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Obligation de servir: un Suisse sur deux échappe à l’armée

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Jeudi, 22 Août, 2013 - 06:00

ARMEE. Le service militaire est-il encore obligatoire? Pas vraiment, selon les statistiques que «L’Hebdo»  a pu se procurer. Seulement la moitié des hommes en âge de servir le font désormais. Une armée de volontaires qui ne dit pas son nom.

Quel est le point commun ces jours-ci entre Roger Federer et Christian Lüscher? Le sport? Pourquoi pas puisque, si le Bâlois est l’un des tennismans les plus connus et les mieux payés de la planète, le conseiller national libéral-radical genevois se défend pas mal en ski nautique. Mais ce n’est pas cela. Le côté belle gueule et séducteur? Encore moins. Il fut un temps où l’avocat genevois papillonnait dans les pages people des médias romands, mais aujourd’hui, comme notre Roger national, le PLR est rangé des voitures, marié, avec des enfants. Alors quoi? L’armée. Et pour une raison simple: Federer comme Lüscher n’ont pas eu la chance de fréquenter les rangs de la milice, cette création de la Suisse moderne de 1848.

L’un comme l’autre ont été jugés inaptes au service militaire. Roger à cause de maux de dos qui le relancent aujourd’hui après une carrière bien remplie et Christian en raison… «de problèmes médicaux soignés depuis», nous éclaire-t-il.

Voilà pour leur point commun. Car, au moment où le peuple suisse s’apprête à dire, le 22  septembre prochain, s’il accepte ou non l’abrogation du service militaire obligatoire, les deux «Prominenten» helvétiques ne s’investissent pas de la même manière. Federer s’est contenté de refuser que le Groupe pour une Suisse sans armée (GSsA), à l’origine de l’initiative, puisse utiliser son image dans sa campagne.

Quant au conseiller national Lüscher, il s’investit dans le comité contre l’initiative. Et ne croyez pas que le Genevois soit le seul opposant aux antiarmée à n’avoir pas usé ses fonds de culottes sur les terrains d’exercice des places d’armes. Une bonne demi-douzaine d’élus de droite font partie du lot (lire en page 17), notamment les conseillers nationaux romands Jean-Pierre Grin (UDC/VD), Olivier Français (PLR/VD) et Jacques Bourgeois (PLR/FR) ou encore le conseiller aux Etats neuchâtelois Raphaël Comte (PLR).

Notez que ces parlementaires ne sont pas les seuls représentants du peuple à n’avoir pas servi sous les drapeaux. Outre le conseiller national Fathi Derder (PLR/VD), plusieurs illustres socialistes sont passés entre les gouttes de la conscription, à l’image des conseillers nationaux Jean Christophe Schwaab (PS/VD), Mathias Reynard (PS/VS) et Jean-François Steiert (PS/FR). «J’ai accompli deux semaines de service militaire avant d’être réformé pour raisons de santé», témoigne ce dernier qui s’est recyclé dans la protection civile.

Alain Berset inapte. Au final, sur les 177 hommes de l’Assemblée fédérale, seuls 32 d’entre eux, soit un taux de 18%, n’ont pas fait l’armée. Et si les UDC ont servi à plus de 90%, les Verts, eux, sont les moins assidus avec 70% d’inaptes au service militaire; alors que le Conseil fédéral montre l’exemple. Trois des quatre mâles du gouvernement, Ueli Maurer (major), Johann Schneider-Ammann (colonel) et Didier Burkhalter (officier spécialiste), ont servi sous les drapeaux. Seul Alain Berset manque à l’appel. Le socialiste fribourgeois a été recalé pour des raisons médicales, alors qu’il avait été sacré champion romand du 800 mètres en 1989.

Avec un taux d’inaptitude de 18%, les parlementaires sont-ils représentatifs de la population suisse? Pas vraiment. En fait, il y a de moins en moins de jeunes qui servent dans notre armée. Si, en 1985, 91% des 45 000 conscrits appelés au recrutement étaient déclarés aptes au service militaire, ils n’étaient plus que 62% des 40 000 recrutés en 2012. Mieux: si 81% des jeunes Suisses avaient terminé leur école de recrues quatre ans avant la chute du mur de Berlin, aujourd’hui, ce taux a chuté à 48%.

Ce qui fait passer l’armée d’aujourd’hui, finalement, pour une troupe de volontaires. En gros, ne fait ou ne termine l’armée que celui qui le veut bien. Une analyse que partage l’historien Hans-Ulrich Jost, professeur émérite de l’Université de Lausanne et ancien pilote de chasse. «Aujourd’hui, c’est un peu à la carte.» Ce que reconnaît aussi du bout des lèvres un officier supérieur: «Nous sommes devenus très sélectifs avec nos recrues.» Un goût de luxe qui s’explique facilement. L’armée de grand-papa avec ses plus de 600 000 hommes était largement plus gourmande et moins regardante. L’époque était à la quantité, pas forcément à la qualité.

Des «réformés» confirment: «Disons que je n’ai pas senti une grosse envie de la part de l’officier recruteur lors de mon recrutement, confie un jeune Romand. J’ai dit que j’avais mal au dos et c’était réglé. Je suis à la protection civile aujourd’hui.» Certains évoquent – avec la complaisance d’un médecin – des problèmes respiratoires, de pied, de cœur ou, mieux, simulent des faiblesses psychologiques – genre peur des armes et des explosions – ou alors font le coup de la folie. D’autres encore se montrent très enthousiastes, voire trop, pour l’armée. «Pour me faire recaler, il m’a suffi de dire que ce que j’allais apprendre sous les drapeaux pourrait me servir, en tant que membre de l’extrême droite, contre les étrangers», sourit cet autre inapte, qui vote à gauche…

Club Med! Benjamin, lui, n’a eu qu’à parler de ses soucis avec ses parents, du peu d’amis qui l’entourent, pour quitter la caserne de Bière après trois jours d’infirmerie et un passage devant le psychologue. «Je n’avais rien préparé, à la différence d’autres recrues. Et tout s’est passé très rapidement.» Bref, celui qui aujourd’hui ne veut vraiment pas servir peut facilement s’en sortir. D’autant qu’il n’a plus besoin de passer par la case «objection de conscience» et «prison» pour échapper à la vie en gris-vert comme ce fut le cas pour le conseiller national Philipp Hadorn (PS/SO).

Il suffit désormais d’évoquer son intention pour le service civil et de remplir un formulaire pour être quasiment automatiquement et instantanément renvoyé à la maison. Ce qui fait pester un officier: «Lorsqu’une recrue ne veut pas faire la garde ou qu’elle trouve un exercice trop fatigant, elle fait une demande de mutation. Cela devient n’importe quoi. Ce n’est tout de même pas le Club Med, notre armée!»

Et la tendance s’accélère encore lorsqu’il est question pour un soldat de devoir grader. Ou de devoir assurer ses cours de répétition dans le timing. «En gros, seuls 20% de nos hommes effectuent leurs obligations militaires selon le programme», reconnaît Dominique Andrey, chef des forces terrestres et numéro deux de l’armée. La faute à la pression des entreprises, qui voient de plus en plus mal leurs employés les quitter trois semaines durant pour des vacances militaires forcées. Ou aux contraintes des études. Du coup, l’armée a promis de diminuer de trois à deux le nombre de semaines de cours de répétition dans le DEVA (développement de l’armée) à venir. L’école de recrues passera, elle, de 21 semaines à 18.

Cela dit, il n’y a rien de nouveau sous le soleil. «Le niveau d’aptitude actuel est comparable aux plus bas taux de l’histoire du service obligatoire de l’armée, qui remonte à la création de la Suisse moderne en 1848, analyse Hans-Ulrich Jost. En 1921 déjà, il était de 52,8%. Deux ans plus tôt, les autorités avaient même décidé d’annuler l’école de recrues et les cours de répétition. Elles ne savaient pas vraiment quoi faire de la troupe. Et les pressions pour faire baisser le budget étaient importantes. Comme aujourd’hui, en fait.»

Communistes recalés. Pour Hans-Ulrich Jost, ce peu d’assiduité militaire n’a rien à voir avec une génération plus tire-au-flanc qu’une autre. «Quand l’armée a besoin de moins d’hommes, elle augmente ses exigences lors du recrutement. C’est logique. Ou alors elle élimine des éléments indésirables.» Ce fut le cas, notamment, après la grève générale de 1918 quand les officiers recruteurs ont recalé de nombreux jeunes des régions ouvrières du pays. «Ceux qui étaient trop proches de la gauche révolutionnaire ou des communistes étaient refusés. On ne voulait pas leur apprendre à manier des armes ou, pire, les mitrailleuses.»

En fait, poursuit l’historien vaudois, seule la période de la guerre froide a vu l’armée appliquer la règle de la conscription quasi obligatoire avec des taux à plus de 80% d’aptitude. Et c’est effectivement ce que nous apprend notre tableau de la page 14. Les taux se sont effondrés dès la chute du mur de Berlin en 1989. Un effondrement qui s’est accéléré avec les grandes réformes de 1995 et de l’armée XXI, qui ont vu le nombre de militaires incorporés passer respectivement de plus de 625 000 hommes à 200 000. Et avec le prochain développement de l’armée, une nouvelle réforme qui ne porte pas son nom, les rangs se clairsèmeront encore un peu plus. L’armée ne devrait compter dès 2016 plus que 100 000 hommes. Conséquence: il y aura encore moins besoin de recrues.

Pour beaucoup d’observateurs de la sécurité en Suisse, l’initiative du GSsA tape à côté en voulant proposer une armée de volontaires. Pour la simple et bonne raison que l’armée est et sera encore plus à l’avenir une troupe de volontaires.

Le peuple semble avoir déjà tranché. Selon le dernier sondage de l’institut gfs.bern, réalisé pour la Société suisse de radiodiffusion et télévision (SSR), rendu public le vendredi 16 août, les citoyens s’apprêtent à rejeter sèchement la proposition d’abolir le service militaire obligatoire, avec 57% de «non» contre 35% de «oui» et 8% d’indécis.

En revanche, et c’est plus inquiétant pour l’avenir de l’armée, les hommes en âge de servir acceptent l’initiative du GSsA: 42% des 18-39 ans l’approuvent contre 40% de «non» et 8% d’indécis. C’est exactement ce que disent les membres du «comité de soldats contre l’obligation de servir» en soulignant que le service militaire est devenu inutile. «En tant que soldat engagé en service long, le service militaire s’est résumé à un seul combat: celui contre l’ennui», a expliqué Michael Christen, soldat comptable de troupe, lors d’une conférence de presse, avant d’ajouter que ses tâches ne l’occupaient que deux heures par semaine et qu’il meublait ses heures vides en lisant, en regardant des films et en dormant – beaucoup.

Un autre soldat témoignait également de son désagrément dans Saint-Georges et le dragon, un livre paru en 2011 aux Editions Faim de siècle. Il y racontait son cours lors de la Foire du Valais, entre beuveries, sauteries, défiances et… ennui.

Service universel? Finalement, la question aurait plutôt dû être posée en d’autres termes: milice contre troupe professionnelle, regrette Hans-Ulrich Jost, qui va voter non à l’initiative. Comme de nombreux socialistes. «J’ai fait partie d’un groupe de réflexion du Parti socialiste au début des années 70, avec notamment la future conseillère fédérale Ruth Dreifuss. La question était la même et, au final, nous avions préféré la milice à l’armée professionnelle. Elle évite une trop grande militarisation de la société. C’est un véritable contrôle démocratique sur l’armée.»

L’échec programmé de l’initiative du GSsA s’explique aussi par les refus de 1989 et de 2001 lors de ses précédentes initiatives antiarmée. Comme si le peuple attendait en fait que le débat se déplace vers une autre question bien plus intéressante à vrai dire: celle de l’obligation universelle de servir la nation. Une sorte de service à la patrie qui obligerait filles et garçons de l’âge de 20 ans – soit 100 000 personnes en gros chaque année – à donner quelques mois de leur vie à l’Etat.

Hans-Ulrich Jost et même de nombreux militaires interrogés abondent en se disant que ces services à la nation, en Suisse ou à l’étranger, dans les corps de pompiers, des hôpitaux, des homes pour personnes âgées ou même pour apprendre une autre langue nationale, seraient très formateurs. «Tant que l’armée continue à prélever les effectifs nécessaires, nous pouvons vivre avec cette idée», souligne un officier.

Une idée qui aurait pu séduire Benjamin. «Je suis universitaire et quand je vois ce que certains de mes camarades ont réalisé comme projets durant leur service civil, je me dis que cela m’aurait été bien utile professionnellement ou intellectuellement.» L’un a appris l’espagnol à l’occasion d’un projet humanitaire en Amérique du Sud. Un autre a travaillé dans un musée. Bref, dès qu’une mission retrouve son sens, les jeunes y adhèrent. Et c’est bien là que le bât blesse avec l’armée d’aujourd’hui. A quoi sert-elle vraiment dans une Europe en paix?

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Peter Klaunzer, Keystone
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Bob Strong, Reuters
Source: Armée suisse | Infographie: Kevin Gertsch et David Corradini
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Initiative UDC pour les familles: cadeaux fiscaux pour les familles sans frais de garde

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Jeudi, 7 Novembre, 2013 - 06:04

Sommaire:
Edito: familles, on se moque de vous
Initiative UDC pour les familles: pièges et tentations
Cadeaux fiscaux pour les familles sans frais de garde
Les idées pour vraiment aider les familles
Les dilemmes des mères entre cup cakes, travail, enfants

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Staccato: facteurs de risque
Notre dossier «Initiative pour les familles».

A titre d’exemple, ce graphique montre combien les familles du canton de Vaud qui gardent elles-mêmes leurs enfants économiseraient d’impôts si l’initiative de l’UDC était acceptée et appliquée aussi au niveau cantonal. Il se base sur les travaux de Samuel Bendahan, docteur en sciences économiques, enseignant à l’EPFL et député socialiste au Grand Conseil vaudois, qui a utilisé le simulateur fiscal de la Confédération.

Notons que l’initiative demande que ces familles bénéficient des mêmes déductions que celles qui ont de véritables frais de garde. Il est donc tenu compte ici de toutes les déductions, autant celles qui relèvent de la Confédération (impôt fédéral direct) que des cantons (impôt cantonal et communal).

Si seules les déductions sur l’impôt fédéral direct étaient possibles, les familles traditionnelles avec un revenu de 100 000 francs n’économiseraient que 443 francs si elles ont un seul enfant et rien si elles en ont plusieurs, tandis que celles ayant un revenu de 500 000 francs paieraient 1300 francs en moins pour un enfant et même 3900 francs en moins si elles en ont trois.


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Samuel Bendahan, Cesla Amarelle, Pierre Dessemontet, François Cherix: les blogueurs de «L’Hebdo» s’en donnent à cœur joie sur le Net. Retrouvez leurs billets dans notre dossier «Initiative pour les familles».

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L'Hebdo | Source: calculs de Samuel Bendahan en utilisant le simulateur de la confédération
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Initiative UDC pour les familles: pièges et tentations

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Jeudi, 7 Novembre, 2013 - 06:05

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Edito: familles, on se moque de vous
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Votation. L’initiative de l’UDC semble honorer la femme au foyer, mais elle sabote l’égalité et affaiblit l’Etat. Malgré les pièges tendus, les citoyens semblent tentés.

Il y a quelque chose de simplement indécent à régaler de la sorte les parents les plus riches sous le label d’une initiative pour LES familles. Parce que oui, calculs faits par exemple pour le canton de Vaud et taux de progression aidant (voir graphique en page 17), l’initiative de l’UDC pourrait permettre à celles dont le revenu imposable atteint 500 000 francs d’économiser 4493 francs si elles ont un enfant et même 12 659 francs si elles en ont trois. Si elles les gardent elles-mêmes. A ces hauteurs-là, la vie de famille prend un parfum d’optimisation fiscale. A l’autre bout de l’échelle sociale en revanche, les petits revenus jusqu’à 40 000 francs ne gagnent rien du tout.


Les pièges de l’initiative

La pochette-surprise Si l’initiative était aussi appliquée aux impôts cantonaux et communaux, les familles de la classe moyenne, surtout si elles ont plusieurs enfants, économiseraient également. Si seule la déduction sur l’impôt fédéral direct était retenue – l’initiative n’est pas claire sur ce point –, elles ne gagneraient en revanche presque rien. Dans tous les cas de figure, les familles risquent de le payer cher par la suite. Parce que l’argent manquera quelque part. La Conférence des directeurs cantonaux des finances estime la perte à 1 milliard de francs. Sans compter les 390 millions en moins pour la Confédération. «Pas de miracle, il faudra soit augmenter les impôts, soit couper dans les budgets», résume Alexandre Schmidt (PLR), directeur des Finances de la ville de Berne.

Des mesures qui, elles, toucheront toutes les familles: fermeture de classes d’école, coupures dans le sport ou la culture, tout est possible. Et puis, à l’heure où quatorze cantons planchent sur des programmes d’économies, «on peut aussi imaginer réduire – en théorie même supprimer – les déductions pour frais de garde», avertit Lucrezia Meier-Schatz, la directrice de Pro Familia.

Lors des débats au Parlement, le président de l’UDC, Toni Brunner, n’a pas masqué ses intentions: «On peut appliquer cette initiative de façon à ce qu’elle soit neutre sur le plan des coûts.» Un piège à retardement pour la grande majorité des parents qui vivent avec deux revenus. L’UDC n’en a cure. Chacun se souvient du dédain affiché par Christoph Blocher envers ceux qui confient leurs enfants à des garderies professionnelles, ces «coucous» qui déposent leurs œufs dans le nid des autres, fuyant leurs responsabilités.

L’inégalité Petit rappel. De longues années durant, les parents qui travaillaient à l’extérieur du ménage et payaient des tiers pour s’occuper de leurs enfants ne pouvaient pas déduire ces frais. Comparés aux familles dites traditionnelles, ils disposaient donc, au bout du compte, de moins d’argent.

Pour corriger cette inégalité, depuis 2011 seulement, les ménages qui ont des enfants de moins de 14 ans peuvent déduire de l’impôt fédéral direct (IFD) des frais de garde jusqu’à 10 100 francs. Et les cantons sont eux aussi tenus d’accorder une déduction, dont ils peuvent fixer librement le montant maximal.

Malgré cela, le fisc ne discrimine toujours pas la femme au foyer. Au contraire, d’un point de vue strictement financier, les couples qui travaillent font souvent peu ou pas de bénéfices. Parce qu’ils paient davantage d’impôts, parce que les déductions couvrent rarement les frais effectifs de la crèche. Une étude de l’institut Infras a montré qu’en ville de Zurich une femme qui travaillait à 60% et dont le mari gagnait 8000 francs par mois coûtait davantage au budget familial qu’elle ne rapportait.

Si l’initiative passe, non seulement la Confédération mais aussi les cantons devraient en principe respecter le nouvel article constitutionnel et permettre aux familles sans frais de garde des déductions au moins égales à celles des parents qui doivent réellement payer les factures de la crèche ou de l’école de jour. Autrement dit, on restaure bel et bien une inégalité entre les familles, même si l’UDC affirme le contraire.

Le retour au foyer L’égalité des sexes subira un véritable revers en cas de oui dans les urnes. Les hommes qui, généralement, gagnent plus, disposeront de nouveaux arguments pour ne pas lâcher leur plein temps et convaincre leur épouse de renoncer à un emploi. Les femmes, elles, en auront moins pour motiver les pères à s’occuper davantage des enfants.

Autre piège à retardement: celles qui renoncent à toute activité professionnelle se retrouvent handicapées le jour où elles souhaitent reprendre un emploi. Le jour où elles divorcent aussi. Mais pour elles, pas de pitié. Dans un postulat demandant au Conseil fédéral un rapport sur l’obligation d’entretien après le divorce, le conseiller national bâlois Sebastian Frehner (UDC) écrit: «Lorsqu’une femme mariée abandonne son activité lucrative, elle s’expose sciemment à un risque dont elle ne peut faire assumer les conséquences à son mari en cas de divorce.» On incite la femme à quitter son emploi pour la punir ensuite du risque qu’elle a pris!

L’affaiblissement de l’État L’initiative dite «pour les familles» vise autre chose encore que le soutien à la famille traditionnelle. Elle veut amaigrir l’Etat. Démonstration.

De fait, à l’UDC, on souhaite aussi privilégier les parents qui travaillent tous les deux, du moment qu’ils n’ont pas recours à des structures d’accueil professionnelles. Comme nous le confirme Silvia Bär, secrétaire générale adjointe du parti: «Pour nous, c’est clair, quand des grands-parents ou des voisins gardent les enfants sans être payés, la famille doit aussi pouvoir bénéficier de réductions.»

Rien n’est moins clair en vérité. Le Département fédéral des finances précise que ce cas devra être réglé dans la loi d’application. En effet, l’article constitutionnel ne parle pas de proches ou de grands-parents, mais stipule: «Les parents qui gardent eux-mêmes leurs enfants doivent bénéficier d’une déduction fiscale au moins égale à celle accordée aux parents qui confient la garde de leurs enfants à des tiers.» Quant aux modèles mixtes et très courants où, par exemple, une famille met les enfants deux ou trois jours à la crèche, s’en occupe partiellement et recourt aussi aux grands-parents, la loi d’application devra aussi définir quels traitements leur réserver. L’initiative ne le précise pas.

Quoi qu’il en soit, la famille que l’UDC favorise est celle qui coûte le moins possible aux contribuables. Surprenant, dès lors, qu’elle lance une initiative onéreuse qui réduira les recettes de l’Etat? La contradiction n’est qu’apparente. Le parti de Christoph Blocher n’adore rien tant que d’affaiblir l’Etat et le contraindre à économiser. Comme l’écrit le comité d’initiative dans le matériel de vote: «Le nombre de places nécessaires dans les crèches diminuera, ce qui réduira les coûts pour la collectivité.» Et permettra d’accorder de nouveaux cadeaux fiscaux. La boucle est bouclée.


Les tentations du oui

Pour exprimer sa colère Malgré tous les pièges tendus, les sympathies des Suisses sembleraient pencher du côté du oui, à en croire les sondages. En Suisse alémanique surtout, où perdure plus qu’ici la conviction que la famille relève strictement de la vie privée. La votation de mars concernant l’article constitutionnel sur les familles l’a montré: tous les cantons romands et le Tessin l’avaient acceptée, avec quelques alémaniques dont Bâle-Ville, Lucerne ou Soleure.

Mais la tentation du oui se nourrit encore d’autres terreaux. D’abord d’une frustration, d’une colère face à une politique timorée qui néglige les familles, elles qui attendent depuis 1984 la fin de l’inégalité fiscale pour les couples mariés, qui voient leur budget saigné par les primes d’assurance maladie, se sentent peu aidées par les allocations, peinent toujours à trouver des places en crèche et voient leurs salaires stagner. Alors pourquoi pas un oui, histoire de dire: occupez-vous de nous, enfin!

Pour laver l’honneur de la femme au foyer Plusieurs parents nous ont confié que, s’ils votaient oui, ce ne serait pas un oui à l’UDC, un parti qui n’a pas leur sympathie, mais bien malgré l’UDC. Pourquoi? Parce qu’ils souhaitent une valorisation de la femme au foyer. Parce qu’ils se souviennent d’une mère, d’une amie si serviable. Parce qu’ils supportent mal qu’on oppose les modèles, qu’on parle de «femme aux fourneaux», de «retour en arrière», autant de propos jugés méprisants pour le travail social et éducatif de mères qui, souvent, souffrent déjà d’un manque d’estime de soi et de reconnaissance. Des femmes qui s’entendent dire, comme le relate Lucrezia Meier-Schatz: «Ah, vous élevez vos enfants? Et que faites-vous à côté?»

Pour l’argent Enfin, les familles de la classe moyenne qui gardent elles-mêmes leurs enfants font leurs comptes. Elles constatent qu’elles ne gagneront quasiment rien au niveau de l’impôt fédéral direct. Mais, si les cantons introduisent aussi une déduction semblable à celle des familles où les deux parents «travaillent», elles pourront réaliser quelques économies aussi, même si ces dernières restent modestes par rapport aux nantis.

Dans le canton de Vaud, une famille avec deux jeunes enfants dont le revenu s’élève à 100 000 francs pourrait payer 4949 francs en moins, si l’on englobe chaque impôt: fédéral, cantonal et communal. Presque 5000 francs, ce n’est pas rien et c’est tentant.

Face aux pièges d’une initiative qui veut affaiblir l’Etat et ses services tout en incitant les femmes à rester – ou à retourner – chez elles, il serait pourtant judicieux de résister à la tentation.
 


Samuel Bendahan, Cesla Amarelle, Pierre Dessemontet, François Cherix: les blogueurs de «L’Hebdo» s’en donnent à cœur joie sur le Net. Retrouvez leurs billets dans notre dossier «Initiative pour les familles».

 

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Christine Bärlocher / Ex-press
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Hebdo.ch » revue de blogs de la semaine: Réalités objectives

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Jeudi, 14 Novembre, 2013 - 05:48

Il ne suffit pas de raconter une histoire pour qu’elle soit vraie. Sur la Toile, plusieurs milliers de sites, blogs et autres réseaux sociaux regorgent d’anecdotes, de commentaires, de «nouvelles» véhiculées sans fondement. L’internaute se retrouve alors enfermé dans une sorte de «caverne des idées», sombre grotte où règnent, selon Platon, les croyances et les opinions et où la réalité est inaccessible. Dans cette pénombre brille toutefois une lumière, celle du journalisme professionnel. Un métier qui questionne les faits, les vérifie et les hiérarchise dans le seul but d’atteindre la Vérité. Voilà pourquoi les médias classiques ne sont pas morts. «Cette quête d’objectivité et d’affichage par les grandes marques de la presse écrite ou audiovisuelle, introduit une distinction radicale avec les médias sociaux et autres blogs, écrit Guy Sorman. (…) Le graffiteur, aujourd’hui sur Twitter en Occident ou Weibo en Chine, ne prétend pas raconter objectivement une histoire objective:
il nous parle de lui, ce qui est légitime, ou nous confie son interprétation d’un fait, d’une rumeur dont la source est presque toujours
un média classique. Le graffiteur ne crée pas de l’information, il la recycle, la triture, la biaise. (…)

Dans la caverne des idées, les faiseurs d’opinions officient aussi dans l’arène politique. A gauche comme à droite, ils défendent une idéologie à l’aune de laquelle ils interprètent tout événement.
Un «réflexe pavlovien» qui agace Jacques Neirynck. «C’est la politique entendue au sens d’un match de foot: chacun essaie d’expédier
le ballon dans le but de l’autre. L’intérêt de la partie n’est que dans le conflit. Au fond de leur conscience (qui existe!), les gagne-petit (la gauche, ndlr) et les pense-petit (la droite, ndlr) connaissent bien qu’ils ont tort, qu’ils conceptualisent la réalité et qu’ils immolent l’intérêt commun au souci de leurs avantages catégoriels. (…)»

N’allez pas croire que la subjectivité est totalement indésirable et obsolète. Au contraire. Les médias traditionnels comme L’Hebdo laissent éclater les opinions opposées afin de donner du relief à la réalité. Ainsi, Sandro Arcioni ne s’est pas gêné pour interpeller Christophe Passer, qui appelait dans sa dernière chronique au boycott des futurs Jeux olympiques de Sotchi. «Il serait plus judicieux d’empoigner le problème en amont en demandant au Conseil fédéral d’encourager le CIO ainsi que toutes les grandes fédérations internationales sportives qui se trouvent sur notre territoire à adhérer à l’Agence mondiale de la gouvernance du sport et à accepter ses contrôles, à l’image du contrôle de révision financière auquel elles sont soumises. (…)»

La subjectivité encourage aussi le doute. Ainsi, Sylviane Roche s’interroge sur les enfants qui s’assoient à la place des personnes âgées dans les transports publics. «Souvent, l’incivilité, la désinvolture, l’absence d’attention à autrui, le Moi triomphant des gamins de 4 à 40 ans m’exaspèrent. (…) Mais je ne veux pas céder à ce penchant de “vitupérer l’époque”, comme dit Aragon. Je m’efforce de réfléchir au-delà et, comme toujours, ce n’est pas une position facile. (…) Et je me dis qu’il est parfois bon pour la tête de ne plus trop savoir quoi penser.» A chacun sa caverne.


 

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Kenel de Requin

Son succès, pire ennemi de la Suisse

La Suisse ne doit pas nuire à ses conditions-cadres attractives en acceptant des initiatives populistes.
Philippe Kenel

(…) Sous la pression internationale et d’une certaine partie de la classe politique, certaines des conditions-cadres qui ont forgé le succès économique de la Suisse ont été ou sont remises en cause. Je pense notamment à l’initiative 1:12; à l’initiative tendant à la suppression de l’imposition d’après la dépense; aux initiatives ayant pour objet la remise en cause de la libre circulation des personnes et la fiscalité des entreprises. (…) Si aujourd’hui les attaques contre le modèle suisse ne se traduisent pas encore par une détérioration de la situation économique, cela s’explique en très grande partie par le fait que la situation est tellement catastrophique à l’étranger que les entreprises et les personnes physiques étrangères fortunées continuent à venir en Suisse. Or, cela est un leurre de courte durée. En effet, la réalité explosera aux yeux de nos concitoyens qui se seront laissé berner par de beaux discours populistes le jour où la situation économique s’améliorera à l’étranger. Ce jour-là, on constatera que les entreprises et les personnes étrangères fortunées ne viennent plus en Suisse, car les conditions-cadres offertes par notre pays ne seront plus du tout attrayantes. Or, à ce moment-là, il sera trop tard pour réagir. Le mal sera fait. Pour éviter que ce scénario se réalise, il est impératif que la Suisse cède ce qu’elle doit céder, mais sans plus, sur le plan international, et surtout ne remette pas en cause ses conditions-cadres attractives en acceptant des initiatives populistes. Par conséquent, j’en appelle aux citoyens à refuser toutes les initiatives mentionnées ci-dessus au sujet desquelles nous devrons voter dès le 24 novembre prochain. Si ces initiatives devaient être acceptées, le citoyen suisse pourra peut-être vivre encore quelques années dans un paradis artificiel, mais en réalité déjà mort. (…)


Blogs» Société»
Noburnout

Le retour au travail: phase de traitement indispensable à la guérison

Vivre un burn-out crée la peur du retour au travail.
Catherine Vasey

(…) Cette crainte est justifiée: une blessure enclenche un mécanisme interne de protection qui nous fait craindre toute même situation. Le travail nous a brûlé, il est normal d’en avoir peur. Prendre le risque de revenir au travail est indispensable pour guérir entièrement d’un épuisement professionnel; le patient a besoin du même terrain de stress, de contraintes, d’exigences qui l’avait rendu malade pour guérir complètement. Il va devoir changer les attitudes et les pratiques qui l’ont conduit à l’épuisement. Sans ce changement radical, une rechute est assurée! (…) Ainsi, lorsque la victime de burn-out revient à son poste de travail, elle est encore en convalescence: elle a peur de ne pas y arriver, elle peut ressentir la honte et la culpabilité d’avoir craqué, elle n’a pas encore ses réserves d’énergie habituelles. Elle peut se sentir rapidement fatiguée, doit se réhabituer au rythme de travail stressant et contraignant, va devoir reconstruire sa confiance en elle et en ses compétences à faire face au stress. Un retour à 50% du taux d’avant le burn-out est vivement conseillé pour quelques semaines. Ce taux de travail réduit permettra d’être protégé d’une surcharge réelle existante, de récupérer encore de la fatigue. Cela permettra aussi de mettre en place une autre façon de travailler. Et malgré le fait que la personne sera de nouveau à 100% après quelques semaines, cela lui prendra plusieurs mois encore pour réussir à reconstruire un nouvel équilibre salutaire.


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Les non-dits de l’économie

Banques et fonds propres: le facteur Widmer-Schlumpf

Les propos de la ministre des Finances ont fait chuter le cours des actions UBS et Credit Suisse.
Sergio Rossi

Les propos d’Eveline Widmer-Schlumpf dans la Schweiz am Sonntag, annonçant la nécessité d’une augmentation des fonds propres des grandes banques, ont fait, semble-t-il, chuter de quelque 5% le cours des actions UBS et Credit Suisse. Si sa déclaration qu’il faudrait relever le ratio de levier dans une fourchette de 6 à 10% (actuellement, la FINMA exige un ratio minimum de 4,2% à l’horizon 2015 et ce ratio devra être au moins de 4,5% dès 2019) est à l’origine de cette dégringolade (pour autant qu’il s’agisse d’une causalité et pas d’une simple corrélation), cela pourrait être expliqué par deux raisons opposées. L’interprétation des milieux financiers et de leurs partisans tient à la déception des actionnaires des deux grandes banques suisses, qui – au vu des perspectives défavorables pour le versement de dividendes suite à la nécessité de relever les fonds propres de ces banques – ont vendu leurs actions UBS et Credit Suisse, en faisant dès lors chuter le cours. Or, une autre interprétation, tout aussi plausible, peut être avancée: la vente des actions qui a provoqué la chute de leurs prix sur les marchés boursiers pourrait avoir été induite par la découverte, par les actionnaires et grâce aux propos de Mme Widmer-Schlumpf, qu’UBS et Credit Suisse sont trop faiblement dotées en fonds propres par rapport aux risques que ces deux grandes banques abritent dans leurs bilans. (…)


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Vincent
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Genève: MCG au gouvernement

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Jeudi, 14 Novembre, 2013 - 05:49

▼Les faits
Après seulement huit ans au Grand Conseil, le Mouvement citoyens genevois (MCG) entre à l’exécutif du canton sous les traits de l’avocat Mauro Poggia, face polie d’un parti provocateur qui ne se veut ni de droite ni de gauche. Désormais, le gouvernement compte toujours quatre membres du centre droit (deux PLR, deux PDC), mais deux seulement issus de la gauche (un Vert, un PS), les Verts ayant perdu leur deuxième siège.

▼Les commentaires
Le Tagesschau de la télévision alémanique SRF relève l’arrivée «triomphale» de Mauro Poggia, mais estime que la politique genevoise ne devrait pas beaucoup changer. Parce que la majorité reste au centre droit, que l’élu MCG n’est «qu’un sur sept» et que la population n’a pas choisi «l’agitateur Eric Stauffer, mais bien celui qui s’est excusé auprès des frontaliers» pour les dérapages de son parti. Une élection «historique», estime Der Bund, peu surpris par la préférence donnée à Mauro Poggia «qui passe pour modéré et capable de consensus». La Neue Zürcher Zeitung, qui baptise Mauro Poggia «le populiste social», suppose que la France voisine a dû éprouver quelque malaise à suivre l’élection du représentant d’un parti qui s’est surtout forgé un nom en stigmatisant l’afflux de frontaliers français à Genève. Après que la Genève internationale a un parti populiste de droite au gouvernement, «il ne devrait pas s’avérer simple d’expliquer aux observateurs étrangers que ce choix n’est pas un signal de repli face au monde extérieur». Constat: «Genève a maintenant un visage politique qui ressemble à celui d’un autre canton frontalier, le Tessin.»

▼A suivre
Comme la Lega au Tessin, le MCG ne devrait pas s’assagir au gouvernement. D’autant moins que Mauro Poggia laisse derrière lui, au Parlement, un homme blessé d’être écarté: Eric Stauffer, qui rate pour la quatrième fois son entrée au gouvernement.

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Eddy Mottaz
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Asie du Sud-Est: Haiyan se déchaîne

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Jeudi, 14 Novembre, 2013 - 05:49

▼Les faits
Le typhon Haiyan, l’un des plus violents à avoir touché terre depuis des décennies, a frappé les Philippines le 8 novembre. Selon Manille, le typhon, doté d’un front de 600 kilomètres, aurait fait plus de 10 000 morts et 2000 disparus. Haiyan s’est ensuite affaibli au-dessus de la mer de Chine du Sud avant de frapper la côte nord du Viêtnam. Hanoï a tout de même déplacé quelque 600 000 personnes.

▼Les commentaires
Alors que les Philippins attendent l’aide promise par 22 pays, la presse nationale s’en prend au manque d’action des autorités. «Bien qu’il ait déployé ses meilleurs efforts pour se préparer à l’attaque de Yolanda [Haiyan ndlr], le gouvernement se trouve face à un désastre aux proportions bibliques. (…) Le gouvernement national doit commencer à élaborer des plans maintenant, avant que le prochain supertyphon ne nous balaie», prévient The Manila Times. De son côté, le Philippine Daily Inquirer rappelle que «les pays comme les Philippines et d’autres îles-Etat sont les premières concernées par le changement climatique. Chaque année, les désastres climatiques comme Yolanda leur rappelle l’injustice de la situation. Ce sont ceux qui contribuent le moins au changement climatique, mais ils en sont les victimes principales. Ces pays doivent forcer les plus gros émetteurs à effet de serre à se mettre d’accord pour réduire ces émissions immédiatement.» Au Viêtnam, le Viêt Nam News se disait simplement effrayé par la «furie» de Haiyan.

▼A suivre
La 19e conférence de l’ONU sur le climat s’est ouverte à Varsovie le 11 novembre. Un accord contraignant de réductions de gaz à effet de serre devrait entrer en vigueur à partir de 2020.

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La BCE baisse ses taux: ultimes cartouches?

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Jeudi, 14 Novembre, 2013 - 05:49

▼Les faits
Les analystes avaient parié que la Banque centrale européenne (BCE) ne bougerait pas. Surprise: elle a réduit son principal taux directeur de 0,5% à 0,25%.

▼Les commentaires
«En abaissant le taux directeur, Mario Draghi, président de la BCE, a moins tenté de relancer le crédit que d’envoyer un message aux marchés: oui, il est conscient de la gravité de la situation, oui sa politique sera accommodante longtemps encore. C’est une bonne chose. Mais pas une recette magique, Super Mario ne peut pas tout», note Le Monde. Même constat brossé par le Financial Times: «Finalement, politiciens et institutions de la zone euro ne peuvent s’attendre à ce que la BCE revitalise magiquement l’UE toute seule.» Il ne fait aucun doute, souligne le journal économique espagnol Expansión, que «cette décision historique dissimule un message moins reluisant: la reprise économique est moins solide qu’on ne le supposait». Dès lors, commente le journal économique belge De Tijd, «si l’inflation reste limitée et que la croissance ne décolle pas, la BCE devra tôt ou tard intervenir à nouveau. Il ne reste plus beaucoup de marge de manœuvre avant d’arriver à des taux nuls.» Enfin, déplore le Corriere del Ticino, «si la BCE est toujours là pour couver les pays endettés et faire marcher la planche à billets, ces derniers ne seront pas contraints à long terme de choisir un nouveau cap politique. Et l’assainissement nécessaire des budgets ne sera jamais effectué.»

▼A suivre
Maintenir les taux à court terme au niveau le plus bas possible afin de préserver l’attractivité des emprunts d’Etat des pays en crise auprès des investisseurs, c’est le principal souci de Mario Draghi, superpompier.

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Federer & Wawrinka: Destins croisés

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Jeudi, 14 Novembre, 2013 - 05:49

▼Les faits
Pour la première fois de l’histoire du tennis suisse, deux joueurs se sont qualifiés pour le Masters de fin de saison. Roger Federer et Stanislas Wawrinka se sont même tous deux hissés en demi-finales, avant d’être éliminés respectivement par Rafael Nadal et Novak Djokovic, le futur vainqueur.

▼Les commentaires
«Les destins de Wawrinka et de Federer ont pris des routes différentes cette année, constate comme l’ensemble de la presse suisse RTS Un. Pour le Bâlois, la saison a été délicate avec 45 victoires, mais surtout 17 défaites. Rude constat. Pour Wawrinka en revanche, c’est l’embellie cette saison. Fort de 51 victoires, le Vaudois connaît un énorme déclic à l’US Open, avec une demi-finale de Grand Chelem. (…) Il est passé cette année du 17e au 8e rang mondial. Federer, lui, est descendu du 2e au 7e rang.» L’Equipe souligne l’excellent début de match de Wawrinka contre Djokovic: «Une fois chassée la nervosité, il cogna si bien et si fort qu’il breaka au troisième jeu. Comme lors de leur péplum de Melbourne, perdu 12-10 au cinquième set, ou du thriller de New York, qu’il avait mené deux sets à un.» Le Vaudois bénéfice encore donc d’une bonne marge de progression. «Il est étonnant que le monde du tennis n’ait véritablement découvert Wawrinka que cette saison, écrit la Basler Zeitung, qui rappelle que plusieurs indices laissaient présager son potentiel: son titre junior à Roland-Garros en 2003, puis sa médaille d’or en double aux Jeux olympiques de Pékin en 2008. Le quotidien bâlois note également que Federer n’a pas dit son dernier mot et qu’il espère remporter cinq titres en 2014.

▼A suivre
L’année 2014 verra-t-elle Federer sortir définitivement du top 10 et Wawrinka remporter son premier grand titre?

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«L’illustré» mise sur l’élégance et la surprise

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Jeudi, 14 Novembre, 2013 - 05:50

Presse.Le magazine lance cette semaine une nouvelle formule qui renforce sa singularité dans un paysage médiatique en pleine mutation.

 

Une nouvelle formule pour se singulariser encore plus. Propriété du groupe Ringier, également éditeur de L’Hebdo, L’illustré fait peau neuve avec en tête l’envie de renforcer son identité et le lien très fort qui l’unit aux lecteurs romands depuis sa création en 1921. «Dans un environnement médiatique qui bouge extrêmement vite, où la révolution internet s’accélère, où la presse quotidienne devient de plus en plus magazine, nous nous devions de réagir», résume Michel Jeanneret, rédacteur en chef de l’hebdomadaire.

Ambitieuse tant sur le fond que sur la forme, la nouvelle formule de L’illustré frappe d’abord par son élégance. Plus de respirations, des photos plus grandes occupées par des titres plus petits, elle évite joliment le côté fourre-tout qui caractérise trop de publications grand public. «Le lecteur doit avoir un plaisir physique à tourner les pages», explique Michel Jeanneret, qui voit ce relookage important comme un pied de nez aux oiseaux de mauvais augure qui prophétisent la disparition de la presse papier.

Même si L’illustré conserve certains de ses rendez-vous emblématiques, comme la rubrique «Les Gens», sur les personnalités suisses qui font l’actualité, les pages service (conso, mode, santé, cuisine, auto, etc.) ou encore le traditionnel reportage photo sur la nature et les animaux, le véritable fil rouge de cette nouvelle formule est la notion de surprise. Le lecteur sera ainsi chaque semaine invité à découvrir une personnalité sous un jour nouveau, que cela soit à travers un «shooting glamour» ou une interview intime, tandis qu’un entretien provoc mettra en lumière des réflexions iconoclastes.

Parmi les autres nouveautés qui se profilent comme des rubriques indispensables, des pages société et des décryptages, qui décortiqueront en chiffres et en textes des sujets d’actualité ou des photos.

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«Gravity»: publicité de luxe pour un projet spatial suisse

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Jeudi, 14 Novembre, 2013 - 05:51

Orbite.Le film hollywoodien met en lumière les risques liés aux déchets spatiaux. Un problème pour lequel l’EPFL et la société vaudoise S3 développent une solution.

Benjamin Keller et Céline Bilardo, largeur.com

La station spatiale internationale (ISS) pulvérisée par un nuage de débris: bien que poussé à l’extrême, le scénario du film Gravity montre le danger de l’accumulation des déchets spatiaux, qui constituent 90% des 16 000 objets de plus de 10 cm en orbite catalogués par le Space Surveillance Network. Un chiffre qui a doublé en vingt ans.

Le succès du film d’Alfonso Cuarón fournit une publicité inattendue au projet suisse CleanSpace One, entamé en 2009 par l’EPFL. Objectif: créer un satellite muni d’une pince capable de saisir un débris spatial pour l’amener dans l’atmosphère et se désintégrer avec lui. Le système de lancement sera celui de l’entreprise vaudoise Swiss Space Systems (S3).

Hasard du calendrier, le partenariat entre la société domiciliée à Payerne et l’EPFL a été annoncé un mois avant la sortie du film en octobre dernier. «Le timing n’était pas calculé», assure, amusé, Grégoire Loretan, responsable de la communication de S3.

La société vaudoise, fondée en 2012 et qui compte une cinquantaine d’employés, ambitionne de lancer de petits satellites à des fins commerciales. Son système se compose d’une navette arrimée au dos d’un avion gros porteur. Une fois que l’avion atteint une altitude de 10 km, il relâche la navette qui amène le satellite à la frontière de l’espace (80 km), pour le libérer ensuite et le laisser atteindre son orbite. Un dispositif moins coûteux et plus flexible que les fusées à étages traditionnelles. Autant la navette que l’avion sont réutilisables.

La collaboration avec l’EPFL a été initiée par S3, qui injecte 15 millions de francs dans le projet. Ensemble, ils veulent éliminer en 2018 le satellite de l’EPFL SwissCube, lancé il y a quatre ans par une fusée indienne pour observer des phénomènes lumineux appelés nightglows. «Il est encore fonctionnel aujourd’hui mais ce ne devrait plus être le cas dans cinq ans», précise Volker Gass, directeur du Swiss Space Center de l’EPFL.

Chocs destructeurs. Il se peut aussi que SwissCube soit percuté par un débris spatial d’ici là. Car il se trouve à 720 km d’altitude, dans la zone de basse orbite dite LEO (qui s’étend jusqu’à 2000 km), où le risque d’accidents est particulièrement élevé. Près de 12 000 objets de plus de 10 cm y sont répertoriés, dont environ 400 engins et satellites actifs. Leur vitesse élevée (un peu moins de 30 000 km/h) rend les chocs destructeurs. Il y a quatre ans, par exemple, un satellite russe opérationnel a été fracassé par un autre hors d’usage, engendrant plus de 2000 nouveaux déchets. L’ISS doit, pour sa part, régulièrement entreprendre des manœuvres d’évitement.

«La menace est réelle, confirme Thomas Schildknecht, professeur à l’Institut d’astronomie de l’Université de Berne. Pour empêcher la croissance exponentielle du nombre de débris, la mesure la plus importante sera de supprimer ceux de grande taille des orbites situées entre 700 et 1000 km d’altitude. Les modèles montrent qu’il faudra en enlever plusieurs par année en commençant d’ici dix à quinze ans.»

CleanSpace One n’y parviendra pas tout seul. Ce n’est d’ailleurs pas le but. «Nous voulons avant tout faire avancer la technologie avec les étudiants et montrer qu’une telle opération est possible», explique Volker Gass, de l’EPFL. Il précise que d’autres initiatives similaires sont en cours de développement à l’échelle internationale, sous l’impulsion notamment de l’Agence spatiale européenne.

Du côté de S3, le projet servira surtout de vitrine pour son système de mise en orbite. «Nous restons une entreprise privée et nous n’allons pas nettoyer l’espace à nos frais, indique clairement Grégoire Loretan, tout en soulignant avoir une responsabilité en tant que lanceur. Si nettoyage il y a, nous serions cependant ravis de lancer d’autres satellites du type de CleanSpace One.»

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EPFL
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Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le pénis

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Jeudi, 14 Novembre, 2013 - 05:52

Quiz.«Le bidule de Dieu», de Tom Hickman, est un livre-phénomène. Abordant un sujet a priori banal – le pénis –, il révèle que nous savons très peu de choses sur cet organe dont
l’influence dépasse largement la reproduction de l’espèce. Testez-vos connaissances.

Le pénis, tout le monde en a vu un au moins une fois (du moins les adultes). Beaucoup l’ont eu entre les mains, et les 50,4% de la population mondiale possèdent même le leur propre. Pourtant, qui sait vraiment comment il fonctionne, et pourquoi? Dans Le bidule de Dieu, l’Anglais Tom Hickman répond avec érudition et humour aux questions que l’on se pose sur cet étrange organe, qui parfois n’en fait qu’à sa tête, et souvent fait perdre la leur aux hommes. Dix réponses – tirées du livre – à dix affirmations, vraies ou fausses…

Les hommes pensent que leur pénis est magique.
Vrai. La phallomancie est un art divinatoire, présent au Tibet et en Inde, permettant de deviner le caractère et la destinée d’un homme. Un pénis trop long est de mauvais augure, également s’il s’incline à gauche. Un petit gland est signe de chance, deux testicules identiques aussi.

Grands pieds, grand sexe.
Faux. Mais au Moyen Age on le croyait, c’est pourquoi les hommes portaient des poulaines, chaussures exagérément longues à l’extrémité pointue.

La taille des testicules indique le degré de fidélité.
Vrai. Le chimpanzé a des tes-ticules pesant 110 grammes, -car il doit livrer une «compétition séminale» avec les autres membres de son espèce. Celles du gorille qui, lui, n’a pas de concurrent avec son harem monogame, pèsent 20 grammes. Les nôtres pèsent en moyenne 40 grammes et une «recherche testiculaire orientée vers la sociologie» a conclu que les hommes avec de grosses couilles étaient plus susceptibles d’être volages.

Impossible de tricher sur la taille.
Faux. Mark & Spencer vend des slips push-up pour hommes, qui remontent et arrondissent les fesses, et augmentent de 38% la taille du pénis.

«Petite bite» peut être un compliment.
Vrai. Il l’était dans la Grèce antique (posthion), où les pénis les plus appréciés étaient petits et nerveux. Les gros étaient considérés comme vulgaires et affreux, apanage des barbares.

Le pénis peut être divin.
Vrai. Tom Hickman regroupe sous le terme de phallusisme les nombreux cultes dédiés au phallus à travers le monde et les âges. Les hindous vénèrent le lingam de Shiva, les chrétiens prient devant une croix représentant de manière stylisée des organes génitaux mâles. Sans oublier les musulmans et leurs minarets.

Les hommes doivent être conscients pour bander.
Faux. Sans que l’on sache encore très bien pourquoi, le pénis entre en érection trois à cinq fois par nuit, au cours du sommeil paradoxal. Cela permet aux médecins de déterminer si une impuissance est d’origine psychologique (25%) ou physique.

L’éjaculation est l’orgasme masculin.
Faux. L’éjaculation se produit dans le pénis, l’orgasme dans le cerveau (qui déclenche l’éjaculation). Le tantrisme et le taoïsme ont enseigné pendant des millénaires comment retenir l’éjaculation, et le sexologue Kinsey a relevé que la moitié des garçons de 5 ans connaissent des orgasmes avant d’être en âge d’éjaculer.

On peut se fracturer le pénis.
Vrai. Bien qu’il ne contienne pas d’os, sa membrane peut se rompre lors de rapports trop physiques, par exemple lors d’un heurt avec l’os pubien de la partenaire. Cela produit un fort craquement, c’est très douloureux et cela peut poser ensuite des problèmes d’érection.

Son sexe fait perdre la tête à l’homme.
Vrai. Sans parler de ses comportements parfois absurdes et dangereux liés au désir, l’homme, lorsqu’il éjacule, subit des phénomènes physiques: tension artérielle et pouls qui augmentent, sous-oxygénation et difficultés respiratoires, détérioration momentanée des sens olfactif, gustatif, auditif et visuel.

Pour en savoir plus, il faut bien sûr lire le livre de Tom Hickman. A moins que vous ne préfériez les travaux pratiques.

«Le bidule de Dieu», une histoire du pénis, Tom Hickman, Ed. Robert Laffont, 272 p.

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Essai de Joëlle Kunz: La Suisse ou le génie de la dépendance

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Jeudi, 14 Novembre, 2013 - 05:53

Histoire.Joëlle Kuntz signe un essai brillant sur la manière dont la Suisse vit sa souveraineté et son rapport aux autres pays. Lecture obligatoire pour tous les parlementaires.

Diète de Ratisbonne en 1803. Un arrêt impérial indique que «tous les droits et juridiction des princes, Etats et membres de l’Empire germanique sont désormais abolis sur le territoire helvétique, de même que tous les droits de seigneurie et titres honorifiques». C’est un petit détail, mais il bouleverse la perspective que l’on peut avoir sur l’indépendance de la Suisse. Si, en 1803, le Traité de Lunéville négocié entre Bonaparte et l’Autriche éprouve la nécessité de préciser ce point, c’est peut-être bien que la Confédération n’est pas ce petit territoire farouchement libre depuis 1291, auquel certains discours politiques veulent nous faire croire dur comme fer.

Cette significative anecdote est relevée parmi tant d’autres par Joëlle Kuntz dans un revigorant essai intitulé La Suisse ou le génie de la dépendance, qui paraît cette semaine. La journaliste embrasse notre passé avec une perspective nouvelle, traçant l’histoire de notre dépendance aux pays voisins pour mieux comprendre la fétichisation actuelle de la notion d’indépendance. Elle nous propose une sorte de révolution culturelle bienvenue au moment où les Suisses se perçoivent comme agressés par le monde entier.

Premier point de la démonstration, l’indépendance ne signifie pas la fermeture et l’isolement, mais signale plutôt le lien. L’indépendance d’un Etat n’existe que reconnue par les autres. Un détour par une des plus fameuses déclarations d’indépendance, celle des Etats-Unis en 1776, en fait la démonstration. Pour exister au sein de la communauté des nations, il faut que les autres y consentent. Sans cette reconnaissance, un Etat reste une «fiction» du point de vue du droit international.

Episode banal du Moyen Age. Le cheminement suisse sur cette voie est bien plus sinueux qu’on l’admet généralement. S’il faut dater le début de notre souveraineté, mieux vaut se fixer sur 1848 que 1291. Le serment entre Uri, Schwytz et Unterwald pour la défense d’intérêts commerciaux et de sécurité n’est qu’«un épisode banal du Moyen Age». Les signataires ne sortent pas de l’Empire mais prennent leurs distances avec quelques seigneurs. Chaque fois qu’est élu un nouvel empereur, rappelle utilement Joëlle Kuntz, «les Confédérés, tout récalcitrants qu’ils soient, se font expressément confirmer par lui leurs droits et leurs libertés».

Au milieu du XVIIe siècle, le Traité de Westphalie, autre rendez-vous de l’historiographie nationale traditionnelle, leur reconnaît «pleine liberté et exemption de l’Empire», alors que les Pays-Bas sont, eux, qualifiés de «libres et souverains». L’auteur souligne le parallélisme avec la situation contemporaine, malgré l’anachronisme, «dans l’Europe, mais pas dans ses institutions».

Garantie des Puissances. Au début du XIXe siècle, après l’épisode de Ratisbonne et le régime de la Médiation qui tombe en 1813, la fin de l’aventure napoléonienne repose la question du statut des territoires coincés entre l’Autriche et la France. «Loin d’être une conquête, l’indépendance suisse de 1815 (décidée par le Congrès de Vienne) est un octroi et la neutralité qui lui est associée une neutralisation.» Ce sont les rois et empereurs victorieux de Napoléon qui légitiment le Pacte fédéral, placé donc sous la garantie des Puissances. Metternich, le chef de la diplomatie autrichienne, ne se privera pas de rappeler à l’ordre les Confédérés séduits par les sirènes libérales qui vont bientôt secouer toute l’Europe.

C’est ainsi que l’auteur nous amène à l’année clé de 1848: pendant que les Puissances sont occupées à mater les révoltes, les Suisses se dotent d’une nouvelle Constitution et se revendiquent souverains. L’Angleterre et la France donnent leur approbation, mais l’Autriche renâcle. Cette indépendance nouvelle est vite mise à l’épreuve par la présence de réfugiés politiques que la Confédération tolère au grand dam de ses voisins. Les Suisses oscillent dès lors entre résistances aux pressions et nécessaires capitulations pragmatiques. Ce qui vaut pour l’asile se répétera avec le secret bancaire.

Impossible résistance. Dans le chapitre qu’elle consacre aux mouvements de l’argent, Joëlle Kuntz revient sur la période décisive de l’après-guerre. Elle cite Walter Stucki, l’ambassadeur chargé de régler les contentieux financiers avec les Alliés, exhortant en 1945 le Conseil fédéral de tenir compte de la nouvelle donne: «Tous les Etats qui ont connu la guerre ont complètement modifié leur politique et seules en Europe la Suisse et la Suède restent encore fidèles aux idées d’avant-guerre. Si nous étions un grand pays, nous pourrions essayer de résister au courant général mais c’est une chose impossible pour un petit Etat qui dépend exclusivement de l’étranger. Nous devons à tout prix rompre avec la politique qui consiste à se faire arracher des concessions au dernier moment sans en retirer d’avantages.»

Questionnement européen. Un avis auquel souscriraient encore maints diplomates actuels. Stucki signera l’Accord de Washington, mais le règlement obtenu sur fond de commencement de la guerre froide ne résistera pas à la fin de celle-ci, générant l’affaire des avoirs en déshérence, et les tourments qui ne nous ont plus quittés sur notre degré d’indépendance face aux autres pays et à leurs prétentions à vouloir nous imposer des normes qui ne seraient pas à notre avantage.

C’est dans ce contexte que s’est développée la problématique européenne qui torture l’âme des Suisses. Joëlle Kuntz résume l’enjeu: «Si la Suisse refuse l’acquis communautaire comme programme, elle l’avale comme pis-aller, à petites doses, accord par accord, cas par cas. Elle croit pouvoir garder une marge d’autonomie, dont la taille est tout l’objet de son débat européen: sera-t-elle plus libre en nationalisant des normes dont elle n’est pas l’auteur ou en participant à part entière à leur élaboration.»

Avant de laisser son lecteur trancher le dilemme, la journaliste revisite encore les notions de frontières et s’interroge sur le retour des souverainistes, non sans rompre une lance pour l’interdépendance, un concept plus riche et plus en phase avec le monde tel qu’il est.

Ce questionnement historique mené d’une plume exquise et précise devrait constituer une lecture obligatoire pour tous les parlementaires qui souhaitent prendre leurs distances avec le discours isolationniste dominant instillé par l’UDC. L’essai vif de Joëlle Kuntz leur fournira matière à renouveler et densifier leur réflexion.

«La Suisse ou le génie de la dépendance». Ed. Zoé, 175 p.


Joëlle Kuntz

Journaliste, elle tient une chronique historique régulière dans Le Temps. Son Histoire de la Suisse en un clin d’œil a connu un grand succès public. Elle est aussi l’auteur d’Adieu à Terminus - Réflexions sur les frontières d’un monde globalisé, et de Genève, histoire d’une vocation internationale.


Extraits

Interdépendance
La Suisse est techniquement armée pour l’interdépendance. Elle a une classe de juristes, de praticiens du droit particulièrement nombreuse par tête d’habitant, du fait du fédéralisme. La négociation est sa spécialité. Elle a l’expérience et la connaissance de l’économie du monde. Elle est accessible à la diversité. Elle a beaucoup à apporter, dans la recherche, le savoir-faire serviciel. Mais elle reste hostile à des pouvoirs qui ne sont pas les siens.»

Secret bancaire
Il a fallu de fortes dépendances mutuelles des intérêts économiques pour que le secret bancaire soit toléré. Il disparaît en raison d’exigences nouvelles dont la Suisse dépend désormais. Une licence bancaire à Wall Street se paie par le reniement des pratiques passées.»

Neutralité
«L’indépendance est un statut dans la société des Etats qui se reconnaissent mutuellement leur existence à l’intérieur de leurs frontières. La neutralité est une attitude devant la guerre, sanctionnée par le droit et admise comme telle par la communauté des Etats. Mais s’il n’y a pas de guerre, ou si la guerre est lointaine et sans risque pour l’indépen-dance du pays, cette attitude tombe dans l’obsolescence, voire, comme c’est le cas aujourd’hui, peut compro-mettre les alliances néces-saires à l’intérêt du pays.»

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Le typhon, terrible déjà vu

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Jeudi, 14 Novembre, 2013 - 05:54

Catastrophes.D’une violence inédite, Haiyan a dévasté les Philippines, tuant plus de 10 000 personnes. L’après-catastrophe en évoque d’autres de sinistre mémoire.

L’impact d’un désastre est d’autant plus grand s’il évoque d’autres calamités du passé, inscrites au fer rouge dans l’imaginaire collectif. Les images sont ainsi: elles se nourrissent les unes des autres pour renforcer leur pouvoir visuel. Le typhon qui a dévasté des provinces entières des Philippines a tout rasé sur son passage, comme un raz de marée gigantesque ou une bombe atomique. Les photos de la catastrophe asiatique ont un air de déjà vu qui, au lieu de les atténuer, les rendent encore plus terribles.

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À Gafsa, dans le sud de la Tunisie en crise

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Jeudi, 14 Novembre, 2013 - 05:55

Terrorisme.Après une série d’assassinats attribués à des djihadistes, l’avenir institutionnel et sécuritaire du pays est en jeu. A 340 km de Tunis, le Tunisie Bondy Blog trace son sillon.

Après-midi du 23 octobre, sur la route reliant Tunis à Gafsa, au sud. Le «louage», minibus de voyageurs, fonçait dans la plaine aride tel Bip Bip épuisant Coyote dans le désert du Nevada quand, tout à coup, un homme assis sur la banquette avant du véhicule, relayant une information qu’on lui transmettait au même moment par téléphone, s’écria: «Salafiya! Salafiya!» La nouvelle était mauvaise. Le chauffeur et les sept autres passagers en furent aussitôt avertis: des «salafistes», ainsi qu’on désigne communément en Tunisie les djihadistes soupçonnés ou convaincus d’attentats, venaient de commettre un lourd forfait à proximité de la «délégation» de Sidi Ali Ben Aoun, une commune portant le nom d’un saint située dans le gouvernorat de Sidi Bouzid, à une soixantaine de kilomètres au nord de Gafsa.

Six membres d’un détachement de la Garde nationale, la gendarmerie tunisienne, envoyé dans cette localité pour y saisir un stock illégal d’armes à feu, moururent ce jour-là sous les balles d’un commando terroriste mieux équipé et qui semblait attendre de la «visite». Environ une demi-heure après le coup de fil qui avait prévenu les voyageurs du drame, aux circonstances alors encore très floues, le «louage» entra au ralenti dans Sidi Ali Ben Aoun, un gros bourg tranquille et poussiéreux, comme inachevé pour l’éternité. Il y franchit plusieurs barrages des forces de l’ordre et rejoignit enfin Gafsa au terme d’un trajet de 340 kilomètres parcouru en quatre heures et demie. Malgré les événements, le chauffeur avait maintenu une bonne moyenne.

Poussée terroriste. Depuis cette date du 23 octobre, la Tunisie connaît une montée en puissance du déploiement sécuritaire, les contrôles routiers se multipliant partout dans le pays, aux fins, notamment, de rassurer une population inquiète d’une poussée terroriste attribuée aux milieux djihadistes. Le 30, deux attentats ont été déjoués sur la côte est touristique: l’un à Sousse – seul le kamikaze est mort dans l’explosion de la bombe qu’il portait sur lui. Un second à Monastir, où un individu transportant une valise remplie d’explosifs a été appréhendé avant de passer à l’acte, a rapporté la police.

Des suspects ont été arrêtés. Parmi eux, un mineur au moins. Tous manifestement enrôlés dans le djihad armé, à l’enseigne, ont affirmé des cercles étatiques, du groupe salafiste Ansar al-Charia, lequel a démenti être impliqué dans ces tentatives d’attentat. C’est en août dernier seulement, sous la pression populaire et probablement sous celle des Etats-Unis aussi, que le gouvernement tunisien dominé par le parti islamiste Ennahda, vainqueur des premières élections libres de la Tunisie en octobre 2011, a classé Ansar al-Charia «organisation terroriste». Dans une interview au quotidien français Le Monde (8 novembre), le président Moncef Marzouki, membre de la troïka, la coalition qui dirige le pays, a reconnu avoir «sous-estimé le danger salafiste».

L’embuscade meurtrière de Sidi Ali Ben Aoun et les attentats manqués de Sousse et de Monastir se sont produits alors que la Tunisie tentait et tente toujours de se dépêtrer d’une crise politique qui mine ses institutions et renforce l’impression d’insécurité. Les dix premiers mois de 2013 auront été particulièrement sanglants et anxiogènes, avec les assassinats, en février et juillet, de deux leaders de la gauche populaire, Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi; avec la mort de huit militaires en juillet au mont Chaambi, une zone montagneuse proche de l’Algérie; et, dernièrement, avec celle de six gardes nationaux à Sidi Ali Ben Aoun.

Dialogue national. Toutes sortes d’hypothèses s’échafaudent actuellement à Tunis. Ce ne sont pas tant les exécutants des crimes que l’identité et les raisons motivant leurs supposés commanditaires qui alimentent les conjectures. Qui arme la main de «jeunes salafistes paumés?», se demandent certains. Des chefs de la mouvance al-Qaida? Les «services» du puissant voisin algérien, qui ne voudrait à aucun prix d’un pouvoir islamiste à ses portes? Les bénalistes, qui prépareraient les conditions d’un retour à l’ordre? Des voix craignent un scénario de guerre civile à l’algérienne. D’autres veulent croire en la maturité démocratique des Tunisiens.

A l’initiative d’un quartette issu de la société civile, un «dialogue national» a été difficilement mis sur pied courant septembre. Cette instance réunit les partis de la troïka et ceux de l’opposition. Une feuille de route existe, ses principes sont reconnus. Un gouvernement de transition, dit «technique», devrait être formé ce mois-ci. Ennahda et l’actuel premier ministre nahdhaoui Ali Larayedh, échaudés par le coup d’Etat militaire égyptien contre les Frères musulmans et contestés par une partie non négligeable de l’électorat, ont fini par accepter de passer la main dans l’attente des prochaines élections législatives, qui devraient se tenir au plus tard en avril 2014, selon Moncef Marzouki. D’ici là, l’Assemblée nationale constituante devra avoir adopté une nouvelle Constitution – tâche qui l’occupe depuis deux ans…

Au berceau du printemps arabe. C’est donc à Gafsa, une «oasis» de 100 000 habitants environ, chef-lieu du gouvernorat du même nom, que s’est tenue, du 24 au 31 octobre, une formation destinée aux blogueurs et blogueuses du Tunisie Bondy Blog (TBB), avec le soutien de Canal France International, le pôle «médias» du Ministère français des affaires étrangères. La ville, située à proximité de mines de phosphates, secteur stratégique pour les finances du pays, est à une heure de voiture de Sidi Bouzid, berceau du printemps arabe. Là où Mohamed Bouazizi, marchand ambulant de fruits et légumes harcelé par la police, s’est immolé par le feu en décembre 2010, l’acte de désespoir qui donna le signal de départ à la révolution tunisienne.

En octobre 2011, Rafika Bendermel et Paolo Kahn ont posé leurs valises à Sidi Bouzid. Ils arrivaient de Lyon où ils coanimaient le Lyon Bondy Blog, l’une des nombreuses émanations du Bondy Blog «historique» créé par L’Hebdo pendant les émeutes de 2005 dans les banlieues françaises. Dans des conditions épiques, ils y fondèrent le TBB, transféré par la suite à Gafsa à la faveur d’une rencontre avec un travailleur social gafsien, Adel Alimi, qui préside aujourd’hui le Tunisie Bondy Blog.

La formation proprement dite, délivrée par le soussigné à une dizaine de blogueurs et blogueuses âgés de 25 à 30 ans, dont certains deviendront journalistes, portait sur des formes d’écriture exigeant à la fois une capacité d’imagination et une discipline narrative. Ils s’exercèrent à la chronique et à des textes proches de la fiction, le principe étant de rendre compte du réel tunisien au travers de situations vécues ou pouvant l’être. Les inhibitions ne sont jamais mieux levées et sublimées que dans le «roman».

Hatem, originaire de Kasserine, au pied du mont Chaambi, dont il a ramené des images au soir de l’embuscade qui a coûté la vie à huit militaires en juillet dernier, ne voulait d’abord rien écrire. Puis il s’y est mis et les mots ont coulé. «Mais attention, a-t-il prévenu, c’est secret.»

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Antoine Menusier
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Photo de famille en noir et blanc

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Jeudi, 14 Novembre, 2013 - 05:56

Maire de New York.Professeur de droit à l’Université de Syracuse, métis afro-américain et indien de la nation Séminole, Kevin Noble Maillard est notamment spécialiste du droit de la famille aux Etats-Unis. Il se penche sur la signification de la famille «si ordinaire» de Bill de Blasio dans sa victoire à la ville de New York.

Kevin Noble Maillard

«Je suis Bill de Blasio et je ne suis pas un Blanc ennuyeux.» C’est ainsi que se présentait le maire élu de New York. En août, lors d’une soirée de levée de fonds des Jeunes progressistes en faveur de son père, Chiara de Blasio lançait un appel pour une nouvelle politique municipale incluante. Flanquée de toute sa famille, elle insistait: «Si nous apportons de nouvelles idées pour créer un monde, une société où chacun a sa chance, nous devons commencer par écouter les idées de tout un chacun.»

Quelles sont ces idées audacieuses, innovantes du nouveau maire? Certaines obéissent au schéma démocrate des poupées gigognes: bonne gouvernance = plus d’emplois = logements plus abordables = meilleures écoles. Ajoutez-y de la raison, de la compassion, de l’équité et vous aurez un programme progressiste. Mais de Blasio a couronné le tout d’une idée toute à lui: la famille racialement intégrée.

Brooklyn Family. De Blasio est Blanc, Chirlane McCray est Noire. Leurs enfants, Dante et Chiara, sont café au lait. Leurs discours de campagne n’ont cessé de souligner la rafraîchissante multiracialité naturelle de la bohème brooklynienne, ce monde merveilleux fait de senteurs d’eucalyptus, de maisons de grès brun, de tisanes aromatiques et de petits-déjeuners aux céréales complètes. Le site de Bill de Blasio détaille sa famille plus que son programme. Lors de ses meetings, femme et enfants sont le sujet central, pas le décor. Ses courriels aux électeurs suggèrent de «rencontrer la Brooklyn Family qui se bat pour changer New York». Ils montrent une famille souriante buvant du jus d’orange et jouant au Trivial Pursuit.

«Les de Blasio: curieusement banals.» Le spot n’est justement pas banal, il est bourré de signification. Au centre, Chirlane McCray, resplendissante en turquoise et dreadlocks. On ne la confond pas avec Laura Bush ou Cindy McCain. A gauche, Chiara, parfaitement positionnée pour qu’on voie ses strand twists, ses lobes stretchés et son piercing au sourcil: elle est «alternative». A droite, Dante, un grand gaillard à la toison afro. Bill est assis au milieu, tautologiquement blanc et largement éclipsé par cette affirmation colorée de la diversité.

Observez le spectacle électoralo-capillaire offert par Dante: six pouces de négritude triomphante draguant votre vote. Bill l’a mis en scène, Obama en a fait l’éloge et même le distingué New York Times a participé à la frénésie en faisant une place au look afro dans son supplément Style. Indéniablement, la tignasse de Dante a donné un coup de fouet à la campagne. Et aidé Bill de Blasio à remporter dans un premier temps les primaires démocrates devant la favorite Christine Quinn et son rival afro-américain Bill Thompson. Si les électeurs ne le savaient pas déjà, la pub semblait leur dire que, question communauté black, le Blanc de Blasio était sacrément dans le coup et que son engagement à l’égard de ses problèmes était réel.

C’est un peu comme dans ce vieux dessin animé des Harlem Globetrotters, où Gizmo porte une énorme crinière afro magique. Quand il rencontre un problème, il lui suffit de passer la main dans ses cheveux pour trouver une solution et rien ne lui résiste. Il se noie? Voici un gilet de sauvetage. Il tombe? Voici un parachute. On trouve Bill suspect? Hop, il affiche sa femme noire et ses enfants métissés.

Aux yeux de certains, il se peut que la tignasse de Dante, les piercings de Chiara et le soutien sans faille de Chirlane soient hors de propos; que des détails tels que l’apparence physique n’ont pas d’importance face aux promesses de campagne. Les politiques du logement et de l’éducation influent sur les résultats électoraux davantage que la texture capillaire et le teint de la peau, n’est-ce pas? La réponse est oui, bien sûr, et toute autre hypothèse serait raciste et abusive, selon le maire sortant Michael Bloomberg.

«Biracial, c’est cool.» De Blasio fait ce qu’ont fait tant d’autres politiciens: humaniser son image en affichant une famille stable. L’appareil dentaire et les boucles de Chelsea apparaissaient sans cesse dans le décor du couple Clinton. Les portraits de famille bien arrangés sont de rigueur pour les candidats aux postes de pouvoir et ceux qui visent le Congrès doivent renoncer aussi bien au célibat qu’au divorce. Depuis Richard Nixon en 1968, les politiciens ont toujours recouru à un gadget pour paraître dans le coup: saxophone, ballon de basket ou Macarena. Mais peut-être ces efforts concertés pour paraître cool sont-ils trop manifestes à notre époque portée sur l’ironie: exceller est très difficile, il y a un côté désespéré. En plus, cela n’assure pas des votes.

Pénétrez en revanche dans la famille multiraciale branchée, une sorte de test de Rorschach appliqué à une campagne politique. Vous intéressez divers groupes démographiques. Vous prouvez que la race n’a pas d’importance ou que, justement, elle a de l’importance. Le nouveau slogan électoral s’énonce «biracial, c’est cool».

Exploiter le mariage pour cimenter des allégeances politiques est un des plus vieux trucs de relations publiques. Autrefois, les mariages dynastiques servaient à forger des alliances entre les nations. Une des stratégies privilégiées par Alexandre le Grand et la reine Victoria était de mélanger politique et relations intimes: les enfants nés de telles unions représentaient un avenir uni et porteur d’espoir.

Dans la «normalité». Reste que la victoire de Bill de Blasio ne signifie pas que le mariage interracial est accepté. Il n’est légal dans tout le pays que depuis 1967 et les préjugés demeurent. Il reste tabou en bien des contrées. La relation entre Thomas Jefferson et son esclave Sally Hemings indispose toujours autant qu’en 1802. Même de nos jours le mariage et le partenariat interracial sont rarissimes dans la vie publique. La liberté dans l’intimité est loin d’être admise dans la politique et la société américaine, et cela comprend bien plus que la race: la discrimination perdure à l’endroit des célibataires et des couples de même sexe et elle se concrétise dans les urnes. Pour un politicien, la norme reste d’être marié (avec enfants) avec une personne de même race et de sexe différent.

Le fait qu’un politicien pourvu d’une famille non traditionnelle emporte le scrutin de New York légitime la place revendiquée par de Blasio dans l’identité collective des «familles normales». Les familles comme la sienne ont trop longtemps été reléguées au second rang.

© The Atlantic
Traduction et adaptation Gian Pozzy

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Vignette: l’impossible «non» des Romands

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Jeudi, 14 Novembre, 2013 - 05:57

Vignette. En combattant la hausse de la vignette à 100 francs, les clubs automobiles se sont mis à dos tous les cantons romands et les milieux de l’économie.

Il n’est pas content, Philippe Receveur: «Je suis membre du TCS, mais je ne sais pas si je vais le rester», confie le ministre jurassien, chef de l’Environnement et de l’Equipement. Celui-ci n’a pas du tout apprécié que le club automobile auquel il appartient prenne le leadership de la campagne contre la hausse de la vignette de 40 à 100 francs. «J’ai l’impression que le TCS fait peu de cas des régions excentrées, alors que ce sont justement elles qui dépendent le plus de la mobilité individuelle.»

Retards. Certes, le TCS n’a rejoint les auteurs du référendum que sur le tard, mais il échaude beaucoup les esprits. Certains de ses plus illustres membres, à commencer par la conseillère fédérale Doris Leuthard, s’étonnent de voir le plus influent lobby des automobilistes partir en guerre contre une loi qui attribue pourtant la totalité d’une hausse de taxe à la route.

«C’est un sacré autogoal», s’exclame la conseillère d’Etat vaudoise Nuria Gorrite, cheffe des Infrastructures et des Ressources humaines. Alors que le canton de Vaud avait fêté telle une «immense victoire» l’intégration du contournement de Morges dans l’arrêté sur le réseau des routes nationales lié à la hausse de la vignette, celle-ci ne comprend vraiment pas que les milieux de la route s’y opposent. «Nous risquons de prendre de trois à cinq ans de retard dans l’avancement de ce projet, regrette la ministre socialiste. Autant de bouchons supplémentaires qui nuiront à l’économie.» Une économie dont les représentants romands sont quasiment unanimes à soutenir la vignette à 100 francs.

Equilibre. Le TCS se prend ces temps-ci une jolie volée de bois vert, en particulier dans les cantons romands. Certes, on peut toujours discuter de la manière dont le politique ficelle un paquet de projets d’infrastructures, parfois au terme de longs marchandages. Une chose est sûre: rarement un dossier aura été aussi équilibré entre la Suisse du plateau et celle des régions dites périphériques. A l’heure où ce fossé ne cesse de se creuser, c’est un fait à souligner.

Ainsi, la plupart des cantons romands sortent gagnants de l’affectation des 300 millions de francs de recettes annuelles supplémentaires que générera la hausse de la vignette. D’abord parce que la Confédération intègre dans son réseau des routes nationales 380 kilomètres de routes cantonales dont le statut sera rehaussé. Il en coûtera 100 millions à Berne qui en assumera désormais l’entretien et l’aménagement, déchargeant ainsi les cantons de ces frais. C’est le Valais (16 millions) qui en profite le plus, mais aussi Neuchâtel (4 millions), le Jura et Fribourg (2 millions) dans une moindre mesure.

Renaissance urbanistique. Quant aux 200 millions restants, ils seront affectés à des aménagements spécifiques, notamment de nombreux contournements de localités.

C’est ici que le canton de Neuchâtel touche le jackpot: un milliard d’investissements pour entreprendre sans tarder l’évitement des communes de La Chaux-de-Fonds et du Locle (H20), paralysées chaque jour par, respectivement,  37 000 et 20 000 véhicules, soit des flux de trafic plus importants qu’au Gothard (17 000). En jeu, une renaissance urbanistique du centre de ces deux villes et un grand gain de qualité de vie pour leurs habitants.

L’arc lémanique, pour sa part, pourrait s’assurer l’avancement des travaux de planification du contournement de Morges. Il ne s’agit bien sûr pas encore du financement de ce projet devisé à près de 3 milliards, mais d’études qui doivent permettre de résoudre des questions environnementales et d’intégration de la future route dans le paysage.

Cela aurait dû satisfaire les clubs automobiles et leur grand allié politique qu’est l’UDC. En réalité, c’est loin d’être le cas. Ceux-ci combattent férocement cette hausse de la vignette. Pour eux, ce projet n’est qu’une vaste supercherie, une «tromperie» qui fait une fois de plus des automobilistes des vaches à lait tout juste bonnes à traire. De manière générale sur le plan suisse, «les automobilistes versent chaque année 9,5 milliards de taxes, surtaxes et autres redevances, mais ils n’en retrouvent que 3,8 milliards affectés aux routes», dénonce Claude-Alain Voiblet, responsable romand de l’UDC.

Aux yeux des opposants à la vignette à 100 francs, il suffirait donc de détourner un peu moins l’argent des automobilistes et l’on pourrait réaliser tous les projets routiers sans la hausse prévue. L’argument paraît imparable, mais il ne l’est pas. «C’est oublier que le peuple suisse a par trois fois – en 1958, 1983 et 1998 – modifié la Constitution pour favoriser notamment la complémentarité de la route et du rail», rappelle Patrick Eperon, responsable de la campagne du «oui» au Centre patronal vaudois. La dernière fois, soit lors de la votation sur le financement des nouvelles transversales alpines du Gothard et du Lötschberg, le TCS avait d’ailleurs subi l’une de ses plus douloureuses défaites, désavoué qu’il a été par 63% des votants. Apparemment, il ne s’en souvient plus.

En fait, les adversaires de la hausse de la vignette n’ont qu’un argument qui tienne la route. «En cédant des tronçons de routes nationales à la Confédération, les cantons épargnent 100 millions et transfèrent de fait ces charges sur les automobilistes», déplore Moreno Volpi, porte-parole du TCS.

Déficits cantonaux. C’est vrai, sauf qu’à l’heure où une bonne quinzaine de cantons ont vu leurs finances plonger dans un déficit, ceux-ci risquent de rogner sur l’entretien de leurs routes.

Pour le reste, Moreno Volpi dénonce la «liste à la Prévert» des contournements de localités et autres projets cantonaux financés par la vignette «alors qu’ils ne seront pas soumis à celle-ci»: «il faudrait plutôt mettre l’accent sur des projets purement autoroutiers, car c’est là que les gens perdent 20 000 heures par an dans les bouchons. La vignette autoroutière doit servir en priorité à cela», ajoute-t-il. La remarque n’est que partiellement recevable. La loi révisée sur la vignette touche toutes les «routes nationales», et les autoroutes n’en sont qu’un des six types.

L’attitude «très dogmatique» des clubs automobiles surprend le conseiller d’Etat valaisan Jacques Melly. «Lorsque le TCS et l’ACS se retrouvent dans le même camp que l’association écologique des transports ATE, ils se tirent une balle dans le pied. Au soir du 24 novembre, c’est l’automobiliste, que ces clubs défendent pourtant, qui pourrait être le grand perdant du vote, car nous aurons dans tous les cas perdu cinq ans dans ces investissements routiers.»

En Valais comme dans le Jura et à Neuchâtel, les conseillers d’Etat responsables des infrastructures regrettent tous que le TCS fasse bien peu de cas des régions excentrées. Lorsqu’il affirme qu’il suffirait de découpler la hausse de la vignette de l’adaptation du réseau des routes nationales pour que rien ne soit retardé, le TCS fait semblant d’ignorer les réalités politiques du pays.

De même, il sait très bien qu’un «non» à la hausse de la vignette obligerait le canton de Neuchâtel à financer lui-même l’essentiel du projet de la H20, soit quelque 600 millions de francs, ce qui n’est manifestement pas dans ses moyens. C’est la raison pour laquelle la section neuchâteloise du TCS s’est désolidarisée de la position de sa centrale. Laquelle est politiquement irresponsable.

Par son attitude jusqu’au-boutiste, le TCS prend aussi le risque de rallumer la guerre entre le rail et la route, un risque par ailleurs déjà dangereusement assumé par les écologistes qui ne jurent que par les transports publics et refusent donc la hausse de la vignette.

Dynamique négative pour le 9 février. Beaucoup de lobbyistes romands redoutent un scénario désastreux, alors que la région a un urgent besoin de rattrapage pour ses infrastructures: un «non» à la vignette pourrait engendrer une dynamique négative pour la votation du 9 février prochain sur le paquet de 6,4 milliards de projets ferroviaires (FAIF), dont l’arc lémanique serait le premier perdant (900 millions pour la gare de Genève et 300 millions sur la ligne Lausanne-Berne). On peut craindre que les mêmes détracteurs de la vignette à 100 francs s’opposent aussi à la hausse de la TVA destinée à financer ce paquet ferroviaire. Cette bataille non plus n’est pas gagnée d’avance.


«le TCS fait peu de cas des régions excentrées, celles qui dépendent le plus de la mobilité individuelle.»
Philippe Receveur, ministre jurassien

«En étant dans le même camp que les écologistes de l’ATE, le TCS et l’ACS se tirent une balle dans le pied.»
Jacques Melly, conseiller d’Etat valaisan

«Nous risquons de prendre de trois à cinq ans de retard dans le contournement de Morges, ce qui nuira à l’économie.»
Nuria Gorrite, conseillère d’Etat vaudoise

«Cette hausse est une tromperie. Les cantons épargnent 100 millions aux dépens des automobilistes.»
Moreno Volpi, porte-parole du TCS

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Retraite: röstigraben jusque dans le 2ème pilier

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Jeudi, 14 Novembre, 2013 - 06:00

Sommaire:
Edito: les inégalités devant la retraite
Retraite des fonctionnaires: privilégiés, mais jusqu’à quand?
Tout sur les retraites des fonctionnaires romands
Témoignages de Georges Maeder (ex-professeur) et de Nicolas Babey (prof au lycée de Porrentruy)
Röstigraben jusque dans le 2ème pilier

Caisses de pensions publiques. Economique et individualiste, la vision alémanique s’oppose à la romande, plus sociale et solidaire.

Les cantons romands, dont les caisses de pensions sont toutes en sous-couverture, méritent-ils un bonnet d’âne?

Jérôme Cosandey Quand une caisse affiche un découvert massif, maintenir le privilège d’une primauté de prestations est difficilement compréhensible. Non seulement la majorité des cantons, mais aussi 93% du secteur privé ont adopté la primauté de cotisations. Dans ce système, la hauteur de la rente dépend uniquement des cotisations effectivement versées et de l’intérêt composé. Point-barre. En primauté de prestations, on fixe la rente en pour cent du dernier salaire, indépendamment de la réalité économique. C’est une promesse difficilement tenable qui, à la fin, doit être garantie par le contribuable.

Meinrad Pittet Certainement pas! La plupart des caisses de pensions publiques romandes et plusieurs caisses de pensions publiques suisses alémaniques (CPPSA) ont adopté à partir des années 1965 un financement basé non plus sur la capitalisation intégrale, mais en partie sur la répartition des dépenses (système financier de l’AVS) et en partie sur la capitalisation. Cette démarche était tout à fait légale. C’est parce que les politiciens et la plupart des experts suisses alémaniques n’ont jamais compris ou voulu comprendre le fonctionnement de ces systèmes financiers mixtes d’une part, et parce que la plupart des CPPSA ont adopté ces dernières années la primauté des cotisations d’autre part, qu’on en est arrivé à la situation actuelle basée sur de nouvelles exigences légales. Il est d’ailleurs amusant de remarquer que c’est à l’initiative d’un représentant romand de l’agriculture au Conseil national, Serge Beck, que l’on doit les nouvelles dispositions légales. L’énergie dépensée par M. Beck dans cette affaire n’aurait-elle pas été plus utile à l’agriculture et au maintien du prix du lait à un niveau décent pour les paysans?

Les fonctionnaires sont-ils des privilégiés?

Jérôme Cosandey Dans le temps, c’était clairement le cas: la retraite à 60 ans, des possibilités de retraites anticipées sans perte de rente, une primauté de prestations. On justifiait ces privilèges par des salaires souvent plus bas que dans le privé. La rente vieillesse devait compenser cette différence. Aujourd’hui, ces traitements de faveur ont été abolis dans beaucoup de cantons, mais pas partout. Dans le canton de Vaud par exemple, l’âge de la retraite s’est élevé de 60 à 62 ans seulement, alors que le contribuable doit verser des milliards pour assainir la caisse.

Meinrad Pittet Pourquoi? Parce qu’ils bénéficient de bonnes conditions de prévoyance? Tant mieux pour eux! A noter toutefois que ces conditions ont marqué le pas ces dernières années et que l’on assiste depuis une quinzaine d’années à une dégradation manifeste des conditions de prévoyance dans le secteur public. Cela est dû en partie à l’air du temps et en partie à un phénomène de mimétisme (il faut absolument faire comme dans le secteur privé). Malheureusement, l’uniformisation des pratiques dans les secteurs privé et public ne se fait pas en conservant le meilleur, mais en adoptant des règles qui transfèrent quasiment tous les risques à la charge de l’assuré. On assiste donc à un nivellement par le bas. C’est dommage. Ça manque de vision, de panache et d’ambition.

La situation va-t-elle changer pour eux dans les dix ans?

Jérôme Cosandey Avec le nouveau droit fédéral, les caisses publiques ont dix ans pour rétablir l’équilibre entre prestations promises et préfinancement, c’est-à-dire atteindre un degré de couverture de 100%. Une exception est seulement possible si la caisse reçoit une garantie explicite de l’Etat. Dans ce cas, seules 80% des rentes doivent être préfinancées, d’ici à 2052 seulement… C’est le chemin choisi par la plupart des cantons romands. Dans tous les cas, certains privilèges doivent être abolis, ou les cotisations salariales augmentées. Les dix prochaines années sont une phase de transition importante pour les fonctionnaires.

Meinrad Pittet Le 2e pilier est à un tournant historique puisque le Conseil fédéral va bientôt mettre en consultation un message important sur l’avenir de la prévoyance professionnelle en Suisse. Cet aspect des choses va concerner aussi bien les assurés du secteur privé que ceux du secteur public. Il est toutefois difficile, à l’heure actuelle, de prévoir ce qui va sortir de cette procédure de consultation, tant les opinions semblent divergentes.

Que pensez-vous des conditions de retraite des policiers genevois, qui peuvent s’en aller à 58 ans, en recevant 75% de leur dernier salaire assuré?

Jérôme Cosandey Les prestations de retraite, tout comme le salaire, les vacances, etc., font partie d’un tout qui doit refléter l’offre et la demande sur le marché de l’emploi. Je n’ai pas de problème avec une retraite anticipée dans la mesure où celle-ci est préfinancée, c’est-à-dire si le degré de couverture est supérieur à 100%. C’est le cas de la caisse des polices genevoises, mais toutes les caisses publiques offrant des retraites anticipées ne sont malheureusement pas dans cette situation.

Meinrad Pittet N’a pas souhaité s’exprimer.

Devrons-nous travailler un jour jusqu’à 70 ans?

Jérôme Cosandey Un rentier vit aujourd’hui sept ans de plus qu’en 1948, l’année où l’âge de la retraite a été fixé à 65 ans, pour les hommes comme pour les femmes d’ailleurs. Pourtant, rehausser cette limite reste un tabou en Suisse. Ce n’est pas le cas dans 12 des 34 pays de l’OCDE, les pays les plus industrialisés, où l’âge de la retraite a été relevé à 67 ans ou plus. La Suisse jouit d’une espérance de vie plus haute que celle de ces 12 pays, en fait, c’est la plus haute du monde! Repenser l’âge de la retraite me paraît alors légitime.

Meinrad Pittet Je n’en sais rien! En ce qui me concerne, je suis bien heureux d’être à la retraite à l’âge de 65 ans. J’ai beaucoup travaillé et donné de ma personne pendant plus de 45 ans d’activité. Mais il est vrai que je bénéficie d’une retraite suffisante. Sur ce point, je suis d’accord avec le conseiller fédéral Alain Berset: il ne faut pas relever exagérément l’âge légal de la retraite, mais laisser la possibilité à tous les salariés de choisir leur âge de retraite entre 60 et 70 ans, avec bien sûr une adaptation en conséquence du niveau de leur retraite.

 

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Lionel Flusin
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Retraite: témoignages de Georges Maeder et de Nicolas Babey

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Jeudi, 14 Novembre, 2013 - 06:01

Sommaire:
Edito: les inégalités devant la retraite
Retraite des fonctionnaires: privilégiés, mais jusqu’à quand?
Tout sur les retraites des fonctionnaires romands
Témoignages de Georges Maeder (ex-professeur) et de Nicolas Babey (prof au lycée de Porrentruy)
Röstigraben jusque dans le 2ème pilier

Georges Maeder, 65 ans, Delémont, ex-professeur à l’Ecole de commerce
«J’ai mérité ma retraite»
Caisse de pensions: 5437,40 francs par mois, AVS (rente de couple): 2340  francs par mois.

Georges Maeder est chanceux. Et il le sait. A 65 ans, cet ancien professeur de français et d’allemand à l’Ecole de commerce de Delémont, père de trois adultes, a pris sa retraite en juillet dernier. Alors que la caisse de pensions du canton du Jura va passer du régime de primauté des prestations à celui des cotisations en janvier 2014 – et que des fonctionnaires pourraient perdre jusqu’à 25% de leur rente –, le Jurassien, lui, n’a pas de souci à se faire, sa rente est assurée jusqu’à la fin de ses jours. «J’ai eu de la chance d’être au bon moment au bon endroit. Par rapport aux collègues plus jeunes que je viens de quitter, je n’ai pas mauvaise conscience. J’ai plutôt un sentiment de reconnaissance pour l’époque dans laquelle je vis. C’est comme lorsque l’on est en bonne santé: il s’agit d’un privilège dont il faut être conscient.» Plaint-il ses ex-collègues? «Non, quand même pas. Il faut avoir confiance. Peut-être qu’ils pourront trouver un petit job d’appoint, une fois à la retraite. 

Il faut dire que maintenant, il y a deux salaires dans un couple. Mais si l’on me demandait d’échanger ma place contre la leur, je garderais la mienne.» Georges Maeder fait partie de cette génération dont le niveau de vie s’est beaucoup amélioré, grâce aux études. Le Jurassien aurait pu s’arrêter à 62 ans, après 35 ans de carrière. Il a préféré continuer encore trois ans – sa fille cadette finit ses études et son épouse travaille encore – mais en réduisant son temps de travail, à 75% la première année, puis à 50% les deux dernières années. «J’ai pu quitter mon poste avec sérénité, sans être épuisé.» Mal lui en a pris, car il a perdu des plumes pour sa retraite. Certes, ce ne sont que 40 francs mensuels – sa retraite étant calculée sur un salaire moins élevé les dernières années – mais cette légère pénalisation est démotivante. «A une époque où l’on prône l’allongement du temps de travail, une telle diminution n’est pas motivante. Autour de moi, je connais beaucoup de personnes qui sont parties après 35 ans d’activité.»


Nicolas Babey, 43 ans, prof au lycée de Porrentruy
«Je fais des économies pour ma retraite»
Salaire net mensuel: 10 946 francs. Rente (2e pilier) projetée* à 62 ans: de 2742 à 3442  francs.

«A 40 ans, certains de mes collègues aimeraient déjà savoir à quelle sauce ils seront mangés à la retraite. Ceux de 58-60 ans regardent comment perdre le moins possible, même si certains continuent d’aller en vacances trois fois l’an. Nous savons tous que ça va mal tourner financièrement. Mais cela m’est égal. Je ne parlerais pas ainsi s’il me manquait 20 000 francs par mois.»

L’an prochain, la Caisse de pensions de la République et Canton du Jura va passer du système de primauté des prestations à celui des cotisations. Les fonctionnaires de 40-50 ans pourraient voir leur retraite fondre de 10 à 25%. Comment ses collègues réagissent-ils à son indifférence? «Il y en a qui rigolent et qui me disent que je suis fou; d’autres écoutent ma position.» Elle est simple: il apprend à vivre avec moins. «Vivre mieux, ce n’est pas avoir toujours plus d’argent. Notre budget vacances annuel est de 1500 francs, nous avons une très vieille Renault, pas de télévision, pas de téléphone portable, mais avons une maison. A mes yeux, la vraie richesse, c’est la famille, la santé et des valeurs de partage. Alors pourquoi me prendre la tête avec des histoires comme celle-là? Je ne veux pas me rendre malheureux et gâcher mes vingt prochaines années avec ces questions. Je laisse les professionnels faire leur métier.» S’il fait bouillir la marmite pour son épouse au foyer et ses trois enfants, il aide également ses parents, à raison de 500 francs par mois, car leur retraite est minuscule. Il a également retiré 90 000 francs de son 2e pilier pour acquérir sa maison.

N’empêche, même s’il s’en remet aux professionnels, le Jurassien a tout de même pris des précautions: il fait des économies et continue de renflouer son 3e pilier, à raison de 3000 francs par année. «Si la caisse replonge dans six ans, je ne serai pas surpris. Mais j’aurai économisé. Je ne fais plus confiance au système.» Ce qui le rendrait vraiment furieux? Que l’argent des rentes parte dans les poches des financiers. «Mais mon sentiment actuel est que je participe à l’effort collectif; je suis d’accord de payer si c’est pour le bien général.»

* Calculs faits par la Caisse de pensions de la République et Canton du Jura

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Thierry Porchet / image21.ch
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Retraite: tout sur les retraites des fonctionnaires romands

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Jeudi, 14 Novembre, 2013 - 06:02

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Edito: les inégalités devant la retraite
Retraite des fonctionnaires: privilégiés, mais jusqu’à quand?
Tout sur les retraites des fonctionnaires romands
Témoignages de Georges Maeder (ex-professeur) et de Nicolas Babey (prof au lycée de Porrentruy)
Röstigraben jusque dans le 2ème pilier

TOP 5 DES EMPLOYEURS Les Plus généreux* (voir tableau)

1 Police et prison Genève
Retraite à 58 ans, 75% de taux de rente, 35 années de cotisations.

2 Ville de Genève et SIG
Retraite à 58 ans, 70% de taux de rente, 35 années de cotisations.

3 Communes vaudoises
Retraite à 58 ans, 60% de taux de rente (moyenne des salaires des 36 derniers mois), 36 années de cotisations.

4 Etat de Vaud
Retraite à 58 ou 60 ans (selon la fonction), 60% de taux de rente, 37,5 années de cotisations.

5 Etablissements publics médicaux Genève
Retraite à 60 ans, 75% de taux de rente, 37,5 années de cotisations.


*Chiffres au 31.12.2012


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L'Hebdo / Sources: CIA | CAP | CEH | CP | FPTPG | CPEV | CPCL | CIP | CPPEF | CPVF | PREV.ne | CPVS | CPM | CPB | CPJU | CPVAL | CP Bienne
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Retraite: Les fonctionnaires privilégiés, mais jusqu’à quand?

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Jeudi, 14 Novembre, 2013 - 06:03

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Edito: les inégalités devant la retraite
Retraite des fonctionnaires: privilégiés, mais jusqu’à quand?
Tout sur les retraites des fonctionnaires romands
Témoignages de Georges Maeder (ex-professeur) et de Nicolas Babey (prof au lycée de Porrentruy)
Röstigraben jusque dans le 2ème pilier
 

Fonctionnaires romands. Prendre sa retraite à 58 ans avec des prestations de rêve, c’est encore possible aujourd’hui. Mais pour certains, les conditions vont changer.

A 61 ans, Jean-Pierre Rochat est un homme heureux. Le voilà à la retraite depuis quatre ans, après trente-sept ans et demi d’enseignement.
Cet ancien maître d’école vaudois ne regrette pas ses élèves. «J’ai eu énormément de plaisir à enseigner, mais je suis passé à autre chose sans problème.» Sa nouvelle vie, c’est la lecture, le sport et son mandat de conseiller municipal à la commune de Chavannes-près-Renens, un poste à mi-temps. Privilégié, Jean-Pierre Rochat? «Je suis favorisé, mais je n’ai pas mauvaise conscience. J’ai l’impression d’avoir donné ma vie au service de l’Etat.»

Cet ex-fonctionnaire n’est pas le seul à bénéficier d’une retraite de première classe. Derrière lui, une cohorte de fonctionnaires romands jouit de conditions de retraite à faire pâlir d’envie bien des travailleurs du secteur privé. Les instituteurs et institutrices, mais aussi les policiers et le personnel soignant des établissements hospitaliers de l’Etat de Vaud peuvent s’en aller à 58 ans.

Autre exemple, celui des policiers et gardiens de prison genevois pour qui la retraite sonne à 58 ans en touchant 75% de leur dernier salaire assuré. Il n’y a pas si longtemps encore, ils pouvaient même s’en aller à 52 ans. Mais depuis 2006, l’ordonnance fédérale indique qu’il n’est plus possible de prendre une retraite anticipée avant 58 ans. Les derniers chanceux sont au bénéfice d’un régime de transition. C’est le cas d’Alain Poscia, qui, à 51 ans, est gardien de prison depuis trente ans (lire L’Hebdo du 7 novembre). L’an prochain, à lui la belle vie! Et sans mauvaise conscience. Le Genevois est «content d’arriver au bout» car le métier est dur. Ce gardien chef adjoint touchera une rente mensuelle de sa caisse de pensions d’un peu moins de 7000 francs. Mêmes conditions favorables pour les fonctionnaires des communes vaudoises ou ceux des établissements publics médicaux de Genève. Et que dire des policiers neuchâtelois qui ont entamé une grève des amendes début novembre, car l’Etat veut faire passer l’âge de la retraite de 60 à 62 ans.

Actuaire-conseil chez Aon Hewitt et chargée de cours à l’Université de Lausanne (HEC), Silvia Basaglia comprend que beaucoup de gens soient estomaqués par les privilèges dont bénéficient les fonctionnaires. «Cela d’autant plus qu’en Suisse, parmi les 3,5 millions d’assurés à une caisse de pensions, la moitié ne bénéficie que du plan minimum légal.» L’experte vaudoise explique que le but d’une retraite à un âge jeune se justifie par la pénibilité du travail. «Certains fonctionnaires arrivent à un âge où ils sont censés ne plus pouvoir travailler. Le fait est que l’on en retrouve certains sur le marché du travail, par exemple comme gardiens ou surveillants.»

Des cas exceptionnels, alors que les autres fonctionnaires arriveraient épuisés à la retraite? Directeur général adjoint des Retraites Populaires – gérante des caisses de pensions de l’Etat de Vaud et des communes vaudoises – Alain Pahud ne porte pas de jugement sur les conditions dont bénéficient les fonctionnaires. «L’âge de la retraite est fixé dans la loi sur la caisse de pensions de l’Etat de Vaud. Elle définit un âge de retraite minimum différencié pour les instituteurs et institutrices, ainsi que pour les fonctionnaires de police.» En actuaire averti, il constate cependant «qu’il n’y a pas d’observations statistiques significatives sur le plan de la longévité entre les deux catégories.» En clair, les fonctionnaires qui peuvent partir à la retraite à 58 ans n’ont pas une espérance de vie moindre que tout autre citoyen lambda.

Toujours plus vieux. Et alors? Tant mieux pour eux, serait-on tenté de dire. Après tout, il faut bien offrir de bonnes conditions pour attirer de bons collaborateurs. Comme l’explique Meinrad Pittet, expert fédéral en prévoyance professionnelle, dans son dernier ouvrage*: «Dans le passé, les collectivités publiques ont préféré privilégier la couverture prévoyance, qui équivalait à du salaire différé, donc à des charges budgétaires à long terme, plutôt que les traitements effectivement versés qui grevaient immédiatement le budget de l’employeur.» Un des problèmes, c’est que nous gagnons en moyenne de 2 à 3 mois de vie par année. Les retraités deviennent de plus en plus vieux et ça coûte. Surtout aux actifs. Comme la majorité des caisses de pensions publiques romandes ont un régime en primauté des prestations (voir tableau) et que leurs rentiers reçoivent un pourcentage de leur(s) dernier(s) salaire(s), une partie des cotisations des actifs servent à financer les rentes de ceux qui sont partis à la retraite.

A ce facteur démographique prépondérant, il faut ajouter les dernières crises des marchés (2002 et 2008) qui ont provoqué une baisse des rendements. Et une autre réalité historique, rappelée par le Vaudois Meinrad Pittet: «La plupart des caisses de pensions publiques sont le résultat de fusions d’anciennes caisses de prévoyance qui n’étaient pas équilibrées actuariellement et qui ont laissé à la nouvelle caisse un déficit initial. Par ailleurs, elles ont dû périodiquement intégrer au salaire assuré les allocations de vie chère successives, souvent sans financement suffisant.»

Deux visions qui s’affrontent. Résultat, les caisses romandes de droit public sont montrées du doigt. Alors que toutes celles des cantons alémaniques – sauf Bâle-Ville – sont ou seront passées, dès 2014 voire 2015, au régime de primauté des cotisations, seuls le Valais (en 2012) et le Jura (en 2014) ont décidé de faire le pas.

Début octobre, le gouvernement jurassien a voté une recapitalisation de la caisse cantonale: 40 millions seront pris en charge par l’Etat. Silvia Basaglia: «Le Valais et le Jura donnent un signal assez fort. Mais les autres cantons romands ne sont pas prêts politiquement. En Suisse, deux visions s’affrontent: celle des Alémaniques, plus individualiste et économique, et celle des Romands, plus sociale et collective.» Cela dit, l’experte vaudoise souligne «qu’un plan en cotisation permet d’être plus réactif par rapport aux marchés, de s’adapter plus simplement et facilement».

Chargé du dossier caisses de pensions à Avenir Suisse, Jérôme Cosandey, lui, dénonce: «Les cantons romands ont instauré un vrai système de l’avion! En moyenne, pour les cantons latins, il manque 127 000 francs par assuré (actifs et rentiers). En tête: Genève, avec un trou de 174 000 francs par assuré. Il est suivi par Vaud (139 000 francs), Neuchâtel (129 000 francs), le Jura (103 000 francs), Fribourg (80 000 francs) et le Valais (72 000 francs). La facture sera salée. Qui va payer? Soit les actifs de la caisse, soit les citoyens, par une augmentation des impôts ou des coupes dans le budget dans d’autres domaines. Prendre sa retraite à 62 ans, ça me choque. Surtout lorsqu’il s’agit de financer ce genre de privilège à coups de milliards.»

Les perdants. Evidemment, les caisses publiques romandes n’ont pas attendu les critiques d’Avenir Suisse pour agir. Vice-directrice de l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS), Colette Nova détaille les exigences que les caisses de pensions de droit public doivent remplir en vertu du droit fédéral. Celui-ci exige notamment qu’elles atteignent un taux de couverture de 80% dans quarante ans. «Les caisses ont fait leur devoir et prévu des plans de financement. Il incombe en effet aux collectivités publiques de décider par quelles mesures leurs caisses doivent atteindre l’objectif fixé par le droit fédéral.»

Au programme, notamment, pour 2014: augmentation de l’âge de la retraite, des années de cotisations, de la réduction en cas de retraite anticipée, baisse du taux de rente maximum. Par exemple, dans le canton de Genève, la caisse du canton (CIA) et celle des établissements publics médicaux (CEH) vont fusionner pour n’en faire qu’une. Dès 2014, l’âge de la retraite va passer de 62 (CIA) et 60 (CEH) à 64 ans (mais restera à 61 ans pour les professions pénibles), et le taux de rente maximum (pourcentage du dernier salaire) passera de 75 à 60% pour tous. De même, pour les assurés à la caisse de la ville de Genève et des SIG, l’âge de la retraite passera à 64 ans.

Les gagnants. Les bénis qui échapperont à tous ces changements? Les retraités actuels. Leurs rentes sont intouchables. «Dans leurs comptes annuels, les caisses de pensions pourraient écrire combien les actifs paient de millions de francs pour eux», suggère encore Colette Nova. Les rentiers ne pourraient-ils pas participer à l’effort collectif? Silvia Basaglia: «Lorsque les marchés allaient mal, c’était un grand sujet de discussion. Il est très politique. Et tabou. Pour ce faire, il faudrait changer les lois fédérales. Si nous vivions dix ans de crise des marchés financiers, ce tabou pourrait changer.»

Les vrais punis? Christian Affolter, directeur de la Caisse de pensions du canton du Jura: «Ce sont les fonctionnaires qui ont actuellement entre 40 et 50 ans. Avec le passage au régime des cotisations, ils pourraient voir leurs prestations diminuer entre 10 et 25%.» Ils n’ont en effet plus le temps d’augmenter leur capital épargne (lire témoignages). Plus généralement, Silvia Basaglia explique que ce sont surtout les retraités âgés de 70 à 75 ans, «ceux partis à l’époque où il y avait un très bon niveau de rente initial, avec une garantie d’indexation des rentes, tombée après 2008», qui sont les grands gagnants. «Les 40 à 55 ans, eux, doivent assumer tout ce que n’ont pas assumé ceux qui sont partis à la retraite. Mais qui sait, quelqu’un qui a 20 ans aujourd’hui sera encore moins bien loti…»


* «La prévoyance professionnelle suisse depuis ses origines». Ed. Slatkine, 2013, 491 pages.

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Philippe Huguen / AFP
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