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Vaud, Genève, Valais: le nombre de frontaliers a bien doublé en 10 ans

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Vendredi, 15 Novembre, 2013 - 13:03

Comme L'Hebdo l'annonçait en mai dernier, le nombre de travailleurs frontaliers a bondi. Il a même doublé dans les cantons de Vaud, Genève et Valais depuis l'€™entrée en vigueur de l'€™Accord sur la libre circulation des personnes entre l'€™UE et la Suisse en 2002. Selon une étude publiée vendredi 15 novembre, il est passé de 44'500 à 90'300 en 2012. Parmi ces frontaliers, 98% habitent en France; 72% travaillent sur sol genevois, 25% dans le canton de Vaud et 3% en Valais, a indiqué le Conseil du Léman (CdL) dans un communiqué.

Les articles et les chroniques de L'Hebdo.

Frontaliers, les articles

MCG et LEGA, même combat, par Catherine Bellini (31 octobre 2013)

L'avertissement genevois, par Chantal Tauxe (10 octobre 2013)

Les coûteuses surprises des frontaliers suisses, par Geneviève Ruiz (15 août 2013)

Quand la CGN menace ses usagers, par Linda Bourget (6 juin 2013)

Pendulaires: à la recherche du temps perdu, par Linda Bourget (23 mai 2013)

Frontaliers: nos meilleurs ennemis, par Tasha Rumley (31 août 2011)

Frontaliers soulagés, par Geneviève Brunet (29 juin 2011)

Lobbyiste des frontaliers, par Geneviève Ruiz (20 janvier 2010)

La haine des frontaliers, par Ludovic Chappex (19 février 2009)

Frontaliers, les chroniques

La chronique de Jacques Pilet: rancoeurs entre voisins (10 octobre 2013)

Grâce et disgrâce: défis et casting genevois, par Chantal Tauxe (3 octobre 2013)

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Etienne Delessert
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Hebdo.ch » revue de blogs de la semaine: le prix de l’incohérence

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Jeudi, 21 Novembre, 2013 - 05:40

Il en est presque tombé de sa chaise, Jacques Neirynck. Une lecture attentive du budget 2014 de la Confédération lui a permis de découvrir une perle: l’an prochain, la Suisse louera une douzaine d’avions de combat Gripen, pour un montant de 245 millions de francs. Des modèles dont les performances s’étaient révélées insuffisantes lors des tests opérés par l’armée en 2008. Depuis lors, la firme Saab a promis de développer un nouveau modèle, pour lequel la Suisse s’est portée acquéreur. Mais une question taraude le conseiller national PDC: à quoi sert la location d’appareils existants inaptes à remplir leur mission? «Certainement pas à faire la police du ciel puisqu’ils en sont incapables et que celle-ci est inutile. Dès lors, tout s’éclaire: un appareil inutilisable est l’idéal pour une mission inutile. Pourvu que cela ne coûte pas trop cher. Si on veut! Car 245 millions pour ce décor en trompe-l’œil, c’est un peu démesuré. Et cela s’ajoute aux 300 millions par an versés dans une cagnotte pour acheter  les Gripen définitifs vers 2023. Vraiment beaucoup d’argent. Mais il ne sera pas perdu car les Suédois, bons garçons, vont faire des commandes à l’industrie suisse de l’armement. (...) Cela vient à point nommé pour la Ruag, dont le chiffre d’affaires baisse.»

De l’argent, l’accord de libre-échange avec la Chine pourrait en rapporter beaucoup à certaines entreprises helvétiques. Les exportations vers la deuxième puissance économique de la planète devraient augmenter jusqu’à 67%. Pour Johan Rochel, la signature de cet accord demeure toutefois un sujet ingrat pour les parlementaires fédéraux. «Personne dans le débat – y compris dans les ONG – ne remet frontalement en question l’idée que les échanges internationaux signifient, à long terme, une amélioration du niveau de vie des partenaires. Mais les conditions de ces échanges internationaux posent de nombreux défis. Sous l’angle de l’engagement suisse pour les droits de l’homme, la ratification de l’accord avec la Chine pose un double défi de cohérence. En acceptant de baisser les standards que nous avions nous-mêmes fixés pour l’accord avec la Chine, serons-nous encore crédibles dans une nouvelle négociation? Au sein de la communauté internationale et plus spécialement avec nos partenaires naturels, serons-nous crédibles en défendant les droits de l’homme ici, puis en acceptant des standards affaiblis là?»

Accablé par ses alliés autant que par ses adversaires pour le flou de sa politique économique et une certaine incapacité à décider, François Hollande souffre, sans l’ombre d’un doute, lui, d’un déficit de crédibilité. La semaine dernière, le président français a quand même reçu un soutien de taille, en la personne de l’ancien Prix Nobel d’économie Paul Krugman. Editorialiste, grand amateur de polémique, l’Américain a attaqué publiquement l’agence de notation Standard & Poor’s, à la suite de la rétrogradation de la note de la France. Pour Guy Sorman, cette attaque «s’inscrit en fait dans une longue campagne de Krugman contre les politiques dites d’austérité et pour les politiques dites de relance. (…) Aucun gouvernement ne le suit, sauf en France, mais c’est, dans le cas français, par inadvertance plus que par volonté, et sans résultats probants. On donnera tout de même raison à Krugman sur quelques arguments: les agences de notation n’ont pas fait preuve de grande clairvoyance ces années récentes. Elles n’ont pas vu venir la crise de 2008, et dégrader la note d’un pays ne fait qu’accroître ses taux d’intérêt (…).»

Reste qu’en prenant position pour François Hollande, l’économiste américain suit à la lettre les conseils de savoir-vivre prodigués par Sylviane Roche sur son blog: «Quels que soient le sujet, l’objet, la circonstance, le maître mot est là: ne jamais faire perdre la face à autrui. C’est cela la vraie politesse, et le point d’intersection entre les conventions sociales et le savoir-vivre. Et peut-être la seule règle qu’on puisse se permettre d’appliquer sans réfléchir.»

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economiesuisse: Hensch au gouvernail

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Jeudi, 21 Novembre, 2013 - 05:48

▼Les faits
Dès le mois de mars 2014, le Zurichois Jean-Marc Hensch devient le nouveau directeur d’economiesuisse. Il prend la succession de Pascal Gentinetta à la tête de la Fédération suisse des entreprises. Agé de 54 ans et bilingue, il a travaillé dix-sept ans dans les relations publiques. Depuis 2012, il dirige Swico, Association économique suisse de la bureautique, de l’informatique, de la télématique et de l’organisation. Pascal Gentinetta a démissionné après l’échec de la campagne d’economiesuisse contre l’initiative Minder visant à empêcher les salaires abusifs.

▼Les commentaires
Les commentaires de la presse suisse reconnaissent à Heinz Karrer et Jean-Marc Hensch, respectivement président et directeur d’economiesuisse, un sens aiguisé de la communication. Leur plus grand défi, écrit le Tages Anzeiger, sera de restaurer la confiance avec les Suisses. «Une confiance qui a un prix. Tant que l’économie ne réalisera pas qu’elle dépend de la société et réciproquement, Karrer et Hensch défendront une cause perdue. Les représentants de l’économie suisse doivent montrer qu’ils sont aussi pragmatiques et qu’ils savent à qui ils doivent leur capacité concurrentielle», souligne le quotidien zurichois. «C’est sans doute à l’interne, pour réussir à faire parler une soixantaine de branches économiques, que les communicants devront surtout convaincre», relève Le Temps. Dès lors, écrit la Basler Zeitung, Jean-Marc Hensch, qui est un passionné de Twitter, devra veiller au contenu de ses propres messages. «Ainsi pensent habituellement les journalistes», écrivait-il le 10  août sur Twitter. Un lien renvoyait à la maxime: «Mon opinion est établie, s’il vous plaît ne m’embrouillez pas avec des faits.» Et le journal bâlois de conclure: «Un directeur d’economiesuisse plein d’humour, pourquoi pas? Tant qu’il ne se transforme pas en clown.»

▼A suivre
Avec des dossiers aussi brûlants que les relations Suisse-UE, la libre circulation des personnes, l’immigration et le partenariat social, le duo Karrer-Hensch aura fort à faire pour revitaliser la crédibilité d’economiesuisse dans le pays.

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Musique: le retour de Cantat

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Jeudi, 21 Novembre, 2013 - 05:49

▼Les faits
Dix ans après sa condamnation pour le meurtre de Marie Trintignant, six ans après sa libération conditionnelle, l’ex-Noir Désir Bertrand Cantat sort un nouvel album, Horizons, enregistré avec Pascal Humbert sous le nom de Détroit.

▼Les commentaires
«Il y a quelque chose d’étrange, d’un peu malsain et en même temps d’incroyablement intense à écouter le premier album de Détroit», écrit sur son site l’hebdomadaire belge Le Vif, en soulignant à quel point il est impossible pour l’auditeur de ne pas écouter Cantat sans «interpréter le moindre mot, même chuchoté, au regard de ce qu’il sait ou pense savoir de son histoire et de son passé». Ce que fait justement L’Express: «C’est le cri d’un homme muré dans sa conscience qui résonne dans Horizons, car le disque est un huis clos, un univers cérébral, circulaire et carcéral. Bertrand Cantat opère une longue descente en lui-même pour relater les souvenirs chaotiques qui forment la ronde infernale d’une “âme sans sommeil”.» Le Monde salue de son côté «ce goût pour les réinterprétations assombries des racines américaines – folk, blues, country, rock», tandis que Le Nouvel Observateur qualifie ces nouvelles chansons «de poétiques réflexions souvent teintées de désespoir, qui témoignent du talent d’auteur intact de Bertrand Cantat».

▼A suivre
La sortie d’Horizons fait suite à des mois d’empoignades passionnées entre ceux qui jugent indécent de voir Cantat redevenir un personnage public et ceux qui estiment normal de le voir reprendre son métier. Détroit pourrait même monter sur scène en 2014: on n’a pas fini d’entendre les pro- et les anti-Cantat débattre.

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Prostitution: les ripoux de la Limmat

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Jeudi, 21 Novembre, 2013 - 05:50

▼Les faits
La police a procédé à une grosse intervention à la Langstrasse, la rue chaude de Zurich, arrêtant plusieurs acteurs des milieux du sexe, mais aussi cinq collaborateurs de la police des mœurs. Ceux-ci sont soupçonnés d’avoir fermé les yeux sur certaines pratiques illégales en échange des faveurs de prostituées.

▼Les commentaires
Au cœur du scandale, le Chilli’s Bar, dont le propriétaire incitait les filles à forcer sur la note de la consommation de champagne. Le Tages-Anzeiger a recueilli le témoignage éloquent d’une des victimes, un sexagénaire fêtant son prochain départ à la retraite. Endormi par un somnifère versé dans son verre, il s’est réveillé dans une chambre séparée et a été contraint de signer une reconnaissance de dette de 26 000 francs pour des magnums qu’il n’a jamais pu boire! La police des mœurs est au courant de ce genre d’escroquerie, mais comme la moitié de ses collaborateurs sont des ripoux, elle tarde beaucoup à les réprimer. Cette affaire relance le débat politique sur une éventuelle interdiction de la prostitution: 43 députés des Chambres fédérales y seraient favorables, selon la Schweiz am Sonntag. Dans la Weltwoche, le président de maenner.ch, Markus Theunert, en appelle à plus de sérénité en citant deux chiffres: les Suisses dépensent 3 milliards de francs pour des prestations d’ordre sexuel, ce qui fait 3000 francs par homme adulte.

▼A suivre
Que la justice veuille faire toute la lumière sur cette affaire de corruption est rassurant. Que le monde politique en profite pour se donner bonne conscience plutôt que de tenter de résoudre les vrais problèmes qu’elle soulève l’est en revanche beaucoup moins.

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Présidentielle chilienne: Un second tour 100% féminin

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Jeudi, 21 Novembre, 2013 - 05:51

▼Les faits
Grande favorite de l’élection présidentielle chilienne, la socialiste Michelle Bachelet est arrivée, dimanche 17 novembre, largement en tête du premier tour avec 46,7% des voix. Celle qui avait déjà été à la tête du pays entre 2006 et 2010 affrontera au second tour Evelyn Matthei, la candidate de la coalition de droite sortante, qui a remporté 25% des suffrages.

▼Les commentaires
Pour le journal péruvien El Comercio, «les conservateurs chiliens savaient bien que cette élection était perdue d’avance même si la débandade annoncée a été moins catastrophique que prévu». «L’ouragan Bachelet n’est finalement pas passé», se désole El Mostrador, persuadé que la socialiste allait être élue au premier tour. Le quotidien en ligne constate que «le triomphe de l’ancienne présidente est quelque peu amer. Même si Michelle Bachelet a obtenu le double des suffrages de sa rivale de droite, personne n’a débouché une seule bouteille de champagne.» Le Washington Post note finalement que «ce second tour 100% féminin, inédit dans l’histoire du pays, verra s’affronter deux candidates qui se connaissent depuis l’enfance puisqu’elles sont toutes deux filles de généraux, qui ont choisi des camps opposés il y a quarante ans».

▼A suivre
Le second tour du scrutin aura lieu le dimanche 15 décembre. Si la victoire semble promise à Michelle Bachelet, sa marge de manœuvre sera toutefois limitée une fois au pouvoir. La coalition de gauche a en effet obtenu une courte majorité lors des élections législatives et sénatoriales partielles, également organisées dimanche dernier.

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Stephen King, roi de Paris et du monde

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Jeudi, 21 Novembre, 2013 - 05:53

Marketing éditorial.La semaine triomphale de Stephen King à Paris à l’occasion de la sortie de «Docteur Sleep» confirme que la star de la littérature mondiale, c’est lui.

«Je ne peux pas vous dire ce que je vais faire à Paris! Mais je suis ce que je suis: je vais aller au cimetière, voir Oscar Wilde et Jim Morrison!» Mardi 12 novembre, 16 h 30. Stephen King, dont la première nouvelle publiée dans un fanzine d’honneur s’intitulait J’étais un adolescent pilleur de tombes, conclut la conférence de presse qu’il vient de tenir devant 300 journalistes de la presse mondiale conviés par l’European American Press Club de Paris à l’Auditorium, avenue Pierre-Ier-de-Serbie.

La plus grande star actuelle de la littérature mondiale est arrivée la veille pour une semaine de promotion: si la sortie de Docteur Sleep, suite très attendue de son best-seller Shining, paru il y a trente-cinq ans, est un événement en soi (paru en Amérique en octobre, le roman s’est placé directement à la première place de la New York  Times Best Sellers List), les six jours passés en France le sont encore plus. King n’est jamais venu en Europe, malgré les fan-clubs hyperactifs et les tirages phénoménaux de ses livres. La visite s’est décidée en juin. «Chaque année, nous lui faisons la proposition, explique Florence Godfernaux, responsable de la communication chez Albin Michel. Ce n’était jamais le moment. Cette année, ça l’était.» Il dort au Bristol, confirme-t-elle, suppliant qu’on ne l’écrive pas avant son départ.

Ruée. A son arrivée à l’European American Press Club, c’est la ruée des photographes et cameramen. On n’a pas vu une telle affluence de journalistes français et de correspondants étrangers depuis Colin Powell lors de la première guerre du Golfe. Il plaisante. «C’est agréable de se prendre pour Justin Bieber.» Le King est interrogé par Christian Malard de France 3 et Jim Bittermann, correspondant européen de CNN.

L’écrivain aux 350 millions de livres vendus a une actu chargée. Outre la sortie de Docteur Sleep, celle de La clé des vents chez J’ai Lu, 8e tome de la série La tour sombre, le lancement de la série produite par Spielberg Under the Dome sur M6, adaptée de son roman Dôme et déjà vendue dans 200 pays, une nouvelle adaptation de Carrie au cinéma, la commémoration de l’assassinat de JFK sur lequel il a publié 22/11/63. En jeans, canette de Coca Light à la main, le sexagénaire prévient: «Ne me demandez pas d’où viennent mes idées, je ne sais pas.»

Dans la salle, des journalistes russes, espagnols, chinois, suisses ou italiens, des écrivains fans comme Hélène Frappat, l’auteure de Lady Hunt, qui voudrait parler poésie avec King, la star du suspense française Maxime Chattam, Bernard Werber en personne, le fondateur du Club Stephen King de France, Emilie Fleutot, la responsable du site concurrent, Stephen King France. «Quel autre écrivain suscite aujourd’hui dans le monde le même engouement, le même battage médiatique? J. K. Rowling, et encore… Sa venue est unique. Je suis très émue.»

Durant nonante minutes, Stephen King, résident de Bangor dans le Maine, l’un des écrivains les mieux payés au monde, qui aurait gagné 20 millions de dollars de juin 2012 à juin 2013 selon Forbes et amassé 400 millions de dollars depuis ses débuts, enchaîne les bons mots. Le succès? «J’ai réussi au-delà de mes rêves les plus fous.» La nouvelle adaptation de Carrie? «L’histoire plaît parce qu’elle a toutes les qualités du conte de fées. Mais Carrie, sauvé de la poubelle par ma femme, est surtout mon premier beau souvenir d’écrivain. J’ai réussi à faire pleurer ma femme de joie en recevant ma première somme d’argent importante pour ce livre.» Les lecteurs: «Mes lecteurs me suivent et j’en gagne sans cesse de nouveaux. C’est chez les 15-30 ans que j’ai ma plus grande audience. A 60 ans, on fait face à la vraie horreur, au cancer, au vieillissement, à la mort. A mon âge, j’ai peur de l’alzheimer, de décliner. Et de la foule!» Un journaliste de China Press: «Si vous aviez un superpouvoir, ce serait lequel?» «Celui de retrouver les choses que je perds! Surtout mes clés et la moutarde dans le frigo…»

Timide. Mercredi 13, 13 heures. Séance de dédicace au MK2 Bibliothèque. Depuis la veille, des fans anglais et italiens campent sur l’esplanade; 3500 personnes battent le pavé; 300 auront leur dédicace. King arrive avec son garde du corps, jeans et canette de Pepsi à la main, prend dans ses bras une jeune fille en larmes. Les télévisions filment à tour de rôle une brunette qui a le visage de King tatoué sur le bras. Les hôtesses portent le t-shirt «Stephen King Docteur Sleep Paris Tour 2013» fabriqué par Albin Michel. Il signe à la chaîne, sourit, plaisante.

A 15 heures précises, il sort sur l’esplanade saluer les fans qui attendent toujours, repart avec son assistante personnelle, Marsha DeFilippo, et son agent, Chris Lotts. Le soir, interview et reportage au JT de 20 heures sur TF1 présenté par Gilles Bouleau. Jeans, chemise à carreaux pour King. «Je suis timide, je travaille beaucoup et j’ai honte de ne pas parler votre langue. C’est pour cela que je ne suis jamais venu avant.»

Jeudi 14 novembre, 20 h 30. Enregistrement, en direct, de l’émission littéraire La grande librairie présentée par François Busnel. S’il a écrit Docteur Sleep, c’est que Danny Torrance, le jeune héros de Shining, n’a «jamais» quitté son esprit. «Après avoir eu un père abusif et alcoolique, après avoir croisé des fantômes dans ce fameux hôtel, il s’en va avec sa mère. Les lecteurs me demandaient ce qu’il était devenu. Ils me disaient que Shining leur avait donné la plus grande peur de leur vie. Ils oublient que souvent, ils l’ont lu ados, ils étaient des proies faciles pour la terreur! C’est un défi de leur proposer une suite. Mais je voulais voir si Danny s’en sortait mieux que son père.» Les héros enfants, si nombreux dans son œuvre? «Ils sont le symbole vivant de l’imagination. Nous autres artistes avons le droit de continuer à jouer. J’aime me souvenir de ma part d’enfance.»

Image. C’est Albin Michel qui a choisi les rendez-vous médias sur la base d’un cadre défini par l’équipe de King: une conférence de presse, une couverture de magazine, trois rendez-vous presse. «Il s’agissait de ne pas se tromper en termes de supports, commente Florence Godfernaux. Comme il n’était jamais venu, j’ai choisi trois rendez-vous audiovisuels pour donner accès au plus grand nombre. Mais du qualitatif: TF1 évidemment, mais aussi La grande librairie en négociant une présence de King seul, et la Matinale de France Inter pour qu’on l’entende dans un registre large. Pour la une, nous avons travaillé avec Télérama: je souhaitais un support culturel. C’est à mon sens un écrivain littéraire majeur, pas seulement un people et un écrivain de genre. Cette semaine a été une belle occasion de travailler son image.»

Vendredi 15 novembre, 8 heures. King arrive dans les studios de France Inter pour une demi-heure de direct dans Le 7/9 de Patrick Cohen. «A quoi ressemble ma journée? Je me lève, je prends le petit-déjeuner, je promène le chien, je donne à manger au chat. Vers 7 h 30, je vais à mon bureau, à quelques centaines de mètres de la maison, je fais du thé, je relis la feuille écrite la veille, je démarre lentement, puis je vois l’histoire continuer, je vis une sorte de transe. Je reviens à la vie normale en marchant vers la maison, en fin de journée, en retrouvant ma femme qui m’envoie faire les courses.» Une famille où l’écriture se pratique en commun: sa femme Tabitha a signé huit romans, deux de ses trois enfants, Joseph (alias Joe Hill) et Owen, sont aussi écrivains, ainsi que sa belle-fille, Kelly.

Rock. Peu avant 13 heures, il arrive dans les studios de Radio France pour une heure de direct sur la radio musicale des 18-35 ans Le Mouv’. Le rendez-vous est organisé par J’ai Lu, qui publie la série fantastique de King La tour sombre. King porte un t-shirt orange «The Dark Tower». Cela fait quarante ans qu’il a commencé à raconter les aventures de Roland de Gilead, mélange de chevalier errant et marshal de Far West. L’émission commence au son des Ramones. «J’adore les Ramones! Parlons musique! Personne ne bat AC/DC. Mais plus je vieillis, plus je m’intéresse à la country. Connaissez-vous le merveilleux James McMurtry?»

Samedi 16 novembre. Sobre depuis la fin des années 80 après des années de dépendance à l’alcool, il déjeune incognito au restaurant Le Jules Verne, à mi-hauteur de la tour Eiffel, avec son agent et son assistante Marsha. Le soir, grande rencontre avec 2800 lecteurs au mythique Grand Rex, animée par le journaliste de Canal +Augustin Trapenard et l’écrivain maison Maxime Chattam. Au balcon, Joann Sfar, Francis Esménard, patron d’Albin Michel, qui l’était déjà lorsque Ivan Nabokov lui amena King de chez Lattès au début des années 80.

Bambi. Les places à 30 euros sont parties en quelques jours. Elles donnent droit à un exemplaire du livre, et une centaine d’exemplaires présignés sont distribués au hasard. Sur scène, deux canapés rouges. Standing ovation à son arrivée. Augustin Trapenard: «Vous n’en avez pas marre de faire peur à tout le monde?» Stephen King: «J’ai un cadeau pour vous. Fermez les yeux!» Il sort un serpent en plastique. Augustin sursaute. King pouffe. Maxime Chattam rejoint la scène. «Vous avez fait de moi le romancier que je suis. Merci!»

Dans la salle, les lecteurs agitent le bras pour avoir le micro. Lou, 16 ans: «Vous parler est le plus grand moment de ma vie. Détestez-vous tous vos personnages de méchants?» «Je ne peux pas seulement les détester, je dois vivre avec eux quelque temps. Dans le fond, Annie Wilkes de Misery ne souhaite qu’une chose, c’est un livre qui lui plaise!» Léo, 18 ans: «Quels films vous ont inspiré?» «Le bon, la brute et le truand de Sergio Leone, Les diaboliques de Clouzot. Et Bambi. Ne riez pas! Disney a effrayé dix fois plus d’enfants dans le monde que moi! Dans Bambi, le moment qui m’a marqué à vie est celui où sa maman lui répond, alors qu’il lui demande, paniqué, ce qui se passe en entendant les premiers coups de fusil: “L’homme est entré dans la forêt.” J’ai compris alors que pour Bambi, les monstres, c’était nous!»

22 heures. King lit les premières lignes de Docteur Sleep, esquisse une révérence, puis traîne son mètre 93 hors de scène. «Thank you. You’ve been a wonderful audience.»

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Le long, le court et la nuque des filles

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Jeudi, 21 Novembre, 2013 - 05:54

Coupe.Les ados romandes ont les cheveux uniformément longs. Mais où sont les rebelles de la mèche? A Ryad.

C’est une jeune sirène brune de mes amies. Il y a cinq ans, elle a coupé ses cheveux, tout court. «Suite à une rupture», un grand classique. «Mes copines m’ont dit: c’est joli, mais je n’oserais jamais.» Elle, elle s’est sentie à la fois «libérée et dépouillée de quelque chose», éjectée hors d’un cocon protecteur, condamnée à se forger une «prestance». «Regarde dans la rue: les filles aux cheveux courts ont une attitude, ce sont les plus intéressantes…»

(Re)naissance d’une norme. Je regarde, je ne vois rien: dans les rues de Suisse romande, les filles ont toutes les cheveux longs. Chez les ados, c’est du 95% (estimation à l’arrache, en l’absence de statistiques officielles). Mon coiffeur dépité confirme: «Elles ne viennent plus, même la teinture, elles la font entre elles.» La coupe courte n’apparaît qu’avec l’âge et se généralise chez les retraitées comme le choix de la raison. Elle-même, la sirène lausannoise qui avait osé, a laissé repousser sa crinière de jais: «Les cheveux longs, c’est tellement associé à la féminité…»

Et la nuque de lys de Jean Seberg, la mutine frangette de Mia Farrow, c’était quoi, masculin? Et le triangle aguicheur sur l’oreille de Cristina Cordula, relookeuse sur M6, c’est disgracieux, peut-être? Sa carrière de mannequin a décollé, raconte-t-elle, quand elle a coupé ses cheveux. Celles qui misent sur le court séducteur sont l’excitante exception.

Il faut avoir quelques kilomètres au compteur pour percevoir cette évolution du sens commun esthétique: à la fin du siècle dernier, les filles de 18 ans arboraient une grande variété de longueurs de cheveux. Aujourd’hui, la variété est l’apanage des garçons: le cheveu long féminin est devenu la norme, voire l’uniforme.

Il faut avoir un brin voyagé pour se dire: c’est un peu comme à Beyrouth ou à Delhi. Des villes pleines de nanas actives et puissantes. Mais où «pour une femme, quand même», le cheveu long reste une règle quasi inviolée.

Pendant ce temps, à Ryad. Et maintenant, devinette. Dans le livre Jeunesses arabes*, la chercheuse française Amélie Le Renard nous présente des violeuses de règle: ce sont les buyas, cheveux courts, chemise d’homme et piercing à l’oreille. Où sont-elles? A Koweit City, Abou Dabi, Ryad. Sur le campus de l’Université Roi Saud de la capitale saoudienne, l’entrée est interdite aux hommes, ce qui permet aux étudiantes de circuler tête nue, raconte la chercheuse. Le style buya y est «très répandu et visible». Davantage, en somme, que le cheveu court sur un campus romand.

Buya vient de boy. Chez les Saoudiennes, le cheveu court peut aller de pair avec des choix amoureux lesbiens, ou pas. Les indociles capillaires arabes expriment d’abord leur révolte contre un «modèle dominant de féminité» particulièrement étouffant. Des «garçonnes», en somme, comme l’Europe en a connu dans les années 1920: à la fois membres de la troupe d’élite de l’émancipation féminine, affoleuses de masculinité et prescriptrices de style. Longue vie aux buyas et à leurs mèches rebelles.

Mais chez nous? Coiffeuse et conseillère en look à Lausanne, Rose Freymond prédit une longue vie au cheveu long. Toutes les Miss Suisse et les Miley Cyrus du monde n’y pourront rien, dit-elle, la longueur, «plus flatteuse et facile d’entretien» est en train de s’imposer même chez les quadras.

Mais pourquoi cette uniformisation capillaire? Parce que les femmes ont gagné leur combat pour l’égalité, dit la coiffeuse, plus besoin de se déguiser en petit soldat aux cheveux courts: elles veulent être à la fois «fortes et féminines».

C’est bien ce qu’on vous disait: dans l’après-guerre des sexes, le long et le féminin sont redevenus implicitement synonymes. Mais, minute: la nuque de Sylvia Kristel-Emmanuelle, courbée devant son seigneur et maître, c’était peut-être une nuque de combat?

Notez, c’est beau, les cheveux longs. Ce qui est un peu inquiétant, c’est la perte de diversité. Merci à Cristina Cordula, Miley Cyrus et Miss Suisse d’incarner cette idée forte: la féminité, c’est merveilleusement complexe.

* «Jeunesses arabes». Sous la direction de Laurent Bonnefoy et Myriam Catusse. La Découverte, 374 p.

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L’eurosceptique repenti

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Jeudi, 21 Novembre, 2013 - 05:55

Union européenne.Dans un flamboyant plaidoyer en faveur de l’UE, l’écrivain autrichien Robert Menasse fait le procès du Conseil des ministres, «une institution soumise aux intérêts nationalistes qu’il faudrait abolir».

Au-dessus du chœur des lamentations europhobes, une voix s’élève. Elle tranche par rapport à tous ceux qui prédisent des lendemains d’apocalypse à l’Union européenne (UE). C’est celle de l’écrivain autrichien Robert Menasse, récent auteur d’un essai sur l’UE déjà couronné par trois prix. En tournée en Suisse alémanique cette semaine, il prend la défense du projet européen, démolit un à un tous les clichés en vogue dans les milieux souverainistes et en appelle à une autre Europe, celle d’un «continent sans nations, une association libre de régions affranchies d’un fort pouvoir centralisateur».

Au cœur du monstre. A vrai dire, Robert Menasse n’avait pas du tout cette idée-là en tête en louant un appartement dans le quartier européen de Bruxelles en pleine crise de l’eurozone en 2011. Il imaginait plutôt écrire un roman brocardant les eurocrates de service hantés par l’obsession de tout réguler. Mais en pleine immersion au cœur du «monstre», Robert Menasse avoue humblement avoir dû réviser son jugement.

Ces fonctionnaires qu’on lui décrivait arrogants, pointilleux voire paresseux, il les a découverts «compétents, ouverts et très qualifiés», œuvrant au sein d’une administration «svelte et efficace».

Là n’était donc pas le problème. L’essayiste l’a déniché du côté du Conseil des ministres, cette institution où chaque chef de gouvernement s’arc-boute sur ses intérêts nationalistes. «Il faudrait abolir ce Conseil des ministres», confie Robert Menasse à L’Hebdo. Dans le dossier des réfugiés qui meurent au large de la Sicile, ce Conseil se montre aussi «cynique que criminel» en refusant de mettre sur pied une politique de l’asile cohérente et solidaire. «Je rêve de voir tous les ministres de l’Intérieur de l’UE traduits devant un tribunal international», lâche-t-il.

En attendant cette Europe «post-nationale» qu’il appelle de ses vœux, Robert Menasse souhaite renforcer le pouvoir de la Commission et celui du Parlement. Au terme de son séjour bruxellois, il ne partage pas du tout le pessimisme ambiant des eurosceptiques. «J’ai pu constater que l’influence de trois institutions croît au sein de l’UE: le Parlement, la Cour européenne de justice et la Cour des comptes, à savoir la démocratie, la sécurité du droit et le contrôle du budget.» Plutôt rassurant, non?

Et la Suisse dans tout cela? L’écrivain autrichien s’abstient de tout conseil. «Qu’elle s’informe, sans préjugés», déclare-t-il. A certains égards, notre pays est en avance sur l’Europe: «La Suisse applique le principe de la subsidiarité de manière remarquable avec de larges compétences accordées aux cantons, ce qui relativise le pouvoir fédéral. De plus, elle respecte ses minorités en les considérant de surcroît comme une richesse», note-t-il.

L’accès à la cuisine. Mais à d’autres égards, la Suisse retarde par rapport à l’UE: «En suivant la voie bilatérale, elle croit à tort qu’elle peut choisir ce qu’elle veut dans le menu européen. Cette voie n’a pas d’avenir, car elle ne donne pas accès à la cuisine, elle ne permet pas de participer aux décisions communautaires.» Autre erreur de raisonnement commise par la Suisse: «Après avoir conclu tant d’accords avec l’UE, ses liens avec Bruxelles sont si ténus que si l’Europe traverse une crise, la Suisse en souffrira aussi, même en n’étant pas membre de l’Union», ajoute-t-il.

Cela dit, Robert Menasse ne parle pas de la Suisse dans son livre. Son propos, c’est l’Europe, ce continent qui a su jusqu’à présent tirer les leçons de son histoire sanglante. Une Europe aussi dont il refuse de dramatiser les problèmes: «Le déficit de la Grèce reste dérisoire par rapport à celui d’un Etat américain comme la Californie.»

* Robert Menasse: «Der Europäische Landbote». Editions Zsolnay (en allemand).
 

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Élisabeth Lévy, causeuse «pas de gauche»

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Jeudi, 21 Novembre, 2013 - 05:55

L’emmerdeuse.A la tête de «Causeur», magazine qui a provoqué controverse avec  son «Manifeste des 343 salauds», elle revendique une pensée libre.

Une pétroleuse. Le genre de fille avec jerricane d’essence et phrases allumettes, capable de vous transformer le briefing d’une rédaction en bataille rangée, hurlantes et claquages de portes. Le genre de fille qui ne s’en excuse jamais: elle demeure de celles qui voient la vie dans le conflit, l’éblouissement dans la polémique. Depuis trois semaines, elle est servie, Elisabeth Lévy, fin de quarantaine sexy, yeux bleu-vert comme deux lampes-torches qu’elle vous balance dans la gueule, gouaille parigote et verbe fort.

Elle est servie parce que le «Manifeste des 343 salauds» (lire L’Hebdo du 7 novembre), publié par le magazine Causeur, et qui entend s’élever contre la pénalisation des clients de la prostitution, a mis – comment écrire ça avec nuance? – un bordel intégral, quasi international. On ne parle bientôt que de ça, de Paris à Berne en passant par Stock­holm: interdire ou non, pénaliser ou non le travail des filles de joie ou leur clientèle?

Lazzis et insultes. Miss Lévy, à la tête de la rédaction du mensuel Causeur, a tout entendu depuis quelques jours. Les lazzis des féministes historiques (échauffées par la référence sacrée aux 343 «salopes» luttant pour l’avortement dans les seventies), les cris de la gauche au pouvoir (en plein projet abolitionniste de la prostitution), les rétractations molles du slip de certains signataires fameux (Nicolas Bedos, ridicule), et les insultes en prime. «Sur un site, je me suis fait traiter de «merde déguisée en jolie fille»; au moins, il y avait un peu de positif. J’étais plus choquée par ceux qui ont qualifié le journal de foyer microbien.»

Elle vous dit ça derrière un coup de rouge, dans ce restaurant italien du VIe parisien où elle vous a donné rendez-vous. Durant un moment, la conversation vire anciens combattants: Elisabeth Lévy connaît bien la Suisse, elle y a travaillé à Lausanne, au sein de la rédaction du Nouveau Quotidien (l’ancêtre canaille du Temps) entre 1993 et 1995, et fit ensuite quelques piges pour L’Hebdo. «J’en garde un très bon souvenir, et je ne suis pas de ces Français qui ironisent sur la Suisse. J’y ai côtoyé des gens formidables. D’autant que le NQ, ce n’était pas tout à fait la Suisse. Je saute sur chaque occasion de revenir voir des potes. Un journaliste comme Alain Campiotti, qui dirigeait la rubrique étrangère, est l’un de ceux qui m’ont appris à penser: c’est-à-dire à penser par moi-même.»

Sur le mont Igman. C’est durant un reportage dans la Bosnie en guerre pour le quotidien romand qu’elle rencontre pour la première fois le philosophe Alain Finkielkraut, demeuré un ami proche: «Nous étions au sommet du mont Igman, au-dessus de Sarajevo, pour une interview. On s’est tout de suite entendus, sans forcément être d’accord.»

Voilà le truc, le seul à connaître. Pour supporter Elisabeth Lévy, pour tenir ses nerfs, autant le savoir d’entrée, et prendre régulièrement une grande respiration: ne pas suivre «la pensée dominante», ne pas être d’accord, y compris avec ses collègues et amis, fait intrinsèquement partie de sa manière. Elle en a d’ailleurs fait le slogan de Causeur.

Ses parents sont des Français d’Algérie, juifs nés au Maroc. Père médecin, mère pharmacienne. Elle est venue au monde à Marseille, mitan des sixties, enfant du milieu entre une grande sœur et un petit frère. Adolescence passée dans les livres, partout et tout le temps, table familiale où l’on remettait le couvert à coups d’engueulades régulières sur la politique et le reste, notamment avec son père. Après ses études, Elisabeth Lévy tente le concours chic de l’Ecole nationale d’administration, l’ENA, mais ne réussit pas. «J’aime profondément la France, l’idée de la France, la République, la laïcité, la démocratie. J’avais déjà envie de défendre ça.»

Finalement, elle se décide pour un stage de journalisme à l’Agence France-Presse, en 1987, où elle gagne ses premiers galons d’emmerdeuse: «Tous les matins, je faisais le tour des bureaux, demandant et insistant pour avoir quelque chose à faire.» Un mélange de chienne de chasse et de séductrice bavarde, le cocktail est rare et efficace, elle se fait vite remarquer. «Je crois vraiment que mon principal talent, c’est les gens que j’ai pu rencontrer.» Elle cite l’essayiste Philippe Muray, ou Philippe Cohen, collègue qui vient de décéder et qu’elle fréquenta en travaillant autrefois pour l’hebdomadaire Marianne.

Bande hétéroclite. Elle a ainsi peu à peu formé dans Paris un genre de bande, hétéroclite, émargeant tous azimuts: Eric Zemmour ou Finkielkraut, Franz-Olivier Giesbert (le directeur du Point) ou Frédéric Beigbeder (qui lui a soufflé l’idée du manifeste des «salauds»). Elle parle volontiers à ceux qu’elle combat, trouve qu’il est important d’interviewer Marine Le Pen. «Je suis d’une grande logique dans la discussion. J’aime aller au bout des raisonnements, c’est aussi pourquoi je donne l’impression de m’imposer parfois en force quand je débats. Je n’ai pas peur de la castagne. J’aime essayer de faire entrer du grésillement dans le consensus. Et quand j’interroge Marine Le Pen dans Causeur, ma première question, c’est: vous dites: “On n’est plus chez nous.” C’est qui “on”, et c’est qui “nous”?»

Quand on cherche à la classer à droite (au choix, pour ses adversaires: réac, facho, crypto lepéniste, identitaire, assimilationniste, etc.), elle se cabre. «Je ne suis pas de gauche, c’est vrai. C’est la seule étiquette que je revendique. Mais quand j’écoute Zemmour sur l’avortement, je me sens de gauche, les choses sont plus nuancées que les étiquettes.»

Ce qui la rend folle, c’est ce qu’elle appelle «le camp du bien». Une posture centre gauche bien-pensante, souvent, et sûre d’avoir raison, tout le temps. Alors elle agace, sans relâche. Elle en a aussi fait un livre en 2002, Les maîtres censeurs (Lattès). Côté vie privée, pas mariée, pas d’enfant par choix, amours compliquées, un goût pour les hommes qui séduisent, et un sens de la formule qui tue: «Je refuse de vivre dans un monde où les hommes ne seraient plus des obsédés sexuels.»

Bonne cliente. Devenue bonne cliente radio-télé, toujours prête sur les plateaux (Giesbert autrefois, RTL, Taddeï) à la bagarre idéologique sur les sujets qui fâchent («un demi-Xanax avant une émission, tout de même. Et, ces temps-ci, parfois un entier»), elle est désormais la directrice de la rédaction de Causeur. Lancée comme un site internet en 2007, avec 4000 abonnés, la plateforme est devenue mensuel papier en kiosque depuis avril 2013. On y croise par exemple les plumes de Roland Jaccard ou de Basile de Koch, ou Finkielkraut, dans un univers idéologique qui penche quand même le plus souvent à droite, tendance libres penseurs. L’actionnaire de référence, Gérald Penciolelli, tenta brièvement durant les années 90 de faire de Minute une sorte de Canard enchaîné de droite: info, humour, provoc. Mais ça ne marcha pas.

Causeur renouvelle ainsi le genre, débats forts et pimentés, polémiques, ton très éditorialisant, avec désormais entre 10 000 et 15 000 ventes par numéro («il nous en faudrait 20 000 régulièrement pour respirer vraiment»). Mais Elisabeth Lévy se marre: «Au fond, on n’a pas un rond pour la promo. Alors ce buzz autour des “salauds” et de notre cover “Touche pas à ma pute!”, que cela serve au moins à ça.» Elle vous embrasse façon femme pressée. Elle s’en va en marchant très vite.

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Roberto Frankenberg
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Le pouvoir veut mettre la presse au pas

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Jeudi, 21 Novembre, 2013 - 05:56

Grande-Bretagne.La création d’une charte de régulation des médias provoque l’indignation des journaux, surtout les plus populaires. Inquisition gouvernementale ou nécessaire correction de méthodes brutales pour obtenir des informations?

Un retour au Moyen Age. Voilà comment la presse britannique voit la création d’une nouvelle charte de régulation des journaux, en premier lieu populaires. Cette instance est en effet un héritage des siècles obscurs, où un conseil de sages s’appuyait sur la royauté pour réglementer tel ou tel domaine. Ce qui inquiète surtout la presse d’outre-Manche, c’est de voir son pouvoir tomber entre les mains des politiques. Et d’être exposée à des amendes exorbitantes (jusqu’à un million de livres sterling) et des droits de réponse bien visibles en cas d’infraction à la charte royale. L’organe régulateur serait ainsi une menace directe contre la liberté de la presse.

A part de rares exceptions comme le Guardian, les éditeurs du pays s’y opposent violemment, proposant leur propre dispositif de surveillance. En d’autres termes, une version améliorée d’un conseil de la presse qui a longtemps exercé son maigre pouvoir sur les journaux.

La reine a apposé son paraphe sur la charte fin octobre dernier, au moment même où commençait le procès-fleuve de huit personnes, pour la plupart des journalistes. Ils sont accusés d’avoir recouru à des écoutes téléphoniques illégales pour obtenir des scoops, d’avoir corrompu des policiers et des gardiens de prison et d’avoir harcelé des vedettes aussi bien que des anonymes. Le premier tabloïd britannique, le Sun, propriété du groupe de Rupert Murdoch, est le plus visé par la procédure. Son édition dominicale, News of the World, l’était aussi. Mais l’hebdomadaire a été fermé par Murdoch lorsque le scandale a éclaté en 2011, grâce aux révélations du Guardian.

Perte de confiance. Dans le tribunal de l’Old Bailey à Londres, deux personnalités risquent plusieurs années de prison. Rebekah Brooks, ex-directrice de News International, la division britannique du groupe de Rupert Murdoch. Et Andy Coulson, patron de News of the World avant de devenir le directeur de la communication du premier ministre David Cameron (il a depuis lors démissionné). Rebekah Brooks était elle aussi une proche du pouvoir conservateur. Ces accointances révélées au grand jour n’ont fait qu’aggraver le haut-le-cœur des Britanniques devant les révélations sur les pratiques brutales de leurs tabloïds. Dont l’écoute par News of the World de la messagerie du téléphone d’une adolescente assassinée.

Cette perte de confiance intervient au plus mauvais moment pour les journaux populaires. Concurrencés par l’internet, secoués par les scandales, les tabloïds naguère encore triomphants voient leurs tirages baisser. En cinq ans, le Sun est passé de 3,2 à 2,2 millions d’exemplaires. Son concurrent le Daily Mail a chuté de 2,3 à 1,8 million pendant la même période.

Les politiques, qui se gardaient bien de réagir lorsqu’ils étaient attaqués par la presse, rendent désormais les coups. Ed Miliband, le responsable du Parti travailliste, a vivement réagi aux récents articles du Daily Mail qui mettaient en doute le patriotisme de son père, juif belge d’obédience marxiste qui avait trouvé refuge en Angleterre pendant la dernière guerre. Le Daily Mail a réagi par d’autres articles sur le même thème au droit de réponse d’Ed Miliband. Mais le tabloïd a fini par s’excuser.

Il n’empêche: où se situe la frontière entre la nécessaire correction des excès de la presse populaire et l’envie des politiciens de purger un pouvoir considéré comme trop insolent, dont la totale liberté est garantie depuis 1695? Pour le journal en ligne Spiked, la nouvelle charte royale équivaut à une inquisition gouvernementale. Le plus grand danger est d’«aseptiser» les journaux, voire de les «lobotomiser». Pour Spiked, la charte «rappelle irrésistiblement les méthodes autocrates et opaques du Moyen Age, époque durant laquelle le terme de démocratie était un gros mot». Résultat, demain, «l’Etat “soutiendra” une presse libre comme la corde “soutient” un pendu».

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Marcus Wallenberg: "Un non au Gripen ne mettrait pas Saab en péril"

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Jeudi, 21 Novembre, 2013 - 05:57

CONTRAT MILITAIRE: Le président du groupe suédois SAAB s'investit pour défendre ses avions de combat que Berne veut acquérir. Et contre lesquels un référendum est lancé.

Propos recueillis par Yves Genier et Alain Jeannet

Comment suivez-vous le débat helvétique sur l’achat de 22 avions de combat Gripen construits par Saab, que vous présidez?
L’achat de ces 22 appareils est d’abord une décision suisse. Ce n’est pas à Saab de déterminer ce qui est bon pour votre pays, même si nous sommes bien sûr très heureux que vous ayez choisi le Gripen. Mais nous avons un respect total pour le processus suivi en Suisse. Et nous sommes heureux des coopérations industrielles que nous avons établies avec des entreprises helvétiques.

Le débat a aussi été vif en Suède l’hiver dernier, quand l’Etat a voulu acquérir 60 appareils de nouvelle génération. Quel a été l’argument décisif qui a emporté la décision?
Ce n’est pas à moi que vous devriez poser la question, mais plutôt aux autorités suédoises! Je pense que la décision a été prise en raison de la nécessité d’adapter la flotte militaire aérienne aux derniers développements technologiques, comme chaque pays doit le faire.

Comprenez-vous les arguments des opposants suisses qui estiment que l’acquisition du Gripen serait inutile, car la mission qu’il devrait assurer, la police de l’air, pourrait l’être avec la flotte existante?
Vous tentez vraiment de me mettre à la place des Suisses! Les forces aériennes helvétiques ont procédé à des examens très sévères de leurs besoins futurs. Après avoir pondéré les aspects technologiques, militaires et de coûts, elles sont arrivées à la conclusion que le Gripen répondait le mieux à leurs exigences. De manière générale, je constate que les forces aériennes ont joué un rôle central dans les conflits armés de ces dernières années. Mais c’est aux Suisses d’identifier leurs besoins précis. Nous proposons simplement un appareil de très haut niveau à un coût relativement modeste. Ce dernier aspect devient toujours plus important au moment où les budgets militaires se réduisent. De plus, la Suisse et la Suède ont des expériences similaires en matière de politique de neutralité, ce qui joue un rôle important dans les relations entre nos deux pays.

Comment les contrats compensatoires sont-ils répartis entre les différentes régions suisses? Qu’est-ce qui reviendra à la Suisse romande?
C’est un élément auquel nous avons été rendus attentifs à maintes reprises, que nous avons pris en considération et sur lequel nous avons beaucoup travaillé. Saab s’est engagé à suivre les directives d’Armasuisse, qui prévoient une répartition des affaires compensatoires de 65% pour la Suisse alémanique, 30% pour la Suisse romande et 5% pour le Tessin.

Sur quelles bases se déterminent les contrats compensatoires?
Toutes les affaires doivent être conclues sur une base commerciale. Et c’est un processus complexe, une négociation qui dure longtemps. Au moment de concevoir un avion, il faut tenir compte de très nombreux facteurs. Notamment des apports que les partenaires d’un tel projet peuvent apporter à la fabrication d’un appareil qui doit pouvoir être vendu aux quatre coins du monde à des prix compétitifs. Nous avons été très attentifs à respecter les équilibres, je peux vous l’assurer, et nous avons dix ans, à partir de la signature du contrat, pour compléter le programme de coopération industrielle.

Qu’arriverait-il à Saab en cas de refus de la Suisse d’acheter 22 Gripen?
C’est une question hypothétique. Le gouvernement suédois devrait à son tour décider s’il maintient quand même sa commande de 60 appareils. Je ne pense pas que cela changera les perspectives à long terme de Saab. Cette société a été fondée par mon grand-père Marcus Wallenberg senior il y a 75 ans. Elle a produit plus de 5000 avions depuis lors. Nos produits et notre technologie vont rester attractifs. Le contrat conclu avec la Suisse est naturellement très important. Mais s’il devait être remis en question, la vie continuerait pour nous.

Face à une industrie aéronautique militaire américaine fortement consolidée, les constructeurs européens peuvent-ils encore rester dispersés comme ils le sont actuellement?
Tout le monde en parle, naturellement. Il y a plusieurs manières d’aborder cette question. D’abord par le biais de collaborations calibrées au plus juste pour garantir des projets efficients en termes de coûts. Les entreprises jouissant d’une avance technologique, comme nous, peuvent fortement en profiter. En fait, plusieurs pièces du Gripen sont fabriquées par des sous-traitants (des produits commerciaux standardisés), dont les contrats peuvent résulter d’accords de collaboration interétatiques, notamment avec la Suisse. Notre savoir-faire est de combiner ces coopérations pour réaliser des projets à des coûts raisonnables. Cette manière de procéder prendra une importance croissante à l’avenir, vu que les pays acquéreurs d’avions militaires sont toujours plus attentifs à leurs dépenses. De nombreux experts pensent que l’avenir de notre industrie passe par des fusions. Mais celles-ci doivent répondre à de nombreuses interrogations, dont celle de la nationalité n’est pas la moindre! Réussir une fusion est un effort gigantesque.

Les gouvernements des grands pays privilégient les appareils produits par les constructeurs de leur propre pays. Quitte à les payer plus cher que la concurrence, ce qui revient à les subventionner. Les contribuables accepteront-ils cette situation encore longtemps?
La coopération existe déjà au niveau européen pour les questions de défense. Mais toute fusion dans l’industrie aéronautique militaire ne s’alignerait pas forcément sur les
priorités nationales en matière de sécurité. Donc pour aboutir à des fusions, les aspects industriels doivent coïncider avec les priorités de la défense nationale de chaque pays.

Comment l’industrie de défense européenne peut-elle faire face à l’importante baisse des budgets de défense des pays membres de l’OTAN, surtout ces trois dernières années?
C’est le grand défi. Les budgets se réduisent et les entreprises de défense doivent s’y adapter! Il revient à chaque entreprise de trouver sa propre réponse. L’approche de Saab est de proposer des produits de haute valeur à des prix raisonnables. Cela dit, la technologie progresse. Le paysage n’est pas le même qu’il y a dix ans. Chaque fabricant doit, pour rester compétitif, non seulement se maintenir à la pointe de la technologie, ce que fait Saab en consacrant 20% de son chiffre d’affaires à la recherche et au développement, mais également se montrer très attentif à la question des coûts.

Quelle est la position de la Suède vis-à-vis de la monnaie unique?
Plus personne ne songe à rejoindre la zone euro. J’étais en faveur d’une intégration lorsque le débat a été lancé, mais je dois bien admettre qu’il n’a pas cours pour le moment. Le fait, pour un pays, de garder sa propre monnaie, facilite le règlement d’un certain nombre de questions économiques, mais les entreprises suédoises qui établissent leurs comptes en couronnes suédoises doivent faire face à de très fortes fluctuations des changes. Elles doivent donc se protéger, ce qui s’avère très coûteux. Aussi, à long terme, la question d’une adhésion reste ouverte. Un petit pays très dépendant de ses relations commerciales extérieures doit constamment s’interroger sur les gains qu’il aurait à rejoindre la zone euro.


Marcus Wallenberg

Né en 1956, ce représentant de la 5e génération de la famille d’industriels et de financiers la plus puissante de Suède préside Electrolux et la banque SEB en plus de Saab. Et siège aux conseils d’AstraZeneca et du fonds souverain de Singapour Temasek. Il s’est engagé notamment au World Economic Forum.


Découvrez la version intégrale de cette interview en cliquant ici.

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Darrin Vanselow
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Insécurité: les chiffres de la colère

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Jeudi, 21 Novembre, 2013 - 05:58

Sondage.La grogne monte face à la criminalité, d’autant que la population croit peu en la capacité des politiques à prendre les bonnes décisions.

En matière de sécurité, le sentiment commun défie la statistique et les experts. Lorsqu’on leur demande ce qu’ils pensent de l’insécurité et de la criminalité, les Suisses manifestent leur exaspération. C’est ce qui ressort d’un sondage conduit cet automne par M.I.S Trend, que L’Hebdo publie en exclusivité. Il s’agit de la première enquête d’opinion réalisée sur ce thème depuis les affaires Marie et Adeline, du nom des deux jeunes femmes assassinées cette année par des délinquants récidivistes.

Environ 62% de la population estime que la criminalité augmente ou reste stable à un niveau très élevé (voir ci-dessous la question 1). Le sentiment d’insécurité est éprouvé plutôt par les femmes (68%) que les hommes (54%) et par les personnes âgées de plus de 55 ans (81%). Il est ressenti plus fortement par les gens qui se qualifient d’apolitiques (77%) que par ceux qui se disent de droite et du centre (55%) ou de gauche (39%).

Ces chiffres sont d’autant plus intéressants que 54% des personnes interrogées reconnaissent ne pas avoir subi personnellement un acte de violence (voir ci-dessous la question 2).

Le ras-le-bol se nourrit de gros doutes sur la capacité de la justice et des politiques à remettre de l’ordre, très mal notée. Le jugement sur le travail des policiers est plus positif (voir ci-dessous la question 3).

En revanche, le système de prise en charge des délinquants est bombardé de critiques, reflet des débats qui ont émergé après les meurtres de Marie en mai et d’Adeline en septembre. Plus de 80% des sondés pensent que les peines des criminels dangereux ne devraient jamais être raccourcies, que la Suisse est trop laxiste avec les criminels et que les prisonniers sont beaucoup trop bien traités (voir ci-dessous la question 4).

La population exprime ainsi un net rejet des processus d’allègement des peines, notamment des sorties plus ou moins encadrées, visant la réinsertion progressive des détenus avant leur libération définitive. De quoi nourrir la polémique.


Fiche technique

Sondage réalisé par internet du 12 au 23 septembre 2013 par l’institut M.I.S Trend à Lausanne et Berne, auprès de 1966 Suisses (985 Romands et 981 Alémaniques), âgés de 15 ans et plus, représentatifs de la population. Les résultats sont pondérés afin de redonner à chaque région linguistique son poids démographique réel. Marge d’erreur sur le total: 2,2%; sur chaque région: 3,2%.


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L'Hebdo
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Ueli Maurer, le petit président

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Jeudi, 21 Novembre, 2013 - 06:00

Bilan.Peu de voyages, peu de couacs et un éloge patriotique du petit, le président de la Confédération 2013 a déçu en bien. Va-t-il tenir jusqu’à la fin? Chronique d’une année d’honneurs plutôt inutile.

 

Dans le ciel d’Helvétie, les oiseaux auront souvent croisé deux objets volants en cette année 2013: un hélicoptère de l’armée qui emportait Ueli Maurer, le président de la Confédération, aux quatre coins de la Suisse et un avion de ligne qui s’envolait pour l’Argentine, le Cambodge ou le Cameroun avec à son bord le président du Conseil des Etats Filippo Lombardi (lire p. 18). Le monde à l’envers?

Pas pour Ueli Maurer. Il nous avait avertis, fin 2012, dans un sourire narquois: «J’ai donné mes instructions. Elles tiennent sur une page A4. Je veux aller à l’étranger aussi peu que possible, mais aussi souvent que nécessaire au pays.» On était bien embêté, à Berne. Lâcher un UDC, ex-président d’un parti aux relents xénophobes, sur le parquet international? Brrr on imaginait la honte au front du pays. Le corps diplomatique, fiévreux, trempait alors ses lèvres dans la prochaine coupe de champagne. Histoire d’oublier.

 

David contre Goliath. Quel ne fut donc le soulagement en janvier: au World Economic Forum de Davos, où défilent les puissants de la planète, Ueli Maurer, pas bobet comme certains le pensaient, prononça un discours plutôt digne et courageux, mais aussi en parfaite adéquation avec les thèses de l’UDC. Il osa critiquer ces «Etats puissants qui exercent une pression sur des compétiteurs petits mais couronnés de succès». Des propos qui entraient en résonance avec ce qu’éprouvaient bien des Suisses dans un pays sous le feu des critiques.

Cette ode à David contre Goliath, cet éloge du petit contre le grand, du neutre, de l’indépendant, du travailleur, Ueli Maurer l’a chanté avec ferveur tout au long de sa présidence. Un leitmotiv à l’étranger comme en Suisse, entonné lors des neuf discours qu’il a prononcés dans neuf communes suisses le 1er Août, évitant soigneusement les grandes villes, répété à la Fête fédérale de lutte, repris jusqu’à la tribune des Nations Unies à New York, devant l’assemblée de cette organisation à laquelle la Suisse a adhéré en 2002. Contre l’avis d’Ueli Maurer et de son parti, rappelons-le.

Dans ses chiches contacts avec l’étranger aussi, le président de la Confédération a voulu en relief son côté «résistant». L’hôte qu’il aurait rêvé d’accueillir en Suisse, c’était la reine d’Angleterre Elisabeth II. L’homme qui affiche sa simplicité et mord dans une Bratwurst à chaque fois qu’une caméra passe par là se serait soudain entiché de têtes couronnées? Que ses troupes se rassurent. Ses motifs étaient d’ordre politique: il voulait accueillir l’Angleterre, cette île en Europe, membre de l’UE mais à l’ADN terriblement eurosceptique. La reine ne viendra pas? Qu’à cela ne tienne. Ueli Maurer a beaucoup aimé recevoir le président finlandais, un conservateur d’un pays neutre, sobre, peu dépensier, une nation comme une âme sœur pour Ueli Maurer. Inspiré, l’UDC s’est même senti pousser des ailes, imposant au protocole sa fille Sidonia en remplacement de son épouse grippée. Sidonia Maurer, violoniste aux longues mèches brunes, a donné à la cérémonie un visage bien moins figé que d’ordinaire. Joli coup.

 

Couacs, courbettes et Conseil fédéral. Moins jolis furent les propos du président de la Confédération lors de sa visite officielle à Pékin. Tout avait pourtant si bien commencé. L’accord de libre-échange obtenu par la Suisse rendait béats les milieux économiques, tout en s’inscrivant parfaitement dans la ligne du président qui répète comme un mantra que la Suisse est bien trop concentrée sur l’Union européenne. Seulement voilà, après avoir passé en revue une troupe de blindés chinois, Ueli Maurer a tenu des propos consternants au sujet du massacre de la place Tiananmen en 1989: «Je pense que nous pouvons tirer un trait sur cette affaire.» Une courbette, aussi soumise qu’inutile, devant la puissante Chine. Tout le contraire de ce que prêche généralement Ueli Maurer. Cet impair a rappelé son malheureux message à la mémoire des victimes de l’Holocauste de janvier. Quand il n’a parlé de la Suisse que comme un refuge, omettant le fait qu’elle a aussi refoulé des juifs à la frontière.

Quoi qu’il en soit, à part ces deux gros couacs, Ueli Maurer a plutôt déçu en bien. On ne l’a pas vu en Europe, certes, il n’a pas mis un pied à Bruxelles, correct. Au moins aura-t-on évité l’incident diplomatique. Soyons clairs: les pays de l’UE ne se pressaient pas au portillon pour rencontrer un anti-européen notoire et le DFAE n’a pas poussé très fort dans cette direction. D’autant moins qu’aux Affaires étrangères, on prépare fébrilement une autre année présidentielle, celle de Didier Burkhalter, une vraie, elle, qui donnera le tournis.

 


Lombardi, l’anti-Maurer

Oui. Filippo Lombardi aime les gens, les contacts, les voyages. Il a consacré tout son temps à cette année de présidence du Conseil des Etats. Au contraire d’Ueli Maurer, le président du Sénat est un cosmopolite qui non seulement maîtrise les langues nationales, mais parle anglais et espagnol couramment. Une curiosité pour l’étranger qui l’amena à œuvrer six ans en qualité de secrétaire des Jeunes chrétiens-démocrates européens, à Bruxelles. Oui. Le Tessinois PDC a beaucoup voyagé. Quinze déplacements, 22 pays, dont le Chili, la Russie, la France, la Colombie. Il a rencontré ses homologues, quelques fois des hommes plus influents, comme le premier ministre italien Enrico Letta. A Berne, il a reçu 25 délégations étrangères.

Une diplomatie parlementaire appuyée. Trop? En Suisse alémanique et notamment dans les médias, les reproches pleuvent. C’est surtout le dépassement des coûts qui pose problème – 120 000 francs, une somme pourtant modeste – et le fait qu’il ait la compétence d’autoriser lui-même ce dépassement. Les médias raillent le Tessinois qui montre cadeaux et photos souvenirs avec un plaisir trop jouissif, trop latin, suspect, quoi.

Mais peut-on nouer trop de contacts politiques internationaux au nom d’une Suisse qui n’est pas membre de l’Union européenne et qui subit régulièrement les foudres des Etats-Unis, de l’OCDE, de ses voisins? Comme l’a relevé Filippo Lombardi et avant lui un autre surdoué des relations personnelles, Adolf Ogi, notre pays a besoin d’amis, d’alliés. D’ailleurs, aux Affaires étrangères comme dans l’entourage d’Ueli Maurer, on salue les services rendus par le Tessinois, son entregent, sa disponibilité à remplacer, au pied levé, un ministre ou le président. Parce que les contacts permettent parfois de débloquer un accord, comme le traité de libre-échange entre la Thaïlande et l’AELE. Parce que notre pays a une expérience à partager, avec le Cambodge par exemple, une démocratie en devenir où les partis minoritaires ont soif de savoir-faire parlementaire.

Dans une Suisse au naturel introverti, où les présidents de la Confédération étaient longtemps censés ne pas quitter le pays, les pionniers ont la vie dure. Le monde s’est globalisé, il a changé, pourquoi ne pas s’adapter?

AVEC Le Prix Nobel de la paix Aung San Suu Kyi (Birmanie), le président du Sénat Kassym-Jomart Tokayev (Kazakhstan) et le premier ministre Enrico Letta (Italie).


Ambassadeurs, en joue! Bref, dans ces milieux diplomatiques encore inquiets il y a un an, on reconnaît qu’Ueli Maurer a eu le souci de bien faire, encore taiseux lors des rencontres bilatérales à Davos, il semblait à l’aise à New York. Alors dans un système où l’on mesure un président selon deux critères principaux, sa gestion du Conseil fédéral et son action à l’étranger, on peut affirmer qu’il fut dans la moyenne. Il n’a pas fait honte à l’étranger, et, à l’interne, il a su s’attirer la sympathie de la population suisse, visitant chaque canton sauf Schaffhouse.

 

La tension monte. Farouche et rural patriote, il a continué d’encenser sa «meilleure armée du monde», emmenant les ambassadeurs étrangers tirer à un stand, tels de preux Helvètes. Et, non content d’avoir vu augmenter son budget à 5 milliards, il a pris un malin plaisir à enfermer ses collègues socialistes et pacifistes dans un char d’assaut lors de l’excursion du Conseil fédéral. En Suisse toujours, il a apporté le plus grand soin à la préparation des séances du Conseil fédéral. Un haut fonctionnaire libéral-radical nous confiait: «Il est bien mieux intégré que ne l’était Christoph Blocher. Sa présidence tend à montrer que l’UDC se normalise.»

Est-ce pour ne pas laisser l’impression qu’il se fond dans le moule qu’Ueli Maurer donne plus souvent des coups de dents à la collégialité? Plus l’année avance, plus on sent qu’il a besoin de montrer à son parti qu’il défend toujours ses valeurs. Dans une interview à Schweiz am Sonntag, il déclarait fin septembre que l’immigration telle que nous la vivons depuis plusieurs années n’était pas «supportable de manière durable» – un argument en faveur de l’initiative de son parti contre l’immigration de masse – et laissait entendre qu’un non à la libre circulation n’aurait rien de tragique, comme le non à l’EEE en 1992.

Tout récemment, au Forum européen de Lucerne, le président de la Confédération a carrément lancé à propos des négociations avec l’UE: «Les nouvelles exigences vont si loin qu’elles exigent de nous que nous acceptions des juges étrangers.
Ce serait la fin de notre souveraineté.» Une claire rupture de collégialité puisque le Conseil fédéral et les deux commissions du Parlement affirment le contraire: il n’y aura pas perte de souveraineté.

Jusqu’ici, on a laissé Ueli Maurer ronger la collégialité, le prix à payer pour intégrer un UDC tendance dure au gouvernement. Depuis quelques jours toutefois, la tension est palpable au Conseil fédéral où les mises en garde ont fusé. On sait Ueli Maurer très tenté de troquer son habit de président contre celui du chef de l’opposition. Dans les couloirs de son département, à l’approche de l’assemblée des délégués de l’UDC à Reiden (LU) consacrée à son initiative contre l’immigration de masse, on souffle que le chef a envie de frapper un coup, de montrer de prétendues absurdités dans l’histoire de la politique d’immigration du Conseil fédéral.

 

Le choix d’Ueli. Le président de la Confédération osera-t-il planter un couteau dans le dos de son propre gouvernement dans un vote crucial pour la Suisse, sa politique d’immigration, ses relations économiques avec l’Union européenne, sa prospérité? Juste deux jours avant la conférence de presse officielle du gouvernement où pas moins de trois conseillers fédéraux iront défendre le non? La fin d’année voit généralement les présidents de la Confédération étreints par la mélancolie, infiniment tristes de quitter cette fonction glamoureuse qui leur a permis d’arpenter le monde, d’approcher les plus grands; Ueli Maurer, lui, va-t-il faire passer les intérêts de son parti avant ceux du pays? A la réponse qu’il donnera à toutes ces questions, on mesurera si Ueli Maurer a acquis la stature d’un homme d’Etat. Ou pas.

Et s’il peut prétendre au titre de meilleur président d’une Suisse qui n’aime pas les têtes qui dépassent: un président qui fait son tour et puis s’en va. Sans éclat.

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Marcus Wallenberg: «Un "non" au Gripen ne mettrait pas Saab en péril»

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Vendredi, 22 Novembre, 2013 - 08:20

Ceci est la version intégrale de l'interview parue dans L'Hebdo

 

CONTRAT MILITAIRE Le président du groupe suédois SAAB s'investit pour défendre ses avions de combat que Berne veut acquérir. Et contre lesquels un référendum est lancé.

Propos recueillis par Yves Genier et Alain Jeannet

1) Gripen

Vous venez fréquemment en Suisse, ne serait-ce qu’au World Economic Forum de Davos. Quelle est votre relation personnelle avec notre pays?

J’y viens fréquemment depuis longtemps, non seulement pour les affaires mais également pour y passer des vacances. J’ai une partie de ma famille ici. Mon grand-père Marcus Wallenberg Junior, fondateur de la compagnie aérienne Scandinavian Airlines Systems (SAS), entretenait d’étroites relations avec Swissair. Il a aussi participé au renforcement des liens entre Asea et Brown Boveri, qui ont fusionné en 1988 pour créer ABB, au conseil de laquelle siège mon cousin germain Jacob Wallenberg.

Comment suivez-vous le débat helvétique sur l’achat de 22 avions de combat Gripen construits par Saab, que vous présidez?

C’est un débat que je surveille naturellement. L’achat de ces 22 appareils est d’abord une décision suisse. Ce n’est pas à Saab de déterminer ce qui est bon pour votre pays, même si nous sommes bien sûr très heureux que vus ayez choisi le Gripen. Mais nous avons un respect total pour le processus suivi en Suisse. Et nous sommes heureux des coopérations industrielles que nous avons établies avec des entreprises suisses.

Quelle est la meilleure raison, selon vous, pour que la Suisse achète ces appareils?

Le Gripen répond aux exigences suisses. Il s'agit à la fois d'un avion à la pointe de la technologie et de la solution la plus efficace en termes de coûts. Il appartient à la nouvelle génération des Gripen, un appareil de combat développé pour faire face aux menaces de la Guerre froide, mais le Gripen E bénéficie d’un bond technologique par rapport aux versions précédentes, pour des coûts maîtrisés.

Le débat a aussi été vif en Suède également au moment de décider, l’hiver dernier d’acquérir de 60 appareils de la prochaine génération. Quel a été l’argument décisif qui a emporté la décision?

Ce n’est pas à moi que vous devriez poser la question, mais plutôt aux autorités suédoises ! Je pense que la décision a été prise en raison de la nécessité d’adapter la flotte militaire aérienne aux derniers développements technologiques, comme chaque pays doit le faire.

Comprenez-vous les arguments des opposants suisses qui estiment que l’acquisition de Gripen serait inutile, car la mission qu’il devrait assurer, la police de l’air, pourrait l’être avec la flotte existante?

Vous tentez vraiment de me mettre à la place des Suisses ! Les forces aériennes helvétiques ont procédé à des examens très sévères de leurs besoins futurs. Après avoir pondéré les aspects technologiques, militaires et de coûts, elles sont arrivées à la conclusion que le Gripen répondait le mieux à leurs exigences. De manière générale, je constate que les forces aériennes ont joué un rôle central dans les conflits armés de ces dernières années. Mais c’est aux Suisses d’identifier leurs besoins précis. Nous proposons simplement un appareil de très haut niveau à coûts relativement modestes. Ce dernier aspect devient toujours plus important au moment où les budgets militaires se réduisent. De plus, la Suisse et la Suède ont des expériences similaires en matière de politique de neutralité, ce qui joue un rôle important dans les relations entre nos deux pays.

Comment les contrats compensatoires sont-ils répartis entre les différentes parties de Suisse ? Qu’est-ce qui reviendra à la Suisse romande?

C’est un élément auquel nous avons été rendus attentifs à maintes reprises, que nous avons pris en considération et sur lequel nous avons beaucoup travaillé. Saab s'est engagé à suivre les directives d'Armasuisse, qui prévoient une répartition des affaires compensatoires de 65% pour la Suisse alémanique, 30% pour la Suisse romande et 5% pour le Tessin. Toutes les affaires doivent être conclues sur une base commerciale et c’est un processus complexe, une négociation qui dure longtemps. Au moment de concevoir un avion, il faut tenir compte de très nombreux facteurs. Notamment des apports que les partenaires d’un tel projet peuvent apporter à la fabrication d’un appareil qui doit pouvoir être vendu aux quatre coins du monde à des prix compétitifs. Nous avons été très attentifs à respecter les équilibres, je peux vous l’assurer, et nous avons dix ans à partir de la signature du contrat pour compléter le programme de coopération industrielle.

La valeur des contrats compensatoires est-elle plus élevée pour le contrat suisse que pour des contrats similaires passés dans d’autres pays?

Je ne peux pas comparer les contrats de différents pays, mais je peux vous dire que la Suisse a négocié durement et que les contrats industriels avec la votre pays représenteront le montant du contrat de Saab pour le Gripen. L'objectif de la compensation industrielle est de générer des affaires, d'augmenter le niveau technologique et bien sûr de créer des emplois, ce que nous faisons.

2) Industrie aéronautique militaire

Qu’arriverait-il à Saab en cas de refus de la Suisse d’acheter 22 Gripen?

C’est une question hypothétique. Le gouvernement suédois devrait à son tour décider s’il maintient quand même sa commande de 60 appareils. Je ne pense pas que cela changera les perspectives à long terme de Saab. Cette société a été fondée par mon grand-père Marcus Wallenberg Senior il y a 75 ans. Elle a produit plus de 5000 avions depuis lors. Nos produits et notre technologie vont rester attractifs. Le contrat conclu avec la Suisse est naturellement très important. Mais s’il devait être remis en question, la vie continuerait pour nous.

Face à une industrie aéronautique militaire américaine fortement consolidée, les constructeurs européens peuvent-ils encore rester dispersés comme ils le sont actuellement?

Tout le monde en parle, naturellement. Il y a plusieurs manières d’aborder cette question. D’abord, par le biais de collaborations calibrées au plus juste pour garantir des projets efficients en terme de coûts. Les entreprises jouissant d’une avance technologique, comme nous, peuvent fortement en profiter. En fait, plusieurs pièces du Gripen sont fabriquées par des sous-traitants (des produits commerciaux standardisés), dont les contrats peuvent résulter d’accords de collaboration interétatiques, notamment avec la Suisse. Notre savoir-faire est de combiner ces coopérations pour réaliser des projets à des coûts raisonnables. Cette manière de procéder prendra une importance croissante à l’avenir, vu que les pays acquéreurs d’avions militaires sont toujours plus attentifs à leurs dépenses.
De nombreux experts pensent que l’avenir de notre industrie passe par des fusions. Mais celles-ci doivent répondre à de nombreuses interrogations, dont celle de la nationalité n’est pas la moindre ! Réussir une fusion est un effort gigantesque.

Les gouvernements des grands pays privilégient les appareils produits par les constructeurs de leur propre pays. Quitte à les payer plus cher que la concurrence, ce qui revient à les subventionner. Les contribuables accepteront-ils cette situation encore longtemps?

La coopération existe déjà au niveau européen pour les questions de défense. Mais toute fusion dans l’industrie aéronautique militaire ne s'alignerait pas forcément sur les priorités nationales en matière de sécurité. Donc pour aboutir à des fusions, les aspects industriels doivent coïncider avec les priorités de la défense nationale de chaque pays.

Comment l’industrie de défense européenne peut-elle faire face à l’importante baisse des budgets de défense des pays membres de l’OTAN, surtout ces trois dernières années?

C’est le grand défi. Les budgets se réduisent et les entreprises de défense doivent s’y adapter ! Il revient à chaque entreprise de trouver sa propre réponse. L'approche de Saab est de proposer des produits de haute valeur à des prix raisonnables. Cela dit, la technologie progresse. Le paysage n’est pas le même qu’il y a dix ans. Chaque fabricant doit, pour reste compétitif, non seulement se maintenir à la pointe de la technologie, ce que fait Saab en consacrant 20% de son chiffre d'affairs à la Recherche et au développement, mais également se montrer très attentif à la question des coûts.

L’avenir de l’industrie passe-t-il par une augmentation des fournitures et des collaborations industrielles avec la Chine?

Il revient à chaque pays de se déterminer en fonction de ses intérêts sécuritaires. Je ne peux pas faire d’autres commentaires.

3) Avenir économique de l’Europe

Plusieurs pays du sud et de l’ouest du de l’Europe souffrent du manque de compétitivité de leur industrie, qui amène, dans certain cas, une désindustrialisation. L’Europe a-t-elle encore un avenir industriel?

Je suis convaincu que l’Europe a un avenir industriel, à la condition de participer aux changements en cours. J’en reviens à la question des coûts par rapport aux spécifications des produits. C’est aussi un domaine dans lequel l’Europe doit s’adapter.

Est-ce dans cette optique d’adaptation que vous vous êtes retiré du secteur automobile?

Nous avons vendu notre participation restante dans Saab automobile il y a près de 15 ans, en tenant compte du fait que si vous ne produisez que 200'000 voitures par an dans le monde (pour une production annuelle mondiale totale proche de 60 millions), il est difficile de maintenir une base de coûts compétitive.

Comme la Suisse, la Suède n’est pas membre de la zone euro. Comment fait-elle pour gérer cette situation?

Avec 9,5 millions d’habitants (1,5 million de plus que la Suisse, ndlr), la Suède a une économie très ouverte. Plus de la moitié du PIB est générée par les exportations, dont plus de la moitié se dirige vers l’Europe. L’Union européenne et la zone euro sont donc très importantes pour nous, même si nous avons choisi de ne pas rejoindre l'euro suite à un référendum.

Quelle est la position de la Suède vis-à-vis de la monnaie unique?

Plus personne ne songe à rejoindre la zone euro. J’étais en faveur d’une intégration lorsque le débat a été lancé, mais je dois bien admettre qu’il n’a pas cours pour le moment. Le fait, pour un pays, de garder sa propre monnaie, facilite le règlement d’un certain nombre de questions économiques, mais les entreprises suédoises qui établissent leurs comptes en couronnes suédoises doivent faire face à de très fortes fluctuations des changes. Elles doivent donc se protéger, ce qui s’avère très coûteux. Aussi, à long terme, la question d’une adhésion reste ouverte. Un petit pays très dépendant de ses relations commerciales extérieures doit constamment s’interroger sur les gains qu’il aurait à rejoindre la zone euro.

La monnaie unique est en partie à l’origine des problèmes de compétitivité de pays comme l’Italie et la France, qui avaient l’habitude de dévaluer leur devise pour faire baisser les prix de leurs produits. Ont-ils encore un avenir industriel?

L’important, pour l’Europe, est d’avoir la force de restructurer son industrie pour rester compétitive. La question centrale, c’est l’innovation. Nous devons trouver les moyens et l’espace pour la favoriser. Nous devons créer plus d’entreprises et de procédés innovants, et inciter les grandes sociétés, qui inventent tout le temps, d’accroître encore leurs efforts. Nous devons trouver les moyens d’inciter les personnes avec un esprit entrepreneurial d’oser davantage de lancer de nouveaux produits ou de nouveaux processus. Israël nous livre un excellent exemple. Ce pays est si bien tourné vers l’innovation qu’il a amené davantage d’entreprises à se coter au Nasdaq (la bourse américaine des valeurs technologiques) que de nombreux grands pays européens combinés.

La Suède se distingue depuis de nombreuses années dans ce domaine. Dans quelle direction se tourne-t-elle?

Nous avons connu le boom des technologies de l’information de la fin des années 1990, puis le krach du début des années 2000. Nous avons beaucoup appris de cette histoire, notamment que la technologie progresse constamment et qu’elle attire toujours des investissements en dépit de la volatilité boursière. Cela n’a pas empêché les gens de continuer d’innover. C’est exactement la même chose qui s’est produite en Suisse, où la dynamique est soutenue. La Suisse et la Suède ont aussi ceci de commun que ce sont deux pays relativement petits où il est probablement plus facile d’organiser des mesures de soutien, notamment en fournissant des financements accessibles, que dans de grands Etats comme la France où l’Italie. L’Europe dispose des compétences innovantes nécessaires. Mais il faut leur permettre de s’exprimer plus facilement pour encourager les jeunes entrepreneurs à prendre des risques.

Attendez-vous des avantages des traités de libre-échange que l’Union européenne négocie actuellement avec les Etats-Unis d’une part, la Chine d’autre part?

Vous parlez à un partisan convaincu des accords multilatéraux de libre-échange ! Or, la voie multilatérale rencontre des obstacles très sérieux, soulignés par la difficulté extrême de maintenir le cycle de Doha (cycle de négociations entreprises au sein de l’OMC) sur ses rails. Il est très triste de devoir négocier des accords bilatéraux car ces textes compliquent singulièrement la tâche des entreprises, et pas uniquement les multinationales. Il est fini, le temps où un produit était fabriqué entièrement dans un seul pays pour être vendu dans un autre. Un nombre croissant de pays sont impliqués dans un procédé de fabrication. Aussi, conclure des accords bilatéraux de libre-échange, c’est mieux que rien, mais ce serait encore mieux si nous pouvions avoir des accords multilatéraux, car ceux-ci simplifieraient la tâche des entreprises !
Les zones de libre-échange conclues par les Etats-Unis avec, d’une part, des pays d’Asie-Pacifique et, d’autre part, des pays européens laissent la possibilité à d’autres Etats d’y accéder. Peut-être que cette situation ouvrira à nouveau la voie à des accords multilatéraux. On verra !

Comment accueillez-vous la montée des tendances et des partis protectionnistes dans de nombreux pays?

C’est, et ce sera toujours la grande question. Lorsque mon grand-père Marcus Wallenberg Junior a organisé un congrès de la Chambre de commerce internationale à Stockholm en 1934, c’est sur ce thème qu’il s’est le plus longuement exprimé. Dans les années 1980, mon oncle Peter Wallenberg a invité à son tour cette organisation privée à tenir son congrès dans la capitale suédoise. Il a tenu exactement le même discours que celui de mon grand-père un demi-siècle auparavant ! Le protectionnisme est l’argument le plus facile à tenir en politique. Or, nous avons besoin d’exactement le contraire. La Suisse et la Suède vivent du commerce international. Un retour du protectionnisme ferait beaucoup de dégâts à leurs économies.

4) Réglementation financière

Les régulateurs financiers internationaux ont-ils raison de chercher à relever encore les réserves minimales des banques?

Les banquiers centraux et les autorités de surveillance financière ont joué un rôle fondamental pendant la crise financière. Aujourd’hui, nous devrons trouver un équilibre entre la détermination d’un niveau de sécurité suffisant pour permettre à l’industrie bancaire de faire face à une nouvelle crise mais qui permette aux banques de continuer à accorder des crédits. C’est, pour moi, la question principale. Après la crise, tous les banquiers ont bien compris qu’il fallait procéder à des changements. Mais maintenant, la grande question est : comment apporter suffisamment de liquidités pour permettre à l’économie de redémarrer ? Personne n’a la réponse, car c’est un problème de calibration. Mon inquiétude, c’est que personne ne peut mesurer l’augmentation réelle du prix de la sécurité financière sur les entreprises. Or, cette question est centrale pour l’économie.

Les régulateurs sont-ils allés trop loin ?

Les banques ont consacré une énergie considérable pour se réorganiser, notamment face au flux considérable de nouvelles règles. Aujourd’hui, il est temps de laisser l’industrie bancaire travailler avec ces nouvelles règlementations et d'avoir le temps de voir comment elles s'appliquent concrètement avant d'en ajouter de nouvelles. Or, ce n’est pas la voie que nous suivons. Au contraire, on ne cesse d’ajouter de nouvelles normes.

Les écrivains suédois, comme Camilla Läckberg et Stieg Larsson, ont connu un succès extraordinaire, proprement fascinant. Comment expliquez-vous  la popularité mondiale de la littérature de votre pays?

Il est vrai que nos écrivains jouissent de beaucoup d’attention. C’est même une activité exportatrice importante pour la Suède ! C’est peut-être de la littérature, de la peinture, de la musique que vient l’innovation. Mais je suis frappé de voir combien la jeune génération vit au travers d’internet et des réseaux sociaux. Leur tournure d’esprit est déjà très différente de la mienne!

 


Marcus Wallenberg

Né en 1956, ce représentant de la 5e génération de la famille d’industriels et de financiers la plus puissante de Suède préside Electrolux et la banque SEB en plus de Saab. Et siège aux conseils d’AstraZeneca et du fonds souverain de Singapour Temasek. Il s’est engagé notamment au World Economic Forum.


 

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Football: le ballon d’or de la discorde

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Jeudi, 28 Novembre, 2013 - 05:46

▼Les faits
Les votes pour le Ballon d’or 2013, récompense attribuée au meilleur footballeur du monde, devaient s’arrêter le 15 novembre. La FIFA a finalement prolongé le délai jusqu’au 29 novembre, en soulignant que les bulletins déjà remplis pouvaient être modifiés. Une décision due à un faible nombre de réponses, a indiqué la fédération.

▼Les commentaires
Le journal catalan Sport estime que «la FIFA a changé les règles» afin de favoriser le Portugais Cristiano Ronaldo, déjà sacré en 2008 et qui a réalisé un triplé lors du match retour des barrages pour la Coupe du monde 2014. Pire, il s’agit d’un «complot anti-Messi», estime la rédaction, qui rappelle que l’Argentin du FC Barcelone a remporté les quatre derniers Ballons d’or et qu’il faisait figure de favori avant cette décision. Pour L’Equipe, c’est le Français Franck Ribéry qui était le «grandissime favori après sa saison exceptionnelle avec le Bayern Munich». Le quotidien écarte par contre l’hypothèse d’un complot en expliquant que la FIFA voulait peut-être simplement s’assurer, en attendant la fin des barrages, que le meilleur joueur du monde serait présent au Brésil l’été prochain. Président de la Fédération portugaise de football, Fernando Gomes a de son côté dit tout haut, sur l’antenne de la RTP, ce que beaucoup pensent tout bas: «Les gens ont cessé de croire dans un procédé qui est truqué. Et quand les gens ne croient plus au procédé, ils ne participent plus et ne lui accordent plus la valeur dont il a besoin.»

▼A suivre
Les trois finalistes en lice pour le Ballon d’or seront dévoilés le 9 décembre, tandis que le lauréat sera désigné le 13 janvier lors d’une cérémonie qui se tiendra à Zurich.

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Renseignements fiscaux: la Suisse épinglée

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Jeudi, 28 Novembre, 2013 - 05:47

▼Les faits
La Suisse n’est pas parvenue à faire valider par le Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements les évolutions récentes de son cadre juridique en matière d’échange d’informations fiscales. Elle reste sous observation de cette organisation dépendant de l'OCDE. La conseillère fédérale Eveline Widmer-Schlumpf espère néanmoins une évolution l’an prochain.

 

▼Les commentaires
Quatre pays n’ont pas passé l’examen du Forum mondial: le Luxembourg, Chypre, les îles Vierges britanniques et les Seychelles. Or, «la mise à l’index de ces Etats est loin d’être symbolique: s’ils ne changent pas leurs pratiques, ces pays se retrouveront fichés sur la liste noire de l’OCDE en 2014», écrit Le Monde. La Suisse ne parvient pas à faire valoir les adaptations récentes de son droit et reste inscrite en phase 1, l’antichambre des sanctions. Mais elle voit s’ouvrir la perspective de passer en phase 2. «La délégation suisse considère comme un succès le fait de ne pas avoir été explicitement critiquée», note la NZZ. Aussi, Eveline Widmer-Schlumpf ne craint-elle pas de rappeler devant un parterre de banquiers à Genève que, «avec ses partenaires de l’OCDE, la Suisse participe à l’élaboration du contenu et des modalités de l’échange automatique», rapporte L’Agefi. Une annonce que Finanz und Wirtschaft pense «ne pas être due totalement au hasard».

▼A suivre
La Suisse pourrait passer en phase 2 dès le printemps de l’année prochaine. Le Forum mondial, chargé d’établir une plateforme définissant l’échange automatique d’informations, devrait présenter son rapport dès février. S’ensuivra le débat sur son adaptation en droit interne suisse.

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Nucléaire iranien: Accord accueilli avec Prudence

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Jeudi, 28 Novembre, 2013 - 05:48

▼Les faits
Un accord préliminaire sur le nucléaire iranien a été signé dimanche à Genève entre Téhéran et les grandes puissances mondiales, à savoir l’Allemagne, la Chine, les Etats-Unis, la France, le Royaume-Uni ainsi que la Russie. Il vise à suspendre les volets les plus controversés du programme atomique de la République islamique en échange d’un allégement des mesures qui pèsent sur elle. Il s’agit là d’un premier pas vers la sortie d’une impasse diplomatique vieille de plus de dix ans.

 

▼Les commentaires
Dans la presse américaine, les réactions sont globalement positives même si les observateurs invitent à la prudence. «Signé, scellé… respecté?» s’interroge notamment Foreign Policy ajoutant que «les grandes puissances avaient accepté des compromis sur les questions les plus épineuses». L’Iran n’a par exemple «pas accepté l’ensemble des inspections que l’Agence internationale de l’énergie atomique juge nécessaires pour s’assurer que le programme est pacifique». «Un premier succès diplomatique avant les choses sérieuses», titre quant à lui Le Monde, pour qui «cet accord historique ne règle toutefois pas le problème de fond: empêcher l’Iran de se doter de la capacité de produire une arme nucléaire. Mais il permet d’atteindre cet objectif par la négociation. C’est cela qui est nouveau et dont il faut se féliciter (…)»

▼A suivre
La République islamique a six mois pour prouver sa bonne foi. En ligne de mire, l’éventuelle signature d’un accord définitif. L’Union européenne devrait pour sa part lever ses premières sanctions «en décembre», a indiqué le chef de la diplomatie française, Laurent Fabius.

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Hebdo.ch » revue de blogs de la semaine: Les arguments du non

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Jeudi, 28 Novembre, 2013 - 05:48

Non, non et non. Tel est le résultat des votations fédérales de dimanche 24 novembre. Des rejets massifs qui n’ont pas manqué d’interpeller les experts de L’Hebdo ce début de semaine. Qu’est- ce qui a fait pencher la balance dans un camp plutôt qu’un autre? L’heure est aux analyses, commentaires et interprétations.

Fraîchement débarqué au sein de notre communauté de blogueurs, Grégoire Barbey s’est penché sur l’initiative 1:12. Pour lui, le résultat témoigne de l’incohérence du texte. «(…) La lex Minder se suffisait à elle-même pour réglementer les très hauts salaires. Elle donne la liberté aux actionnaires de juger de la rémunération des dirigeants de l’entreprise. (…) Vouloir donner à l’Etat la prérogative dans les affaires courantes du secteur privé pour fixer des limitations salariales, ce n’est pas une solution en adéquation avec le modèle plutôt libéral de la Suisse. Une fois encore, la gauche s’est montrée trop gourmande. (…)»

Plus que le résultat, c’est surtout la satisfaction affichée par les promoteurs de l’initiative, se félicitant d’avoir suscité la discussion, qui a frappé Pierre Novello. «Dans le même camp, d’autres reconnaissaient qu’il s’agissait d’une démarche à vocation éthique et philosophique, justifiant sans doute certaines des faiblesses du texte et son manque de réalisme. (…) C’est dommage, car la thématique soulevée méritait mieux que cela: le creusement des inégalités des revenus issus non seulement du travail, mais aussi du capital, constitue une vraie menace sur la cohésion sociale (…)» Si elle s’étiole dramatiquement, la cohésion sociale a le mérite d’exister. Tout le contraire d’une vraie politique familiale, qu’il reste encore à trouver, selon Jacques Neirynck. «Evidemment, un texte de l’UDC, quel qu’il soit, part déjà en clopinant, car toutes les thèses de ce parti rebutent une majorité des Suisses et, en particulier, la conception ancestrale de la famille traditionnelle que l’initiative entendait sournoisement soutenir. (…) Le pays dit non à une vision passéiste mais ne dit pas oui à son avenir démographique. (…) Pour que la Suisse se maintienne, il faudrait 120 000 naissances par an alors qu’il n’y en a que 80 000.»

Dernier objet au menu: la vignette autoroutière à 100 francs, qui a généré une confusion sans limites nous rappelle François Cherix. «Oubliant que la démocratie directe est un mécanisme d’ordre plus émotionnel que rationnel, le Conseil fédéral a cru qu’il suffisait que la majoration prévue soit logique pour qu’elle soit acceptée. Oubliant qu’il représente le parti des automobilistes, le TCS a combattu la perception des nouvelles recettes permettant d’effectuer les améliorations du réseau routier. Oubliant que les défenseurs de l’environnement demandent depuis toujours que la route finance les coûts qu’elle génère, les Verts se sont opposés à l’augmentation d’une taxe payée par les automobilistes. Drôle de salade, où les cuisiniers se sont positionnés à rebours de leurs propres intérêts.» Mais les citoyens, pourquoi ont-ils voté non? Probablement pour économiser 60 francs, sans se soucier des théories qu’on leur a présentées.


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Freddy Buache tombe la plume

Le critique a su tracer une ligne radicale de défense du cinéma d’auteur.
Frédéric Maire

On l’a appris dans Le Matin Dimanche: Freddy Buache cesse ses chroniques dans
le journal, après cinquante-quatre ans de bons et loyaux services. (…) Depuis 1959,
il a écrit chaque semaine
et plus, dans une page entière, affirmant cette voix profondément critique qu’on pouvait apprécier,
ou pas, mais qui ne laissait personne indifférent. Pendant longtemps,
la plume de Freddy Buache a tracé une ligne radicale de défense du cinéma d’auteur et de la liberté d’expression. Car Buache s’est aussi insurgé contre les censeurs de tout poil, élevant volontiers la voix quand
la télévision romande l’invitait sur le plateau.
Au fil de ses articles, Freddy Buache a défini en quelque sorte un cercle d’artistes remarquables alors décriés mais par la suite plus
que reconnus (au hasard, Angelopoulos, Antonioni, Bergman, Buñuel, Godard, Huston, Pialat, etc.). Aujourd’hui, une voix critique comme la sienne est engloutie dans l’hypermédiatisation des événements, des «people» et du cinéma à gros budget. Dans les journaux et les médias dominants, James Bond, Thor ou le Hobbit prennent toute la place, selon l’adage «ce qui vend fait vendre».
Et la petite voix qui met
en avant le dernier film
de Manoel de Oliveira reste submergée par ce flux
de cinéma industriel. C’est probablement l’une des raisons qui font que Freddy Buache laisse tomber
la plume. C’est dommage.
Il continue néanmoins
à donner des cours
à la Cinémathèque suisse,
à y présenter des films avec l’enthousiasme que l’on sait, et à écrire des livres. Espérons surtout que sa longévité et son obstination feront des émules – notamment dans la galaxie des blogs qui s’affirme, souvent, comme le dernier espace
de contre-culture.


 

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Politique internationale

L’importance du «consentement à l’impôt» pour la démocratie

En France, le contrat de confiance qui devrait exister entre l’Etat et ses contribuables se réduit comme peau de chagrin.
Martine Brunschwig Graf

Un quart des Français sont tentés de frauder le fisc, nous apprend l’Agence France-Presse (…). On peut se demander s’ils sont conscients de leurs réponses car ils sont aussi 44 sur 100 à déclarer avoir déjà réglé en liquide des services divers afin d’éviter la TVA et/ou les charges sociales. On s’avoue donc plus volontiers fraudeur que fraudeur potentiel! Cela ne prête néanmoins pas
à rire car le «consentement à l’impôt» que souhaite mesurer cette enquête n’apparaît pas très solide. Cela est-il inquiétant? Oui, certainement, si l’on se réfère à ce que le gouvernement français lui-même donne comme définition: «Le consentement à l’impôt permet à chaque Français par l’intermédiaire de ses représentants au Parlement de contrôler les finances
de l’Etat, et donc l’action
du gouvernement; il est l’élément central du budget de l’Etat, dont le vote est
un pilier essentiel de la démocratie représentative.» Un sondage tout aussi récent montre que pour 43% des Français, payer ses impôts n’est pas un acte citoyen. (…) Le contrat
de confiance qui devrait exister entre l’Etat et ses citoyens contribuables
se réduit donc comme peau de chagrin. C’est une chose que d’aimer ou non ses dirigeants et ses représentants, cela en est une autre que se sentir si peu citoyen que l’on n’exerce plus que ses droits sans considération pour ses devoirs.
Ce mal, car c’en est
un, guette tous les pays dès lors que la confiance est rompue. Au-delà de la confiance, c’est la démocratie qui en souffre (…). L’an prochain, les Français éliront les autorités municipales. (…) Ce sont elles qui vont se retrouver en première ligne, s’agissant de devoir financer
de nouvelles tâches imposées par l’Etat central sans concertation.
La décentralisation sans
le transfert des moyens financiers correspondants était déjà difficile, mais viennent s’ajouter à cela une réforme scolaire coûteuse et des milliards
de réductions de recettes. L’Etat central ne le dit pas ouvertement mais les communes devront peut-être choisir entre hausse des impôts et mise sous tutelle. Le «consentement à l’impôt» en France n’est donc pas près de se renforcer, bien au contraire. Au-delà des résultats électoraux de l’an prochain, il faut se demander quelle ampleur pourrait prendre la révolte. Les bonnets rouges bretons ne sont qu’un avant-goût de ce qui pourrait se produire.

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Initiative 1:12: le débat continue

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Jeudi, 28 Novembre, 2013 - 05:49

▼Les faits
Aucun canton ne l’a acceptée. Les votants, quant à eux, ont été près de 1,8 million à la rejeter. Balayée à 65,3% par le peuple suisse ce dimanche 24 novembre 2013, l’initiative «1:12 – pour des salaires équitables» a fait parler d’elle au-delà de nos frontières.

▼Les commentaires
Pragmatique, le quotidien autrichien Die Presse relève simplement que «les Suisses connaissent les éléments essentiels au bon fonctionnement de l’économie d’un pays». Plus critique, Libération estime qu’«en rejetant la régulation de l’écart entre hauts et bas salaires, les Suisses confèrent toujours plus aux riches». Une tendance qui devrait plaire au Sunday Times. Lui qui, lors de la campagne, se demandait si «la Suisse était devenue allergique aux riches». Après avoir repris les arguments des opposants à l’initiative, Die Welt note pour sa part que «si les Allemands avaient eu la possibilité de se prononcer sur 1:12, ils l’auraient acceptée avec une claire majorité». Il s’appuie pour cela sur un sondage mené par Die Welt am Sonntag, selon lequel «73,3% des personnes interrogées voteraient en faveur d’un système salarial régi par l’Etat». En Espagne, El País se fait plus moralisateur et s’étonne qu’un tel vote intervienne dans un «pays qui détient les données globales les plus enviables au niveau de l’économie et de l’emploi, en particulier si l’on compare la situation que vivent d’autres économies européennes, dévorées par le chômage et la gestion inefficace».

▼A suivre
Malgré cet échec, le débat sur les inégalités n’est pas clos. Une nouvelle votation sur les salaires s’annonce l’an prochain, avec l’initiative de l’Union syndicale suisse exigeant un salaire minimum de 4000 francs par mois.

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Peter Schneider / Keystone
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