrie du stationnement», dit Pierre Castella. Les informations parviennent aux automobilistes via smartphone ou grâce à des panneaux d’affichage. «Avec des capteurs et un système de guidage, on peut optimiser le stationnement, mais aussi augmenter les revenus de la ville.»

La technologie de Tinynode a déjà été installée sur des stationnements en Europe, par exemple sur des aires d’autoroutes françaises pour informer les chauffeurs de poids lourds de la disponibilité des places. La start-up participe aussi à un projet pilote dans le quartier de Beau-Séjour, à Lausanne, le premier du genre en Suisse. Depuis octobre, des capteurs fournissent les taux d’occupation et de rotation à la municipalité. Les résidents du quartier devraient pouvoir tester un système de guidage en 2015.

 


Sommaire

Des capteurs pour aider les personnes âgées
Les écrans du futur
Trouver des places de parc libres
Diagnostiquer  les allergies en quelques minutes
Des technologies au service du sport
Recycler la chaleur perdue des usines
Des robots qui cultivent des salades

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