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Les écrans du futur

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Jeudi, 6 Novembre, 2014 - 05:49

L.E.S.S. (Light Efficient Systems)

Fondateurs (de gauche à droite): Yann Tissot (35 ans), Simon Rivier(36 ans)
Année de création: 2012
Nombre d’employés: 6
Investisseurs: Venture Kick, Climate-KIC, Prix de Vigier, Prix Strategis, Prix Venture et autres prix


La jeune entreprise lausannoise L.E.S.S. remplace les LED des systèmes d’illumination par une fibre optique du diamètre d’un cheveu. Une petite révolution dans le monde des écrans! Cette technologie crée une lumière uniforme et moins gourmande en énergie. De quoi intéresser de nombreux clients. «Nous ciblons actuellement deux marchés, explique Yann Tissot. Celui de la vision industrielle et celui du rétroéclairage des écrans.»

Des produits L.E.S.S., entièrement fabriqués en Suisse, sont commercialisés depuis février dans le pays et au Japon. Ce sont principalement les domaines de l’horlogerie, des technologies médicales et de l’électronique qui les utilisent, pour inspecter la qualité de leur production.

L.E.S.S. pourrait voir sa technologie utilisée dans le rétroéclairage des écrans dès 2017. «Nous sommes en train de développer les écrans du futur. La malléabilité et la finesse de notre fibre permet une plus grande flexibilité dans le design des écrans», par exemple la réalisation d’écrans pliables.

 


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Des capteurs pour aider les personnes âgées
Les écrans du futur
Trouver des places de parc libres
Diagnostiquer  les allergies en quelques minutes
Des technologies au service du sport
Recycler la chaleur perdue des usines
Des robots qui cultivent des salades

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Martin Heimann
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Des capteurs pour aider les personnes âgées

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Jeudi, 6 Novembre, 2014 - 05:50

DomoSafety

Fondateurs (au centre): Edouard Goupy (35 ans), Guillaume Du Pasquier (34 ans)
Année de création: 2010
Nombre d’employés: 15
Origine des fonds: business angels

DomoSafety a mis au point un système de détection des accidents destiné aux personnes âgées. Son fonctionnement: des capteurs disposés dans l’habitation scrutent les déplacements, les éventuelles chutes ou encore la qualité du sommeil de la personne. Selon ses habitudes de vie et son profil de santé, un algorithme analyse les données et donne l’alerte en cas de problème.

«Nous n’utilisons ni caméra ni micro, pour éviter toute intrusion dans l’intimité, précise Edouard Goupy, cofondateur. En cas de malaise ou de chute, le système avertit directement le 144. Lorsqu’il s’agit de problèmes plus légers comme des insomnies, les proches ou le personnel soignant sont informés. Ainsi, ils évitent de perdre du temps avec des visites inutiles et les aînés ne sont pas dérangés pour rien.»

Un projet pilote mené dans le canton de Vaud a démontré que la technologie était au point, avec un retour positif des utili-sateurs et des professionnels. En outre, 100 personnes bénéficient du système à Morges, Yvonand, Orbe et Nyon (VD). D’ici la fin du mois, d’autres dispositifs seront activés dans plusieurs villes du Valais. DomoSafety vise également une expansion internationale, avec des projets en Allemagne et en Grande-Bretagne.

 


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Sept start-up innovantes

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Jeudi, 6 Novembre, 2014 - 05:51

Enquête. Dans le sillage de l’EPFL, le canton de Vaud se positionne comme un des pôles les plus dynamiques de Suisse en matière d’innovation. C’est dans les hautes technologies que les start-up de la région se démarquent. Notre sélection.

Dossier réalisé par Sophie Gaitzsch, Camille von Kaenel et Thomas Pfefferlé

Nicolas Durand a toujours voulu devenir entrepreneur.«A 14 ans déjà, j’ai lancé un projet de dépannage informatique avec un ami, raconte l’ingénieur de 32 ans. Ça a été en quelque sorte ma première start-up!» Nicolas Durand est aujourd’hui à la tête d’Abionic, une jeune société lausannoise active dans le diagnostic des allergies, qui suit un parcours sans faute: 7,5 millions de francs levés, 20 prix d’innovation et une entrée sur le marché prévue courant 2015. Pour Abionic, le diplômé de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne se prend à rêver à un avenir à la Logitech, l’entreprise informatique vaudoise qui a révolutionné la souris et inspiré des générations d’entrepreneurs. «Avec création d’emplois et idéalement entrée en Bourse!»

En tête des classements

Abionic est loin d’être un exemple isolé. Le canton de Vaud compte une concentration exceptionnelle de start-up dans les domaines medtech et biotech, mais aussi des technologies de l’information, des cleantech, de l’agroalimentaire ou encore des technologies sportives. Rien d’étonnant lorsqu’on sait que la Suisse se place en tête des classements internationaux d’innovations, loin devant ses voisins européens, et même devant les Etats-Unis. Autre élément révélateur: selon la plateforme startups.ch, qui soutient les jeunes entreprises, le registre du commerce a enregistré 40 000 inscriptions en 2013, un record. A lui seul, le plus grand canton romand a comptabilisé l’an dernier 3544 nouvelles sociétés, en deuxième position après Zurich.

«Lausanne est un des principaux pôles de la création de start-up en Suisse, indique Julien Pache, associé chez investiere, une société zurichoise d’investissement spécialisée dans ce genre d’entreprises. La région jouit d’une très bonne réputation auprès des investisseurs. Le tiers des projets que nous finançons se trouvent en Suisse romande, une bonne partie d’entre eux dans le canton de Vaud.»

L’EPFL joue un rôle central. «Les grandes écoles techniques sont des moteurs d’inno-vation, explique Hervé Lebret, responsable du soutien à la création de start-up à l’EPFL. Il suffit d’observer la situation aux Etats-Unis: c’est autour du MIT et de Stanford que naissent le plus de start-up.» L’institution lausannoise offre une infrastructure importante pour transformer les bonnes idées qui germent dans ses laboratoires en projets entrepreneuriaux. Le parc scientifique de l’EPFL dispose de quatre bâtiments dédiés aux jeunes entreprises ainsi que de programmes de coaching et de financement. Le soutien aux start-up comprend aussi des acteurs importants hors des hautes écoles: un écosystème touffu, composé d’initiatives fédérales, cantonales et privées. «De nombreux programmes sont apparus ces dix dernières années, constate Raphaël Conz, de la Promotion économique du canton. Mais le soutien n’est pas le seul élément. Au final, il faut des entrepreneurs qui acceptent de prendre des risques. Or, aujourd’hui, créer une entreprise devient une véritable option de carrière.»


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Beat Feurer: «Je me sens con. Je suis celui qui ne peut rien faire.»

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Jeudi, 6 Novembre, 2014 - 05:52

Zoom. Commandé par l’exécutif biennois, un rapport d’experts juge que le conseiller municipal UDC, à la tête de l’Action sociale et de la sécurité de la ville, fait preuve de graves fautes de management. Explications.

Dire que Beat Feurer a passé un sale quart d’heure, vendredi dernier, est un euphémisme, quand il a assisté à la présentation, par deux de ses collèges du Conseil municipal de Bienne, du rapport commandé à Andreas Hubacher. Ce dernier, avocat bernois membre de l’UDC, a été chargé en août de mener une enquête administrative sur les dysfonctionnements éventuels au sein du département de l’Action sociale et de la sécurité (ASS). Un département dirigé depuis septembre 2012 par Beat Feurer. Tout est parti de la lettre que les autorités avaient reçue de la part de l’association du personnel de la ville, évoquant un climat de travail insoutenable.

Les conclusions? Une vraie paire de claques pour Beat Feurer: graves manquements en matière de conduite, perte de confiance et sentiment d’insécurité chez les membres du personnel, manque de clarté dans la transmission entre le niveau politique et l’administration, manque de vision stratégique. Voilà pour les principaux reproches.

Deux départs

Les 18 pages du rapport, qui n’a pas été traduit en français, énumèrent encore des détails très concrets, comme son refus de toute promotion pour l’année 2014, une décision envoyée par e-mail au chef du département qui l’a communiquée à ses subordonnés. Le hic? C’était une simple plaisanterie.

Le document a eu deux conséquences immédiates: le départ de Beatrice Reusser, cheffe du Département des affaires sociales, et celui de Patrick Nyfeler, secrétaire de direction. Un conflit, influençant négativement le climat de travail, couvait entre les deux cadres. De l’aveu d’un collaborateur, c’est «beaucoup de know-how qui s’en va». Elu par le peuple, Beat Feurer, lui, ne peut pas être démis de ses fonctions. Sa campagne avait eu pour «leitmotiv» de baisser le taux d’aide sociale à Bienne, elle qui en détient cette année encore le triste record national: 11,7% de sa population dépend de l’Etat pour vivre.

Une problématique qui suscite d’ailleurs le débat en Suisse. Le Grand Conseil zurichois a récemment accepté une initiative de l’UDC et du PLR privant de voiture les bénéficiaires de l’aide sociale. Un vote qui sera probablement confirmé lors d’un second débat, dans quelques semaines.

Malaise

Ce lundi après-midi, installé dans son bureau, au 13e étage de la tour du Palais des congrès, le municipal UDC avoue ne pas se sentir très bien après la révélation du rapport Hubacher, dont il connaît le contenu depuis dix jours. A 54 ans, il n’a rien du politicien empâté, mais une allure sportive et étonnamment jeune. «Je me sens con. Je suis celui qui ne sait rien et ne peut rien faire.» Il explique qu’«avaler une telle couleuvre», c’est le prix à payer pour respecter la collégialité du Conseil municipal.

Le politicien énumère deux autres raisons pour expliquer son silence. «Si je m’exprimais en détail, je devrais me retourner, en public, contre certains collaborateurs et collaboratrices qui travaillent encore dans mon département.»

Il mentionne également l’accord passé avec les deux cadres qui ont pris la porte. Cela ne l’empêche pas de rappeler le peu d’esprit d’ouverture dont faisait preuve Beatrice Reusser, d’obédience socialiste. Beat Feurer précise encore que, contrairement à ce qui est écrit dans le rapport, il n’a jamais promis de réduire le taux d’assistés de moitié.

La question s’est déjà posée dans d’autres cantons, à propos d’autres politiciens UDC. Vraiment compétent pour faire partie d’un exécutif et, qui plus est, à la tête d’un département sous haute surveillance médiatique, Beat Feurer? Un chiffre révèle le malaise qui y règne: le tournus des assistants sociaux, qui croulent sous les dossiers et sont mal rémunérés, s’élève à 25%.
«La tâche est monstrueuse, mais nous avons des collaborateurs bien formés.» Beat Feurer, expert fiscal de formation, explique «avoir les outils» et continuer de se former, notamment dans la conduite de collaborateurs. Alors comment expliquer tous les manquements du rapport? «Je suis trop patient. Je n’ai pas assez vite dit: «Maintenant, c’est fini!» à certains collaborateurs. Ce n’est pas une excuse, mais un constat. J’ai eu ma leçon, je vais devoir changer.»

Le Conseil municipal a décidé de créer une cellule composée de Silvia Steidle, conseillère municipale à la tête des finances, et d’Erich Fehr, maire de Bienne, pour épauler Beat Feurer. Ce dernier sera soutenu dans l’organisation et la conduite stratégique de l’aide sociale. «Quand on est politicien et que l’on veut un office, il faut poser des pierres pour résoudre les problèmes et ne pas simplement dire que tout est compliqué. Beat Feurer s’est perdu dans des questions opérationnelles. Nous attendons de lui qu’il ait une vision stratégique pour permettre de changer la situation. Il avait dit qu’il voulait réorganiser le social et nous n’avons plus rien vu», explique Silvia Steidle. Voilà qui est dit.

De nouveaux amis

Pour le moment, Beat Feurer assure «ne pas être vexé» par une telle mesure. Ce qui l’étonne plutôt, ce sont les mails d’encouragement qu’il a reçus, même de la part de politiciens de gauche. Plus étonnant encore: la subite augmentation des gens qui demandent à être son ami sur Facebook, depuis la sortie du rapport Hubacher. Sur le ton de la plaisanterie: «Si je voulais gagner des amis, je devrais continuer ainsi…»

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Un vent de colère contre la Croix-Rouge américaine

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Jeudi, 6 Novembre, 2014 - 05:54

Zoom. Le site américain Propublica publie une enquête accablante sur l’intervention de la Croix-Rouge lors de l’ouragan Sandy en 2012.

Des camions rouge et blanc recevant l’ordre de rouler à vide pour donner l’impression d’une présence dans des zones dévastées. Des cadres humanitaires davantage préoccupés par «l’image du succès que par le succès lui-même». L’enquête conduite par le site d’investigation américain Propublica et la chaîne publique NPR – publiée le 29 octobre dernier, deux ans jour pour jour après l’ouragan Sandy – est accablante.

Dans une série d’articles très documentés, la Croix-Rouge américaine est accusée d’avoir profité de l’événement pour mettre en avant son image, parfois au détriment des victimes, tout en cachant une longue série de dysfonctionnements internes.

L’organisation humanitaire avait déjà fait l’objet de violentes critiques et d’accusations de mauvaise gestion financière après les attentats du 11 septembre, en 2001, et lors de l’ouragan Katrina en 2005. Plusieurs de ses dirigeants avaient alors été remplacés sous la pression du Congrès.

«A brand to die for»

La nouvelle présidente et «CEO» de la Croix-Rouge américaine, Gail McGovern, avait été nommée en 2008 pour remédier aux manquements. Ancienne cadre du groupe AT & T et de la firme de gestion d’actifs Fidelity, elle enseignait le marketing à la Harvard Business School. Comme le note Propublica, peu après sa nomination, Gail McGovern avait décrit la Croix-Rouge comme une «marque» pour laquelle des gens sont «prêts à mourir» («A brand to die for»).

Citant de nombreux documents internes et des témoignages de volontaires, l’enquête de Propublica et de NPR laisse entrevoir une organisation qui, sous la direction de Gail McGovern, aurait porté une plus grande attention à la perception médiatique de ses actions qu’à sa réelle efficacité sur le terrain. Le 2 novembre 2012 par exemple, trois jours après la tempête qui avait ravagé une partie des côtes du New Jersey et de New York, la présidente aurait mobilisé quinze camions de la Croix-Rouge pour servir de cadre à une conférence de presse, alors que des milliers de personnes manquaient d’eau et de nourriture. Cet épisode aurait provoqué de graves tensions au sein de l’organisation.

Plateformes d’évaluation

Au début de son enquête, Propublica avait demandé un décompte précis expliquant comment la Croix-Rouge avait dépensé les 300 millions de dollars de donations récoltés à la suite des appels du président Barack Obama ou de stars comme Bruce Springsteen. L’organisation humanitaire avait mandaté le cabinet d’avocats new-yorkais Gibson Dunn pour refuser cette requête au motif que les détails financiers de son action relevaient du «secret d’entreprise». Face au tollé provoqué par cette réponse, la Croix-Rouge avait fait machine arrière et fourni les informations demandées.

Dans une interview accordée à L’Hebdo le 23 octobre, le directeur du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), Yves Daccord, disait avoir «inversé» la politique de communication. «Par le passé, tout était confidentiel, sauf ce que nous divulguions, expliquait-il. Aujourd’hui, nous partons du principe que tout est public.» Dans la même interview, Yves Daccord s’était dit favorable à la création de «plateformes qui permettent d’évaluer, par le biais des bénéficiaires eux-mêmes, la qualité des organisations humanitaires selon des critères de rapidité, d’efficacité et, surtout, de proximité». Cette volonté du CICR semble se heurter à son mode d’organisation, qui laisse une très grande marge de manœuvre aux sections nationales (L’Hebdo du 30 octobre 2014). Interrogé sur les accusations portées par Propublica, le porte-parole du CICR, Ewan Watson, renvoie a un communiqué de la Croix-Rouge américaine, qui réfute en bloc l’ensemble des critiques.

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Tom Mihalek / Reuters
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Quand grand-maman devient maman

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Jeudi, 6 Novembre, 2014 - 05:56

Reportage. Aux Etats-Unis, de plus en plus de séniors se retrouvent à devoir élever leurs petits-enfants. Un immeuble à New York leur est consacré. Plongée dans un phénomène.

Vinnie est assis sur le lit de camp qui trône au milieu du salon. Il pianote sur son smartphone d’un air absorbé. Avec ses traits fins, sa voix douce et sa petite taille, il paraît moins que ses 17 ans. «Dans deux ans, il va partir pour l’université, cela va être dur de le laisser s’en aller», soupire Gail Fedele, en le regardant tendrement. «M’man…», lâche Vinnie, sur ce ton mi-agacé, mi-indulgent que les adolescents réservent si souvent à leurs parents.

Gail Fedele n’est pas sa mère. Elle est sa grand-mère. Ses mèches grises, ses jambes lourdes, qu’elle trimballe à l’aide d’un déambulateur, et son visage ridé agrémenté d’un sourire taquin auquel il manque deux dents trahissent ses 65 ans. Elle élève Vinnie et sa sœur Cassandra, 18 ans, depuis leur enfance. «Leur mère me les a amenés un jour en Floride, où je vivais à l’époque, raconte-t-elle. Et n’est jamais venue les rechercher.»

Après deux ans de subsistance sur ses maigres économies, l’argent se met à manquer. La retraite de Gail Fedele, qui n’atteint que 648 dollars par mois, ne suffit plus à payer les factures. S’ensuit alors une transhumance de canapé en canapé, qui les amène à Chicago, puis en Caroline du Nord et finalement à New York en 2010. «Je suis arrivée en ville avec 300 dollars en poche, relate cette native de Long Island. Ma fille avait promis de venir nous chercher à la gare, mais elle n’était pas là.»

Elle gagne alors un refuge pour sans-abri dans le Bronx. Ils y resteront trois ans, à vivre dans une minuscule pièce. «C’était très dur pour les enfants, se souvient-elle. Certains soirs, nous n’avions plus assez d’argent pour acheter à manger, alors nous sucions des glaçons pour faire passer la faim.» Un jour, un des gardes de sécurité du refuge lui parle d’un bâtiment réservé aux grand-mères qui élèvent leurs petits-enfants, à quelques blocs de là.

Un mouvement qui s’accentue

Le grand cube multicolore qui abrite ce havre tranche avec les HLM en brique rouge, si fréquentes dans ce coin du Bronx. Au rez, une pièce contient des ordinateurs et une table de billard. Sur le toit, un jardin urbain permet de prendre l’air. Les murs sont recouverts de panneaux qui expliquent comment cuisiner sainement avec un petit budget. «Cet immeuble, inauguré en 2005, est le premier du pays destiné spécifiquement aux grands-parents qui ont la charge de leurs petits-enfants», explique Rimas Jasin, directeur des Presbyterian Senior Services, l’ONG qui gère le bâtiment avec des fonds publics.

Tout a été réalisé pour servir au mieux ces deux générations. Pour les grand-mères, «les salles de bain et les chambres à coucher ont été équipées de cordons d’urgence pour appeler à l’aide en cas de malaise. Et les corridors sont assez larges pour permettre le passage de chaises roulantes», explique le responsable. Une salle leur a été aussi réservée pour leur donner la possibilité de se retrouver une fois par semaine afin de partager leurs expériences et de régler les petits soucis des unes et des autres. Quant aux enfants, ils ont accès à des camps de vacances et à un programme de soutien scolaire.

Le bâtiment héberge une cinquantaine de familles, dont 56% sont afro-américaines et 43% hispaniques. Les loyers s’élèvent à 300 dollars en moyenne. «Nous sommes arrivés ici en mai 2013, se rappelle Gail Fedele, assise dans son trois-pièces au décor spartiate. Nous n’avions rien, alors les gérants de l’immeuble nous ont acheté des meubles, des vêtements et des manteaux d’hiver pour les petits.»

Comme Vinnie et sa sœur Cassandra, de plus en plus d’enfants sont élevés par leurs grands-parents. New York en comptait 450 000 en 2010, soit 10,2% des mineurs vivant dans cet Etat. «Ce phénomène a toujours existé, mais il a connu une immense croissance au cours de la dernière décennie», indique Laura Pittman, professeur de psychologie à l’Université de l’Illinois et spécialiste de cette question. Sur le plan national, 4,6 millions d’enfants vivaient avec leurs grands-parents en 2012, contre 3,8 millions en 2010.

Cette croissance du nombre de cas s’explique «le plus fréquemment par les problèmes de drogue et d’alcool de la mère ou son incarcération», détaille Linda Waite, une sociologue de l’Université de Chicago qui a étudié le phénomène. L’épidémie de méthamphétamine qui secoue les Etats-Unis y a contribué. Sont venues encore gonfler la statistique les mères adolescentes, les femmes soldats déployées ces dernières années en Afghanistan et en Irak, ainsi que la hausse des suicides. «Quant au père, il ne fait en général plus partie de leur vie», poursuit la sociologue.

Pour les grands-parents, la prise en charge de leurs petits-enfants représente un immense chambardement. «A une période de leur vie où ils pensaient pouvoir voyager et profiter de leurs loisirs, ils se retrouvent de nouveau dans un monde de biberons, de couches-culottes et de réunions scolaires», relève Sylvie Toledo, la fondatrice de l’organisation Grandparents As Parents, dans un livre consacré à la question. Pour eux, le problème le plus pressant est souvent d’ordre financier. «Certains vont devoir prendre une retraite anticipée, d’autres retourner travailler, d’autres encore puiser dans leurs avoirs de vieillesse», précise-t-elle. Plus de 70% des enfants élevés par leurs grands-parents vivent en dessous du seuil de pauvreté.

«Il y a en outre un fossé générationnel, relève Katherine Martinez, directrice adjointe de l’immeuble du Bronx. Les grands-parents ont grandi à une époque où l’on menait les choses autrement, notamment sur le plan des relations amoureuses.» Issus d’un monde sans ordinateur, ils ont de la peine à comprendre – et à surveiller – ce que les jeunes font sur la Toile.

Il n’est pas non plus facile pour eux de se faire respecter par des adolescents qui jouent souvent la carte du «tu n’es pas ma mère», selon Rimas Jasin. «Et ces jeunes se posent tout un tas de questions: “Qui suis-je? Pourquoi m’a-t-on abandonné?” souligne Laura Pittman. Une incompréhension qui se manifeste par un comportement rebelle ou dépressif.» Du côté des grands-parents, c’est un mélange de colère et de culpabilité qui prévaut. «Ils sont fâchés contre leur propre enfant mais se demandent aussi ce qu’ils ont fait de faux dans son éducation», analyse Sylvie Toledo.

A l’évocation de ces observations, Gail Fedele a d’ailleurs le regard sombre, presque menaçant. «Je suis aussi en colère contre ma fille d’avoir délaissé ses enfants, très en colère, lâche-t-elle entre les dents. Elle ne s’est jamais vraiment intéressée à eux. Elle n’avait pas d’instinct maternel.» C’est Gail qui a trouvé le nom de Cassandra. L’adolescente vit très mal l’abandon par sa mère. «Elle a beaucoup de haine en elle, soupire sa grand-mère. Parfois, elle s’énerve contre moi, puis elle s’excuse. Elle ne sait pas comment exprimer ses sentiments.»

Tout n’est pas noir pour autant. «Lorsque les grands-parents prennent en charge l’éducation de leurs petits-enfants, cela leur évite d’être placés, indique Laura Pittman. Cela leur confère aussi un enracinement plus fort et une place dans l’histoire familiale.» De plus, les frères et sœurs ne sont pas séparés, comme c’est souvent le cas lors d’adoptions.

Gail Fedele ne regrette pas une seconde d’avoir pris ses petits-enfants sous son aile. «Ce sont de bons gamins. Ils n’ont jamais touché à la drogue ou traîné dans la rue. Leur enfance leur a appris l’importance de ne pas déraper.» Vinnie, en particulier, semble promis à un bel avenir. Enrôlé dans une multitude de programmes extrascolaires, il fréquente un lycée pour élèves doués spécialisé dans les mathématiques. «Je veux étudier les neurosciences», glisse-t-il avec un grand sourire.

Fin août, le bâtiment des grands-parents accueille son événement de mise en réseau annuel. Une table a été dressée avec un buffet de viennes en cage et de rouleaux de printemps. Un grand bol rouge attend les cartes de visite. Cette manifestation a pour but d’aider les adolescents de l’immeuble à rencontrer des professionnels: travailleurs sociaux, policiers ou infirmières. Vinnie s’est mis sur son trente et un. Il porte une chemise rayée et un pantalon bleu marine. Il s’approche d’un pas assuré d’un homme en complet. «Bonjour Monsieur, je m’appelle Vinnie…»

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Clément Bürge
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Le Val d’Aoste à la recherche du français perdu

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Jeudi, 6 Novembre, 2014 - 05:56

Reportage. Une école bilingue pour tous pour faire revivre la tradition francophone: c’est le projet lancé il y a vingt-cinq ans dans la région autonome italienne. Retour sur les lieux, bilan en clair-obscur.

Les Valdôtains parlent-ils français? La question paraît simple. Pourtant, si vous la posez aux gens du coin, vous obtiendrez une gamme des réponses tout à fait déconcertante.

Les uns vous diront qu’ici tout le monde parle français, «bien entendu». Ne sommes-nous pas dans une région officiellement bilingue? Il n’y a qu’à lire les panneaux. Dans cette Italie voisine à portée de Grand-Saint-Bernard, les villages s’appellent Gignod ou Gressan, le centre-ville et l’hôpital sont indiqués en français.

Mais tout cela, rétorquent les autres, n’est qu’une «belle façade» destinée à soutirer à l’Etat italien les avantages financiers du statut d’autonomie dont jouit le Val d’Aoste. Un extrémiste du verre à moitié vide m’a mise au défi. «Faites le test: dans les rues, une personne sur 1000 vous répondra en français!» a-t-il lancé… dans un français impeccable.

J’ai fait le test. Durant deux jours à Aoste, je n’ai parlé que français. J’ai demandé des renseignements dans la rue, je me suis enquise du prix des paquets à la poste, j’ai essayé des chaussures dans les magasins, j’ai visité des écoles. Trois personnes, sur une cinquantaine, m’ont répondu en italien: un kiosquier, une vieille femme dans la rue et un jeune dans un centre de loisirs. Oui, les Valdôtains parlent français. Plus ou moins bien.

Ils parlent français, surtout, avec une caractéristique: ils commencent par s’excuser de leur exécrable niveau de langue. Surtout ceux dont l’aisance vous épate. Coquetterie? Non, «insécurité linguistique». Elle est le fruit de l’histoire, explique la linguiste Marisa Cavalli, dans une région où les idiomes ont constitué un «champ de bataille».

Pietro Binel, 21 ans, étudiant valdôtain en troisième année à l’EPFL, a vécu cette insécurité en arrivant à Lausanne: «C’était bizarre, je comprenais tout, mais j’aurais été incapable d’évaluer mon propre niveau de langue. Et quand, au bout d’un mois, j’ai réalisé que le français m’était devenu aussi familier que l’italien, j’étais tout surpris! C’est que, chez nous, on apprend le français à l’école, mais on n’a aucune expérience de son utilisation comme langue courante.»

La plupart des Valdôtains (75%) disent parler français mais, malgré les panneaux, ce dernier n’est plus une langue vivante dans l’espace public. Et si certains, comme le chercheur Etienne Andrione, le considèrent comme perdu, c’est qu’ils se réfèrent au temps où il était non pas une langue apprise, mais un bijou de famille (lire encadré).

Retour à charvensod

Il y a vingt-cinq ans, je suis venue visiter l’école de ce village à un jet de pierre d’Aoste, pour L’Hebdo et pour un livre en préparation (Pour une éducation bilingue, Ed. Payot).

Je venais toucher du doigt ce qui s’annonçait comme une véritable révolution pédagogique: l’enseignement bilingue à partir de la maternelle et pour tous. Une révolution, parce que partout ailleurs, même lorsque les filières bilingues sont offertes par l’école publique, elles restent optionnelles et deviennent vite le choix d’une élite.

Dans les années 80, les autorités valdôtaines ont fait un choix ambitieux: éduquer au bilinguisme les générations à venir sur une terre que le régime fasciste a achevé d’italianiser de force au siècle dernier. Jusque-là, la loi d’après-guerre avait mis les heures de langue italienne et française à égalité: jusqu’à six par semaine selon les années. Le pas de plus a consisté à prévoir, en maternelle et en primaire, 50% du temps d’école en français, c’est-à-dire un enseignement véritablement bilingue, où des matières comme les maths ou l’histoire sont données en français.
Dans les classes de Chavensod et d’ailleurs, c’était l’effervescence. Les enseignantes rentraient gonflées à bloc de stages linguistiques en France et en Suisse. «Il y avait une grande motivation», confirme la linguiste chaux-de-fonnière Marinette Matthey, qui a formé des enseignants et évalué des classes de maternelle, où des enfants de 5 ans l’avaient épatée par leurs performances.

Et aujourd’hui? Patricia Bérard, face à sa classe de 5e année primaire, ne ménage pas son enthousiasme et obtient des résultats. Ce matin, les élèves s’exercent à l’interview en vue d’un projet de journal en français. Jeu de rôle entre une apprentie reporter et un faux président de la République. «Si la crise se terminait, que ferais-tu?» demande l’une. «Moi, je rimb… je ramb… je rembourserais toutes les familles», répond l’autre, aidé par la maîtresse. Niveau inégal, bonne ambiance.

Patricia Bérard, qui parle le patois franco-provençal à la maison, respire l’amour du français. Mais, comme les nombreux autres professionnels rencontrés en deux jours, elle admet que la révolution n’a pas vraiment eu lieu. Entendez: l’enseignement des matières en français n’a pas décollé et les 50% du temps d’école dans cette langue sont restés un vœu pieux inscrit dans le règlement. Les enseignants les mieux disposés atteignent 30 ou 40%. Mais beaucoup n’ont ni l’envie ni le niveau et en font bien moins. «Les compétences sont en baisse, il faudrait réinvestir massivement dans la formation des profs.»

A l’école primaire de Chevrot, autre bourgade proche d’Aoste, voici encore une maîtresse formidable: Paola Pizzimenti. Elle s’est inventé une jumelle, Pauline, qui ne parle que français. Pauline porte un chapeau biscornu, des Crocs couleur crapaud et entre en classe comme un clown en piste. «Je suis un peu jalouse d’elle, dit Paola, malicieuse, devant ses élèves ravis: c’est leur préférée, ils me demandent toujours de ses nouvelles. Il faut dire que Pauline est plus rigolote…»

Alternance libre

Le déguisement-dédoublement, c’est le truc que Paola Pizzimenti a trouvé pour pallier un problème récurrent qui se pose aux enseignants valdôtains: contrairement à ce qui se passe dans la plupart des filières bilingues où un prof est identifié à une langue, ici, c’est la même personne qui a la charge de passer d’un idiome à l’autre, selon le modèle dit de l’alternance libre. «Le résultat est que les élèves ne voient pas pourquoi ils feraient l’effort de répondre en français à quelqu’un qui comprend l’italien», constate l’inspectrice scolaire Gabriella Vernetto.

Marisa Cavalli, pionnière de la mise en place de cet enseignement dans la région, défend ardemment le modèle de l’alternance: «C’est l’image même du parler bilingue valdôtain. Et, lorsqu’il est appliqué par des enseignants-chercheurs bien formés, les résultats sont extraordinaires. Bien sûr, il demande de la rigueur dans l’application et doit faire l’objet de contrats didactiques.»

Résultats inégaux

Dans la réalité, qui est celle d’un manque chronique d’enseignants bien formés, la libre alternance devient un moyen d’éluder la règle du 50% du temps scolaire en français. «La situation s’est dégradée depuis une quinzaine d’années», observe Gabriella Vernetto: la baisse des crédits a mis fin à la formation continue et aux échanges. Un changement législatif a, quant à lui, fait un sort au monitorage et aux évaluations extérieures: «Aujourd’hui, chaque établissement fait lui-même son bilan, autant dire que tout dépend du bon vouloir des directeurs et des enseignants.»

Bilan global? Le tableau, pour autant qu’on sache, est celui de résultats très inégaux. Et, malheureusement pour l’idéal démocratique du français pour tous, nettement meilleurs dans les lycées que dans les filières techniques et professionnelles.

Il y a quelques jours, les autorités valdôtaines ont annoncé la mise sur pied, dès la rentrée prochaine, du projet pilote Ecole VdA, qui répond aux vœux d’un groupe de parents: une filière bilingue optionnelle – permettant donc d’employer des enseignants volontaires et compétents – qui démarrera avec une dose de français dépassant le 50% de temps scolaire et introduira l’anglais précoce. «Il est clair qu’il faudra aussi remettre en question le modèle de l’alternance libre», dit Gabriella Vernetto, appelée à concevoir le projet. Un prof, une langue? C’est le modèle des filières bilingues canadiennes ou alsaciennes d’excellente réputation.

Etienne Andrione fait partie des parents qui appellent à ces changements: «On peut soutenir que l’école à elle seule n’est pas en mesure de ressusciter le bilinguisme naturel des Valdôtains. Mais, avant de dresser ce constat d’échec, il faut essayer pour de bon, en mettant en place une école véritablement bilingue.»

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La politique du tout ou rien: quand Swisscom joue avec le feu

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Jeudi, 6 Novembre, 2014 - 05:57

Zoom. Un accès internet sans la télévision? Ce n’est plus possible chez Swisscom. Pour surfer, le client n’a désormais d’autre choix que l’abonnement combiné.

«Swisscom TV 2.0, désormais disponible avec toutes les offres combinées.» Sorti à la mi-septembre, ce communiqué de l’opérateur phare du marché suisse de la télécommunication est passé quasi inaperçu. Les potentiels nouveaux clients l’auront pourtant remarqué. Et certains même fort peu apprécié. Tournée à la négative, cette nouvelle prend en effet une tout autre signification: chez Swisscom, surfer sur la Toile n’est désormais possible qu’à condition d’opter pour la télévision. Un changement étonnant et discutable, que l’opérateur lie aux nouveaux usages de ses clients.

«La tendance actuelle des consommateurs est de choisir les offres qui permettent de disposer de tous les services en une seule main», relève Christian Neuhaus, porte-parole de Swisscom. Aussi fréquente soit-elle, cette habitude comporte toutefois un bémol de taille, selon Pascal Martin, blogueur spécialisé en matière de technologies de communication: «En disposant tous ses œufs dans le même panier, le client devient extrêmement captif. Il n’osera pas quitter ce prestataire, dont dépendent non seulement son accès internet, mais aussi ses chaînes TV et son téléphone, ou seulement en cas de litige vraiment important.» Une chance pour Swisscom qui, à défaut de voir ses recettes augmenter par le biais de ces offres combinées, obtient davantage de parts du marché. «Les consommateurs qui désirent tout avoir sous le même toit sont plus nombreux que ceux qui, ne disposant pas de télévision, se retrouvent insatisfaits de nos nouvelles offres», souligne Christian Neuhaus.

L’exception qui confirme la règle

Vivo light, Vivo XS, Vivo S, Vivo M, Vivo L, Vivo XL, tels sont donc les noms originaux des six différents packs dorénavant disponibles chez Swisscom. Avec ou sans téléphonie fixe, mais toujours dotés d’une offre TV plus ou moins développée. Chaque produit est adaptable. Mais aucun ne permet de profiter d’un accès internet uniquement. «A l’exception de l’offre DSL mini, qui relie internet et téléphonie fixe», nuance Christian Neuhaus. Etonnamment, lorsqu’on se rend dans un Swisscom shop, certains collaborateurs ne font pas mention de cette option. De même que d’autres interlocuteurs, atteints au bout du fil de la hotline, indiquent qu’elle n’est plus disponible. Alors qu’elle l’est.

Pousser ceux qui ne possèdent pas de télévision à prendre un abonnement relève presque du banal dans notre société de consommation. Quant au fait de capter le consommateur, il s’agit d’une technique marketing bien connue et toujours plus courante dans les secteurs à haute concurrence. «Les gens regrettent qu’on leur force la main», note Nadia Thiongane, responsable politique économique et économiste au sein de la Fédération romande des consommateurs. «Mais, de manière générale, ils se plaignent davantage du manque de performance, notamment de la vitesse de connexion, que des prix de ces packs.»

Cette nouvelle pratique est-elle pour autant acceptable? «Il n’y a pas de problème tant que le service universel est garanti», répond Silvia Canova, porte-parole de l’Office fédéral de la communication. «Ce que Swisscom fait en proposant un produit comme DSL mini. Aussi longtemps que ce service de télécommunication de base est disponible, Swisscom remplit ses obligations. Toutes les autres offres relèvent de la libre concurrence.»

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Secret bancaire: la fin de l’histoire?

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Jeudi, 6 Novembre, 2014 - 05:58

Interview. Blanchi, l’ex-cadre d’UBS Raoul Weil pourra rentrer chez lui. Malgré ce verdict, des questions restent ouvertes sur la responsabilité des errements qui ont provoqué la chute de la forteresse fiscale. En Suisse, ce récit commence enfin de s’écrire. Yves Genier, journaliste à «L’Hebdo», s’est emparé du sujet pour un livre à paraître cette semaine.

«Not guilty.» Derrière les larmes de Raoul Weil, qui retrouvera les siens et son honneur sauf, c’est surtout un soupir de soulagement qui a résonné sur les rives d’une certaine Goldküste zurichoise, mardi 4 novembre. Le verdict rendu par le jury populaire de Floride a stoppé net le glaive de la justice américaine. Ancien numéro trois d’UBS, Raoul Weil était le dernier rempart de ceux qui sont pourtant largement considérés comme les principaux responsables de la dérive exemplaire de la grande banque dans l’industrialisation de la fraude fiscale. Marcel Rohner, Peter Kurer et Marcel Ospel n’ont même pas eu à témoigner dans le procès de leur ancien subalterne. Dans le cas d’UBS, les Américains s’arrêteront donc là. Miami ne sera pas le Nuremberg du secret bancaire.

La question des responsabilités reste pourtant ouverte. D’autres pays, en particulier la France, ont repris le flambeau de la justice américaine et ouvrent leurs propres enquêtes. En Suisse aussi, la quête de vérité taraude plus que jamais.

Deux livres sortent aujourd’hui qui abordent la question dans une perspective historique. Dans Qui a tué le secret bancaire? (Ed. Slatkine), l’économiste lausannois Jean-Christian Lambelet met toute la faute sur la «génération Ospel», qu’il accuse d’avoir perverti l’idéal d’un secret bancaire «sage» et originel. Avec La fin du secret bancaire (Ed. Le savoir suisse), le journaliste Yves Genier brosse un portrait plus subtil et nuancé, en pointant les ressorts profonds et identitaires qui ont conduit à la chute. Interview.

Raoul Weil n’est pas coupable, a dit un jury en Floride.

Est-ce la fin de l’histoire?

Certainement pas. La justice américaine n’a pas établi de manière irréfutable la culpabilité de la haute hiérarchie d’UBS dans la mise en œuvre de stratégies facilitant l’évasion fiscale de contribuables américains. Il n’est donc pas formellement prouvé que les grands patrons de banques ont eux-mêmes diligenté les actes qui ont conduit à la crise de 2009.

Mais le soupçon demeure. Comment, sinon, expliquer l’émotion intense que ce sujet suscite en Suisse depuis cinq ans?

N’existe-t-il vraiment que des soupçons?

Beaucoup d’éléments montrent que l’acquisition de clients non déclarés était au cœur de la stratégie des banques, et que celle-ci était décidée à très haut niveau. Mais la démonstration irréfutable doit encore être faite. Les autorités de plusieurs pays s’y sont attaquées. Les Etats-Unis en premier lieu, qui conduisent aujourd’hui des investigations contre 13 banques suisses et en soumettent 106 autres à un examen extrêmement serré de leurs actions passées. En France ensuite, où deux banques sont actuellement sous enquête, UBS et HSBC. Des procédures sont en cours ailleurs également, d’où peuvent encore surgir beaucoup de révélations et de surprises.

Dans l’ensemble, l’établissement des faits et des responsabilités reste encore à dresser. C’est un gigantesque travail dont les enjeux dépassent les intérêts de la seule place financière pour embrasser la majorité des responsables économiques et politiques de la Suisse, leur fonctionnement et, au final, la représentation que le pays se fait de lui-même. Un grand effort de transparence doit être entrepris pour faire toute la lumière nécessaire.

La plaie n’est donc pas près de se refermer?

Non. Il reste beaucoup de rancœur. Il est d’autant plus important de prendre un peu de distance. Apprendre de ses erreurs, porter un jugement critique, c’est une façon de se reconstruire. Sur le plan opérationnel, les banques le font. Mais l’opinion publique reste en retard sur ces évolutions. Aussi, on risque d’exploiter encore longtemps un esprit de revanche lié à ces événements. Au risque que d’autres secteurs économiques se fourvoient dans les mêmes erreurs. La Suisse est un leader du monde globalisé. Elle en profite énormément. Elle ne peut pas en ignorer les règles. La fin du secret bancaire en est la démonstration. La Suisse a cru pouvoir s’y soustraire, et cela a finalement abouti à la réduction de moitié de son industrie bancaire.
Est-il déjà possible d’écrire l’histoire de la chute du secret bancaire?

Je le pense, même si ce genre d’exercice est évidemment périlleux. Les historiens commencent généralement leur travail plusieurs années après les faits, d’ordinaire après l’ouverture des archives, mais avant le décès des témoins. Dans le cas du secret bancaire, il y a encore beaucoup de choses que les acteurs ne veulent pas dire. Mais la mémoire est toujours fraîche. L’émotion du moment est là.

Quand est née l’idée du livre?

L’envie s’est fait sentir fin 2012. On arrivait à la fin du premier cycle de la fin du secret bancaire, où il devenait clair que la stratégie de défense de la place bancaire déboucherait sur un échec. La première réaction des banques avait été de proposer les accords Rubik, qui étaient conçus pour sauvegarder l’apparence d’un secret bancaire. Or, il devenait de plus en plus clair que nos partenaires ne voulaient pas de cette solution. La Suisse avait cédé, c’était évident pour tout le monde. La tension était extrême, ces questions faisaient la une des journaux chaque semaine mais, curieusement, il n’y avait pas de vision d’ensemble. Il n’existait pas d’ouvrage simple qui explique la situation.

Que reste-t-il du secret bancaire aujourd’hui?

On peut dire que le secret bancaire fiscal est mort entre la Suisse et les autres pays. Formellement, ce sera le cas en 2018, avec l’entrée en vigueur de l’échange automatique d’informations. La plupart des banques ont déjà pris les mesures pour se défaire de leur clientèle défiscalisée. Cela dit, il reste des exceptions. La première, il existe encore beaucoup de pays avec lesquels la Suisse n’échangera pas de données fiscales. Ce sont souvent des Etats non-membres de l’OCDE, qui se trouvent dans des situations économiques difficiles. Ce qui maintient une zone grise. La seconde exception concerne les contribuables suisses. La réglementation intérieure n’a pas été mise à jour, et il persiste encore une fenêtre de confidentialité. Mais, là encore, les pressions se multiplient.

Sous quelle forme?

Le projet de loi sur les établissements financiers, actuellement en préparation, vise à obliger les banques à vérifier le statut fiscal de leurs clients, suisses ou non. A l’opposé de cette tendance à la transparence, le peuple aura à se prononcer sur l’initiative «Oui à la protection de la sphère privée», qui veut limiter l’accès des autorités aux informations fiscales. Si les Suisses la rejettent, on pourra dire que le cercueil du secret bancaire sera définitivement cloué.

Et s’ils l’acceptent?

Nous sommes engagés dans une dynamique qui fait que, même en inscrivant un principe dans la Constitution, le pur secret bancaire fiscal sera toujours plus difficile à défendre. Même pour les Suisses en Suisse. On ne change pas le cours de l’histoire.

Quelle est la raison profonde de la fin du secret bancaire?

Cette fin n’a pas été uniquement provoquée par un aveuglement cupide des responsables bancaires, comme certains le disent parfois. Pour avoir fréquenté des banquiers depuis la fin des années 90, je peux témoigner du fait qu’ils avaient envisagé le danger. Certains étaient même persuadés que l’ère du secret bancaire ne pourrait pas durer éternellement. C’est leur réaction qui a été mauvaise. Ils se sont enfermés dans une approche défensive. Ils ont été piégés par un sentiment de toute-puissance qui était très répandu chez les banquiers au milieu des années 2000. Et pas seulement en Suisse. C’est aussi ce sentiment qui a abouti à la crise des subprimes. En Suisse, c’était le sommet de ces fameuses années où le secret bancaire n’était «pas négociable». Cette foi en la capacité de résistance de la Suisse est devenue de plus en plus aveugle à mesure que les pressions internationales s’accentuaient. Cela explique aussi pourquoi la place bancaire a été surprise sans plan B. N’importe quel observateur sagace pouvait comprendre que les banquiers suisses tentaient de faire perdurer le système le plus longtemps possible pour en tirer les derniers fruits. Mais une telle stratégie n’aurait eu un sens que s’ils avaient eu un plan B.

Comment expliquer cet aveuglement?

Au niveau individuel, plusieurs établissements avaient senti le vent tourner et développé des solutions de rechange, comme la gestion institutionnelle. Mais au niveau de l’industrie, de l’Association suisse des banquiers (ASB), il n’y avait rien. Aucune discussion. Au contraire, la fin du secret bancaire et le passage à l’échange automatique étaient des tabous très pesants. Fin 2008, quand les pressions américaines sont devenues insupportables, personne n’a osé tirer le frein à main. Celui qui l’aurait fait aurait été accusé d’avoir tué la poule aux œufs d’or. Personne n’a eu ce courage.

S’agit-il seulement d’un manque de courage?

Pas seulement. Il faut bien comprendre la mentalité de survivant qui imprégnait les banquiers à cette époque. Fin 2000, ils avaient échappé à deux assauts, l’un venant des Etats-Unis avec les accords dits qualified intermediary, l’autre de l’Union européenne avec la Directive sur la fiscalité de l’épargne. Ils étaient très fiers d’être parvenus à contourner ces deux écueils. Ce qui les a conduits à surestimer leur capacité de résistance face aux dangers qui ont suivi.

Même après le transfert aux Etats-Unis des premières listes de noms de clients et les vols de données qui se multipliaient, ce sentiment de toute-puissance n’était pas anéanti. C’est pour cela qu’ils se sont battus encore trois ans pour tenter de faire passer Rubik, alors que les signes se sont rapidement multipliés pour leur indiquer que cela ne passerait pas. Le professeur Henri Torrione leur disait d’arrêter et de négocier immédiatement l’abandon du secret bancaire contre l’accès au marché européen et le règlement du passé. Les banquiers n’ont pas envisagé une telle issue. Ils ont lâché la proie pour l’ombre.

Il y a là une erreur d’analyse qui est surprenante de la part de gens dont le métier est de prévenir le risque.

Je n’arrive pas à l’expliquer autrement que par des facteurs psychologiques, qui vont bien au-delà de l’appât du gain. Cela relève aussi de ressorts identitaires. Certains ont pensé que le secret bancaire faisait partie de leur être. C’est étrange, mais c’est comme ça.

Reste-t-il encore des secrets dans l’histoire de la fin du secret bancaire?

Oui, de très nombreux. Certains moments charnières de cette histoire ne sont pas documentés. J’en vois en tout cas deux. Il serait important de connaître la chronologie exacte de ce qui s’est passé entre octobre 2008, lorsque le Conseil fédéral a pris conscience de la détermination américaine, et mars 2009, quand Hans-Rudolf Merz a annoncé la fin de la distinction entre fraude et évasion fiscale. Qu’est-ce qui a poussé le ministre des Finances de l’époque à convoquer en urgence la crème de la crème de la place bancaire pour leur dire qu’il fallait céder? Un autre virage mal expliqué est celui qui s’est déroulé entre 2012 et le printemps 2013, quand les banquiers qui soutenaient Rubik se sont soudain convertis à l’échange automatique. L’origine de ce retournement n’est pas encore bien comprise. C’était la fin des illusions.

La concurrence des autres places offshore est aussi évoquée pour expliquer la virulence des attaques contre les banques suisses.

On ne peut pas nier un certain opportunisme de la part des Américains ou des Britanniques. Mais ce n’est pas un élément qui a motivé la force de l’attaque. La Suisse s’était ouvertement érigée en symbole de ce que les autres n’ont soudain plus voulu tolérer. De plus, s’allier au Luxembourg et à l’Autriche ne s’est pas révélé être une bonne idée. Au final, le secret bancaire helvétique aurait peut-être été mieux préservé si la Suisse s’était associée aux Britanniques, plutôt qu’avec ces deux petits pays. La Suisse a manqué d’intelligence stratégique.
La dimension morale a aussi souvent été évoquée.

L’histoire nous montre l’échec d’une stratégie de défense qui s’est fourvoyée. La morale a été utilisée comme argument, d’un côté comme de l’autre. Mais ce n’est pas le fond de l’affaire. On peut critiquer le fait que la Suisse ait facilité la fraude fiscale. On peut aussi dénoncer la brutalité de l’intervention étrangère. Mais la fin du secret bancaire a d’abord été une épreuve de force, une démonstration de realpolitik.


«Il ne s’agit pas d’un meurtre, mais d’un suicide»

Dans son dernier livre, l’économiste lausannois Jean-Christian Lambelet fait porter la faute à la «génération Ospel», qu’il accuse d’avoir perverti l’idéal du secret bancaire.

Le secret bancaire est né bon, c’est la banque qui l’a perverti. Telle est la thèse avancée par Jean-Christian Lambelet, professeur honoraire de l’Université de Lausanne, dans son ouvrage qui vient de paraître chez Slatkine. Dans Qui a tué le secret bancaire?, l’économiste et «historien par passion» revient sur des épisodes oubliés de l’histoire de la banque suisse pour y trouver l’origine de la «faute». Une virgule adroitement insérée dans la Convention de diligence des banques de 1977, le scandale de Chiasso en 1979, le démarchage illicite de Credit Suisse en Italie, les louvoiements des autorités politiques et de l’Association suisse des banquiers: tous ces éléments forment la trame sur laquelle s’est finalement joué le drame, trente-cinq ans plus tard. Au final, qui a donc tué le secret bancaire? «La réponse à cette question est parfaitement claire, tranche Jean-Christian Lambelet. Ce sont les banques elles-mêmes qui l’ont tué! Et pour utiliser une métaphore, il ne s’agit pas d’un meurtre, mais avant tout d’un suicide.»

La faute ne serait toutefois pas collective. Elle reposerait sur les épaules d’une frange toute particulière de banquiers: celle de la «génération Ospel», qui aurait perverti l’idéal. «Que ce soit par esprit de lucre ou pour d’autres raisons, ils ont hypertrophié des pratiques à l’étranger qu’ils savaient être illicites et qui sont devenues toujours plus agressives. A mon avis, rien ne peut les excuser.»

Conclusion? Si les banquiers suisses étaient sagement restés à leur place – à accueillir leurs clients derrière leurs guichets – au lieu d’aller courir les Amériques, le secret bancaire helvétique serait peut-être toujours des nôtres aujourd’hui. Pour n’avoir pas su se contenter de ce «sage» secret bancaire – que l’auteur appelle curieusement «secret bancaire lite» – les banquiers ont finalement tout perdu.


Profil
Yves Genier

Journaliste économique à L’Hebdo, responsable des dossiers financiers et bancaires, il a exercé les mêmes fonctions aux quotidiens L’Agefi (1998-2006) et Le Temps (2006-2011).

Il est titulaire d’un master en histoire contemporaine de l’Université de Lausanne depuis 1992.

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Soylent, la communauté des buveurs de poudre

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Jeudi, 6 Novembre, 2014 - 05:58

Décodage. Remplacer tous les repas par un seul et unique breuvage. C’est le pari d’un inventeur américain qui fait le buzz sur l’internet.

Ludovic Chappex

Pour vous, manger équilibré est un casse-tête, une activité chronophage, voire ennuyeuse? La start-up américaine Soylent vous propose alors une solution efficace inspirée des films de science-fiction: un cocktail inodore à base de poudre à commander sur l’internet puis à diluer dans l’eau. Avec ses 31 ingrédients vitaux (protéines, fibres, vitamines, hydrates de carbone, etc.), ce breuvage satisfait à tous les besoins nutritionnels de l’organisme. Plus besoin, ainsi, de se soucier de son alimentation. «Free your body», dit le slogan de l’entreprise.

Effrayant? «Totalement déprimant, juge le Dr Dimitrios Samaras, médecin consultant à l’unité de nutrition des HUG. La première question qui me vient à l’esprit est: pourquoi adopter un pareil régime?»

Malgré l’horreur que peut inspirer ce mode de nutrition au plus grand nombre, Soylent semble avoir trouvé ses adeptes. Lancée il y a un an sous la forme d’un projet Kickstarter par le développeur informatique Rob Rhinehart, originaire d’Atlanta, la start-up a déjà recueilli plus de 3 millions de dollars de fonds et regroupe aujourd’hui des milliers de consommateurs. En plus de son aspect pratique, cette solution permet de se nourrir à relativement faible coût: compter environ 65 francs par semaine, soit 3 francs par repas. Soylent Green étant le nom d’une pilule à base de chair humaine dans le film du même nom paru en 1973, il semble encore utile de préciser que la substance en question ne contient pas de restes humains.

Coup marketing, défi personnel ou pure provocation, toujours est-il que le créateur de l’entreprise, âgé de 25 ans, ambitionne de se nourrir désormais exclusivement de son breuvage. D’autres que lui ont tenté l’expérience de façon moins radicale. Le magazine en ligne australien news.com a récemment recueilli les témoignages d’utilisateurs qui se déclarent globalement satisfaits par le produit et en bonne santé après plusieurs semaines, voire des mois d’utilisation. Bémol important: la plupart d’entre eux ne se sont pas privés d’alterner occasionnellement leur consommation avec des aliments traditionnels.

Davantage qu’à sa vision froide et pragmatique de l’alimentation, c’est à son caractère open source que Soylent doit une grande partie de son originalité. Dès le lancement de la plateforme, la composition exacte du produit a été intégralement publiée en ligne, et l’entreprise a aussitôt encouragé la création individuelle de nouvelles recettes et le partage d’informations entre ses adeptes, via un portail baptisé DIY Soylent (DIY comme «do it yourself»). Une approche participative a priori peu commerciale, mais qui a donné naissance à une véritable communauté et permis de faire connaître le produit. DIY Soylent regroupe à ce jour plus de 3000 recettes, qui sont autant de variations subtiles autour du produit original. Allergies, régimes spéciaux, apports plus ou moins importants en calories ou en protéines… chaque utilisateur apporte sa touche personnelle.
Frustrant
Le Suisse Kevin Dupraz, étudiant en chimie à l’EPFL, a fait partie des premiers contributeurs du site: «J’ai découvert cette invention sur kickstarter.com il y a quelques mois et j’ai trouvé le concept vraiment intéressant. Comme le produit officiel était en rupture de stock, cela a stimulé mon intérêt et j’ai alors décidé de le fabriquer moi-même en adaptant un peu la recette à mon poids et à mes caractéristiques. J’ai effectué beaucoup de recherches avant de me lancer.» Kevin Dupraz (alias Kevlar sur DIY Soylent) est l’un des rares Européens à proposer sa recette en ligne, la plateforme étant fréquentée en majorité par des Américains.

La tête sur les épaules, le jeune homme de 21 ans consomme sa mixture avec modération: «Au début, j’ai voulu faire un test et je n’ai mangé que ça pendant une semaine complète. Ce qui  a bien fonctionné d’un point de vue nutritionnel, mais je n’ai pas tenu plus longtemps. J’avais besoin de sentir la saveur d’un vrai aliment. Aujourd’hui, j’utilise ce produit pour remplacer de temps en temps un repas. C’est très pratique en période d’examens!» L’étudiant met aussi en avant l’argument du coût. «Tous les ingrédients nécessaires peuvent être commandés sur l’internet, assure-t-il. Evidemment, il ne faut pas faire n’importe quoi et se tenir bien informé.»

«Mathématique  d’école primaire»

Que deviennent le bien-être et le plaisir de manger? Bien qu’aucune étude n’établisse de manière scientifique qu’un régime alimentaire monotone induise forcément une dépression à moyen terme, les nutritionnistes professionnels mettent en avant ce danger. «Une telle alimentation uniforme ne correspond pas à nos besoins. Notre rapport à la nourriture implique des émotions; nous avons des papilles gustatives pour sentir les saveurs, explique Dimitrios Samaras, des HUG. Cette entreprise essaie vainement de simplifier quelque chose de très complexe avec de la mathématique d’école primaire. De plus, les aliments contiennent de nombreux types d’antioxydants qui ne se retrouvent pas dans les ingrédients de ce produit. Je trouve la démarche aberrante et extrémiste.»

Diététicienne cheffe au CHUV, Marie-Paule Depraz Cissoko relève que la nutrition reste une science relativement récente, dont les chercheurs ne maîtrisent pas encore toutes les composantes: «On sait que certains nutriments favorisent la sécrétion de neuro-transmetteurs qui agissent sur l’humeur. L’interaction des aliments entre eux joue également un rôle important, souligne-t-elle. Et il est tellement dommage de perdre la dimension sociale et affective de l’alimentation.» La diététicienne s’inquiète aussi des «problèmes physiologiques que pourrait entraîner le fait de ne plus mastiquer».

L’alimentation du futur n’est pas près de recevoir la bénédiction du corps médical. Et encore moins, on s’en doute, des professionnels du secteur. Pour certains, Soylent aura eu le mérite d’avoir rendu accessibles des formules qui étaient auparavant plutôt réservées au monde médical. Et, comme le dit Kevin Dupraz: «C’est toujours mieux que des lasagnes surgelées.»

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Keith Richards: «Ce que je dois à Gus, mon grand-père»

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Jeudi, 6 Novembre, 2014 - 05:59

Interview. Le guitariste des Rolling Stones, 70 ans, évoque sa vie de grand-père, la tournée mondiale du groupe, son autobiographie et le livre pour enfants qu’il vient d’écrire, «Gus & moi».

Propos recueillis par Thomas Hüetlin

Midi à New York. Keith Richards, 70 ans, est assis dans le bureau de son manager, Jane Rose, une femme qui l’a sorti de la drogue il y a trente-six ans. Ces deux dernières années, les Stones se sont produits en Amérique du Nord, en Europe et en Asie. La tournée mondiale s’achève cet automne en Australie et en Nouvelle-Zélande. Voilà cinquante-deux ans que le groupe existe et qu’il empoche désormais 5 millions d’euros en moyenne par concert.

Le monde vous connaît comme une rock star désinhibée face aux excès en tout genre. Et voilà que vous écrivez un livre pour enfants qui souligne la valeur de la famille et le rôle des grands-parents. Combien de rejetons avez-vous désormais?

Quatre enfants et cinq petits-enfants. Je m’intéresse aux enfants depuis les années 70, quand sont nés ma fille Angela et mon fils Marlon. Même tout petits, nous les avons emmenés en tournée. C’est une vie bizarre mais pas forcément dommageable. Ils ont adoré ça.

Votre style de vie n’était-il pas, disons, un peu extrême pour vos enfants?

Je veillais normalement à ce que les enfants ne soient pas concernés par tout ce que le show-business comporte. Il faut une certaine sévérité.

Vous semblez apprécier votre vie de grand-père. Quand vous êtes-vous aperçu que cela pouvait vous plaire?

Je devais avoir 4 ans quand ma mère m’a emmené chez mon grand-père Gus. Il lui a dit: «Va chercher mes chaussures.» J’ai pensé: «Waouh, voilà quelqu’un qui donne des ordres à ma mère, alors que j’ai toujours cru que personne n’osait le faire. Finalement, cette histoire de grand-père est bien mieux que ce que je croyais.»

Et maintenant vous avez écrit un livre pour enfants à propos de votre grand-père Gus. Comment cela se fait-il?

Quand les gens de ma maison d’édition me l’ont demandé il y a quelques années, je leur ai dit: «Vous devez être cinglés!» Mais après la naissance d’un cinquième bébé, je me suis mis à réfléchir sérieusement à cette histoire de grand-père et j’ai compris combien Gus avait été important dans ma vie. Il me montrait sa guitare, mais la posait sur le piano pour que je ne puisse pas l’atteindre. Je pouvais regarder, pas toucher. Un jour, il me l’a tendue en disant: «Tu la regardes tout le temps, pourquoi n’essaies-tu pas de jouer?» Gus a été le début. Pour plein de gens, la famille, c’est maman et papa. Ils disent aux enfants ce qu’ils n’ont pas le droit de faire. Les grands-parents n’ont pas ce problème: ils peuvent être à l’origine des belles choses de la vie et ont le droit de commettre des bêtises.

Votre fille Theodora a illustré le livre. D’où tient-elle ce talent?

Elle n’a pas étudié les beaux-arts, mais elle a un bon coup de crayon. Je me suis dit que si déjà nous concevions un tel livre, autant le faire en famille.

Quel genre d’homme était Gus?

Gus a eu sept filles, plus son épouse, soit huit femmes chez lui. Je crois qu’il était assez content d’avoir, en ma personne, un allié mâle dans sa maison. Il était un musicien magnifique et avait un cœur énorme. Avec son chien, Mr. Thompson Wooft, nous nous baladions dans Londres, parfois à journée faite.

Dans votre livre, on ne vous voit jamais entrer dans un pub avec Gus.

Je n’ai jamais vu Gus boire. Ni fumer. On dit que pendant la Première Guerre mondiale il aurait inhalé des gaz de combat. Gus était un pâtissier exceptionnel et il aimait bien jouer au chef, même à la maison. Mais quand il fallait décider de choses importantes, c’est grand-maman Emma qui prenait les commandes.

Comment s’appelait le premier morceau que Gus vous a enseigné à la guitare?

C’était Malagueña. Gus me disait que si je savais jouer Malagueña, je saurais tout jouer.

Vous n’avez pas eu le droit de conserver sa guitare. Votre mère Doris vous en a donc acheté une, de la marque Rosetti.

Elle valait 10 livres, mais nous n’avons pu la payer que par traites. J’ai appris les bases sur la Rosetti avant de m’offrir ma première guitare électrique. Pour tout guitariste, c’est mieux de commencer avec une acoustique.

Dans la tournée actuelle, 14 on Fire, Mick Jagger joue parfois de l’harmonica et, quand il le fait, cela paraît vous remplir de bonheur.

Mick est probablement le meilleur joueur d’harmonica de tous les temps. Du genre Walter Jacobs ou Junior Wells. Rien à voir avec sa manière de chanter. Je lui dis toujours: «Mick, tu devrais chanter plus souvent comme tu joues de l’harmonica.»

Avec Mick Jagger, vous avez écrit plus de 200 chansons mais, ces vingt dernières années, on n’a pas vu grand-chose. N’est-il pas temps de créer quelques nouvelles mélodies?

Ça ne se passe pas comme ça. Les chansons viennent de la vraie vie. On écoute ce que les gens disent dans la rue et on sent: «Hé, il y a une chanson cachée là-dedans.»

C’est bien joli, mais vous devrez vous mettre au boulot avec Mick si vous voulez avoir quelques nouvelles chansons.

Nous avons prévu de le faire. Mais pendant une tournée mondiale, comme maintenant, c’est difficile. Récemment, en Europe, nous avons eu quelques idées. Je ne sais pas quand nous aurons le temps d’aller en studio, mais nous y travaillerons.

A part le guitariste Ronnie Wood, vous avez tous au moins 70 ans. A cet âge-là, n’est-il pas pénible de partir en tournée mondiale et de jouer deux heures par soir?

On a encore assez de carburant dans le réservoir. Quant à savoir si, à notre âge, il est encore convenable de faire du rock, je n’en sais rien. Notre griffe est imprévisible. Mick Taylor, notre guitariste des années 70, est souvent de retour parmi nous. A Ronnie Wood et à moi, cela nous donne plus de marge de manœuvre.

Avec des prix jusqu’à 350 euros par billet, les concerts des Stones sont extrêmement chers. Pourtant vous êtes riches comme Crésus. Cette voracité est-elle bien nécessaire?

Ce n’est pas moi qui décide. Quand nous prévoyons une tournée, les promoteurs présentent leurs idées et je me contente de demander: «C’est tout vendu?» Si c’est le cas, bon, il y a manifestement assez de gens prêts à payer de tels montants. Nous en valons d’ailleurs la peine: c’est un show fantastique.

Que faites-vous de tout cet argent, à part vous acheter des guitares?

J’ai une maison à Parrot Cay, sur les îles Turks et Caicos, et une dans le Connecticut, un appartement à Paris et un à New York. A Parrot Cay, l’eau est si calme et peu profonde que seul un idiot pourrait s’y noyer. L’idéal pour les petits-enfants. Quand on n’a rien de spécial à faire, il n’est pas désagréable de dire: on crève de froid ici, allons donc plutôt dans les Caraïbes. C’est l’idée que je me fais du luxe.

Depuis des années, les gens rigolent des Stones parce qu’ils montent sur toutes les scènes de la planète avec leurs tronches de grands-pères. Mais voilà que «Vanity Fair» vous a classé parmi les personnes les mieux habillées du monde, avec Charlize Theron, Justin Timberlake et la duchesse de Cambridge. C’est une satisfaction?

Pas du tout. Probable qu’ils m’ont simplement surpris parmi les frusques de ma femme.

© Der Spiegel
Traduction et adaptation Gian Pozzy

VIDEO: Teaser de la tournée des Rolling Stones 2014: 

 

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Rock: la sortie des artistes

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Jeudi, 6 Novembre, 2014 - 06:00

Ce qui devait arriver arrive: les Pink Floyd, mais aussi les Who,  Black Sabbath ou AC/DC, sans compter les Rolling Stones reconvertis dans l’art d’être grands-pères, battent en retraite. C’est l’heure du dernier disque, de la tournée ultime pour les dinosaures des années 60-70. Hommage aux bientôt disparus, cœur serré.

«Le rock n’est pas mort de cause naturelle. Il n’a pas disparu en raison de son grand âge. Il a été assassiné!» On le voit, même à 65 ans, Gene Simmons a toujours la langue bien pendue. Le clown en chef du groupe Kiss s’en prend aujourd’hui – dans le magazine Esquire – au partage et au pompage gratuits de la musique sur l’internet, qui ont selon lui dévalorisé son genre musical favori. Plus d’argent, plus de soutien des compagnies de disques, plus d’albums, plus de supergroupes comme Kiss, formé en 1973. CQFD, RIP.

Mais le rock’n’roll a une particularité: on ne cesse d’annoncer sa mort prochaine. Même dans les années 60, à son apogée, il se trouvait toujours un John Lennon pour affirmer que le rock était mort de sa belle mort alors qu’Elvis Presley entrait à l’armée, dans la décennie précédente. Depuis, le mauvais présage a sans cesse été brandi en raison de l’arrivée du rap, du hip-hop, de l’électro, de la techno, de la pop synthétique, des technologies numériques, que sais-je.

Ou encore à cause de l’absence de plus en plus remarquée du rock dans les classements des meilleures ventes musicales. A l’exception des compilations, coffrets et autres resucées remastérisées de vieilles gloires, ce qui prouve que le genre n’est plus alimenté que par la nostalgie. A preuve, les actuelles opulentes sorties des premiers disques de Led Zeppelin, revitalisés par Jimmy Page en personne. Ou de The Basement Tapes de Bob Dylan (1967) sous la forme de 6 CD pour même pas 120 francs. Bref, d’un côté, le rock ne vaut plus rien; de l’autre, il est un luxe pour babyboomers nantis. Autant dire, air connu, qu’il serait foutu.

La vérité vraie est qu’il est toujours là, guère vaillant ni très inventif, comme une fréquence FM toujours disponible à l’heure de Spotify et de YouTube. Le rock était naguère mâle, dominant, érogène, rebelle, révolutionnaire, dangereux, aussi létal que porté par un désir d’immortalité. Il a été la première musique à être médiatisée en masse et à porter sur ses épaules de géant une génération entière, mettons celle du Vietnam.

Un genre parmi d’autres

Il n’est plus qu’un genre parmi dix ou vingt autres, comme les Black Keys partageant l’affiche du premier soir de Paléo 2014 avec la pop de Bastian Baker, le hip-hop de M.I.A. ou l’électro de Gesaffel­stein. Aujourd’hui, je l’entends bien avec ma fille de 16 ans, on écoute de tout, sans hiérarchie, troquant la passion exclusive contre une ouverture facilitée par les réseaux, les découvertes incessantes, le mélange des tendances.

Bien sûr, on était prévenus. «Rock’n’roll is here to stay, it’s better to burn out than fade away… Rock’n’roll will never die», chantait Neil Young en 1979. Le rock est là pour rester, mieux vaut brûler que de s’éteindre à petit feu, il ne mourra jamais… Un credo repris mot pour mot par Kurt Cobain dans sa lettre de suicide en 1994, lui qui avait porté l’espoir d’une vraie renaissance du rock. L’autre refrain connu, au rayon phénix-qui-renaît-sans-cesse-de-ses-cendres, étant le Rock Is Dead… Long Live Rock des Who en 1972.

Who? Qui donc? Les auteurs du générique de la série TV Les experts? Bien plus que cela. L’un des plus grands groupes de l’histoire, auteur des extraordinaires albums Tommy, Quadrophenia ou Who’s Next, dont est justement issu le Baba O’Riley mouliné jusqu’au vertige par Les experts. Pour me mettre à nu devant vous, la bande à Pete Townshend a toujours été ma favorite, loin, très loin devant toutes les autres. J’ai pris le train seul, adolescent et plus tard, pour aller la voir dans les lieux les plus improbables. J’avais les t-shirts, les vinyles, les K7, les CD, les fichiers, les autocollants, les posters, les livres, dont la récente autobiographie de Pete Townshend Who I Am. Les concerts des Who étaient miraculeux. Ou déplorables, comme à Paléo, encore lui, en 2006. Pas d’entredeux, pas de quartier, tout ou rien.

Or, voilà que le groupe qui m’a accompagné, porté, aidé à cracher ma frustration pendant des années commémore ses cinquante ans d’existence en déclarant qu’il s’en va. Encore un disque, l’an prochain, puis une tournée en forme de «long goodbye», comme le dit le chanteur Roger Daltrey, et ce sera fini. Pete Townshend a 69 ans, Roger Daltrey 70. Ils sont les deux survivants d’un quatuor qui comptait l’explosif batteur Keith Moon, mort en 1978 d’une overdose de sédatifs utilisés contre l’alcoolisme, et le vrombissant John Entwistle, qui s’est éteint en 2002 dans une chambre d’hôtel à Las Vegas pour avoir sniffé trop de poudre en compagnie d’une belle-de-nuit.

Un demi-siècle, pour une légende du rock qui affirmait dans My Generation (1965): «Hope I die before I get old» (J’espère mourir avant de devenir vieux), voilà une ironie qui ne déplaît pas à Pete Townshend. «Moi, je n’aurais jamais voulu voir Philip Roth, John Updike ou Gore Vidal se retirer d’un coup, en disant: «Oui, je suis effectivement trop vieux pour écrire des bouquins sur la masturbation», affirmait-il récemment.

Typique de Townshend, caractéristique aussi de ses amis des Rolling Stones, cinquante-deux ans de tournées au compteur, toujours sur la route. Avec tout de même des signes de lassitude du côté de Keith Richards, saisi par un nouvel art: celui d’être grand-père (lire son interview en page suivante). Et des interrogations du côté de Mick Jagger sur la nécessité d’un nouvel enregistrement en studio, après le très moyen A Bigger Bang en 2005. Selon lui, et il est bien placé pour en parler, à chaque fois que les Rolling Stones jouent des morceaux récents sur scène, la foule attend poliment que ça se passe, avant de hurler aux premiers riffs de Jumpin’ Jack Flash ou même Paint It Black.

Tout peindre en noir, effectivement. Les légendes des années 60 font actuellement encore quelques tours et puis s’en iront, vaincues non par Beyoncé ou Katy Perry, mais par leur âge même. Les vieux rockers savent comme les vieux Romains que «toutes les heures blessent, la dernière tue». Roger Daltrey craint de ne plus avoir de voix en concert. Pete Townshend souffre de surdité et d’acouphènes. Du côté de chez Motörhead, Lemmy Kilmister, qui a été le roadie de Jimi Hendrix en 1967, porte désormais un défibrillateur et gère au mieux son diabète.

Le début de la fin?

Lemmy a toujours galéré avec son trio métallique, tout en gagnant pas mal d’argent grâce aux quelques morceaux qu’il a écrits pour Ozzy Osbourne. Or, Ozzy lui-même donne des signes de lassitude. Le dernier disque de Black Sabbath, les inventeurs du heavy metal vers 1968 à Birmingham, s’est étonnamment bien vendu l’an dernier. 13, dont le couplet d’ouverture était «Est-ce le début de la fin, ou la fin du début?», a été numéro un en Grande-Bretagne, en Europe ou aux Etats-Unis, un score que le groupe n’avait pas atteint depuis quarante-trois ans. Ozzy Osbourne, 68 ans, vient de jurer que Black Sabbath entrera une ultime fois en studio l’an prochain, avant une tournée d’adieu. D’autant que le guitariste Tony Iommi reste fragilisé par son combat contre un fichu lymphome.

Ce qui n’est rien par rapport à l’état de démence sénile, après une attaque cérébrale, de Malcolm Young, frère aîné d’Angus Young, piliers fondateurs d’AC/DC. Le guitariste rythmique cloîtré dans la section gérontologie d’un hôpital de Sydney, les autres membres du groupe australien ont dû se débrouiller sans lui pour enregistrer leur 17e album, Rock or Bust (Rock ou Laisse tomber), disponible le 1er décembre. Il n’y aura sans doute plus beaucoup d’albums des maîtres du hard rock ni de tournées éreintantes.

Quoiqu’il ne faille jamais jurer de rien devant un mur d’amplis Marshall. «J’aimerais qu’il soit inscrit «Je ne suis pas sûr que le groupe soit vraiment fini» sur ma pierre tombale», s’amusait l’autre jour Nick Mason dans le magazine américain Rolling Stone. Le batteur de Pink Floyd ripostait par le rire aux affirmations péremptoires de son partenaire David Gilmour, le guitariste de 68 ans, pour lequel l’album The Endless River, à télécharger dès le 10 novembre, est le dernier-terminé-juré-craché. Il n’y aura même pas de tournée pour accompagner «La rivière sans fin», titre qui contredit un rien cette volonté de ponctuer le destin du groupe aux 200 millions d’albums, dont 50 pour le seul The Dark Side of the Moon.

David Gilmour le dit au même magazine Rolling Stone: «Il n’y a désormais plus de place dans ma vie pour Pink Floyd. Ce disque est une manière de dire au revoir à l’aventure. Tout ce que nous avons créé de valable y figure.» The Endless River est en effet un palimpseste, écrit en son numérique 5.1 sur les bandes analogiques qui restaient de l’enregistrement de The Division Bell en 1993.

La boucle du temps

Instrumental, à l’exception du morceau final, Louder Than Words, magnifiquement chanté par Gilmour, The Endless River est un opus fluide qui cite autant les débuts du groupe au mitan des années 60 que ses plus récents disques. Entendait-on la voix de l’astrophysicien Stephen Hawking au début de Keep Talking sur l’album The Division Bell? Le revoici sur le nouveau disque, comme pour boucler la boucle de l’espace-temps. The Endless River est surtout un hommage poignant au clavier Rick Wright, décédé en 2008. Les paysages sonores de Wright dominent les 18 plages de cette œuvre ultime, somptueuse, qui rembobine autant qu’elle réinterprète le passé de l’un des meilleurs groupes de l’histoire du rock. Une manière paisible de dire une bonne fois pour toutes au revoir aux flamboyantes années 60. A sa jeunesse aussi.

Avant de passer à autre chose, ces jeunes groupes qui portent haut la flamme du rock, ces Royal Blood, Allah-Las ou The Strypes, le couteau entre les dents, comme si cette histoire ne devait jamais trouver de conclusion.

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Des robots qui cultivent des salades

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Jeudi, 6 Novembre, 2014 - 11:44

CombaGroup

Fondateurs: Marie de Raismes (27 ans), Benoît de Combaud (30 ans), Rodney Reis (38 ans)
Année de création: 2012
Nombre d’employés: 6
Investisseurs: investisseurs privés agro-industriels et financiers, canton de Vaud, Venture Kick, Fondation pour l’innovation technologique

A Molondin, dans le Nord vaudois, la start-up CombaGroup s’est installée pour faire pousser des salades fraîches toute l’année. «Nous développons une nouvelle technologie de culture à la fois plus productive et plus écologique», résume Marie de Raismes.

Dans un but d’optimisation, CombaGroup fait pousser ses salades les racines à l’air et a mis au point un système de gestion de la production entièrement automatisé: des robots contrôlent le climat, distribuent de l’eau et déplacent les salades en fonction de leur croissance. «Tous les paramètres sont contrôlés par ordinateur, que ce soit la température, l’humidité ou la lumière», explique la cofondatrice de la société.

Des partenaires suisses et français de CombaGroup mènent actuellement des tests en vue d’une commercialisation en 2015. Les salades sont prévues dans un premier temps pour le marché des crudités en sachet. Ces premiers clients investissent dans la construction de deux fermes commerciales, l’une d’un hectare et l’autre d’un demi-hectare, qui viendront compléter la serre pilote dès la fin de l’année. L’occasion, pour CombaGroup, d’adapter et d’utiliser sa technologie à plus grande échelle.

 


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Des capteurs pour aider les personnes âgées
Les écrans du futur
Trouver des places de parc libres
Diagnostiquer  les allergies en quelques minutes
Des technologies au service du sport
Recycler la chaleur perdue des usines
Des robots qui cultivent des salades

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Recycler la chaleur perdue des usines

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Jeudi, 6 Novembre, 2014 - 11:45

OsmoBlue

Fondateurs: Elodie Dahan (33 ans), Anna Laromaine (35 ans), Brian Hutchison (37 ans), Nicolas Abelé (33 ans)
Année de création: 2013
Nombre d’employés: 3
Investisseurs: Innogrant, Venture Kick, Gebert Rüf Stiftung, Fundación Respol

Produire de l’électricité avec des rejets de chaleur industriels, même à basse température, voilà le projet d’OsmoBlue, start-up fondée à Lausanne en 2013. La technologie mise au point par l’entreprise génère du courant à partir de chaleurs de 30 à 100 ˚C, une innovation distinguée lors de nombreux concours. «Le réseau des start-up romandes est une ressource précieuse, explique Elodie Dahan, cofondatrice. Pour toute question, nous pouvons demander conseil à des personnes qui sont passées par là.»

Les applications potentielles de la technologie d’OsmoBlue sont nombreuses, comme la start-up a pu le constater après un appel à idées sur son site web. «Nous avons récolté un grand nombre de réactions du monde entier, se réjouit Elodie Dahan. Certains proposaient par exemple que nous les aidions à recycler la chaleur perdue dans leur jardin. Mais, pour le moment, nous nous concentrons plutôt sur des partenariats avec de grandes industries, comme le ciment ou la pétrochimie.» Un prototype est en cours de construction. En 2016, un premier projet pilote, qui devrait permettre de produire suffisamment d’électricité pour alimenter une vingtaine de maisons, sera installé dans une grande usine, probablement en Suisse.

 


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Ces Suisses qui décidèrent de se battre

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Jeudi, 13 Novembre, 2014 - 05:43

Zoom. Beaucoup de jeunes Confédérés s’engagèrent aux côtés des belligérants. Mais leur nombre reste incertain.

Le mythe d’une farouche neutralité diffusé après 1945 a étendu son voile sur 1914-1918. Au début d’une guerre dont ils n’imaginaient pas l’insoutenable violence ni l’interminable durée, les Suisses ne pensaient pas échapper à la bataille. Le Conseil fédéral lui-même ne croyait pas à la capacité du pays à rester «un îlot neutre au milieu de la tempête». Dans un arrêté de 1912 resté secret (L’Hebdo du 2 janvier 2014), il se résignait par anticipation à devoir choisir son camp. Les problèmes d’approvisionnement créés par un encerclement de belligérants lui semblaient insurmontables.

Les Suisses envisageaient d’autant plus qu’ils seraient absorbés par la tourmente que le conflit commence par la violation de la neutralité de la Belgique par les troupes allemandes, un événement qui révulse l’opinion publique.

Choc de civilisation

Surtout, le conflit est très vite perçu comme un choc de civilisation qui ne peut laisser indifférent. L’écrivain franco-suisse Guy de Pourtalès l’a évoqué dans son roman La pêche miraculeuse. Paul, son héros, n’a pas été incorporé dans l’armée suisse à cause d’une ancienne blessure. Mais il ne peut se résoudre à rester en marge: «Pourquoi donc aller se battre, détruire un ennemi imaginaire, être détruit soi-même? En voulait-il à ces Allemands qui s’avançaient vers l’Ouest à la lueur des incendies? A ces Allemands, fils de Bach, de Mozart et de Wagner? Il ne leur en voulait pas en tant qu’hommes, mais en tant que pouvoir destructeur et soi-disant maître du monde. Quelque chose se dressait en lui pour leur barrer la route.»

A Paris, la réalité a devancé la fiction que signera de Pourtalès en 1937. Le Chaux-de-Fonnier Blaise Cendrars et quelques intellectuels lancent un appel aux amis étrangers de la France:

«L’heure est grave. Tout homme digne de ce nom doit aujourd’hui agir, doit se défendre de rester inactif au milieu de la plus formidable conflagration que l’histoire ait jamais pu enregistrer. Toute hésitation serait un crime.»
Cendrars sera blessé au combat, amputé du bras droit, une expérience qu’il racontera dans La main coupée.

Par idéalisme, héroïsme, ou sensibles à la propagande massive des belligérants, combien furent-ils, ces Suisses qui, comme Cendrars et de Pourtalès, décidèrent d’aller se battre? Même si quelques monuments aux morts rappellent leur existence, leur choix n’a guère été étudié par les historiens. Auteur d’une communication sur «Les Suisses dans les armées étrangères» lors d’un récent colloque au château de Penthes, Christophe Vuilleumier note qu’«ils auraient été 14 000 selon certaines sources, 6000 selon d’autres plus vraisemblables. Les premiers Confédérés à s’être engagés en France étaient ceux vivant sur place et souvent doubles nationaux, mais ils furent vite rejoints par des Suisses établis en terres helvétiques. Des Alémaniques décidèrent également de rejoindre les rangs de l’armée française.»

L’historien militaire Jean-Jacques Langendorf estime pour sa part le nombre de Suisses ayant rejoint les troupes de Guillaume II entre 7000 et 8000.

Avec la Légion étrangère, la France disposait naturellement d’une structure d’accueil pour les volontaires. L’Allemagne, elle, naturalisa les combattants qui s’enrôlèrent dans ses troupes.

Le phénomène fut tel que le Conseil fédéral songea en 1915 à légiférer pour empêcher les jeunes de s’engager, mais ce n’est finalement qu’en 1927 que l’interdiction de servir à l’étranger sera inscrite dans le Code pénal militaire. Cela explique que les volontaires de 1914-1918 n’aient pas été condamnés par les autorités comme le furent ceux qui participèrent aux brigades internationales pendant la guerre d’Espagne, et que la Confédération ne réhabilita qu’en 2009.

Il faut encore noter que nombre de jeunes Suissesses partirent aussi en France comme infirmières.

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«La fraternité de la langue»

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Jeudi, 13 Novembre, 2014 - 05:44

Yves Le Maner, l’historien qui a supervisé la réalisation du nouveau mémorial en Artois, détaille les raisons de la présence de Suisses sur le monument.

Pourquoi une telle diversité de pays, en particulier au sein de la Légion, dans ce coin de l’Artois en 14-18?

Cela tient aux différentes nations de la Légion étrangère. Nous trouvons, par exemple, du côté des Turcs et des Russes des combattants juifs qui s’intègrent dans l’armée de la République française, perçue comme le pays de la liberté. Il y a des gens qui viennent pour l’aventure. D’autres ont une affinité intellectuelle avec la notion de «grande nation». Le monde est alors très idéaliste. Dans le cas de la Suisse, compte aussi la tradition de l’engagement militaire du pays depuis Marignan.

Dans «La main coupée», Cendrars parle des «Français de l’extérieur» en évoquant les Canadiens, les Belges et les Suisses. Comment comprendre cette expression?

La langue française est un des éléments structurants de la nation et de la francophonie. Cendrars, qui était un grand connaisseur du français, a sans doute voulu évoquer l’idée d’une fraternité mondiale à travers la langue.

Une bonne cinquantaine de noms de combattants suisses figurent sur le mémorial international. C’est tout autant, par exemple, que les Népalais engagés dans l’armée britannique des Indes?

Non, les Népalais, qui étaient des gurkhas, c’est-à-dire des combattants professionnels, sont bien plus nombreux sur le monument. Ils sont plusieurs centaines. Dans la même proportion que les Suisses, on trouve des Espagnols, et des Italiens avant l’engagement de leur pays aux côtés des Alliés. Il y a une remarquable diversité humaine dans la Légion étrangère qui s’incarne dans la présence des combattants suisses.

Quels pays ne s’attendrait-on pas à voir sur le mémorial?

Il y a des Brésiliens qui ont traversé l’Atlantique pour venir combattre auprès des Alliés. Le cas le plus impressionnant est celui des Australiens. Leur pays n’a envoyé au front pendant la guerre de 14-18 que des soldats volontaires: 400 000 hommes sont venus se battre en Europe, sur une nation de 4 millions. Ils ne pouvaient pas rentrer chez eux en permission. C’est un cas très fort, qui a d’ailleurs aidé à la constitution de l’identité nationale de l’Australie.

Vous inscrivez les noms de plusieurs dizaines de Suisses sur un monument international alors même que la Suisse questionne son destin avec l’Europe. En tant qu’historien français, qu’est-ce que cela vous inspire?

C’est la meilleure preuve de l’universalité des cinq continents, riches de populations diverses, qui ont, chacune, leurs propres talents et compétences. Elles sont pourtant toutes venues se battre dans des conditions atroces ici même. Inscrire les noms de leurs représentants bout à bout est un moyen de les unifier. C’est le propre des nations d’aspirer à l’égalité quand elles structurent ou restructurent leur identité.

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L’anneau de mémoire

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Jeudi, 13 Novembre, 2014 - 05:45

Reportage. Le Nord-Pas-de-Calais inaugure un gigantesque mémorial international. Celui-ci écrit les noms de 600 000 soldats tombés dans la région entre 1914 et 1918. Dont des dizaines et dizaines de combattants suisses.

Les associations françaises d’anciens combattants se sont indignées. Et les Britanniques ont levé plus d’un sourcil, posant toutes sortes de questions sur les raisons de cette idée inédite. Celle-ci était effectivement audacieuse: construire le plus grand mémorial de guerre au monde pour commémorer le siècle écoulé depuis le début de la guerre 14-18. Surtout, réunir sur le même monument les noms de tous les soldats belligérants, alliés franco-britanniques et alliés de l’Empire allemand, qui ont été tués sur le front de l’Artois, dans la région française du Nord-Pas-de-Calais. Le site est le grand oublié de l’histoire de la Première Guerre, davantage focalisée sur Verdun (pour les Français et les Allemands) ou sur Ypres en Belgique (pour les Anglo-Saxons). Alors même que le département du Nord est celui qui a connu le plus de destructions pendant le conflit. Et que le nombre de morts violentes a atteint dans ce coin de mines et de terrils le seuil des 600 000.

Dire la mort de masse

Il y a bien 579 606 noms inscrits sur le nouveau mémorial international de Notre-Dame-de-Lorette, un plateau situé entre Arras et Béthune. L’impressionnante taille de cette ellipse d’acier et de béton, d’un périmètre de 328 mètres, dit la mort en masse. La tuerie industrielle provoquée par les nouvelles armes de l’époque, ces mitrailleuses qui hachaient les chairs des poilus, des Feldgrauen, des Tommies, des Mates, des Suisses également, comme on le verra plus tard. Les grenades, les bombes, les gaz, la dysenterie, la folie aussi lorsqu’on reçoit sur la tête 2500 obus par jour, comme à un moment donné sur la crête voisine de Vimy, où s’est battu en 1915 Blaise Cendrars avec un extraordinaire courage.

Philippe Prost, l’architecte qui a conçu l’élégant anneau de mémoire, si léger, si peu morbide, a voulu la forme de l’ellipse pour suggérer l’image d’une ronde fraternelle entre les soldats. Si ces derniers s’étaient tous tenu la main, ajoute l’architecte, la boucle serait passée par Paris, Londres et Bruxelles. Philippe Prost, avec l’assentiment de l’Etat et de la région, qui ont financé l’œuvre pour 8 millions d’euros, a voulu que le mémorial soit horizontal. A l’opposé de la verticalité victorieuse de la tour lanterne de Notre-Dame-de-Lorette, qui veille sur la plus grande nécropole militaire de France (40 000 corps). L’horizontal, c’est l’équilibre et la chance d’une pérennité. Pas trop tout de même, connaissant la nature humaine: l’anneau repose pour 60 mètres sur du vide en raison de la déclivité du plateau à cet endroit-là. Soudain, la belle harmonie se fait fragile, rappelant que la paix l’est autant.

D’A Tet à Rodolph Zywitz

A l’extérieur, le ruban offre au regard un béton sombre, couleur de guerre. A l’intérieur, le contraste est total. Cinq cents feuilles d’acier doré prennent la lumière de l’Artois et la redonnent à l’espace central, où l’on marche à l’aplomb d’un cortège sans fin de noms, à l’image d’un anneau qui symbolise l’infini. Ils sont disposés par ordre alphabétique, en commençant par le Népalais A Tet et en finissant par l’Allemand Rodolph Zywitz. Pas de distinction de grade, de religion ni de pays, tant le monument dépasse l’habituelle identité nationale, voire nationaliste, des mémoriaux guerriers. Tous ces gars, qui avaient entre 20 et 30 ans, sont réunis dans une humanité commune.

L’ellipse aux 600 000 noms est rétive à l’expression comminatoire du «devoir de mémoire». Parce que la mémoire est un travail constant, pas un ordre venu d’en haut. Et que l’œuvre se veut contemporaine. Elle rend hommage à une Europe en paix depuis septante ans maintenant, une période pacifiée comme le Vieux Continent n’en avait pas connu depuis un millénaire. Elle invite à un nouveau récit de la guerre, à la fois individuel, apaisé et international. Rappelant au passage que la génération sacrifiée de 14-18, des deux côtés des tranchées, a été la première à savoir majoritairement lire et écrire, exigeant des tombes individuelles à ses supérieurs qui ne voulaient que des fosses communes.

Le mémorial revendique son statut d’œuvre d’art contemporaine dialoguant avec la nature environnante à renfort de technologies récentes, tel le béton de fibres à ultrahaute résistance, ou les câbles qui, de l’intérieur de la structure, mettent les voussoirs de l’ellipse asymétrique sous tension. Le monument, enfin, s’adresse depuis aujourd’hui à demain pour faire prendre la mesure aux générations futures de la dimension inouïe de la boucherie, pour l’appeler à la vigilance, lui donner une espérance de paix, l’encourager à la distance critique mais aussi la proximité affective. Et lui répéter encore et encore qu’il existe une seconde mort: celle de l’oubli.

Une ellipse, cinq continents

Comment établir une telle liste de noms, en provenance des principaux pays belligérants, mais aussi des anciennes colonies, à vrai dire des cinq continents? Les responsables ont demandé à la Commonwealth War Graves Commission de leur fournir les patronymes des soldats de l’empire tombés entre le 2 août 1914 et le 11 novembre 1918 dans la région de l’Artois et de la Flandre. La commission a envoyé une liste de 241 214 noms, rappelant que les Britanniques ont remplacé en 1916 dans la région les troupes françaises déplacées à Verdun. Plus précisément des Anglais, des Ecossais, des Gallois, des Irlandais, des Canadiens, des Sud-Africains, des Indiens, des Australiens, des Néo-Zélandais. Le Volksbund Deutsche Kriegsgräberfürsorge a envoyé 173 876 noms. Le Ministère français de la défense a laissé les initiateurs du projet se débrouiller avec le 1,4 million de fiches qui enregistrent les «Morts pour la France» en 14-18. L’équipe menée par l’historien Yves Le Maner a ainsi dû, en une année, examiner une à une les fiches, retenant celles qui indiquaient un décès dans le Nord-Pas-de-Calais. Total: 106 012 noms.

Parmi les «Morts pour la France» dans l’Artois et ses environs, les combattants de la Légion étrangère qui réunissait, sous l’uniforme tricolore, une vingtaine de nationalités. Dont des centaines de Suisses, qui habitaient alors en France ou étaient venus sur place par idéal, par envie d’aventure, par tradition mercenaire, par envie de freiner un ennemi qui avait commencé sa guerre en envahissant un pays neutre (la Belgique) et pourrait faire de même avec un autre pays neutre. Des Romands ainsi que des Alémaniques, comme le note Blaise Cendrars dans La main coupée. L’écrivain chaux-de-fonnier s’est tiré, lui, vivant du désastre, certes avec le bras droit en moins, déchiqueté par une mitrailleuse allemande en septembre 1915 sur un autre front, en Champagne. Mais, auparavant, il avait participé à la fulgurante attaque, par son régiment de marche de la Légion, ainsi que des tirailleurs et des zouaves, de la crête stratégique de Vimy en mai 1915. Avant de devoir abandonner sa position, faute de renforts.

Combien de Suisses sont tombés à Vimy, à Lorette, dans la région? Selon l’historien Yves Le Maner, les noms d’une bonne cinquantaine de Suisses figurent sur le mémorial en ellipse. Il y en a certainement bien davantage, de ces Suisses tombés en Artois. Car ont été effacés de la mémoire les combattants dont la dépouille n’a jamais été retrouvée, rappelant que 30% des soldats morts pendant la Grande Guerre ont disparu à jamais. Quoi qu’il faille être prudent avec «jamais». Pendant les travaux de l’anneau nouveau, qui ont commencé au début de 2014, huit dépouilles de soldats ont été mises au jour. Sept Français et un Allemand. Plusieurs dizaines d’obus non explosés ont dû être désamorcés.

Voilà, au hasard de l’ordre alphabétique, un Alfred Pahud (qui était de Lausanne) ou un Jean Margot (de Sainte-Croix). Et ce Ramuz, avec son nom, d’où venait-il, quel âge avait-il, pourquoi était-il là? Tous sont gravés dans les 500 pages de ce grand livre métallique qui n’a ni début ni fin, chaque page faisant 3 mètres de hauteur et étant rédigée en petits caractères. Des dizaines et dizaines de Suisses.

Mais le 11 novembre, les représentants officiels de 70 pays ont assisté au côté de François Hollande à l’inauguration du Mémorial international de Notre-Dame-de-Lorette. Aucun diplomate suisse n’était présent.

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Plus jamais sans mon one piece!

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Jeudi, 13 Novembre, 2014 - 05:47

Récit. La mode de la grenouillère pour adultes, lancée par le label OnePiece et popularisée aux Etats-Unis l’an dernier, a débarqué chez les jeunes Romands. «L’Hebdo» s’est glissé dans la tête de quelques adeptes de cette tendance régressive.

«Je m’appelle Elisa, Emma, Daniela ou Lou-Malika. J’ai 15, 16 ou 18 ans. Je suis une adolescente de Suisse romande et, comme quelques centaines, quelques milliers d’autres, j’ai craqué pour un one piece, ce vêtement à mi-chemin entre le training, le pyjama et la grenouillère pour bébé en version adulte.

J’ai craqué depuis que j’ai vu les One Direction en photo dans des one pieces, ils étaient trop mignons avec – d’ailleurs ils ont créé leur propre modèle avec des empreintes de leurs mains, j’espère que j’en recevrai un pour Noël. Mais aussi Rihanna, qui en porte toujours un lorsqu’elle voyage, et Cara Delevingne, qui a posté plein de selfies d’elle dans des one pieces animaux. Brad Pitt, qui en a un tout noir, est presque trop vieux pour en porter un.

Comme certaines de mes copines sont allées en Angleterre ou en Allemagne pour des séjours linguistiques, elles en ont rapporté de chez Primark ou Topshop l’an dernier, du coup j’ai commandé les miens sur les sites internet de ces magasins, ou alors j’ai supplié d’autres copines qui allaient à l’étranger de m’en rapporter. J’ai bien vu que Switcher avait lancé son propre modèle, le Geelee, mais il ne me plaît pas trop, il lui manque une touche de glamour et je préfère d’autres marques.

L’an dernier, je mettais le one piece de ma cousine Sarah quand j’allais chez elle. J’ai demandé à ma mère de m’en acheter un, mais elle trouvait que 50 francs pour le vrai OnePiece, c’était trop cher. Cette année, la plupart de mes copines en ont un. Soit de la marque OnePiece, soit un autre, les filles s’en fichent. En Suisse, le site Zalando est très pratique, on peut payer en recevant une facture, il n’y a pas besoin d’avoir une carte de crédit, et c’est livré très vite. Chez Primark, il y a beaucoup de choix et ils ne sont vraiment pas chers, mais ils ne sont pas aussi doux et épais que les autres. Je connais des filles qui en ont plusieurs, du coup elles en ont de très différents, des drôles, des très enfantins ou alors des sportifs, plus neutres.

Je me sens bien dans mon one piece. C’est même la principale raison pour laquelle j’en porte. On éprouve une sensation unique, comme si on était à l’intérieur d’une grosse peluche. Je l’enfile en début de soirée, quand je rentre à la maison après une longue journée de cours ou de travail. Je prends une douche et me glisse dedans. Mais je ne le laisse pas pour dormir, c’est trop chaud. Cet hiver, je vais le ressortir de l’armoire. Je l’ai déjà remis ces jours, d’ailleurs. Pour le camp de ski de l’année dernière, on en avait presque toutes un. On l’a mis dans le car au retour, et tout le monde nous faisait des compliments, même les profs. Mais ça s’est gâché quand on est arrivé à destination. Ma mère est venue me chercher à pied – on n’a pas de voiture – et j’ai dû traverser la moitié de la ville en one piece pour arriver à l’arrêt de bus. C’était la honte! J’ai mis le capuchon pour que personne ne me voie dans cette tenue.

Je ne le mets jamais pour aller en cours, en ville faire du shopping ou sortir le soir, mais je le mettrai la prochaine fois que je prendrai l’avion ou que j’irai dans un endroit de détente comme Europa Park. J’y suis allée pour Halloween et tout le monde en portait! Le seul aspect peu pratique, c’est pour aller faire pipi: il faut enlever tout le haut, du coup on a froid. Je ne mets rien dessous, sauf si je sors avec. A ce moment, je mets un t-shirt et parfois des collants.

A la maison, je le porte même s’il y a des invités ou des amis de mes parents. Ce n’est pas un pyjama, il n’y a rien de honteux, du coup je ne vois pas pourquoi je ne pourrais pas le mettre. Ça fait rire les adultes, on m’a même dit que j’avais l’air d’un Teletubbies ou d’une grosse peluche, mais je vois bien qu’ils aimeraient bien faire la même chose. Du coup, ma mère a voulu acheter le même, ça ne me plaît pas trop. C’est bizarre de voir des adultes normaux, pas des stars ou des chanteurs, en one piece. Nous, quand on met notre one piece, on sait bien que c’est un peu décalé et enfantin, même que ça fait un peu bébé, mais on sait aussi très bien que nous ne sommes plus des bébés. C’est de l’humour. On n’est pas dupe. C’est une manière d’être cool dans la vie.»

One piece, Onesie, pyjama ou grenouillère pour adultes?

En 2009, trois trentenaires norvégiens ont l’idée de coudre ensemble le haut et le bas de leur training pour plus de confort. Ils en fabriquent 100 sous le label OnePiece, qui s’écoulent en quelques heures. Deux ans plus tard, 2% de la population de leur pays en porte, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la maison. Le succès s’étend à la Scandinavie, l’Allemagne, l’Angleterre (où le label OnePiece reste leader malgré l’implantation précoce de la marque All in One Company qui avait montré la voie depuis 2008 pour les enfants puis les adultes) et aux Etats-Unis où il devient un basic de la street fashion. Adopté par des personnalités comme Brad Pitt, Rihanna ou les One Direction, il connaît un succès sans précédent durant l’année 2013. Dans les pays anglo-saxons, on le nomme la plupart du temps «onesie», un dérivé de la marque de bodys, ou grenouillères, pour bébés, Onesies. En français, on utilise indifféremment les termes de «combinaison», «pyjama», «Babygro» (du nom de la mythique marque française de grenouillères pour bébés) ou «one piece», devenu terme générique.

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Darrin Vanselow
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Coquillages et crustacés

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Jeudi, 13 Novembre, 2014 - 05:47

Reportage. Sept apprentis cuisiniers ont eu la chance de suivre un cours donné par Benoît Violier à l’Hôtel de Ville de Crissier, avant de déguster un somptueux repas. Une expérience hors norme à laquelle «L’Hebdo» a pu assister.

Il est à peine 9 h 15 ce matin que l’Hôtel de Ville, à Crissier, bourdonne déjà d’activité. En cuisine, marmitons, commis et chefs de partie pèlent, coupent, cisèlent, préparant les ingrédients qui serviront à composer les mets du service de midi. En salle, on repasse les nappes, on polit les couverts, on s’assure que tout sera impeccablement prêt pour accueillir les convives.

A l’étage, au-dessus de cette agitation, sept apprentis cuisiniers de troisième année dégustent un café et des viennoiseries. Ils sont accompagnés par le doyen restauration-service-boucherie-charcuterie de l’Ecole professionnelle de Montreux, où les quelque 480 apprentis cuistots du canton de Vaud suivent leurs cours. Daniel Chatagny est manifestement heureux d’accompagner ses élèves. Il connaît bien la maison pour y avoir œuvré aux fourneaux à l’époque de Fredy Girardet, au début des années 80.

Si les sept apprentis sont ici ce matin, c’est qu’ils ont été désignés par leurs professeurs comme particulièrement motivés et désireux de parfaire leurs connaissances. Ils vont ainsi avoir la chance de suivre un cours sur les poissons, coquillages et crustacés donné par le patron des lieux, Benoît Violier, meilleur ouvrier de France, trois étoiles Michelin, 19 sur 20 au GaultMillau.
Ils sont là grâce aussi à David Lizzola, CEO du groupe Léguriviera, qui non seulement fourni l’Hôtel de Ville, mais participe également à la formation des apprentis cuisiniers du canton, en coorganisant et cofinançant des événements comme celui-ci.

Boungnong Soumphonma travaille aux cuisines d’un centre commercial, Jordane Marie Basset dans celles d’une clinique privée, Marcos Watanabe dans un hôpital, José Chaves dans un EMS, Samuel Menoud dans un restaurant lausannois, Fabien Gehri dans un restaurant du Nord vaudois, Alexandre Mikaelian dans une institution.

Les voici maintenant en veste blanche, assis dans la cuisine, face à Benoît Violier qui leur explique les différentes sortes de poissons, coquillages et crustacés. Une vraie encyclopédie. La connaissance que le chef a de ces produits est impressionnante. Il est capable d’énumérer toutes les variétés, connaît les différentes façons de les pêcher et, bien évidemment, la manière de les apprêter somptueusement: «Il faut surtout être attentif à la fraîcheur et très peu cuire ce genre de chair.»

Tout le monde se retrouve ensuite au sous-sol, où Benoît Carcenat, sous-chef de cuisine, présente aux apprentis l’arrivage du jour. Huîtres, vongoles, vernis, tourteaux, langoustines, couteaux, crabes, turbots… Un étalage magistral et gourmand examiné dans les moindres détails.

Gros dormeur au muscadet

Franck Giovannini, le chef de cuisine de l’Hôtel de Ville, emmène le groupe aux fourneaux. Tandis que tout autour la brigade du restaurant s’active, les apprentis vont suivre pas à pas l’exécution de trois recettes: l’effilochée de gros dormeur (tourteau) au muscadet, le dos de turbot cuit au four et la langoustine croustillante agrémentée d’une grecque de légumes. Tour de main, assaisonnement, temps et méthode de cuisson… Les apprentis sont fascinés par la technicité du chef, ne perdent pas un mot de ses explications claires et précises, photographient chaque détail avec leur smartphone. L’ambiance est amicale, on est entre professionnels, entre passionnés surtout.

A humer tant de fumets envoûtants et raffinés, tout le monde salive. Après s’être changés, les apprentis rejoignent un salon particulier au premier étage du prestigieux établissement, où ils vont être servis comme des rois.

A la fin du repas, moment attendu entre tous, Benoît Violier vient les saluer, redisant à quel point il est heureux de faire ce métier et toute l’importance qu’a à ses yeux la formation des apprentis.

S’il a 19 points sur 20 au GaultMillau, les apprentis cuisiniers, eux, en sortant de l’Hôtel de Ville, lui donnaient tous 20 sur 20 pour son accueil et son savoir. Et les étoiles que ces jeunes avaient dans les yeux étaient bien plus nombreuses que les trois que le chef affiche au Michelin.

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Patrick Morier-Genoud
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"Chéri, pour moi ce sera un rubis"

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Jeudi, 13 Novembre, 2014 - 05:48

Reportage. La maison Gübelin propose un séminaire de deux jours sur les pierres précieuses de couleur. Après Hong Kong, les cours se déroulent en Suisse.

Ce vendredi matin de novembre, le temps sur Genève est gris. Pas grave, la journée promet d’être chatoyante. Le joaillier Gübelin organise un séminaire sur les pierres précieuses, à l’intention de la presse, dans un cinq-étoiles de la place. L’année dernière, la maison familiale, dirigée par la 6e génération, a lancé une formation de deux jours pour les amateurs de pierres précieuses de couleur. Le séminaire a déjà eu lieu à Hong Kong. Fin novembre, il sera organisé pour la première fois en Suisse, à Zurich. Il est ouvert à tous et surtout à toutes, à condition de comprendre l’anglais. Tout savoir sur un compagnon de rêve peut fournir des arguments convaincants. A son galant ou à soi-même évidemment.

Rares, belles et durables

Le programme paraît attrayant: «Les participants apprennent à déterminer la valeur d’une pierre selon sa qualité, son origine, sa rareté et sa couleur. Ils découvrent ainsi, notamment, comment distinguer une pierre précieuse de couleur traitée chimiquement d’une autre exempte de tout traitement.»

Aux commandes, Helen Molesworth, directrice générale de la Gübelin Academy. Gemmologue de formation, l’Anglaise maîtrise son sujet sur le bout des doigts. Normal, elle est dans le domaine depuis une quinzaine d’années. Accent britannique, silhouette parfaite dans son pantalon crème et son gilet en maille assorti, elle évoque Eduard Jakob Gübelin, le fondateur de la maison homonyme. C’est son fils qui créera à Lucerne, en 1923, un laboratoire destiné à l’analyse des pierres précieuses. Un lieu unique en son genre, grâce à la riche collection familiale.
En ouverture, Helen Molesworth cite les «big four», soit les diamants, les émeraudes, les rubis et les saphirs. Mais, aujourd’hui, elle ne parlera que des «big three», les pierres de couleur. Ce qui fait leur valeur? Elles sont rares, belles et durables. Sur l’échelle de Mohs – qui mesure la dureté des minéraux – rubis et saphirs occupent la 2e place, derrière le diamant, premier de classe avec un score de 10. Plus fragile, l’émeraude obtient un score de 7,5. De fil en aiguille, Helen Molesworth distille son savoir sur les gemmes. Pas question de somnoler: la dynamique enseignante veille au grain et questionne son public. Et chic, les réponses figurent dans le support de cours, il suffit de lire les textes. Après l’étude du tableau périodique des éléments chimiques – douloureuse réminiscence des leçons de chimie – qui permet de comprendre quel rôle le titane, le chrome ou le fer jouent dans les couleurs des pierres précieuses, il est temps de passer aux inclusions. Si ces impuretés constituent des défauts dans un diamant, elles ont leur importance dans les pierres précieuses de couleur, donnant la possibilité de déterminer, par exemple, leur authenticité, leur origine ou leur traitement.

Le prince des «big three»

Suivent encore des explications sur les formes des gemmes et la façon de les tailler, ainsi que sur la manière de les traiter, en les chauffant, pour améliorer leur couleur et leur clarté.

La deuxième partie de la journée est consacrée aux rubis, prince des «big three». En 2004, un rubis de 6,04 carats (1 carat =0,2 gramme) provenant de Birmanie, pays producteur des plus beaux spécimens, s’est vendu 544 000 dollars… le carat. Helen Molesworth raconte que le rubis fut roi, voici longtemps. Avant les années 30, c’est en effet cette pierre rouge que l’on offrait à sa belle pour officialiser ses fiançailles. Mais, comme il était rare, de petits génies du marketing ont changé la donne, et c’est le diamant, plus courant sur le marché, qui l’a supplanté. «C’est une des campagnes mondiales les plus réussies», commente la gemmologue. Arrive enfin le moment le plus attendu: la présentation de seize pierres rouges. Certaines sont des saphirs, d’autres des tourmalines ou des spinelles. Mais les rubis ont cet éclat en plus. La décision est vite prise. «Chéri, pour moi ce sera un rubis…»

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