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Bébés suisses «made in Ukraine»

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Jeudi, 5 Décembre, 2013 - 05:55

Mères porteuses.Un rapport du Conseil fédéral le confirme: les femmes pauvres qui louent leur ventre ont aussi des clients suisses. Réalités d’un marché, dilemme éthique.

 

Oui, des couples suisses, nombreux, ont recours à des mères porteuses à l’étranger. Le rapport du Conseil fédéral qui le confirme a été rendu public vendredi dernier. Il est passé quasi inaperçu. Non que la gestation pour autrui (GPA) soit une réalité d’importance mineure. Mais c’est une réalité embarrassante. «Irritante», dit le rapport. Un vrai casse-tête éthique.

Touristes reproductifs. D’abord, combien sont-ils, ces couples suisses qui, pour échapper à l’interdiction de la GPA chez eux, s’adonnent au tourisme reproductif dans les pays qui l’autorisent? C’est la première question posée par la conseillère nationale Jacqueline Fehr dans le postulat qui a suscité le rapport.

Réponse: on ne peut rien dire avec certitude car les cas déclarés – dix à ce jour – sont minoritaires. Pour échapper aux démarches administratives qui les attendent s’ils jouent la transparence (la mère d’intention doit notamment adopter l’enfant), la plupart des couples préfèrent passer sous les radars des autorités et faire comme si un heureux événement les avait surpris durant leurs vacances en Ukraine – pays très prisé par les couples européens.

L’ambassade de Suisse à Kiev confirme ce «fait connu», note le rapport: «Les parents d’intention suisses évitent “soigneusement” une approche avec les autorités.» Et à leur retour au pays, personne ne leur cherche noise à moins d’indices massifs en leur défaveur (une mère trop âgée pour être crédible, par exemple).

On ne sait pas combien ils sont mais on peut se faire une idée: en Grande-Bretagne, pays qui pourtant autorise la GPA, on estime que sur 100 cas annoncés, 1000 enfants «made in India» entrent dans le pays. Dès lors, multiplier, en Suisse, le nombre de cas déclarés par dix ne paraît pas exagéré.

 

Abus et violations. Le rapport n’est pas tendre avec les touristes de la reproduction: leur détresse les rend aveugles à celle d’autrui, dit-il en substance. Ils participent à «l’exploitation des mères porteuses», qui agissent «par détresse économique» et subissent «des abus et des violations graves». La réalité est celle, crue, d’un marché inégal, ce même marché procréatif que la législation suisse a voulu éviter.

Bien souvent aussi, ces touristes du troisième type «se comportent de manière égoïste et irresponsable» en violant le droit des enfants à connaître leur filiation, ajoute le rapport. Il faut dire que dans la plupart des cas, la mère porteuse n’est elle-même que la gestatrice d’un enfant issu des ovocytes d’une tierce personne, souvent anonyme. Les chances d’un enfant né de GPA d’accéder à sa filiation sont minces.

Le fait accompli. D’un autre côté, observe le rapport, ces couples nous mettent devant «le fait accompli»: «Les éventuelles atteintes aux droits de la mère porteuse et de l’enfant à naître ne peuvent plus être rétablies rétroactivement.» Et l’intérêt de l’enfant commande de ne pas se montrer trop sévère lorsque, face à une infraction avérée, il faut décider si on reconnaît «de facto» le lien de filiation avec les parents d’intention. Un exemple de sévérité a été donné récemment par l’Italie, qui a retiré l’enfant au couple fraudeur.

Les experts fédéraux plaident quant à eux pour la clémence au cas par cas: «Un enfant ne doit pas être puni pour les actes répréhensibles des autres, en particulier des parents d’intention.» En outre, punir lesdits parents «pourrait compromettre le bien de l’enfant».

Mais le rapport souligne en même temps le caractère profondément insatisfaisant de la situation: en reconnaissant la filiation, on encourage le tourisme procréatif et on soutient «l’exploitation des mères porteuses dans les pays pauvres et le non-respect des droits de l’enfant».

Conclusion: les réponses à ce dilemme éthique ne peuvent être qu’internationales. La Suisse «s’engage à différents niveaux pour faire face aux abus dans le futur». Notamment dans le cadre de la Conférence de La Haye, où la recherche de solutions est en chantier.

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Le Bade-Wurtemberg plus fort que la Chine

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Jeudi, 5 Décembre, 2013 - 05:56

Suisse-Ue.Les relations commerciales entre la Suisse et ses régions frontalières dépassent de loin celles avec les pays émergents.

VOTATION

La bataille des chiffres

L’argument a plus de vingt ans, mais il est peut-être séculaire: la Suisse gagne 1 franc sur 2 grâce à son commerce extérieur. Lors de la campagne pour l’Espace économique européen, Jean-Pascal Delamuraz l’avait beaucoup utilisé pour convaincre les Suisses de l’intérêt d’avoir les meilleures relations possibles avec l’Union européenne (UE).

Face à l’échéance du 9 février, l’initiative de l’UDC contre l’immigration de masse, Didier Burkhalter, chef du Département des affaires étrangères, a décidé d’être encore plus précis: les échanges commerciaux avec le seul land du Bade-Wurtemberg se situent au niveau de ceux avec les Etats-Unis, ou des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud).

De même, la Bavière pèse autant que le Japon; l’Alsace et Rhône-Alpes, prises séparément, beaucoup plus que l’Inde; la Franche-Comté plus que l’Afrique du Sud; les quatre régions frontalières italiennes bien plus que la Chine; le Tyrol supplante la Russie. Les marchés émergents doivent être soignés, ils sont un appoint mais pas un substitut. Près de 56% des exportations suisses vont vers l’UE, alors que 75% des importations en proviennent. Le volume de nos transactions commerciales avec les 28 s’élève à 1 milliard de francs par jour ouvrable.

L’acceptation du texte de l’UDC mettrait en danger à terme la fluidité et le volume de ces échanges. La récusation de la libre circulation des personnes aurait un effet de couperet sur les autres accords signés dans le cadre des Bilatérales 1 en 1999, comme celui sur la reconnaissance des normes qui permet aux entreprises d’économiser de 200 à 500 millions de francs par an. Les initiants ordonnent au Conseil fédéral de renégocier, mais qui peut sérieusement croire que le résultat, si l’UE accepte d’entrer en matière, sera meilleur?

«Renégocier des exceptions est un leurre, prévient Didier Burkhalter. L’initiative de l’UDC repêche une série de problèmes résolus par les accords bilatéraux en vigueur.»

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La Suisse, centre du mal

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Jeudi, 5 Décembre, 2013 - 05:57

Evasion fiscale.L’économiste français Gabriel Zucman charge les banques helvétiques. Une attaque en règle que réfute l’avocat Philippe Kenel.

Si Gabriel Zucman n’était pas professeur à la London School of Economics (LSE), son livre* ne mériterait pas que l’on s’y attarde. En effet, les thèses qui y sont développées n’ont rien de nouveau. Cependant, il est important de dénoncer cet ouvrage car il légitime, sous la plume d’un professeur universitaire de qui on est en droit d’attendre rigueur et honnêteté intellectuelle, deux a priori plus dignes des pubs londoniens que de la LSE.

Dès la première page, Zucman déclare s’attaquer aux paradis fiscaux en omettant de définir ce concept et surtout en mettant sur un pied d’égalité les Etats permettant à des personnes de soustraire illégalement de l’argent à leur fisc national et ceux permettant à des multinationales de faire de la planification fiscale légale.

 

Cette manière de procéder, qui s’inscrit dans la même ligne que celle de certains politiciens français qui veulent mettre au même niveau l’acte illégal qui consiste à ne pas déclarer son argent au fisc et l’acte légal qui consiste à décider de changer de domicile, est non seulement malhonnête intellectuellement, mais des plus dangereuses dans la mesure où elle nie l’existence même de l’Etat de droit.

Les règles légales peuvent évidemment être changées. Mais ne plus faire la distinction entre ce qui est légal et ce qui ne l’est pas ouvre la porte à la légitimisation de tous les actes illégaux, puisque de toute manière la frontière du droit n’est plus reconnue.

En second lieu, l’auteur, qui consacre plus d’une dizaine de pages à l’histoire du secret bancaire suisse, omet le fait que, depuis plus d’une vingtaine d’années, les banques suisses ont l’obligation de connaître le bénéficiaire économique d’un compte, peu importe qu’il soit détenu directement ou indirectement.

Cette omission volontaire permet à Zucman d’écrire: «Les comptes numérotés sont aujourd’hui interdits par la législation anti-blanchiment. Ils ont été remplacés par les trusts, les fondations, et les sociétés écrans […] Dans un cas comme dans l’autre, le véritable propriétaire reste indétectable.»

S’il est vrai que, dans certains pays anglo-saxons, les banques ne s’intéressent pas au réel bénéficiaire économique des structures, tel n’est absolument pas le cas en Suisse. Il n’existe pas, dans notre pays, de comptes dont les banques ne connaissent pas le bénéficiaire économique.

Cette «erreur» n’est pas neutre dans la mesure où il s’agit de la prémisse qui permet à l’auteur d’écrire qu’«il ne faut toutefois pas exagérer la concurrence que ces derniers [les autres paradis fiscaux] font subir à la Suisse» et qu’«opposer la Suisse aux nouvelles places d’Asie et des Caraïbes n’a pas grand sens». Le seul vrai et méchant Etat, c’est la Suisse!

Dans son dernier ouvrage, L’identité malheureuse, Alain Finkielkraut cite ces propos de Charles Péguy: «Il faut toujours dire ce que l’on voit. Surtout, il faut toujours, ce qui est le plus difficile, voir ce que l’on voit.» Et Finkielkraut ajoute: «Ce [ceux qui ne voient pas] ne sont ni des idiots ni des méchants mais des hommes et des femmes de bonne volonté qui ont besoin de croire que la scélératesse a une seule adresse.» Ces propos s’appliquent parfaitement à la manière de penser de Zucman et d’autres pour qui la Suisse est le mal absolu qui ne doit sa réussite qu’à son secret bancaire. Il est intellectuellement, voire peut-être même psychologiquement, impossible pour eux de voir que la Suisse a tourné la page de son secret bancaire. Le voir, ce serait en effet remettre en cause un certain nombre de présupposés idéologiques, ce qui va au-delà de ce qui est possible pour eux.

* «La richesse cachée des nations – Enquête sur les paradis fiscaux».
Editions du Seuil et La République des idées.


Philippe Kenel

 

Avocat à Genève, Lausanne et Bruxelles et blogueur de L’Hebdo, il défend l’adoption par la Suisse de l’échange automatique de renseignements fiscaux depuis 2010.

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Nouveaux parlementaires: les Alémaniques dont il faut savoir le nom

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Jeudi, 5 Décembre, 2013 - 05:58

Outre-SarinePlusieurs nouveaux parlementaires alémaniques ont déjà percé. Une brochette éclectique.

Catherine Bellini et Michel Guillaume

Parmi les nouvelles têtes alémaniques qui émergent au Parlement fédéral, on découvre un mélange très hétéroclite de types de politiciens.
A l’UDC, et cela ne surprendra personne, il y a les alignés couverts aux ordres du parti tandis qu’au PLR deux personnalités très libérales tiennent le haut du pavé. Chez les socialistes, pour l’instant, les nouveaux politiciens en vue sont plutôt des individus très particuliers et pas forcément représentatifs du parti.

Karin Keller-Sutter(PLR/SG)
«Le Conseil fédéral, c’est fini, fini, fini», dit-elle d’emblée. Candidate malheureuse face à Johann Schneider-Ammann, la Saint-Galloise a «définitivement» tourné la page. Pour l’ancienne conseillère d’Etat, une autre vie a commencé. Elle la partage entre le Conseil des Etats, où elle trône – élégante, voire majestueuse – plus qu’elle ne siège, et les conseils d’administration d’entreprises prestigieuses. La Bâloise, la NZZ, Swiss Retail – une association de la vente au détail qu’elle préside – et deux caisses de pensions lui ont tendu les bras. C’est dire qu’au Sénat elle est devenue la voix de l’économie, ce qu’elle conteste. Elle n’y a pas que des amis. A gauche, et parfois aussi à droite, on lui reproche de la jouer «trop perso».

Heinz Brand(UDC/GR)
Sera-ce lui, l’homme que l’UDC enverra au front pour regagner le deuxième siège qu’elle revendique au Conseil fédéral? Beaucoup le pensent et lui ne dit pas non. En tout, son ascension est rapide. A peine arrivé à Berne, cet ancien chef de l’Office des migrations du canton des Grisons dirige déjà la commission des immunités et assume la vice-présidence de celle des institutions politiques. «Hardliner», il ne dévie jamais de la ligne blochérienne, balaie toute concession pour faciliter la naturalisation et souhaiterait rendre exceptionnelles les autorisations provisoires en matière d’asile. Au PLR et au PDC, on estime pourtant qu’on «peut travailler avec lui». Il sera probablement candidat au gouvernement cantonal en 2014.

Balthasar Glättli(Verts/ZH)
Le successeur d’Antonio Hodgers à la tête du groupe des Verts quitte-t-il sa petite écharpe verte pour dormir? Est-ce cette allure d’éternel Petit Prince, sa position hyperouverte en matière d’asile, aux antipodes de l’autre Vert Bastien Girod qui agace? Si le Vert s’est imposé dans les médias – on le voit davantage que la coprésidente Regula Rytz outre-Sarine –, au Parlement et maintenant au groupe, notamment pour ses connaissances pointues en matière d’internet, il ne plaît guère à ses collègues. Peut-être parce qu’il incarne ce que le reste de la Suisse n’aime pas chez un Zurichois: le fait qu’il soit Zurichois, avec l’arrogance que cela suppose, et que, de la ville, il condamne le mitage du territoire dans les campagnes. Du coup, on se sent cul-terreux.

Andrea Caroni(PLR/AR)
On n’avait plus vu si bel homme sous la Coupole depuis le départ du Bâlois Christoph Eymann. L’ex-conseiller personnel de Hans-Rudolf Merz a trois points communs avec son mentor: le libéralisme économique, l’ancrage appenzellois et un talent pour les langues française, anglaise ou espagnole. Habile à attirer la caresse des projecteurs comme à obtenir la responsabilité de rapporteur pour une révision du droit pénal, l’homme ose défendre des positions peu populaires: le principe de proportionnalité dans la condamnation des pédophiles ou la liberté des prostituées et de leurs clients. Il danse très bien, aussi. Ce qui aide pour se glisser devant les autres.

Nadja Pieren(UDC/BE)
Un visage de madone, des manières douces, la directrice de crèches de Burgdorf tranche avec les jeunes femmes UDC qu’on connaissait jusqu’ici, Natalie Rickli ou Jasmin Hutter: incisives, claquantes et monothématiques. Après avoir œuvré en commission et tissé des liens avec d’autres partis, la jeune vice-présidente de l’UDC était sur tous les fronts cet automne: contre la vignette et pour l’initiative pour les familles. Autre mission en filigrane: contenir un BDP très fort dans le canton de Berne. Plutôt que de mitrailler ses arguments, Nadja Pieren les explique et semble authentique, davantage que le fort en thème zougois Thomas Aeschi, diplômé de Harvard, un type «tip-top» et qui fait la fierté de Christoph Blocher. Ce dernier lui a d’ailleurs confié la mise sur pied d’une nouvelle troupe anti-UE, le comité Non à une adhésion rampante à l’UE.

Cédric Wermuth(PS/AG)
Il y a ceux qui l’adorent et ceux qui l’abhorrent, le père de l’initiative 1:12, lui qui tire le Parti socialiste à gauche. L’étudiant argovien et francophone, 27 ans, ex-président des Jeunesses socialistes, soigne depuis toujours les provocations: après la fumette d’un joint en public naguère, il a osé qualifier, à la tribune du National, le fusil d’assaut d’«ersatz» phallique. Sous la Coupole pourtant, Cédric Wermuth sait aussi jouer une autre partition. Elégant, très courtois et respectueux des formes, il a déjà réussi un sacré coup. S’alliant à Christoph Blocher, il a signé et fait passer une motion d’ordre qui renvoie le programme d’économie au gouvernement, lui demandant un réexamen des dépenses, notamment un scénario qui réduirait encore davantage les frais de personnel. Effets? Il n’y aura pas d’économie du tout en 2014.

Jacqueline Badran(PS/ZH)
La terreur du Palais. Quand elle arrive, tout le monde fuit! Son style on ne peut plus agressif en irrite beaucoup, mais en fascine d’autres, moins nombreux il est vrai. La grande Zurichoise n’hésite pas à travailler les conseillers fédéraux au corps à corps, l’un après l’autre, pour faire triompher les causes qu’elle défend, comme le maintien de la Lex Koller pour enrayer la spéculation foncière. Elle a averti personnellement sa camarade Simonetta Sommaruga: «Si tu abolis cette loi, je t’attaquerai frontalement par référendum.» Elle est capable de le faire… et de gagner. Son côté très attachant et convivial compense cependant sa rudesse.

 

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Nouveaux parlementaires: ceux qui émergent, ceux qui rament

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Monika Flueckiger
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Nouveaux parlementaires: les autres bleus romands

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Jeudi, 5 Décembre, 2013 - 05:59

Évaluation.Ils ont été élus en 2011. A mi-législature, «L’Hebdo» distingue les stars montantes, les déceptions ou les «peut mieux faire».

Catherine Bellini et Michel Guillaume

VAUD

Cesla Amarelle (PS),
26 interventions écrites, notamment dans la politique migratoire

Elle a du courage, l’étoile montante des socialistes vaudois. Pour mieux se profiler sous la Coupole fédérale, elle a choisi l’immersion à Berne en y emmenant ses deux fillettes. Une bonne manière de préparer la présidence de la Commission des institutions politiques, où elle excelle dans les questions migratoires. Même ses adversaires reconnaissent qu’elle n’est ni dogmatique ni bornée. On discerne là une future femme de gouvernement…

Isabelle Chevalley (Vert’libéraux),
29 interventions écrites, surtout dans les domaines de l’énergie et de l’environnement

Cordialement détestée par ses détracteurs, la passionaria du combat antinucléaire hantait déjà les couloirs du Palais fédéral depuis huit ans en tant que lobbyiste. Mais après son élection, elle n’a pas pu siéger à la commission ad hoc, la CEATE, que s’est arrogée le président du parti Martin Bäumle. Isabelle Chevalley maîtrise toujours très bien ses dossiers, mais la fougue avec laquelle elle les défend nuit parfois à sa cause.

Fathi Derder (PLR),
16 interventions écrites, dans l’emploi, la sécurité et la mobilité

Cet excellent communicateur a aussi la plus belle gueule masculine du Parlement. Mais encore? A force de poser sur le Parlement un regard d’ethnologue dans ses chroniques du Matin, ce libéral bon teint en oublie d’être un acteur. Il s’est beaucoup dispersé dans des causes foireuses, de l’anglais comme langue officielle au titre d’ambassadeur de l’excellence qu’il veut décerner à Federer. Du coup, on en oublie son engagement au sein de la Commission de la recherche.

Olivier Feller (PLR),
17 interventions écrites, aménagement du territoire et fiscalité

Un bon politicien, très bon bretteur. Mais c’est d’abord un esprit libre, une attitude toujours à double tranchant. Le bilingue directeur de la Chambre vaudoise immobilière a ainsi conquis le respect de ses adversaires, mais s’est aliéné des sympathies dans sa propre famille politique. Après sa dissidence sur les réseaux de soins et le prix du livre, il a subi les foudres de la cheffe de groupe Gabi Huber et a dû démissionner de son comité. Fini le temps des Dick Marty, Peter Tschopp ou Yves Christen, quand radicalisme rimait encore avec humanisme.


Genève

Manuel Tornare (PS),
28 interventions écrites, notamment sur les affaires étrangères et les droits humains
Une déception. On attendait davantage d’un politicien aussi expérimenté et intelligent que l’ancien maire de Genève. Il ne s’est pas imposé sous la Coupole fédérale, ni dans son parti ni sur certains dossiers. Evincé au printemps 2012 de la course au Conseil d’Etat, il semble souffrir du syndrome du Genevois qui s’étiole à Berne, comme Guy-Olivier Segond à l’époque. Sa culture politique genevoise, très polarisée, ne le sert pas à Berne, où tout est axé sur la recherche du compromis.

Céline Amaudruz (UDC),
26 interventions écrites, souvent sur la criminalité ou les chevaux

On ne parle que d’elle, c’est sûr. Enfin, de sa plastique surtout! La bimbo de l’UDC est donc devenue la reine incontestée de la presse people. Elle s’illustre par une ligne «copier-coller» du Soviet suprême blochérien à la tête de son parti. Politiquement, on attendait d’elle qu’elle éclipse le MCG de Mauro Poggia. Raté: entre-temps, ce dernier a accédé au Conseil d’Etat genevois.


Fribourg

Valérie Piller Carrard (PS),
8 interventions écrites, thèmes divers

Depuis plusieurs années, la presse helvétique n’a d’yeux que pour la «dream team» du PS fribourgeois, à savoir le trio Berset-Levrat-Steiert. Pas facile dès lors d’arriver dans leur sillage pour cette Broyarde de 35 ans, mère de deux enfants en bas âge. Elle se bat beaucoup sur la politique de la famille, mais peine à exister sous la Coupole. Sans véritable réseau, peu à l’aise en allemand, elle n’y a pas encore trouvé ses marques.

Christine Bulliard-Marbach (PDC),
21 interventions écrites dans la santé, la formation et la famille

Cette Singinoise a succédé à Thérèse Meyer-Kaelin au Conseil national. Très bosseuse, elle joue les bonnes élèves, ne ratant quasiment aucun vote. Elle se donne de la peine. Elle en a. Elle tourbillonne beaucoup, comme lorsqu’elle se bat comme une lionne en commission pour intégrer dans une loi la formation continue… des parents!

Ursula Schneider Schüttel (PS)
Elle a succédé à Christian Levrat au Conseil national en été 2012.


Valais

Mathias Reynard (PS),
24 interventions écrites dans la formation

Le benjamin du Parlement (26 ans) a pris un départ tonitruant à la tribune lors de son discours inaugural, puis est rentré dans le rang. Avec son piercing à l’arcade sourcilière, il est resté fidèle à lui-même, un Valaisan fier de ses treize étoiles qui s’est fait quelques inimitiés chez ses camarades en combattant la Lex Weber. Il s’est aussi signalé par une initiative contre l’homophobie.


Jura

Pierre-Alain Fridez (PS),
37 interventions écrites dans les affaires militaires et la santé

C’est le champion de l’heure des questions, un excellent moyen dont dispose un parlementaire pour accrocher un conseiller fédéral sur un thème d’actualité tout en attirant l’attention de la presse. Pierre-Alain Fridez en a posé plus de vingt, notamment dans la politique de sécurité, où il devient la voix romande du PS. Sinon, il reste plus que discret.

Jean-Paul Gschwind (PDC),
14 interventions écrites, médecine vétérinaire

«Un type sympa.» Si tout le monde le dit, ça doit être vrai! Impossible d’être plus convivial que le vétérinaire jurassien. Mais ce dernier paraît bien égaré dans l’hémicycle, où le PDC doit rêver des figures charismatiques d’antan tels François Lachat ou Pierre Kohler, autrement plus écoutés sous la Coupole. Le Jura manque décidément de relève au Conseil national.


Neuchâtel

Sylvie Perrinjaquet (PLR)
Elle remplace Alain Ribaux, élu au Conseil d’Etat au printemps 2013. Il est trop tôt pour juger de ce retour à Berne.

Raymond Clottu (UDC)
Il succède à Yvan Perrin, lui aussi élu au gouvernement cette année. Impossible de le juger sur une période aussi courte.

 

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Nouveaux parlementaires: ceux qui émergent, ceux qui rament

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Jeudi, 5 Décembre, 2013 - 06:00

Mi-législature.Parmi les nouveaux élus romands entrés en 2011 au Parlement fédéral, seuls deux s’imposent avec force. Inquiétant.

Catherine Bellini et Michel Guillaume

Sous son air arrondi et sa molasse vert-de-gris, le Palais fédéral cache un univers impitoyable. On fait et défait des réputations derrière de majestueuses colonnes de marbre, on fomente des coups, on réalise des alliances, on médit, on intrique, on ignore ou l’on flatte. Les larmes s’écrasent au bord des yeux, de bonheur ou de dépit. On y aime aussi, on y hait parfois. Et il arrive qu’y naissent des amitiés. Le tout sous l’œil des caméras, près de l’oreille des journalistes. De quoi rendre nerveux les nouveaux élus qui, il y a deux ans, gravissaient les marches du Palais. Pour influer sur le cours de la politique du pays et prouver à leurs électeurs que leur confiance est bien placée, ils allaient devoir apprendre le métier, prendre leurs marques, ramer, s’imposer sur un sujet, décrocher une place dans une bonne commission – la plus prestigieuse demeurant celle qu’on appelle la WAK, de son acronyme alémanique: la Commission de l’économie et des redevances.

Dures lois de la concurrence. Les parlementaires n’arrivent pas égaux sous la Coupole. La Saint-Galloise Karin Keller-Sutter (PLR), tout auréolée de sa presque accession au Conseil fédéral, a obtenu toutes les commissions qu’elle désirait. Les tenaces, les rapides et les compétents parviennent à arracher le devoir de rapporteur de commission.

Le Vaudois Jean Christophe Schwaab (PS) excelle à cet exercice, ce qui a largement contribué à sa bonne réputation. Rapporteur: du boulot, mais du prestige aussi le jour où l’on expose les arguments face au plénum. Attention: cet exercice, réservé aux meilleurs, nécessite de maîtriser la langue allemande, le A et le 0 de la réussite fédérale, encore, toujours et plus que jamais! A défaut, les malins ou les flegmatiques peuvent toujours se consoler à l’heure des questions, une institution qui permet, deux fois par session, d’adresser directement une question à un conseiller fédéral qui doit y répondre en personne.

Effort minimal, effet maximal. Mais encore faut-il que tout cela se sache. Rares sont les travailleurs de l’ombre qui, comme l’excellente Josiane Aubert (PS/VD), s’y sentent bien. Pour exister sous la Coupole, la plupart des parlementaires cherchent à exister dans les médias. Parce que, les lois du marketing s’appliquant en politique, une forte présence médiatique permet souvent de conquérir de nouvelles responsabilités. Les partis, sensibles à l’image et à l’identification qu’elle permet chez les électeurs, confient plus volontiers une campagne de votation ou un poste en vue, vice-président du parti ou chef de groupe, à une étoile montante qu’à une souris grise.

Aide-toi et le ciel t’aidera. Pour se tailler un chemin, les parlementaires doivent d’abord compter sur eux-mêmes. Ceux qui ont réussi en furent conscients dès le premier jour. Parce que, mis à part les directions de parti qui souhaitent préparer la relève, personne, au Palais, n’a terriblement intérêt à ce qu’un bleu freluquet vienne se dresser devant lui. Tout au contraire, les politiciens tiennent à leur place au soleil, ils y travaillent depuis longtemps. Alors va pour un conseil de temps à autre, mais pas question d’expliquer en long et en large la meilleure façon de lancer la motion de commission ou le coup qui permet la percée d’un dossier et assoit une réputation.

D’ailleurs, il s’agit de prendre garde aux mirages des interventions parlementaires. Même si les observateurs les comptent à l’heure des ratings. L’influence d’un politicien ne se mesure pas à la quantité d’objets déposés en son nom. Sinon, comment expliquer la carrière ma foi assez réussie d’un Alain Berset qui n’en a déposé que 25 durant ses huit ans au Parlement? Et que dire de Karin Keller-Sutter qui n’en compte que quatre à ce jour? Un parlementaire de poids nous confiait que plus le temps passait, moins il en déposait. Socialiste, il glisse plutôt son idée à un collègue du centre droit, histoire de la rendre plus susceptible de séduire une majorité.

Les surdoués et les autres. Oui, les voies pour s’imposer au Parlement s’avèrent aussi tortueuses qu’encombrées. Rien de bien surprenant dès lors que, parmi les Romands élus lors des élections fédérales de 2011 et qui entament leur troisième année de session, rares sont ceux qui se sont déjà révélés, qui influent sur les décisions, se voient souvent sollicités dans les médias et remarqués en Suisse alémanique. A ce jour, selon notre analyse et l’avis de nombreux acteurs et observateurs de la scène politique, ils ne sont que deux conseillers nationaux à y être d’ores et déjà parvenus: le PDC valaisan Yannick Buttet et le socialiste vaudois Jean Christophe Schwaab (voir ci-dessous). Quelques-uns s’avèrent solides, comme la Vaudoise Cesla Amarelle (PS). D’autres doivent confirmer des débuts prometteurs, tel Mathias Reynard (PS/VS). Mais beaucoup peinent à sortir de ce brouillard mélancolique qui flotte au bord de l’Aar. On pense aux Jurassiens Jean-Paul Gschwind (PDC) et Pierre-Alain Fridez (PS) ou à Manuel Tornare (PS) qui semble se languir de Genève.

Inquiétudes. Si les difficultés des Romands à éclore à Berne s’expliquent, elles n’en sont pas moins inquiétantes. Les dossiers à défendre prennent de l’ampleur. Aux enjeux en matière d’infrastructures routières et ferroviaires viennent se greffer le financement de la rénovation des sièges des grandes organisations internationales à Genève, mais aussi et surtout le crucial dossier de la fiscalité des entreprises, ses imbrications avec l’Union européenne et nos voisins, ses pertes de recettes, ses compensations fédérales. Le manque d’une relève très affirmée inquiète d’autant plus que les poids lourds romands se dispersent. Du trio socialiste Berset-Levrat-Steiert, le premier a grimpé au Conseil fédéral, le deuxième au Sénat et il s’en est fallu de peu pour que le troisième s’en aille au gouvernement fribourgeois. L’ex-vice-président de l’UDC Yvan Perrin? Remonté à Neuchâtel. Antonio Hodgers, chef du groupe des Verts? Retourné à Genève. Le président du PDC Christophe Darbellay? Il a annoncé qu’il serait candidat au Conseil d’Etat valaisan en 2017.

Parmi ceux qui restent, le socialiste Roger Nordmann demeure le plus écouté, dans les autres partis et en Suisse alémanique. A droite, on ne voit pas qui pourrait reprendre le flambeau des grandes figures à la Pascal Couchepin. Les PLR Christian Lüscher ou Isabelle Moret s’activent mais n’ont pas acquis jusqu’ici de poids politique au-delà de la Sarine. Bref, les nouveaux Romands ont intérêt à apprendre vite, très vite, plus vite.


Yannick buttet, démocrate-chrétien valaisan, 36 ans
Le téméraire conservateur

28 interventions, nombreuses en lien avec le Valais
«Buttet, c’est pas un bleu, c’est un noir, noir de noir.» Ces propos n’émeuvent pas le principal intéressé. Bien au contraire. Noir, catholique, conservateur, il assume parfaitement. D’autant plus qu’avec son grade de major à l’armée, sa présidence de commune et son omniprésence aux manifestations cantonales, il signe l’AOC du pur PDC valaisan. Et ce produit du terroir s’exporte ma foi fort bien dans le reste de la Suisse. Les médias s’arrachent ce type impeccable qui ne parle pas la langue de bois, s’oppose au mariage des gays ou à l’éducation sexuelle à l’école, ce débatteur musclé qui n’hésite pas à se lancer dans les sujets les plus scabreux et à parler de prostitution devant les caméras d’Infrarouge.

Comme il a bien appris l’allemand sous les drapeaux, l’émission Arena aimerait bien profiter de son franc-parler aussi. Invité par deux fois, il a dû refuser en raison d’autres engagements. Mais la prochaine fois, c’est sûr, il ira. A Berne, son côté conservateur et travailleur plaît aux UDC et pas seulement depuis qu’il a fait campagne pour leur initiative sur les familles. A la Commission de l’environnement et de l’énergie, ses positions progressistes et ses compétences en matière d’énergie renouvelable ne déplaisent pas non plus aux socialistes.

Mais sa carrure nationale, Yannick Buttet la doit à un combat au sein de sa propre famille politique, celui qu’il a mené contre la loi sur l’aménagement du territoire et les résidences secondaires, et par conséquent contre Doris Leuthard. Un crime de lèse-majesté dans un parti qui vénère sa conseillère fédérale comme une icône. Lui, courageux et même téméraire, affirme son indépendance, n’hésite pas à s’élever, même seul, contre son groupe.

Ce conservateur de granit apparaît un peu comme l’anti-Darbellay à l’insu de son plein gré.
A tant bousculer les uns et les autres, il sème l’inquiétude: que veut-il donc? Prendre le Conseil d’Etat valaisan à la barbe de son président? Entrer au Conseil des Etats? Va-t-il jusqu’à s’imaginer au Conseil fédéral, ce téméraire? Lui, il sourit: «Je n’ai pas de plan de carrière, c’est ma force.»


Jean Christophe Schwaab, socialiste vaudois, 34 ans
Le gauchiste ambitieux

28 interventions, avec une prédilection pour la protection des données et de la sphère privée
Sous ses airs bon enfant, le socialiste Jean Christophe Schwaab cache une volonté de fer, bien à gauche, qui n’a d’égale que sa capacité de travail: rapide, rigoureuse, redoutable. Il sait ce qu’il défend: la justice sociale. Il sait où il aimerait aller un jour: un exécutif, là où s’exerce le pouvoir. Alors, un dur plutôt qu’un doux? Peut-être bien. De son père, conseiller d’Etat et conseiller national souvent sous le feu de la critique, il a appris fort jeune que la politique était un panier de crabes. Piqûre de rappel il y a six ans quand, empli du désir de porter sa candidature pour le Conseil national, il se fait brutalement retoquer par ses camarades vaudois. Trop pressé, le p’tit Schwaab, trop soliste, trop médiatique, déjà qu’il a passé devant plusieurs anciens aux élections cantonales!

Belle revanche aujourd’hui que la réputation d’excellence dont il jouit sous la Coupole. «Il est fait pour ça», lancent en chœur une socialiste et un libéral-radical. Certes, le Palais, il connaissait. Il l’arpentait sous la casquette du lobbyiste pour l’Union syndicale suisse (USS). Certes, l’allemand il parlait, grâce à ses études de droit dans la capitale. Mais il y a beaucoup d’huile de méninges dans cette éclosion bernoise: des travaux ardus de rapporteur pour sa Commission des affaires juridiques. Des recherches de compromis avec les autres partis.

Le Vaudois a su profiter de sa spécialité, le droit économique, et de son accession à la présidence romande de l’Association suisse des employés de banque. Protecteur des collaborateurs des banques dont le nom pourrait être transmis aux autorités américaines, il est devenu un Romand qui pèse outre-Sarine, invité par la Neue Zürcher Zeitung à croiser le fer avec le président du PBD Martin Landolt au sujet de l’initiative Minder. Une interview qui a fait des jaloux. Un bémol? Son art oratoire déclamatoire donne de l’urticaire à plusieurs conseillers nationaux. Schwaab le sait, ce plaisir énorme qu’il éprouve à la tribune et au verbe, c’est son péché mignon.

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Hebdo.ch » revue de blogs de la semaine: trouver le bon équilibre

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Jeudi, 12 Décembre, 2013 - 05:51

C’était le 15 septembre 2008. La crise financière mondiale éclatait après la mise en faillite de la banque américaine Lehman Brothers. Une crise dont les effets sont en train de se faire ressentir sur le marché du travail: en Suisse, les étudiants en sciences économiques sont de moins en moins attirés par l’industrie bancaire. Plus question de se dévouer corps et âme pour des professions régulièrement ternies par des scandales, constate Sergio Rossi. «Il est vrai que la rémunération des collaborateurs d’une banque demeure intéressante lorsqu’on la compare aux rétributions versées dans beaucoup d’autres branches d’activité. (…) Mais il est tout aussi vrai que la rémunération ne doit pas être le seul moment de bonheur de celui-ci durant son activité professionnelle, a fortiori si, comme cela semblerait être le cas des jeunes générations, un bon équilibre entre vie privée et vie professionnelle est plus important que le salaire pour les choix d’une carrière. (…)»

Le domaine bancaire n’est pas le seul à souffrir d’un déficit de jeunes. Aux Chambres fédérales aussi, les moins de 30 ans sont largement sous-représentés. Pour y remédier, le conseiller national socialiste Andy Tschümperlin propose que tous les mandats expirent à l’âge de la retraite, ce qui agace Jacques Neirynck au plus haut point. «L’aimable Tschümperlin prétend que, s’il y avait moins de vieux, il y aurait davantage de jeunes. C’est ignorer le mécanisme qui sous-tend la représentation déficitaire des deux extrémités de la population. Les jeunes sont trop occupés par leurs études et le difficile début de leur carrière pour gaspiller la moitié de leur temps (en étant optimiste) à Berne. Les soixantenaires renoncent en principe au Parlement dès qu’ils comprennent qu’ils ne deviendront jamais conseillers fédéraux. (…)»

Le Parlement, justement, a élu, en fin de semaine dernière, Didier Burkhalter à la présidence de la Confédération. Un vote qui n’a pas vraiment soulevé les passions, se désole François Cherix. «Il aurait au moins pu entraîner un début de réflexion politique sur les orientations du Conseil fédéral. Mais la question des choix programmatiques de l’exécutif suisse ne peut jamais être posée ni traitée. (…) Sept personnes issues de partis concurrents, additionnées sans négociations préalables (…) ne peuvent faire mieux que gérer leur département, sans se fâcher avec les six autres. (…)»

A entendre Oskar Freysinger, on se dit que les ministres cantonaux ont quand même plus de liberté que nos conseillers
fédéraux, souvent en quête de la juste mesure. Selon les observations du chef de l’Education valaisanne, le divorce expliquerait l’échec scolaire des enfants et des jeunes. Un raccourci aberrant pour Stéphane Rossini. «Lorsqu’on consulte la littérature scientifique, le divorce n’apparaît jamais énoncé comme cause d’échec scolaire. (…) Stigmatiser les diverses catégories de la population et désigner des coupables est une pratique usuelle pour les élus UDC. Ici les parents séparés ou divorcés, là les bénéficiaires
de prestations sociales, là encore les étrangers qui font notre richesse. Seuls les tricheurs du fisc semblent épargnés.»


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L’avocat du Diable

Le droit au pétard?

Ce qui empêche nos jeunes de se droguer, c’est la prévention mais sûrement pas la peur du gendarme.
Charles Poncet

(...) Il y a en Suisse environ 170 000 consommateurs réguliers et un tiers des Suisses ont fumé un joint une fois ou l’autre, pour un marché de 1 milliard de francs environ de ce qui reste une drogue illicite – sa consommation est punie d’une contravention – selon le programme Monitoring Cannabis en Suisse de l’Office fédéral compétent. Bâle et Zurich verraient d’un bon œil une légalisation et un groupe de députés genevois propose une «expérience pilote» pour la création à Genève d’associations où l’on pourrait aller se fournir librement, afin de tordre le cou au trafic de rue. L’idée est sympathique, mais elle passe à côté du vrai problème et elle présente de sérieux inconvénients. Ces «mouvements associatifs» d’abord, postulés «clean», seraient bien vite infestés de dealers (…). On pourrait aussi voir le reste de la Suisse – sans parler de la France et de la Navarre – défiler à Genève pour profiter de l’aubaine. (…) Enfin et surtout, le vrai problème n’est pas posé. Il faut oser dire que la répression pénale de la consommation et du trafic de drogue est un échec planétaire. (…) La vraie question est donc: faut-il légaliser l’usage de stupéfiants pour tordre le cou aux mafias qui s’y engraissent? Vaut-il mieux admettre qu’il s’agit exclusivement d’un problème de santé publique et que le droit pénal n’a rien à y faire? (…) Je n’ai pas plus envie que d’autres de voir un jour nos adolescents se fournir en pétards à l’épicerie, mais le fait est qu’aujourd’hui en Suisse la drogue est de facto en vente libre. Il n’y a pas de soirée où un jeune Suisse ne puisse se droguer si l’envie lui en prend, sauf peut-être les goûters de la Fraternité d’Ecône, et encore. Ce qui empêche notre progéniture de se droguer, c’est l’éducation que nous lui donnons, l’information de l’école, les conseils du médecin, la pratique du sport (…) , mais sûrement pas la peur du gendarme. Quand une loi est tellement violée qu’elle ne sert plus à rien, il faut avoir le courage d’envisager son abrogation, faute de quoi c’est le principe même du respect de la loi qu’on tourne en dérision.


 

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Une Suisse en mouvement

David Cameron, ou quand la Suisse hurle avec les loups

L’UDC devrait se méfier avant d’emboîter le pas au premier ministre britannique sur les questions migratoires.
Johan Rochel

L’article publié la semaine passée par David Cameron, premier ministre britannique, dans les colonnes du Financial Times a provoqué un tollé à travers l’Europe. (…) Il y offre une critique en règle de certains effets de la libre circulation, se focalisant principalement sur les demandes formulées par les immigrants européens à l’Etat social anglais. Alors que la campagne pour la votation du 9 février sur l’initiative contre l’immigration de masse débute, l’UDC a dû croire à une avance du père Noël (…). Le parti s’est servi à pleines mains et nombre de défenseurs de la libre circulation à moitié convaincus ont baissé les bras. Si même les Anglais veulent en finir, pourquoi pas nous? (…) On pense à tort que la libre circulation au sein de l’UE et entre la Suisse et l’UE relève de la même logique. C’est inexact dans la mesure où le système au sein de l’UE a connu, depuis le tournant des années 2000, un développement fulgurant. En une formule, l’UE est passée d’une libre circulation des travailleurs à une libre circulation des citoyens. La différence est colossale dans le principe fondamental de ce système et dans ses implications. (…) Les réactions suisses apparaissent pour le moins étranges. Entre la Suisse et l’UE, c’est justement le «vieux» modèle de la libre circulation des travailleurs qui prévaut. Nous n’avons pas de citoyenneté commune et la libre circulation se fait sur la base d’un contrat de travail. (…) Cette libre circulation des travailleurs n’est pas du tout remise en question par Cameron. L’UE la développe depuis des décennies, et même Cameron, loin d’être un europhile, sait que la libre circulation des travailleurs profite à son économie, à son Etat social et à ses finances publiques. (…) Son propos se concentre sur les citoyens de l’UE qui seraient «chez lui» à des fins non professionnelles. L’UDC devrait se méfier avant de crier avec les loups: il se pourrait que le loup qu’ils croient ami soit en fait un vieux loup, habitué aux bergeries.


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HEAD - Genève

L’art de la médiation

Le master TRANS de la HEAD Genève était présent au festival lausannois Les Urbaines.
Claude-Hubert Tatot

Le partenariat engagé depuis 2009 entre le festival Les Urbaines, à Lausanne, et le master en arts visuels TRANS (enseignement, médiation) de la HEAD Genève atteste du désir de proposer des projets de médiation innovants. (…) Pour l’édition 2014, les étudiants du master TRANS proposaient, dans les anciennes halles CFF accueillant l’exposition HOT JAM, un espace d’accueil et d’information du public qui rassemble des documents et des vidéos. (…) Chacun et chacune a pris en charge quelques artistes et a fait sa propre mise en page. Les concepteurs de l’exposition, souhaitant favoriser la diversité, ont préféré assembler ces différentes feuilles plutôt que d’unifier la proposition. Cet objet hybride fait office de cartel autant que de livret souvenir, de table d’orientation et de mémo. Il n’a pas l’autorité du guide ni du catalogue mais, nous le souhaitons, ouvre au dialogue entre les œuvres, les artistes et les regardeurs.

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Fernanda Lima: cachez ces seins...

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Jeudi, 12 Décembre, 2013 - 05:52

▼Les faits

Le tirage au sort répartissant les qualifiés pour la Coupe du monde 2014 en huit groupes (lire ci-contre) s’est déroulé dans le cadre d’un show télévisé présenté en direct par Fernanda Lima et son mari Rodrigo Hilbert. Vêtue d’une robe moulante, la top-modèle affichait un décolleté très plongeant qui a choqué les fondamentalistes iraniens au point que, au lieu de flouter comme prévu certaines images, la télévision nationale a dû arrêter la diffusion.

▼Les commentaires
«Un tirage haché menu et des remarques parfois très imagées en farsi sur la page Facebook de la blonde Brésilienne, résume Libération. Ils l’ont souvent accusée d’avoir “gâché l’après-midi de 75 millions d’Iraniens”. Pour l’expert iranien Hassan Beheshtipour, ces commentaires illustrent les “frustrations sociales” d’une société où les femmes doivent être couvertes des pieds à la tête. Au lieu de “s’insurger contre la censure de la télévision, ils accusent une robe”. (…) Pour tenter de redorer l’image de leur pays, des internautes ont créé une page Facebook intitulée Les Iraniens s’excusent auprès de Fernanda Lima, qui a déjà attiré près de 20 000 fans.» «Après tout, le show était un tirage au sort pour la Coupe du monde, et tout ce que les spectateurs voulaient savoir, c’est quelles équipes étaient dans quels groupes», se désole Azarmehr. info, un blog pro-démocratie luttant contre la dictature religieuse. Au Brésil aussi le choix de Lima et Hilbert a fait jaser, mais pour une autre raison. La FIFA aurait préféré le couple blanc et glamour aux acteurs Camila Pitanga et Lázaro Ramos, rapporte le Jornal do Brasil. Ramos étant Noir, la fédération internationale a été accusée de racisme.

▼à suivre
La télé iranienne risque d’avoir du travail durant la Coupe du monde si toutes les filles sexy doivent être floutées.

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Affaire Giroud: vinaigre de vin

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Jeudi, 12 Décembre, 2013 - 05:53

▼Les faits
Giroud Vins, l’une des plus grandes caves du Valais, fait l’objet d’une enquête fiscale fédérale. Dominique Giroud est par ailleurs soupçonné de fraude sur l’appellation. Selon la RTS, il aurait abusé de la raison sociale d’un vigneron de Rivaz (VD) et vendu plusieurs milliers de bouteilles sous l’appellation Saint-Saphorin. Enfin, le nom du conseiller d’Etat valaisan Maurice Tornay a été évoqué dans cette affaire.

▼Les commentaires
«Malgré un arrangement financier et le retrait de la plainte par le vigneron vaudois, le parquet poursuit d’office ce qui est, selon un connaisseur du milieu vini-viticicole, une affaire d’une gravité sans précédent avec des ramifications dans plusieurs cantons suisses», relève la RTS. Interrogé par Le Nouvelliste, Dominique Giroud affirme être sur le point de trouver un accord avec l’administration fiscale, nie avoir utilisé des sociétés écrans et triché avec l’appellation Saint-Saphorin. Quant à Maurice Tornay, il révèle l’existence d’un document officiel indiquant qu’aucune procédure n’est ouverte contre lui. Dans un commentaire, Le Nouvelliste écrit que «s’il paraît évident qu’il y a eu quelques libertés prises avec la loi fiscale (…), il y a maintenant une récupération politique de l’affaire». Et le quotidien valaisan, qui ne craint pas les amalgames, de rappeler que «Brigitte Hauser, une des femmes qui figuraient sur les fameuses affiches antiavortement créées par Dominique Giroud (pour lesquelles il a été condamné), est aujourd’hui la conseillère personnelle d’Eveline Widmer-Schlumpf».

▼à suivre
Cette affaire suscite un grand embarras parmi les vignerons valaisans, qui redoutent que la réputation de leurs produits n’en pâtisse et que leurs efforts de promotion ne soient vains.

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Isabelle Favre
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République centrafricaine: tardive intervention française

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Jeudi, 12 Décembre, 2013 - 05:54

▼Les faits

Le président français François Hollande a lancé le 5 décembre une action militaire en République centrafricaine, peu de temps après avoir obtenu le feu vert de l’ONU. Au total, 1600 soldats ont été déployés dans le nord-ouest du pays, mais aussi à Bangui, la capitale. Leur mission: désarmer toutes les milices et les groupes armés qui terrorisent les populations locales depuis des mois. La Centrafrique est plongée dans un engrenage de violences communautaires et interreligieuses entre chrétiens et musulmans depuis le renversement, en mars, du président François Bozizé.

 

▼Les commentaires

«Une intervention louable mais incertaine», titre Le Monde qui indique qu’en «décidant de s’engager dans une délicate opération militaire (…), la France revient une fois de plus dans un pays où elle a plusieurs fois fait basculer le cours de l’histoire, sans jamais parvenir à améliorer durablement la situation». Le quotidien béninois La Nouvelle Tribune se montre encore plus critique: «Le président centrafricain déchu, François Bozizé, au bord du gouffre, avait en vain appelé les forces françaises et la communauté internationale à intervenir pour éviter le chaos. La France n’avait pas encore trouvé le moment propice pour jouer au sauveur. Il fallait laisser pourrir davantage. (…) Cette intervention est salutaire mais elle a tardé à venir.»

▼à suivre
Les ambitions affichées par la France, aider à une sécurisation du pays et permettre à l’aide humanitaire d’être acheminée, sont incontestables. Pas sûr, en revanche, que l’armée soit à même de reconstruire un Etat au bord de l’agonie.

 

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Immigration: Minder en guerre

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Jeudi, 12 Décembre, 2013 - 05:55

▼Les faits
Alors que la campagne sur l’initiative «contre l’immigration de masse» entre dans sa phase décisive, l’UDC lance Thomas Minder dans la bataille.

▼Les commentaires
«Minder prend les rênes», révèle le SonntagsBlick. Celui-ci met en scène le nouveau combat du patron de Trybol, qui siège au sein du groupe UDC à Berne. Tout auréolé de sa victoire sur les salaires exorbitants, le sénateur schaffhousois jouit d’une crédibilité intacte auprès de la population.

La NZZ am Sonntag analyse quant à elle bienfaits et méfaits de la libre circulation des personnes et conclut que le positif domine. Pour elle, la libre circulation a permis à l’économie de créer 10% d’emplois en dix ans et de surmonter la crise financière de 2008 sans forte hausse du chômage. Quant aux problèmes du logement et du mitage du territoire, ils ne sont que marginalement dus à l’arrivée des nouveaux citoyens européens.

L’ambassadeur de l’UE à Berne, Richard Jones, a pour sa part averti ceux qui croient que la Suisse pourra d’autant mieux renégocier l’accord que la libre circulation des personnes suscite des critiques même au sein de l’UE. «C’est une des libertés essentielles du citoyen européen. Pour nous, il n’est pas question de négocier sur ce principe», a-t-il déclaré à la TV alémanique SF.

▼à suivre
La France, la Grande-Bretagne et l’Allemagne ont effectivement critiqué tant la directive sur les travailleurs détachés que la charge de l’immigration sur les assurances sociales, mais croire que cette irritation interne favorisera la compréhension de Bruxelles envers la Suisse relève de l’illusion autant que de la naïveté. L’UDC le sait bien mais feint de l’ignorer.

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Peter Schneider / Keystone
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Sauver le Franches-Montagnes!

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Jeudi, 12 Décembre, 2013 - 05:56

Espèce menacée.Le cheval franches-montagnes, seule race indigène de Suisse, tend à disparaître. Enquête autour d’un animal sain, facile à vivre et résistant qui répondra présent au Concours hippique international de Genève.

Lorsque l’on écoute le Valaisan Jérôme Voutaz, champion suisse d’attelage à quatre chevaux, parler de la race des franches-montagnes (FM), on se demande pourquoi cet homme de 34 ans n’en est pas nommé ambassadeur sur-le-champ. «C’est LE cheval. Il est idéal, pour les débutants comme pour ceux qui veulent aller plus loin. Je n’ai pas fini d’exploiter ses capacités en compétition. Il n’est pas compliqué, facile d’entretien, robuste. Et l’on peut tout faire avec lui.»

La liste de ses qualités ne s’arrête pas là. Calme, sain, caractère fantastique, bonne entente avec les autres races, parfait pour les loisirs, le dressage, le trek, la promenade et même le saut jusqu’à 1 mètre 10. A ce stade, ceux qui en étaient restés à l’image du bourrin au gros derrière, juste bon aux travaux de la ferme, remballent leurs clichés, un brin contrits.

Quant aux spectateurs du Concours hippique international de Genève, ils pourront se rendre compte de ses qualités de compétiteur vendredi, lors de l’épreuve d’attelage à laquelle participera Jérôme Voutaz.

Vite, des naissances! N’empêche. Malgré ce profil de star, la survie de l’animal est préoccupante. En mars 2013, dans une interpellation, Irma Hirschi, députée de Moutier au Grand Conseil bernois, constatait «que la seule race indigène de Suisse est aujourd’hui menacée d’extinction». Et de citer des chiffres: «Ces quinze dernières années, le nombre de chevaux en Suisse (toutes races confondues) a augmenté de 36%. Or, dans le même temps, la race des franches-montagnes a vu son nombre de naissance diminuer de 49%.»

L’inquiétude des milieux politique et professionnel ne trouve pas plus d’écho auprès de l’Assemblée fédérale qui, au printemps dernier, a refusé un nouvel article 53 de la loi sur l’agriculture qui visait à contribuer à pérenniser la race jurassienne.

Selon Stéphane Klopfenstein, gérant de la Fédération suisse d’élevage des franches-montagnes, il reste 200 étalons et 3200 juments qui donnent naissance à 2300 poulains par année en Suisse. «Notre souci quotidien est d’inverser cette tendance.» On s’en doute.

Si, en terre helvétique, histoire oblige, il reste du travail pour changer l’image de lourdaud que traîne le FM, à l’étranger, ce cliché n’existe pas. «Nous le présentons comme monture idéale pour les loisirs et le sport. En janvier, lors de Cheval Passion à Avignon, des franches-montagnes seront sélectionnés pour la première fois à l’occasion du Gala des crinières d’or. Nous espérons trouver des débouchés dans le sud de la France.»

Dure, la concurrence. En attendant, les éleveurs suisses ne cachent pas leurs inquiétudes. A l’instar du Fribourgeois Marc Waeber, propriétaire d’une centaine de FM. Les raisons de la baisse? «La crise de l’euro et la concurrence des chevaux importés de l’étranger, vendus à des prix dérisoires.»

Contrairement à certains éleveurs jurassiens, Marc Waeber refuse de brader ses montures, qui valent, en moyenne, 7000 francs à 3 ans, nombreuses heures de débourrage obligent. Il poursuit: «Exporter revient cher: suivant la douane – Bardonnex ou Vallorbe – nous devons payer de 300 à 800 euros par animal. Dans l’autre sens, les éleveurs étrangers paient bien moins.» Il parle du ras-le-bol des propriétaires, car «il est compliqué d’avoir des chevaux, au niveau papier, puce, passeport et respect de la protection des animaux.»

Même constat de Didier Barras, qui se demande s’il ne reste pas du travail à faire, question image. «La promotion devrait être plus agressive. Pour ma part, je suis toujours stupéfait de la facilité et des capacités d’apprentissage du franches-montagnes.»

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L’ingénieur romand qui fait jouer les foules

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Jeudi, 12 Décembre, 2013 - 05:57

Innovation.Hadi Barkat vient de lancer un nouveau jeu de société sur le marché américain. Après Helvetiq et ses autres créations dans les quatre langues nationales, il se lance à l’assaut du monde depuis le Danemark.

Le coup de fil qu’il a reçu de l’éditeur américain Chronicle Books, le 15 juin 2012, Hadi Barkat s’en souviendra longtemps. Cet ingénieur en informatique de 36 ans, Vaudois d’adoption, vit alors aux Etats-Unis, où sa femme, une Valaisanne, termine un postgrade en neurosciences à Harvard après une thèse à l’EPFL chez Henry Markram. Lui-même prend soin de leurs deux fillettes de 18 mois et 3 ans, tout en s’occupant de RedCut, petite entreprise basée à Lausanne qui crée des jeux de société. Son produit phare: Helvetiq. Né en 2008 et vendu à plus de 27 000 exemplaires, ce jeu en versions française, allemande, italienne et anglaise permet de tester ses connaissances sur la Suisse à l’aide de questions.

«J’avais contacté Chronicle Books en avril 2012 en leur proposant un concept semblable pour le marché américain. Les semaines passant, je n’attendais plus de réponse de leur part. Et puis il y a eu cet appel. Une personne m’a questionné. J’ai parlé durant trente minutes. A la fin, elle m’a dit: “Ecrivez ce que vous venez de me dire.” Mais je ne savais plus ce que j’avais expliqué, j’étais tellement excité!»

Un mois plus tard, le Vaudois envoie un dossier de 40 pages. Mi-août, il reçoit le contrat et en septembre, il apprend qu’il doit terminer le projet pour le 1er octobre. Il négociera un mois de délai en plus. Depuis novembre 2013, le jeu, NYC IQ – avec plus de 400 questions sur la ville de New York –, est en vente aux Etats-Unis, sur Amazon, chez Barnes & Noble, mais également au musée Guggenheim ou au MoMA. En mars 2014, un même jeu sera disponible avec des questions sur Londres, puis en automne sortira le Paris IQ.

«En travaillant avec un grand éditeur, j’ai vu avec envie ce que l’on peut faire lorsque l’on a des moyens. Ils peuvent mettre dix personnes sur un même projet. Une équipe de correcteurs a trouvé des inexactitudes dans mes 400 questions sur New York. Un ami américain m’avait aidé pour la rédaction.»

Cela fait maintenant cinq ans qu’Hadi Barkat consacre toute son énergie professionnelle à la conception de jeux. Né à Alger, il a grandi en Algérie. Son père a commencé sa vie professionnelle en portant des caisses de dattes. Il deviendra fonctionnaire. Sa mère, elle, est enseignante.

A 14 ans, à l’occasion d’un séjour chez un oncle établi en pays vaudois, il découvre l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne. C’est une évidence: c’est là qu’il viendra étudier. Devenu ingénieur en informatique, il travaille dans une banque à Genève, tout en participant au lancement de deux start-up. «J’ai toujours aimé la création de projets en partant de zéro. Je consacrais tous mes loisirs au travail.» Et notamment à un master en management of technology de l’EPFL et HEC Lausanne. Ce nouveau titre en poche, il passe «de l’autre côté»: engagé par un fonds de capital-risque, il est chargé de rencontrer des personnes qui ont des projets susceptibles de devenir des bonnes affaires. «Je vouais mon temps à écouter des gens parler de leurs idées. Durant ces cinq ans, j’ai appris le droit et la finance. J’ai aussi travaillé aux Etats-Unis.»

Hadi Barkat a toujours aimé apprendre en jouant. Il se souvient de parties de jeu très instructives avec ses copains de l’EPFL. «Nous étions des groupes de pêcheurs et il s’agissait de gérer le nombre de bateaux à employer et les endroits où aller. Nous avons appris les compromis et les situations de… lose-lose», sourit-il.

De Boston au Danemark. Alors qu’il est en plein processus pour obtenir la nationalité suisse, le jeune homme a l’idée de développer un jeu pour mieux connaître la Suisse en s’amusant: ce sera le succès d’Helvetiq en 2008, en collaboration avec Sébastien Pauchon, qu’il engagera en le payant avec ses économies. «Quand on a réussi un projet une fois, cela donne confiance en soi. Et l’on pense que l’on peut toujours réussir.» Viendront s’ajouter d’autres créations: Cantuun, Picto Lingua, Belgotron – un jeu sur la Belgique –, Swiss IQ, mais également des puzzles de Lausanne, Genève, Zurich, Saint-Gall et du Tessin.

Depuis quelques mois, ce père de famille a déménagé au Danemark. Sa femme, qui a fini son postgrade, s’est vu offrir une bourse à l’Université de Copenhague pour monter son propre laboratoire. Alors Hadi Barkat a joué le jeu. Et il a dit oui.

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Bertrand Rey
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Robert Shiller: "Les gouvernements doivent investir"

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Jeudi, 12 Décembre, 2013 - 05:58

Perspectives.Le professeur américain et Prix Nobel d’économie en 2013 évoque le risque d’un nouveau krach. Des programmes de travaux publics, comme le New Deal, permettraient de relancer l’économie et la consommation.

Propos recueillis par Anne Seith

Lauréat du prix Nobel d’économie avec Eugene Fama et Lars Peter Hansen, le professeur Robert Shiller se montre inquiet face à la hausse continue du cours des actifs financiers alors que l’économie réelle tarde à s’extraire de la crise. Spécialiste de l’immobilier et de la finance comportementale, il s’appuie sur trois décennies de recherche personnelle.

Au début de ce millénaire, vous aviez annoncé l’effondrement de la «nouvelle économie» alors que la majorité pronostiquait encore la hausse des cours. Et vous êtes un des rares à avoir prévu la dernière crise. La prochaine catastrophe est-elle en vue?
Je ne sonne pas encore l’alerte mais, dans plusieurs pays, les cours des actions sont élevés et, sur bon nombre de marchés immobiliers, les prix ont fortement augmenté. Ça pourrait mal finir. Sur les marchés d’actions, les cours ont grimpé jusqu’en 2000 avant de s’effondrer; ils sont remontés en 2004 jusqu’à la chute de 2007; depuis 2009, ils sont de nouveau à la hausse. Il est donc justifié de penser qu’il y aura de nouveau du grabuge, mais je n’en suis pas sûr.

Vous restez dans le vague. Pourtant, vous aviez prédit avec précision l’éclatement de la bulle des dotcoms. Ou était-ce simplement de la chance?
A l’époque, j’avais même demandé à mon éditeur d’avancer la publication de mon livre, afin qu’il paraisse avant le krach. Je me borne à interpréter et analyser des signes. Depuis 1989, je procède régulièrement à des sondages auprès des investisseurs: jugez-vous le marché d’actions sur- ou sous-évalué, ou les prix sont-ils corrects? En ce moment, les réponses ne sont pas univoques. J’ai par ailleurs développé le ratio CAPE, qui compare la valeur de l’action d’une entreprise avec ses gains des dix dernières années. Pour les plus grandes sociétés américaines, il était récemment de 25 en moyenne. Avant la crise financière de 2007, il était de 28.

Et quand ce ratio est élevé, les entreprises sont tendanciellement surévaluées. C’est comme si la prochaine crise menaçait…
On ne saurait l’exclure. Mais, avant l’éclatement de la bulle internet, le CAPE était à 44. Il est hasardeux de dire si et quand une bulle se forme; si et quand elle éclatera.

Comment procédez-vous avec vos propres investissements?
De nos jours, investir de l’argent est une gageure. J’essaie de répartir mes avoirs. J’ai par exemple investi dans des actions que je juge encore bon marché, dans les secteurs de l’énergie et de la santé. Je mise aussi sur des indices dans le monde entier.

Combien de temps les Bourses d’actions continueront-elles de grimper?
Je songe à en sortir. Je me suis déjà retiré de branches surévaluées comme la finance et les technologies. Mais il est difficile de prendre la bonne décision au bon moment.

Vous êtes connu pour tenir compte des émotions en tant que facteur décisif pour les marchés financiers. Est-ce à dire que vos analyses viennent finalement des tripes?
Sûrement pas. Je vois beaucoup de données, mais je lis aussi ce que les sociologues et les psychologues disent des comportements humains. Habituellement, les économistes ne le font pas. Si vous demandez à un expert d’expliquer aujourd’hui les conditions sur les marchés, il vous répondra sur un ton péremptoire: «C’est la faute des banques d’émission!»

Ne partagez-vous pas cet avis? Elles injectent des milliers de milliards dans les marchés.
C’est sûrement une partie du problème. Mais les banquiers centraux ne sont pas des méchants, ils essaient de stabiliser les marchés, c’est leur job, mais il existe des facteurs psychologiques qu’ils ne peuvent contrôler. Prenez les marchés immobiliers. J’y vois un phénomène intéressant: il y a cinquante ans, on ne parlait guère des prix de l’immobilier et les indices étaient rares. Le marché n’a réagi que lorsqu’on a commencé à récolter et évaluer des données, quand les médias en ont parlé. Il y a alors eu plus de spéculation.

On parle de bulles immobilières en Chine, en Russie, au Canada, aux Etats-Unis. Or, ça ne fait que quelques années que la spéculation sur la pierre aux Etats-Unis a jeté le monde entier dans la crise. N’apprend-on rien?
Si, sans quoi la situation serait assurément pire. Mais un investisseur tire aussi l’enseignement suivant: les prix commencent par chuter, puis ils remontent.

Où se niche le plus grand danger pour les marchés financiers?
C’est l’essor des marchés d’actions aux Etats-Unis qui me cause le plus de souci. Notamment parce que notre économie reste souffreteuse, fragile.

Pourtant, nombre d’investisseurs parlent de résurrection économique aux Etats-Unis et en Europe. Avons-nous surmonté la crise?
Je le voudrais bien. Mais on constate que bien des gouvernements économisent toujours, et même les ménages se font du souci quant à leurs dettes. Si bien qu’on consomme et investit peu. Je crois que, dans bien des régions du monde, la croissance restera faible.

Les banques centrales tentent d’y remédier en injectant des montants astronomiques. Ça ne sert à rien?
L’exemple japonais montre en tout cas qu’une telle politique peut se poursuivre des décennies durant sans que cela ne change rien.

Ne serait-il pas temps, alors que Ben Bernanke et ses collègues ferment le robinet?
Il n’y a actuellement pas d’alternative à la politique des taux bas. Je préférerais que les gouvernements stimulent la conjoncture par le biais de programmes de dépenses pour des projets sensés, plutôt que de réduire les taux au maximum, ce qui incite les gens à s’offrir de plus grandes maisons.

Après plus de dix ans de stagnation, le Japon tente de ranimer l’économie à l’aide d’un programme conjoncturel gigantesque, alors même que le pays a une dette record. Vous appelez cela une politique durable?
Il en va de même pour une économie qui marine dans un creux conjoncturel que pour une ferme du Midwest où, l’hiver, il n’y a pas grand-chose à faire. On répare donc les clôtures et on repeint la grange. De la même façon, un Etat peut veiller à ce que, en période de calme plat, de grands travaux soient entrepris. Le train qui relie New York à Yale est très lent: qu’est-ce qui empêche de construire une ligne à grande vitesse? Cela mettrait des chômeurs au travail.

Mais on ne peut pas recycler en quelques semaines des banquiers au chômage en ingénieurs.
C’est bien le problème. Aussi, je soutiens mon collègue Martin Shubik, qui propose une autorité fédérale chargée d’imaginer et de préparer des programmes de travaux appropriés aux temps de crise.

Au fond, vous demandez un New Deal, des projets d’occupation publics du genre de ceux qui ont permis aux Etats-Unis de relancer la conjoncture dans les années 30.
Je n’entends pas faire tout ce que Franklin Roosevelt a fait. Quand l’Etat intervient dans l’économie, cela crée beaucoup de tensions. Mais le New Deal a eu de bons aspects. Il y avait, par exemple, d’épouvantables tempêtes de poussière en Oklahoma en raison de la sécheresse. On a donc lancé un programme de revitalisation des sols et résolu ainsi un problème climatique. Nous devons réfléchir à la manière de retrouver une économie dynamique et penser à nos priorités nationales, aux biens que l’Etat doit financer. Cela n’entraîne pas forcément de nouvelles dettes.

© DER SPIEGEL
TRADUCTION ET ADAPTATION GIAN POZZY


Robert Shiller

Prix Nobel d’économie 2013 pour ses travaux sur l’évolution des prix des actifs, Robert Shiller, 67 ans, enseigne à l’Université Yale, à la Wharton School et aux Universités de Pennsylvanie et du Minnesota. Le fait d’avoir prédit plusieurs crises financières lui vaut sa grande notoriété. Et il est le père de l’indice Shiller et Case, utile dans l’immobilier.

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Michelle McLoughlin / Reuters
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Le cadeau de Noël, bourgeois de naissance

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Jeudi, 12 Décembre, 2013 - 05:59

Entretien.Le don raisonnable est de retour, note l’ethnologue Martyne Perrot. Et c’est une manière de renouer avec l’éthique bourgeoise qui a présidé à «l’invention» du rite préféré des sociétés occidentales.

Le cadeau de Noël plonge ses racines dans l’Antiquité, avec les «étrennes» romaines des calendes de janvier («strenae» comme Strenia, déesse de la santé). Mais le rite laïque et conifère tel que nous le connaissons est né au milieu du XIXe siècle, façonné par l’essor conjoint de deux géants de la modernité: la bourgeoisie et les grands magasins. La sociologue et ethnologue française Martyne Perrot, déjà auteure d’une Ethnologie de Noël, raconte, dans son nouveau livre*, l’histoire de cette «invention». Questions sous le sapin.

 

Actuellement, sur les murs des villes romandes, une ONG nous invite à offrir une chèvre à un paysan du Bangladesh pour le compte de notre beau-père: le cadeau caritatif entre-t-il dans la catégorie du «cadeau utile», dont vous observez le retour à la fin de votre livre?
En parlant de «cadeau utile», je pensais surtout au retour à une éthique bourgeoise du don raisonnable, par contraste avec l’euphorie d’une dépense sans limites que nos sociétés ont connue il y a peu. Dans le décor bourgeois où est né, à la fin du XIXe siècle, le rite familial du cadeau de Noël, on offre des nécessaires de couture aux petites filles pour leur apprendre leur métier de femme.

 

On se doit aussi d’offrir des présents aux pauvres…
Oui, Noël a une importante dimension charitable, vantée dans d’innombrables contes moraux et histoires édifiantes. D’une certaine manière, le cadeau caritatif est une nouvelle forme de cadeau aux pauvres.

 

Qu’est-ce que le bourgeois charitable de la fin du XIXe offre à l’enfant de famille «pauvre et méritante»?
Une mandarine, éventuellement un modeste joujou, mais surtout pas trop beau: il faut se garder de faire souffrir le petit malheureux en développant chez lui des goûts que ses parents ne pourraient satisfaire… Toute la charité bourgeoise est là: elle prône la compassion mais réaffirme l’implacable distance sociale. N’oublions pas que, pendant que la bourgeoisie découvre les nouveaux temples de la consommation que sont les «magasins de nouveautés», les rues des villes se remplissent des victimes de l’industrialisation. Notez qu’au sein de la famille aussi, Noël est le moment où chacun est remis à sa place. De toutes les fêtes, c’est certainement la plus conformiste.

 

C’est aussi celle qui résiste le mieux, confirmez-vous: ceci explique cela?
Elle résiste parce que depuis le XIXe siècle, elle est devenue une fête de l’enfant et que, dans nos sociétés, l’importance accordée à ce dernier est capitale. Mais le paradoxe, c’est que ce rituel, très marqué historiquement, célèbre une famille qui ressemble de moins en moins à son modèle d’origine. Les foyers se séparent et se recomposent et on voit les gens faire des efforts insensés pour se rapprocher de cette image victorienne de la famille rassemblée autour du sapin, qui reste un modèle idéalisé. Je crois que ce décalage entre la réalité et ce modèle irréel crée pas mal de tensions et d’angoisses.

 

Le succès de Noël traduirait un désir de revenir à la famille façon XIXe?
Je ne crois pas, mais il exprime une nostalgie. Nostalgie de l’enfance, nostalgie d’une croyance au miracle de Noël qui fait advenir un monde harmonieux où tout le monde s’aime et personne ne se dispute.

Nous sommes en 1880, dans un appartement bourgeois «boursouflé de tentures». Qui reçoit quoi autour du sapin?
Les filles reçoivent des poupées à tête de porcelaine, des dînettes, des nécessaires de couture. Les garçons, des uniformes militaires reproduits avec une précision remarquable. Vous noterez que cette distinction des rôles sexués perdure, elle s’est même accentuée dans les magasins avec les rayons jouets séparés filles-garçons. Le père reçoit des articles de fumeur, blague à tabac ou fume-cigarette, la mère un service à thé en porcelaine, un bijou, une reproduction de statuette antique en plâtre, un ramasse-miette… La grand-mère reçoit des gants, une chaufferette, le grand-père un livre ou une pipe. Les grands-parents sont des figures centrales du tableau bourgeois de Noël.

 

Et les domestiques?
Ils reçoivent un tablier neuf, un nouveau plumeau, un châle pour sortir pour les plus chanceux. Mais le cadeau aux domestiques renvoie plutôt aux étrennes du nouvel an, un vieux rituel qui n’est pas spécifiquement familial. Le mot «étrennes» a longuement cohabité avec celui de «cadeau de Noël», jusque vers 1930.

 

A l’origine, les cadeaux de fin d’année avaient une dimension conjuratoire. A-t-elle complètement disparu?
Ce qui est enraciné dans le folklore, c’est le geste d’échanger des offrandes – souvent alimentaires – au moment de l’année où tout est sombre et froid. Au cœur de l’hiver, on fête l’abondance, c’est une offrande à la vie. Et une manière de s’aider à passer cette période inquiétante du solstice d’hiver, une période dangereuse où les enfants sont menacés symboliquement. Le cadeau a un pouvoir protecteur. Je crois qu’aujourd’hui encore nous ne sommes pas loin de cela: notre manière d’ensevelir les enfants sous les cadeaux fait écho à un geste très ancien, destiné à conjurer les dangers qui les menacent.

* «Le cadeau de Noël».
De Martyne Perrot.
Autrement, 169 p.


Martyne Perrot

Née en 1946, elle est sociologue et chargée de recherche au CNRS. Elle a publié plusieurs essais dont «Ethnologie de Noël, une fête paradoxale» en 2000 (Grasset), «Idées reçues sur Noël» en 2002 (Cavalier Bleu) et «Faut-il croire au Père Noël?» en 2010 (id.).

 

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Noël: je t'aime, moi non plus

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Jeudi, 12 Décembre, 2013 - 06:00

Fêtes de fin d’année. Qu’on l’aime ou qu’on la fuie, la principale célébration de décembre cristallise toutes les attentes et tensions familiales mais reste indéboulonnable. Les raisons d’un plébiscite.

 

Tout fout le camp? Tout, sauf Noël, fête increvable entre toutes, qui a survécu aux multiples accusations de bondieuserie puis de mercantilisme. Impossible d’y échapper: vous auriez beau fuir sur la lune, dès le 15 novembre les devantures des commerces autant qu’un coup de fil d’une grand-mère inquiète se demandant quoi offrir à ses petits-enfants vous rappellent à la réalité des choses. Noël est chez les confiseurs, sur les places des marchés dits de Noël, dans les pages de vos magazines, les rayons des supermarchés et les rues noyées du vin chaud servi par des pères Noël à la barbe de travers. Noël est chez vous: quel enfant ne prépare pas sa liste au père Noël dès les vacances d’automne enterrées? Bref, vous êtes cernés.

«C’est vrai, reconnaît Vincent Bouffard, auteur d’un hilarant Au secours, Noël revient! (Le Publieur). On peut zapper la Fête des mères, la Fête des pères, la Saint-Valentin ou la Fête des secrétaires, mais pas Noël: c’est la fête familiale par excellence. Cela prouve que les liens familiaux sont encore le ciment de la société, quoi qu’on en dise. Et son aspect religieux fait partie de la culture européenne. Même si on le fête différemment, on a tous la mémoire des Noëls d’antan où les rituels religieux étaient importants.»

 

Passage obligé. Voilà tout le paradoxe de Noël: un pied dans le passé, un pied dans le présent, un pied dans l’église, un pied dans les grands magasins. Noël nous cerne, mais si l’on nous en privait, Noël nous manquerait. «On le fête souvent pour les autres, mais on finit par être content», garantit Vincent Bouffard. Année après année, nous nous lançons ainsi, avec force soupirs ou sourires, dans le marathon de décembre. «Posez-vous simplement cette question: pourquoi l’année suivante y croyons-nous encore?, lance le sociologue Jean-Claude Kaufmann. Pourquoi attendons-nous ce repas et ce qui l’entoure comme un grand moment de l’existence? Parce qu’il en est un! A l’heure de la mobilité et de l’individualisme triomphant, les familles ont moins l’occasion de se rencontrer. Or, le désir de famille reste intense. Noël est le grand rattrapage, la preuve que cette famille n’existe pas qu’en rêve.»

 

Rite de l’enfance. Commémoration historique et chrétienne, dès le IIIe siècle, de la naissance de Jésus à Nazareth, puis placée le 25 décembre – ancien anniversaire de la divinité solaire Sol Invictus – dans un souci de christianiser les fêtes païennes, Noël est ainsi devenu au fil des siècles la fête de la famille. La création catholique, au XIXe siècle, de la fête de la Sainte Famille, quelques jours après Noël, n’a fait que renforcer la tendance.

«Quoi que l’on pense de Jésus ou de la famille, c’est à Noël qu’on se dit qu’on a une chance de la rassembler enfin, cette famille, confirme Jean Chollet, pasteur de la paroisse de Saint-Laurent, à Lausanne, qui pour la deuxième année ouvre son Chalet aux pasteurs les samedis de décembre. Il n’y a qu’à voir les efforts que font les familles pour se réunir! Quel que soit l’agenda des uns et des autres, on continue à tenter de se rassembler, même si ça doit être le 10 décembre!» Ainsi, tant qu’il y aura des enfants et des parents, il y aura Noël. «Qu’ils aient 30 ou 80 ans, les gens sont intarissables sur les Noëls qu’ils ont vécus dans l’enfance», raconte le sociologue valaisan Bernard Crettaz, qui attend le 24 décembre pour aller couper son sapin et le ramener dans son chalet de Zinal. «La force de Noël, c’est que c’est un rite d’initiation fondamental de l’enfance.»

 

Familles et névrose. Qui dit familles dit conflits, et leur lot de névroses et rancunes plus ou moins réglées. Du coup, Noël, fête «concernante» par excellence, est aussi celle qui divise et crée les émotions les plus divergentes dans la population. On l’adore ou on la hait, on la fête avec excès ou on la fuit à l’autre bout du monde. «Noël signifie “Attention danger” pour beaucoup de gens, analyse Vincent Bouffard. Cette période crée un nombre de situations à risque énorme, entre l’obligation de se retrouver en famille, celle de contenter tout le monde, la recherche des cadeaux, les repas à organiser.» Noël, fête redoutée? «Oui!, abonde le psychiatre Gérard Salem. A une époque où les familles se fragmentent et se recomposent, cela peut vite devenir un cauchemar de satisfaire les envies de tout le monde. Les thérapeutes de famille observent que c’est une source de tensions dès l’automne. A travers Noël et son échange de cadeaux se jouent tous les règlements de comptes. Chacun se voit attribuer des dettes et des mérites, c’est pour ça que c’est sensible.»

 

Fuir Noël. De fait, on n’échappe pas à Noël. Ce qui génère un stress intense chez les allergiques aux obligations familiales, et une ruée dans les agences de voyage compatissantes. «Fuir Noël? Je l’entends de plus en plus, soupire Vincent Bouffard. C’est une poussée d’égoïsme qui peut mal passer dans les familles. D’autant plus qu’en faisant cela on ne fait que souligner l’importance qu’on y accorde, même en négatif.» «On peut craindre les Fêtes, tenter de les fuir, mais on doit les traverser, assène Bernard Crettaz. Ce que nous appelons les fêtes de fin d’année représente un cycle fondamental dans la vie de nos sociétés. D’un point de vue ethnologique, il y a toujours eu un cycle qui va du 24 décembre au 6 janvier, de Noël aux Rois, et qui contient le changement d’année. C’est un rite de passage, une épreuve initiatique. Si on ne le fait pas, quelque chose ne s’accomplit pas, qui ne permet pas de passer à la suite.»

Si Noël concerne tout le monde, Noël, pour les mêmes raisons, divise. «Noël est une fête qui exclut ceux qui sont trop démunis pour faire des cadeaux autant que ceux qui, n’ayant pas de famille, ressassent leur solitude, regrette le philosophe et thérapeute Jacques de Coulon. Elle exclut ceux qui ne remplissent pas les critères – avoir une famille, des amis, de l’argent – qui rassemblent les autres.» Soit on adore, soit on déteste les 24 et 25 décembre. «Si l’on déteste Noël, c’est parce que ce temps évoque des blessures, de l’hypocrisie, des conflits importants, explique Bernard Crettaz. Comme c’est parfois le seul moment où certaines familles se retrouvent, c’est le lieu de tous les règlements de comptes. La fête est toujours proche du drame.»

 

Attentes et déceptions. Et la déception est souvent à la hauteur des attentes liées à l’événement. «Il y a un gros décalage entre l’avant et le pendant du repas. D’où une contrariété que l’on ne sait pas gérer, avertit Jean-Claude Kaufmann. Avant, ce sont ces semaines magiques de décembre où l’on sent monter l’ambiance annonciatrice du grand événement. Hélas, le jour venu, c’est l’ordinaire qui s’impose souvent. Les enfants boudent, mécontents de leur cadeau, le grand-père ressasse ses histoires mille fois entendues et l’élan retombe. On y avait pourtant cru!»

Les attentes autour de Noël sont ainsi familiales et sociales plus que religieuses. «Les gens ont peu d’attentes spirituelles, constate Jean Chollet. Proposer la messe ou le culte de minuit passe encore, ce rituel fait partie de Noël, comme la crèche, la bûche, le sapin. Mais pas davantage. A nous, gens d’Eglise, de trouver le moyen de nous glisser dans les célébrations des familles! Nous ne sommes pas là pour juger mais pour faire passer un message de solidarité. La manière dont la crèche a évolué est parlante: elle est devenue jolie, inoffensive, la réplique d’un lieu où il fait bon être. Alors que la mangeoire dont part toute l’histoire représente le dénuement, la marge, les migrants. Mais qui veut se souvenir de quelque chose de désagréable au moment de passer un bon moment en famille?»

La fantastique opération commerciale qu’est devenu le temps de l’avent (lire l’interview page suivante) n’a d’ailleurs pas que des aspects négatifs. «Elle permet qu’on se sente généreux, et ça fait du bien à l’estime de soi», considère Rosette Poletti. «On se prête de l’attention parce qu’il le faut, tempère Gérard Salem, mais on est blasé. Le côté solidaire, charitable et désintéressé a laissé sa place au commercial, à la féerie euphorique des marchands. Le besoin spirituel n’a pas pour autant disparu, car certains esprits restent orphelins d’une communion réunificatrice.»

 

Imagination rituelle. En réponse, Bernard Crettaz constate un renouveau des rituels plus fort que jamais. «La demande est grande! Et les familles d’aujourd’hui doivent faire preuve de beaucoup d’imagination pour se créer des rites qui les soudent à leur manière.»

Qui dit rite dit transmission: c’est bien ce qui est au cœur de la fête, encore et surtout en 2013. «Noël est devenu le moment de l’année privilégié pour la transmission de certaines valeurs, de coutumes de notre culture, confirme Vincent Bouffard. On parle sapin, cadeaux, repas, mais en fait les enjeux familiaux sont au cœur de tout.» «Nous voudrions retrouver les sensations, les émotions éprouvées enfant, constate Rosette Poletti. Hélas, you can never go home again, comme disent les Anglo-Saxons. Il y aura toujours un décalage entre le souvenir et la réalité! Les difficultés des repas de famille se produisent souvent parce qu’on n’y trouve pas l’harmonie que l’on souhaiterait avoir et que l’on imagine avoir éprouvée lorsqu’on était enfant.» Bref, entre le bœuf et l’âne gris, dort le petit fils pour longtemps encore.

 


Claude-Inga Barbey, comédienne et écrivaine
La mélodie du bonheur

«Un souvenir doux comme de la ouate. Des petits en pyjama, à l’aube, qui déchirent des papiers dorés, des paquets plus grands qu’eux, le dernier Lego du rayon, ouf… La lettre au père Noël qui traîne tout le mois de décembre dans mon porte-monnaie, entre la carte Cumulus et un ticket d’essence… Barrer les achats, au fur et à mesure. Mon mari, à genoux au milieu du salon, ses chaussures enfilées sur ses mains, et qui dessine avec les semelles les traces de pas du père Noël sur le tapis avant d’aller se coucher. La dinde trop sèche, les truffes roulées à la main, et chaque année La mélodie du bonheur.»

 


Denis Maillefer, metteur en scène
Privilégier le spirituel

«Je pense à ces millions de nouveaux objets qui vont entrer dans les maisons occidentales. Que deviendra cette masse de choses qui vient s’ajouter à la masse de choses? Je n’aime pas les objets. Dans notre maison, quand quelqu’un amène un nouvel objet, il doit en sortir un autre. De mon côté, à Noël, je tente d’offrir des instants (opéra, concert, spectacle) et non des choses. Je n’aime pas la période, ce fric qui se balade dans la rue, le mauvais champagne et ceux qui se plaignent de leur famille, mais la fête, la famille, justement, j’aime bien. On fait des tournus, on tire au sort à qui on offre un cadeau (et donc on en reçoit un) et, du côté de ma bonne amie, on va dans la forêt (c’est mieux avec la neige), on va autour d’un sapin garni de bougies, on dit un poème, une pensée, une histoire, un chant, on boit un verre de vin chaud, un moment ensemble. S’il n’y a rien de spirituel, cela ne m’intéresse pas.»


Anne Cuneo, écrivaine
Célébrer la non-Noël

«“Ecris une lettre au père Noël, qu’il sache ce que tu désires”, me dit-on. J’ai 9 ans. Et je suis pleine de commisération pour ces pauvres adultes qui ont encore besoin de ça – je fais un gros effort pour leur faire croire que j’y crois. J’écris. Ce que j’aimerais, comme Alice au pays des merveilles, c’est qu’on fête la non-Noël, 364 fois par an, et qu’on oublie ce goulet d’étranglement fait de dons et de sentiments contradictoires qu’est le 365e jour. J’ai grandi, mais ce sentiment est resté.»

 


Derib, dessinateur
Une fête devenue triste

«Noël représentait pour moi une fête de famille qui permettait de se retrouver tous ensemble, de partager un moment heureux en ouvrant des cadeaux. Quand les enfants étaient petits, on avait un petit père Noël qui sonnait une cloche, le matin du 25, et les invitait à descendre ouvrir leurs cadeaux. Mais Noël est devenu une institution commerciale. Ça me fatigue de découvrir des vitrines en octobre déjà. Il y avait aussi pour moi, à cette époque de l’année, une prise de conscience sur l’état de la planète. Or, elle est aujourd’hui dans un tel état, il se passe tant de choses épouvantables, que la fête est devenue triste. On se souhaite du coup simplement un joyeux Noël avec ma femme, et les cadeaux, on se les fait durant le reste de l’année.»
 


Darius Rochebin, journaliste
Un moment chaleureux

«Je raffole de Noël. Quand j’étais enfant, on montait des spectacles bibliques au temple de Saint-Gervais, à Genève. C’était une ambiance particulière: sombre, froide, minérale. Le pasteur Rédalié nous offrait une mandarine. C’était délicieusement austère. J’adorais ça! Je ne suis pas mystique, mais ces longues nuits du solstice d’hiver me fascinent. En famille, à la maison, c’est chaleureux. En voyage, c’est bien aussi. Un 25 décembre, à l’aube, nous avons descendu le Grand Canal à Venise, seuls, dans un silence complet. C’est un de mes plus beaux souvenirs.»

 


Martina Chyba, journaliste, écrivaine
Au bout du monde, au soleil

«Je l’avoue, j’ai horreur des bondieuseries et de l’obligation de penser à la misère dans le monde à la période de Noël. Généralement, j’arrive en décembre dans un état de délabrement avancé, composé de grippe, d’épuisement et de blues hivernal; donc si cela ne tenait qu’à moi je me taillerais au bout du monde (de préférence au soleil car en plus je n’aime pas le froid) autour du 23 chaque année. Mais, comme rien n’est simple et que personne n’est complètement cohérent, n’est-ce pas, j’avoue que j’aime assez le côté païen de la fête, la lumière des bougies, les biscuits (j’adore la pâtisserie), les odeurs de cannelle, orange et chocolat et ces trucs. Et comme les enfants sont très conservateurs, mes ados adooorent encore Noël, faire le sapin avec leur père, avoir la famille réunie, jouer Douce nuit au piano, gratter des billets de loterie à l’apéro et finir en pyjama à manger les restes en construisant un Lego. C’est quand même quelque chose de très incrusté, qui fait partie de notre histoire et de notre culture et qu’il est difficile de zapper complètement. Donc, bon, souvent on joue le jeu, on passe un bon moment en faisant bien attention à ne parler ni de cul, ni de politique, ni d’argent… Cette année, on fait un compromis bien helvétique: une petite fête le 22 sans cadeaux et sans stress, comme ça tout le monde est content, et le 24, avion et loin!»


Geluck, auteur de «La Bible selon le Chat»
Un rituel important

«J’ai été élevé dans un environnement familial tendre. Noël m’inspire des sentiments et des souvenirs chaleureux. Mais on peut rire à Noël et de Noël, son côté commercial et kitsch prend parfois des tournures grotesques! C’est une fête païenne, mais liée à la croyance. Que l’on croie au père Noël ou en Dieu, l’important, c’est de croire, d’être en lien. La naissance de Jésus dans l’étable est un joli conte de fées indémodable. Je me souviens d’avoir mangé dans mon enfance, en Belgique, le cougnou, une spécialité avec une petite crevette sur le dessus symbolisant le nouveau-né! Je ne suis pas croyant mais je pense que Noël est un rituel important. J’ai deux enfants, un petit-fils de 20 mois, une femme depuis bientôt quarante ans. Je fête Noël avec eux.»
 


Christian Lüscher, conseiller national PLR
Décélération bienvenue

«Ce n’est pas foudroyant d’insolence, mais je fais partie de ceux qui adorent Noël. Pour des raisons classiques, notamment le côté festif qui rassemble les générations d’une famille. D’ailleurs cette année, l’invitation se fait chez moi. J’apprécie aussi cette décélération de la vie quotidienne, et je ne trouve même pas que l’aspect commercial ait pris plus d’ampleur ces derniers temps. Mais évidemment, chacun vit cette fête comme il l’entend.»

 


Laurence Bisang, animatrice radio
Un rendez-vous sacré

«Pas croyante mais très famille, Noël m’est un rendez-vous “familial sacré”. Le soir, forcément; à midi, ça ne fait pas Noël! Longtemps fêté à quatre, papa, maman, Anne et moi, pour cause d’expatriation, la donne a changé au fil des ans: amours, divorces, enfants, remariages ont transformé la tablée – à laquelle certains manquent cruellement aujourd’hui – mais jamais la convivialité de ces réels “joyeux Noël”. Avec un vrai sapin (je sais, c’est pas écolo…) bardé de loupiotes. Et des gourmandises. Noël, c’est aussi l’avent, le calendrier à effeuiller, les décorations lumineuses en ville (le Palace de Lausanne, une féerie!), le froid, la neige, les feux de cheminée et… le père Noël, pardi, auquel – vous l’avouerai-je? – je crois toute l’année!»
 


Zep, dessinateur
Une affaire de logistique

«Avec une famille recomposée, des enfants entre Paris et Genève, Noël est devenu pour moi une affaire logistique: la complexité devient vite incroyable pour faire des trucs qui plaisent plus ou moins à tout le monde. Autrement, je reste assez bon client, avec le souvenir d’un oncle qui se déguisait, capuche rouge et fausse barbe. Et je regarde amusé cette mode des pères Noël accrochés partout aux fenêtres et balcons des immeubles: ils ont l’air d’être morts gelés. Il n’y a personne pour leur ouvrir?»

Propos recueillis par Stéphane Gobbo, Julien Burri, Christophe Passer et Isabelle Falconnier

 

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Mario Botta: «Nous avons un formidable crédit inventif»

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Mercredi, 18 Décembre, 2013 - 05:56

Mario Botta, 70 ans, construit aujourd’hui moins dans son pays qu’en Chine. Critique envers la Suisse d’aujourd’hui mais respectueux de ses valeurs pérennes, l’architecte se livre sur l’Europe, le sens du sacré et le terrain fertile de la mémoire.

Luc Debraine et Michel Guillaume, Mendrisio

«Et voilà, en moins de cinq minutes je viens d’économiser 200 000 francs!», se réjouit Mario Botta dans son atelier d’architecture de Mendrisio. Il vient d’interrompre l’interview pour choisir avec des maîtres d’état les pierres de la future maison d’un Tessinois. Celle qui a sa faveur est en plus la moins chère, alors… avanti!

Voilà deux ans que Mario Botta a installé son bureau dans sa ville natale, au détriment de Lugano. Vingt-cinq personnes y travaillent. En particulier sur les six projets en cours de réalisation ou à réaliser en Chine, nouvel eldorado des architectes fameux. La maquette du musée privé d’un collectionneur chinois de céramiques côtoie celle d’une gigantesque académie des arts qui sortira de terre au nord de Pékin. Plus de 4000 étudiants, ainsi que leurs professeurs et des artistes, y vivront et travailleront de concert. D’ailleurs, Mario Botta s’apprête, une nouvelle fois, à partir en Chine. Des chantiers à suivre, des conférences à donner. Mais il a trouvé le temps de nous recevoir longuement, d’abord dans un restaurant de Mendriso pour un repas tessinois, puis dans son atelier.

Pourquoi avez-vous déplacé votre bureau de Lugano à Mendrisio?
Pour plusieurs raisons. Je suis en train de vieillir. Je voulais me rapprocher à la fois de mon domicile et de l’Académie d’art de l’Université du Tessin, où j’enseigne encore. Et la lumière méditerranéenne fait partie de mon ADN. La dernière montagne suisse que l’on dépasse, sur la route du sud, est le Monte Generoso. Juste avant de déboucher sur la plaine de Milan, il y a ce lieu unique en Suisse où l’on peut ressentir cet esprit, cette ouverture. La Méditerranée, la Renaissance, ce sont mes racines. Et Giotto, dont je me sens très proche.

Vous avez aussi voulu vous éloigner de Zurich?
Aussi! Je suis intimement convaincu que le pouvoir économique, financier, et peut-être aussi culturel, nous conditionne fortement. Ici, dans cette zone frontière, je me sens plus libre de créer, de rêver et de critiquer. C’est un privilège qui offre un autre regard sur les problèmes de l’Europe. La Suisse me donne des mètres carrés à construire, mais tout ce qui va au-delà du fonctionnel y semble interdit. A l’étranger, en revanche, en Chine et en Inde notamment, on me demande par exemple une bibliothèque qui doit devenir l’emblème d’une université. On reconnaît là-bas la force d’expression de l’architecture. J’y ai des possibilités que je n’ai plus en Suisse.

Mais vous avez pourtant beaucoup construit en Suisse!
Non, pas tellement! Même s’il est vrai que, lorsque j’ai pu bâtir en Suisse, j’ai frappé fort, avec les deux églises de Mogno-Fusio et du Monte Tamaro, ou encore avec le Musée Tinguely. Bien sûr, l’ambition de chaque architecte est de construire dans son pays. Mais, si celui-ci ne vous offre pas cette possibilité, vous la cherchez ailleurs. Pour construire un théâtre, je suis allé à Chambéry. Vous comprenez…

Non, nous ne comprenons pas. Pourquoi la Suisse ne fait-elle pas confiance à son architecte le plus réputé hors des frontières?
En Suisse, tout est plus difficile: les rapports avec les confrères, la jalousie, ma forme d’expression moins calviniste que souhaitée. Je ne veux pas me plaindre. Mais c’est la réalité. En Suisse, j’ai plus de difficulté à bâtir qu’ailleurs.

Vous avez l’impression que l’amour que vous portez au Tessin est unilatéral, que ce canton ne vous le rend pas?
Les gens que je croise dans la rue m’aiment bien. Surtout les femmes de 70 ans, pour qui je suis le fils prodigue! Le Tessin plus officiel me regarde d’un œil soupçonneux. Mais je ne prétendrais pas que le Tessin ne m’aime pas. C’est un petit territoire de 300 000 habitants: il voit davantage les défauts que les qualités des gens.

Nous avons une piètre image de l’Italie, qui se résume à son instabilité politique, à ses frontaliers qui encouragent le dumping salarial et à ce pays passoire concernant les réfugiés. Que doit la Suisse à son voisin du sud?
Personnellement, j’ai une grande dette envers l’Italie. Je lui dois toute ma formation culturelle, ma vision du monde. L’Italie ne se réduit pas à Berlusconi et au chaos ambiant qui existe, certes, mais qui est aussi celui de toute l’Europe. Arrêtons de juger le monde depuis notre enceinte dorée! Les murs que nous érigeons pour nous protéger des flux de réfugiés et d’étrangers deviennent aussi ceux de notre propre prison.

L’asile est un problème global et nous sommes tous des citoyens du monde: c’est cela que vous voulez dire?
Depuis quelques décennies, le monde s’est globalisé. Nous sommes tous reliés par nos téléphones portables. Nous pouvons voyager partout. Il y a pourtant un prix à payer à tout cela: personnellement, je me lève en apprenant tous les drames de ce monde; il faut aussi les assumer. Le monde entier nous conditionne, même si nous ne pouvons pas l’influencer. Je suis donc citoyen du monde.

Plus qu’un citoyen suisse?
Je suis aussi Suisse. La patrie est importante dans une période où l’on a l’impression que le global va tout niveler. Laissez-moi vous expliquer. Le territoire sur lequel je suis en train de travailler est le territoire de la mémoire. J’existe, car je me souviens. Mon travail d’architecte est conditionné par tous les changements rapides engendrés par la globalisation, que je considère aussi comme une chance. Mais je sais que je dois les observer avec cette stratification historique qui est la grande chance de l’Europe. La ville européenne est toujours la forme d’agrégation humaine la plus performante, la plus belle, la plus flexible que je connaisse. L’humanité n’a pas créé de meilleur modèle. En comparaison, la ville américaine ou asiatique me paraît beaucoup plus pauvre. C’est dire que nous sommes en train de vivre la mondialisation, certes, mais en conservant des racines profondes. Je retrouve ces racines également en Suisse.

Sur le plan économique, la Suisse vit bien la mondialisation. En revanche, politiquement, elle a tendance à se refermer. Y décelez-vous là une certaine schizo-phrénie?
Oui, certainement. La critique des Tessinois et des Suisses envers l’Italie est totalement infondée, puisque celle-ci fait partie de notre identité culturelle. Nous sommes plus riches, plus beaux, deux fois mieux payés, alors nous pourrions nous montrer plus généreux. Je regrette amèrement cette peur de l’étranger.

Considérons-nous la mondialisation d’abord comme une menace?
Oui. Pas un jour ne s’écoule sans que je ressente pleinement la mondialisation à travers ma nourriture, mon ordinateur ou mes relations intellectuelles. C’est d’abord une chance. C’est ensuite à moi et à nous tous d’exploiter notre territoire de la mémoire pour développer les anticorps aux effets négatifs de la mondialisation.

Que reste-t-il de la patrie, dans tout cela?
Elle est pour moi comme une maison. Moi aussi, j’ai besoin de me sentir le fils d’une patrie pour y retrouver mes origines. Même si, parfois, cette patrie suisse me devient toujours plus mystérieuse. J’ai de plus en plus l’impression que nous restons ensemble parce que nous ne nous comprenons pas.

C’est un beau paradoxe!
Peut-être, mais c’est la réalité. Je comprends mieux les Italiens que les Zurichois. Ce n’est pas un problème linguistique, mais plutôt mental, que je ressens en regardant la télévision par exemple. Plus je vieillis, moins je comprends mon pays.

Il y a la Suisse qui se referme et l’Europe qui fait de la Méditerranée une frontière plutôt qu’un lieu de passage. Cela vous désole-t-il?
La Suisse est à la frontière de l’Europe comme l’Europe est à la frontière de l’Afrique. Cela, l’Europe ne l’a pas encore compris, à savoir que sa force a une limite. C’est un peu le même phénomène que je constate avec les villes, qui sont toutes en crise. Elles ont perdu les deux éléments qui les caractérisaient le plus: l’existence d’un centre et d’une limite, cette porte qui a aujourd’hui disparu au profit des banlieues. Les villes ont ainsi perdu la force identitaire de leur site. Or, un site n’est pas qu’un lieu géographique, c’est une mémoire avant tout.

Où voulez-vous en venir?
La ville européenne est la forme physique qui peut être le dernier antidote à la folie de la guerre. Si l’ancien président yougoslave Slobodan Milosevic avait eu cette conscience et cette mémoire de la ville, il n’aurait pas bombardé la bibliothèque de Sarajevo. Pourquoi détruire une partie de son identité?

Avez-vous l’impression que l’Europe ne sait plus où sont ses frontières?
Nous avons fait l’Europe de l’argent en oubliant nos valeurs. Celles de la culture grecque, du bassin de la Méditerranée. Aujourd’hui encore, nous avons besoin d’aller nous baigner à la mer. Pourquoi des millions d’Allemands convergent-ils vers la Méditerranée en été? Parce qu’en fait ils recherchent leurs origines, même s’ils le font inconsciemment.

Vous insistez sur la notion de territoire, en particulier celui de la mémoire. Mais n’est-ce pas à cause d’une survalorisation de la mémoire que des villes sont mises sous cloche? Comme à Genève, où les associations de défense du patrimoine bloquent le projet de transformation du Musée d’art et d’histoire?
Il ne faut pas confondre mémoire et nostalgie. Il est facile de prendre l’argument de la nostalgie pour s’opposer à des projets. Or, ce n’est pas en se réfugiant dans le passé que l’on recouvre sa propre identité. Il faut trouver l’identité du signe sur le territoire de la mémoire. Comme celui des masques africains primordiaux dont s’est emparé Picasso pour réaliser Les demoiselles d’Avignon puis Guernica. Ou la femme-mère du sculpteur Henry Moore. Ou encore le visage des sculptures d’Alberto Giacometti, c’est-à-dire l’énigme humaine qui résiste à toutes les descriptions. C’est de ce type-là de mémoire, mais aussi de message, qu’on a besoin. Pour sentir la profondeur de l’homme. Pour ne pas subir les mauvaises ondes de la consommation. La mondialisation reste une chance si vous êtes capable de l’aborder de manière critique.

Mais comment arrivez-vous à respecter cette éthique de la mémoire en Chine? Ce pays ne cesse d’effacer son passé au profit du nouveau, du monumental, de la construction de masse, non?
Ce n’est pas lié à la culture politique du pays. C’est la condition d’une époque marquée par la rapidité des transformations. Nous aussi, en Europe, nous avons été pris dans un mouvement qui pensait le progrès comme une dynamique infinie. Je prends un autre exemple de signe de la mémoire. J’aime de plus en plus travailler sur l’espace du sacré dans notre société sécularisée, qui a apparemment peu de goût pour les choses de l’esprit. Je trouve que les espaces les plus profonds sont ceux de la prière et de la méditation. Je me suis demandé pourquoi. Ces espaces sacrés ont nourri ma génération. Ma culture artistique est ecclésiale, romane, baroque. Puis les avant-gardes ont tout détruit, y compris notre sens esthétique et éthique. Un urinoir pouvait être une œuvre d’art. Dès lors, comment concevoir aujourd’hui des bâtiments sacrés? Vous devez retrouver le sens même de votre discipline, dont ceux de la gravité, de la lumière, de la limite, bref les raisons mêmes de l’architecture. Or, vous ne retrouvez pas ces valeurs dans les shopping malls d’aujourd’hui. Je les retrouve dans les églises, la relation entre l’autel et le peuple, comme il y a deux mille ans. Ce sont autant d’éléments qui alimentent un besoin de spiritualité qui n’a pas disparu.

Oui, mais pouvez-vous répondre à ce besoin spirituel en Chine, où vous construisez beaucoup?
J’éprouve quelques difficultés sur place. Les Chinois ne m’ont pas demandé de concevoir des temples, mais des réalisations laïques. Pourtant, j’ai senti là-bas ce besoin de spiritualité. Si l’on décide de construire une académie d’art, c’est pour échapper à la quotidienneté. Je travaille avec des artistes qui ont besoin de rêver, de donner de l’émotion. C’est le but final de votre travail, mais aussi du mien. Poser le rapport avec l’autre dans une symbiose critique. C’est banal, mais cela fait réagir les gens sensibles. L’architecture n’est jamais un problème fonctionnel. Elle commence quand la fonction est résolue. Dans la recherche d’une expression juste.

Est-ce que cette recherche est encouragée en Chine?
Les moyens que me donnent les Chinois pour construire sont limités. Il y a dix fois moins d’argent qu’en Suisse. J’ai beaucoup plus de limites économiques et techniques là-bas qu’ici. Si je veux réaliser des toilettes en Suisse, je prends un catalogue dans lequel il y aura 30 cuvettes différentes. En Chine, le choix sera très restreint. Donc, il y a une réelle difficulté à réunir de bonnes conditions expressives avec ce peu de moyens. Mais c’est stimulant. Surtout, il existe une force collective en Chine que nous avons totalement perdue. En Suisse, lorsque je réalise un bâtiment pour les collectivités, je ressens surtout les intérêts individuels. Par exemple ceux des politiciens attentifs aux délais parce que c’est important pour eux, et non pour les collectivités. Or, faire le mieux avec le moins est une condition du bâti architectural, comme l’est le besoin collectif. Pour mon académie des arts en Chine, je ne travaille pas pour moi-même. Mais pour 4000 étudiants qui ont besoin d’une place pour travailler et se rencontrer.

Les Chinois bâtissent rapidement. Cette dimension du temps est-elle importante pour vous?
Oui, car je suis impatient. C’est mon défaut. Je préfère trouver un commanditaire qui me permettra de réaliser un bâtiment en deux ans plutôt qu’en dix! C’est bien pour mon besoin d’éternité. Un architecte construit pour vaincre la mort, non? Donc, le fait d’avoir des moyens plus rapides que d’autres m’intéresse. Même si, au final, le résultat est plus approximatif qu’une cathédrale construite en deux siècles. Au moins, je peux voir le résultat final!

C’est en Chine que se trouvent 80% de vos réalisations actuelles. C’est beaucoup, non?
J’ai eu la chance de bâtir sur quatre continents. J’ai eu la chance de vivre avec les esprits et les contradictions du monde entier. La Chine, c’est un hasard. J’ai participé à un concours, et je me retrouve dans ce pays où les contradictions sont encore plus fortes qu’ailleurs. J’ai un métier qui est un thermomètre du monde. Grâce à lui, je peux évaluer ce qui se passe dans un environnement.

Et quelle est la température de votre thermomètre en Suisse?
(Rire.) Récemment, j’ai écrit un texte qui s’intitule «La Suisse, mon pays, mon espoir, mon regard, ma beauté, ma croix». Je reste persuadé que c’est un privilège de naître ici. Mais il est aussi de mon devoir d’être critique. Le bon sens suisse n’est plus toujours bon, si j’ose dire. Ce pays fait des choix qui vous obligent de plus en plus à une position critique.

Mais que manque-t-il à la Suisse? De quoi a-t-elle besoin?
Il y a un mot interdit en Suisse: le risque. Dès que vous naissez, tac! vous êtes assuré contre le risque. Même pour celui de vivre. A peine né, vous êtes déjà mort! Il faut davantage de prise de risque dans nos choix. Il y a ici toutes les ressources économiques et intellectuelles dont nous avons besoin. Et que les autres pays n’ont pas, ou moins. Nous avons un formidable crédit culturel, technique, inventif. Pourquoi ne pas prendre de risques pour mieux partager nos ressources, et pas seulement à l’intérieur de nos murs? Les liaisons dans les Alpes, pourquoi ont-elles été réalisées? Parce que des visionnaires ont cru en leur importance et qu’ils ont pris des risques. Notre culture actuelle, à force de chercher désespérément le consensus, les élimine. C’est le symptôme d’un trop-plein de confort. Pourtant, on aurait encore plus de crédit vis-à-vis de l’extérieur si l’on avait davantage cette culture du risque. Ici, on attend toujours de voir la réaction des autres pour se décider. Pour le secret bancaire, on attend la position du Liechtenstein pour se décider! On ne peut plus supporter que les autres décident de notre destin. Il faudrait retrouver notre force originelle, celle des cantons primitifs où la vie collective n’était faite que de défis. Si cela ne marche pas, ce n’est pas grave. La vie n’est qu’une suite de corrections et d’ajustements. La médiocrité, voilà un risque majeur. Oser, c’est aussi donner de l’espoir aux jeunes. Je trouve que la jeunesse suisse est fatiguée.

Parlez-nous du musée de l’architecture que vous préparez à Mendrisio.
Ce sera plutôt le «Théâtre de l’architecture». Je préfère le mot théâtre à celui de musée, qui fait vieillot. Il montrera ce que l’on fait et, surtout, ce que font les autres architectes. Ce sera un lieu de confrontation des idées. Ce lieu parlera de la notion d’espace, qui est réelle, visuelle, pas philosophique. Il sera aussi une plate-forme d’échanges internationaux, là aussi pour confronter et comparer les projets. Il sera donc un instrument qui s’ajoutera à l’Académie d’architecture de Mendrisio. Il s’adressera aux architectes, aux jeunes, aux artistes, à tout le monde. Les artistes contemporains sont des penseurs qui ont une sensibilité particulière sur la vie. Les idées de la vie sont plus fortes que celles des architectes.

On nous promet une Suisse à 10 millions d’habitants en 2050. L’idée fait peur à beaucoup. Est-ce votre cas?
Qu’est-ce que cela veut dire, 10 millions d’habitants? La Suisse a les conditions de bien vivre sur son territoire, avec un espace de vie généreux, tout à fait apte à accueillir plus de monde. Mais il faut mieux l’utiliser. L’urbanisme de demain sera celui de la démolition. Il faudra se débarrasser des mauvaises constructions réalisées dans les périphéries urbaines et recommencer à bien dessiner nos espaces publics. Où est la dernière place, le dernier boulevard digne de ce nom? On a rempli des besoins individuels au détriment des lieux collectifs qui sont devenus résiduels, perdus au milieu de labyrinthes infernaux. Il faut réapprendre à dessiner les villes. Et accepter le fait que la vie est plus forte que tout. Bien plus forte que les idées des architectes!

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Dominic Büttner
Mario Botta
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Parlez-vous 2014? Les 30 mots de demain

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Jeudi, 19 Décembre, 2013 - 05:46

Goooooaaaal
Coupe du monde (1). Mondial au Brésil oblige, le célèbre cri du cœur des commentateurs brésiliens commentant un but de la Seleção nationale sera l’exclamation de 2014. Suivant l’enthousiasme de l’homme au micro, ce hurlement peut s’éterniser jusqu’à essoufflement, et il devient alors comme une heureuse note tenue, et une promesse de fête: samba!

Rencontres religieuses
Une dérive du communautarisme qui a envahi, par pragmatisme, la vie amoureuse sur la Toile. Ils sont célibataires et catholiques, musulmans, juifs ou orthodoxes – pour limiter les risques de mésentente conjugale, ils cherchent l’âme sœur dans leur communauté religieuse. D’où un énorme boom des sites de rencontres religieuses.

Hydrogène
Après une première tentative ratée au début des années 2000, les constructeurs automobiles s’intéressent à nouveau à l’hydrogène, carburant potentiellement très abondant. Honda, Toyota et Hyundai promettent le lancement prochain de tels modèles propres. Mais obtenir de l’hydrogène requiert de l’énergie. Et son infrastructure de distribution est encore inexistante.

Main de Bouddha
Devant ce citron ressemblant à une main tortueuse aux doigts surnuméraires, on pense: «Tchernobyl?» Que nenni! Didier de Courten a été l’un des premiers chefs suisses à utiliser cet étrange agrume chinois au parfum puissant et au prix exorbitant de… 15 à 16 francs pièce.

4D
Les imprimantes 3D comme socles d’une nouvelle révolution industrielle, c’est tellement 2013. L’avenir proche, c’est la 4e dimension, celle du temps. Place aux objets qui se transforment, s’assemblent, évoluent ou s’adaptent à un terrain précis, comme des pneumatiques qui modifieraient leurs caractéristiques en fonction des conditions routières.

EMDR
On bouge les yeux et hop, fini les traumatismes et souvenirs négatifs. Sous le nom Eye Movement Desensitization and Reprocessing (intégration neuroémotionnelle par les mouvements oculaires) se cache une thérapie brève qui consiste à reproduire le mouve-ment des yeux durant les rêves dans le but d’évacuer les trau-matismes et souvenirs négatifs. Déjà presque trentenaire, l’EDMR connaît un regain d’in-térêt sans précédent.

Yel
C’est un pronom entre «il» et «elle», couramment utilisé dans la communauté transgenre belge francophone: «Yels sont nombreuxses.» Il y a aussi «ceuses», «celleux», «toustes». Plus combatif que le pronom neutre suédois «hen», «yel» veut créer le trouble dans les catégories de genre et promouvoir un «soi pluriel», explique Luca Greco dans La face cachée du genre (Presses Sorbonne Nouvelle). Inventé par les drag-kings de Bruxelles, «yel» ne manquera pas d’inspirer toustes celleux qui se sentent à l’étroit dans cette langue française platement binaire.

Groupe
Coupe du monde (2). Il est difficile de savoir si c’est le sabir entrepreneurial qui a débordé désormais dans les vestiaires, ou l’inverse. Mais il n’y a plus, désormais, d’«équipes» de foot, concept définitivement vintage. Les joueurs, leurs remplaçants, entraîneurs et accompagnants sont un «groupe», c’est-à-dire un genre de secte déclinée façon «motivation de groupe», «esprit de groupe», «ambiance dans le groupe» et même «traître dans le groupe».

Baie d’andaliman
Quasi inconnu en Suisse, ce faux poivre indonésien au puissant goût citronné s’appelle aussi lemon pepper. Fournisseur des plus grands chefs, le Monde des Epices, à Payerne, parie sur son succès. Pionnier, Stéphane Déccoterd, à Brent, compte l’associer à du tourteau. Gageons qu’il va lancer la tendance.

Showrooming
Les clients qui viennent essayer, comparer, photographier ou soupeser des articles dans des magasins puis s’en retournent chez eux pour acheter ces mêmes objets à moindre prix sur l'internet mettent les commerces sur les nerfs. Certains d’entre eux tentent d’interdire les photos, d’autres limitent le choix sur leur site internet pour mieux promouvoir leurs magasins.

Cyberpsychologie
La psyché des geeks que l’internet et la culture numérique ont fait de nous mérite une discipline à part entière. La cyberpsychologie étudie les façons inédites de communiquer, jouer, penser, apprendre ou se mettre en scène que l’explosion de l’internet a provoquées et en quoi ces usages modifient l’être humain en profondeur.

Open space
La taille moyenne d’un poste de travail est passée de 25 m2, dans les années 70, à 15 m2 aujourd’hui. Et ce n’est pas fini. Merci le regroupement de salariés dans le même espace, autrement dit l’open space, synonyme de «rendement-moquette» imbattable et incarnation diabolique des discours managériaux sur les vertus de la communication, de la transparence et des échanges. Le bureau, c’est fini, l’«espace ouvert» a gagné.

Cuckold
C’est la nouvelle catégorie à la mode sur les sites de films X. Cuckold, ça veut dire cocu en anglais, et il s’agit d’un mari regardant, pas forcément marri, sa femme s’envoyer en l’air avec son amant. C’est clairement madame qui mène le bal et prend son pied. La preuve que le porno n’est pas que machiste.

Coupe one shoulder
On a vu arriver cette drôle de chose, soit des robes ne couvrant qu’une seule épaule, l’an dernier. Jusqu’ici réservée aux robes de soirée, la coupe asymétrique one shoulder (une épaule) devient autorisée, voire recommandée, en journée. La crise, et ses instincts d’économie de tissu, est passée par là, à moins qu’il ne s’agisse d’une poussée de sensualité ludique.

Rétroaction
Les séries télé puisent leur inspiration dans la vraie vie, avant d’influencer à leur tour la vraie vie dans un effet dit de rétroaction. C’est Sarkozy prenant Borgia en exemple, Borgen favorisant au Danemark l’élection d’une femme ou encore Marine Le Pen insinuant, comme dans Homeland, qu’un otage a peut-être rejoint le camp ennemi.

Porno caritatif
On peut désormais regarder du porno sur le Net en ne faisant pas du bien qu’à soi-même. Le nouveau trend est aux sites proposant du cul en échange de dons pour une œuvre caritative ou écologiste. C’est ainsi que sur benevidz.com, Come4.org ou fuckforforest.com, la branlette est de bienfaisance.

Communication sensorielle
Les sens nous parlent, clame cette nouvelle venue dans la famille des méthodes de développement personnel. La communication sensorielle part en effet du principe que les sens nous délivrent des messages que nous ferions mieux d’écouter si nous voulons trouver bonheur et harmonie. Bref, après le quotient intellectuel et le quotient émotionnel, c’est votre «sensorialité» qu’il s’agit de mesurer.

Drone journalisme
Ils ont été utilisés pour prendre des images du mariage de Tina Turner à Zurich, des dégâts du typhon Haiyan aux Philippines, du futur trajet d’un train rapide en Grande-Bretagne, de la chanteuse Beyoncé sur des montagnes russes à Coney Island: le «drone journalisme» se développe aussi vite que prolifèrent les petites machines volantes, hors ou avec la loi.

Routes fluorescentes
Plus besoin d’éclairer les routes la nuit. Elles s’en chargeront elles-mêmes, grâce à des peintures luminescentes d’un très joli bleu. L’expérience sera lancée sous peu aux Pays-Bas. Principe: la matière luminescente se charge de chaleur pendant la journée puis émet de la lumière pendant dix heures lorsque la température chute ou que la surface devient glissante.

Sexygénaire
Les babyboomers ont découvert le sport, le botox, l’espérance de vie en hausse et la libido (féminine) qui se bonifie avec le temps. Résultat: ils abordent la septième décennie de leur vie la tête haute, le corps musclé et l’énergie boostée par les progrès de la médecine. N’hésitant pas à refaire leur vie.

Jeu en réalité alternée
Leur petit nom est ARG, pour «alternate reality game». Brouillant les repères entre fiction et réalité, ces jeux transmédias mêlent  sites web, presse, télévision, téléphonie mobile et chasses au trésor dans la vraie vie.

Personnalisme
Le personnalisme n’est pas individualiste: il veut concilier le respect absolu de la personne et la solidarité. Exactement ce dont notre époque a besoin. Coiffé au poteau par l’existentialisme dans les années 50, le  personnalisme amorce un retour: il est entré dans la dernière mouture du Dictionnaire philosophique d’André Comte-Sponville (PUF). Avec cette citation de son créateur, Emmanuel Mounier: «La personne ne s’oppose pas au “nous”, qui la fonde et la nourrit, mais au “on” irresponsable et tyrannique.» Welcome back, Emmanuel.

Fourrure d’été
Kim Basinger a posé nue pour rien: la fourrure est partout. De l’hiver, fausse ou authentique, elle migre en été et se fait colorée, voire franchement fluo, en version jupe, étole ou gilet sans manches en imprimé hawaïen chez Prada. Le monde à l’envers pour une clientèle qui passe de Moscou à Saint-Tropez sans s’en rendre compte.

Street fishing
La pêche en milieu urbain se développe. A Paris, où l’on compte déjà plusieurs centaines de mordus, ce sport émergeant se décline aussi en version costard-cravate à la pause déjeuner. A Genève (pêche interdite sur le pont du Mont-Blanc mais autorisée ailleurs dans la rade), le GSF (Geneva Street Fishing) tout neuf a organisé son premier concours l’automne dernier. Mais que faire du poisson? En principe, le «catch and release» est de rigueur (on relâche la bête), mais les instances suisses de protection de la nature le trouvent barbare. Une votation en vue?

Knockout game
Les règles sont simples: traîner avec ses potes, choisir au hasard une personne dans la rue, la frapper d’un coup de poing. La partie est gagnée si la personne s’effondre et s’évanouit. Ce «jeu du K.-O.» sévit depuis peu aux Etats-Unis où les médias parlent d’épidémie. La légende urbaine n’est pas loin, mais la violence réelle.

Internet des objets
Un frigo qui conseille des recettes à partir des aliments qu’il contient, des textiles qui échangent des informations entre eux, des montres, bracelets et lunettes connectés, des automobiles qui offrent le haut débit: l’internet n’est plus circonscrit aux ordinateurs, téléphones portables ou tablettes. Il gagne peu à peu tous les objets de la vie quotidienne.

Tourisme spatial
Bien sûr, l’aller-retour coûtera dans un premier temps 250 000 dollars. Sans demi-tarif, l’opérateur n’étant pas les CFF mais Virgin Galactic, une compagnie de Richard Branson. Les vols touristiques dans l’espace devraient commencer en 2014, promettant à huit passagers quatre minutes d’apesanteur-nirvana avant que la navette redescende sur Terre.

Sadique
2014 ou les 200 ans de la disparition de Donatien Alphonse François de Sade, longtemps voué aux gémonies de la censure, des bonnes mœurs et de toutes ces sortes de choses. Ses romans à haute libido ajoutée ont donné le néologisme «sadique», depuis lors transposé dans toutes les langues que compte notre petite planète, pas encore remise de la fantaisie du divin marquis.

Google Glass
Recevoir des messages, prendre des photos, se guider dans une ville inconnue: les lunettes connectées de Google seront commercialisées en 2014 après avoir été testées par des milliers de cobayes. Questions: aura-t-on l’air ridicule avec ces prothèses 2.0? La vie des autres sera-t-elle menacée par ces lunettes-Stasi? Seront-elles au contraire 100% «No evil»?

Bitcoin
La monnaie électronique, qui se transfère par l'internet, est-elle sur le point de concurrencer l’euro ou le dollar? Un bitcoin vaut déjà davantage qu’une once d’or. Mais la devise est encore fragile. Et que fait-on lorsque son disque dur tombe en rade avant d’être jeté à la poubelle, comme un Britannique qui thésaurisait ses bitcoins sur son ordinateur en a fait la cruelle expérience?

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Yinchuan, future capitale du vin

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Jeudi, 19 Décembre, 2013 - 05:47

La Chine a des ambitions viticoleset figure déjà au 5e rang des plus vastes vignobles du monde. Reportage à Yinchuan, la ville qui se rêve capitale du vin.

Pierre Thomas, Yinchuan

Acroire le film projeté au château Lanyi, au pied de la montagne Helan, dans la région autonome du Ningxia, la Providence aurait planté deux grains de raisin sur la planète: l’un à Bordeaux, France, l’autre sur la montagne Helan Est, Chine. La bande publicitaire véhicule force clichés, quitte à s’arranger avec la vérité. Des images de châteaux façon Loire défilent à l’écran, et la voix soft rappelle que les meilleurs vignobles du monde sont situés sur le 46e parallèle: d’ouest en est, la Californie, Bordeaux et, on l’a deviné, la montagne Helan.

On n’en a pas encore pris conscience: la Chine plante de la vigne à tout va. Déjà, avec 250 000 hectares recensés, elle figure au 5e rang des plus vastes vignobles du monde, derrière l’Espagne, la France, l’Italie et les Etats-Unis. Jusqu’ici, les régions viticoles étaient souvent proches de la mer (comme dans le Shandong) dans un climat chaud et humide. Elles se développent désormais aux frontières du désert de Gobi, le long d’une des «routes de la soie» où les étés sont secs et torrides et les hivers très froids.

Dans cette région du Ning­xia, la ville de Yinchuan se rêve, d’ici à 2020, capitale mondiale du vin, et met en place la première «pyramide» qualitative des vins chinois dans un projet digne des grandeurs de l’Empire du Milieu.

Mao au vin rouge. La cave du château Lanyi est encore modeste, et la résidence s’agrandit autour d’un projet d’hébergement œnotouristique: son propriétaire, Cao Kai Long, qui est aussi le directeur du développement de l’industrie viticole du Ningxia, construit l’un des 100 châteaux qui sortent de terre comme par miracle. Au mur de la cave, une photo historique: Mao trinque avec Ho Chi Minh avec un verre de vin rouge… et non de bai jiu, l’alcool de riz ou de sorgo si populaire en Chine.

Longtemps, la cave n’a produit que du vin d’entrée de gamme. Maintenant, elle vise le haut de gamme. «Les experts de la Revue du vin de France ont apprécié notre pinot noir 2012», confie Liu Xin, une jeune œnologue formée durant quatre ans à Bordeaux. En face de ce projet industriel, sur 55 ha de vignoble «seulement», le domaine Helan Qingxue fait figure de cave expérimentale et exemplaire.

Pernod-Ricard, Miguel Torres et LVMH. Formée en Australie, l’œnologue Zhang Jing fait déguster ses vins dans une salle immaculée. Au mur, des posters des vignobles de Bordeaux, des étiquettes de Mouton-Rothschild et du top 100 des vins du monde. L’œnologue donne à goûter la fierté de la maison, le Jia Bei Lan 2009, le premier vin chinois à avoir décroché une médaille d’or aux Decanter Awards, à Londres, en 2011. Il reste encore quelques-unes des 12 000 bouteilles, vendues d’ordinaire 268 yuans (35 francs), mais, médaille d’or aidant, son prix a triplé à 898 yuans (136 francs). Les Chinois ont le sens de la hiérarchie et des affaires: ce qui est bon se doit d’être cher…

Le projet de la montagne Helan Est prévoit d’implanter 100 châteaux sur un haut plateau et de construire trois «villes» (sic) du vin. L’«objectif 2020 vise 60 000 ha de vigne» (4 fois la Suisse!), confie le secrétaire du Parti communiste local, Kang Zhanping, employé dix ans à la chancellerie de l’ambassade de Chine à Berne. Des ambitions qui ne tombent pas de la dernière pluie. «Depuis 1990, on a planté à l’essai une vingtaine de cépages européens, français, italiens, et américains, explique Zhao Shihva, sous-directeur de l’industrie du développement vitivinicole du Ningxia. Il y a dix ans, on a eu la preuve que la région de la montagne Helan Est est favorable à la vigne. Les investissements sont l’œuvre de tous les grands groupes vitivinicoles chinois, comme la COFCO, Dynasty, etc. Nous voulons devenir la capitale du vin chinois.»

Les producteurs de raisin ont été fédérés, et un institut vitivinicole a ouvert à l’Université de Yinchuan. Un million de plants de huit cépages principaux ont été importés de France cette année, l’assemblée provinciale a accepté la mise en place d’une appellation d’origine contrôlée – la première de Chine –, et chaque vin médaillé à l’international reçoit une prime de 500 000 yuans (80 000 francs). Tous les deux ans, des crus seront promus à un niveau supérieur: d’ici à 12 ans, cette «pyramide» comprendra six niveaux de «châteaux». Le tout sous l’œil d’experts de l’Organisation internationale de la vigne et du vin à Paris.

Le Ningxia, à une heure d’avion de Pékin, classé «zone économique spéciale», encourage les investissements étrangers. Parmi eux figurent Pernod-Ricard, Miguel Torres et LVMH, prêts à miser sur l’élaboration de mousseux de qualité. Pour démarrer, 25 ha de terrain, avec un droit de superficie de 70 ans, sont mis à disposition de qui veut construire un «château». Il faut compter 750 000 francs suisses de fonds propres et l’aide économique étatique en assure le triple. D’ici à 2020, 300 000 personnes devraient être formées au Ningxia dans l’économie vitivinicole et l’œnotourisme, à travers la filière des écoles professionnelles.

Château Bacchus. Avec sa grille peinte en doré, ses toiles de maîtres occidentaux et ses lustres vénitiens, le château Bacchus – classé l’an dernier par le New York Times dans les 46 lieux vitivinicoles à visiter sur la planète – fait figure d’antiquité kitsch: il a «déjà 14 ans». Il y a certes, autour, une quarantaine d’hectares de vigne, mais c’est le décorum qui prime ici. Une cuisinière «qui a travaillé en France» tient table d’hôtes dans les salons privatifs. «La plupart des Chinois préfèrent l’alcool au vin, affirme le jovial Kang Zhanping. Boire du vin, aujourd’hui, permet de montrer son rang social. Mais c’est coûteux: si vous invitez des amis, vous avez besoin de quatre bouteilles de bon vin. A 400 yuans, ça vous fait 1600 yuans (240 francs). Pour le même effet (rires!), une bouteille d’alcool vous coûtera 100 yuans (15 francs).»

Comme à Bordeaux. Il n’empêche: le monde du vin chinois est en marche. Au cœur de Yinchuan se cache le meilleur domaine viticole du Ningxia, hélas voué aux bulldozers, coincé entre les vestiges d’un zoo et le chantier d’une monumentale mosquée. La cave de Silver Heights est tenue par Thierry Courtade, un quinquagénaire à l’accent gascon qui a été pendant vingt-quatre ans maître de chai à Calon-Ségur, un des meilleurs domaines de Saint-Estèphe, et sa femme Emma Gao, œnologue formée à Bordeaux. La famille Gao, qui veille sur un vignoble de 50 ha, va construire une des caves de «la route des châteaux».

«Les Chinois s’imaginent qu’on est comme à Bordeaux, soupire Thierry Courtade. Mais on ne peut pas faire des merveilles. Le sol, des lœss, et le climat, continental, sont différents. La température descend à moins 25 et il peut geler jusqu’en avril. Au printemps, il faut dégager les ceps à la pelle; on en perd un sur dix. Mais dans la vigne, on n’a presque pas de maladie, juste un peu d’araignée rouge qu’on traite en une pulvérisation. Sinon, aucun traitement chimique n’est nécessaire.»

Le domaine produit actuellement 30 000 bouteilles de quatre vins rouges sous les étiquettes The Summit, Emma’s Réserve et Val Enchanté. Le maître de chai nous fait déguster un échantillon de 2012 resté en barrique de chêne français jusqu’à présent: la texture est soyeuse, les tanins d’une belle finesse avec, en finale, des arômes délicats de violette. La preuve qu’en limitant la production et en soignant les travaux de cave, il est possible de «sortir» de ce désert aride des vins haut de gamme. La famille (élargie) Gao en est persuadée. Du reste, «gao», en chinois, signifie «élevé».

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Et Vogue le voguing

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Jeudi, 19 Décembre, 2013 - 05:48

Cinquante ans après sa création, le voguing,danse parodiant les poses des mannequins, fait des émules à travers toute l’Europe, Suisse romande comprise.

«Tac tac tac bam», rythme le commentateur dans son micro. Telles des flammes, les ailes de ces oiseaux de feu se déploient avec une gracieuse violence. Bienvenue au Südblock, bar branché de l’ouest berlinois, où s’est réunie la jeune communauté allemande de voguing: une vingtaine de danseurs. Affublés d’un plumage de roi grec ou de princesse égyptienne, ces volatiles s’affrontent à coups de contorsions et de figures au sol. La foule en transe étouffe sous ses hurlements la house music. «Tac tac tac bam.» Bienvenue au Tit Bit Ball, compétition de danse, de virtuosité et de séduction, où quatre juges élisent les gagnants. «Tac tac tac bam.»

La reine de la soirée, c’est Georgina Philp, alias Georgina Leo Melody, peau ébène sur corps brûlant. Après avoir découvert le voguing à New York, cette danseuse professionnelle fonde en 2012 la House of Melody, première «maison» allemande de cette danse consistant à parodier les poses des mannequins du magazine Vogue. Du haut de ses 28 ans, Mother Georgina organise depuis deux ans le Berlin Voguing Out Festival, grande compétition internationale au succès «inattendu».

Eh oui: YouTube aidant, le mouvement marginal du voguing a créé des émules à travers toute l’Europe, de la Russie à la France en passant par la Suède. «Toutes les chorégraphies pop et R’n’B s’en inspirent, certains chorégraphes contemporains aussi», ajoute Serge Laurent, programmateur des spectacles vivants au Centre Pompidou, qui a consacré au voguing son affiche de la rentrée 2013. On pouvait notamment participer à des ateliers de voguing ou voir The Fire Flies, Francesca, Baltimore, documentaire du Français Frédéric Nauczyciel sur les vogueurs de cette cité du Maryland. «J’ai voulu associer l’aspect technique du voguing à sa réalité sociale», explique Serge Laurent.

Ghetto. Rikers Island, 1960. C’est dans cette célèbre prison new-yorkaise que serait né le voguing avant d’arriver à Harlem. Pauvres, Afro-Américains, homosexuels, les vogueurs sont des marginaux rejetés par l’Amérique à la peau blanche. En singeant les mannequins sur papier glacé, ils se réapproprient les signes de ce pouvoir qui les exclut. Et trouvent dans les houses une famille de substitution, un rempart à la discrimination et à la criminalité. Dans les balls, c’est donc regroupés par houses – dont le nom se réfère souvent à la mode (Revlon, Chanel, Saint Laurent, etc.) – qu’on s’affronte, et dans différentes «catégories», inventées pour se sentir réel.

On y incarne un alter ego magnifié par le maquillage outrancier et les costumes extravagants afin de découvrir son identité, sa sexualité et, au final, devenir soi-même. En 1990, Jennie Livingston offre dans Paris Is Burning, documentaire culte, un portrait fascinant de cette culture underground. La même année, le tube Vogue de Madonna achève la consécration mainstream avant que le voguing retombe dans l’oubli.

Absence de l’industrie du disque, verrou par rapport à la communauté gay, complexité des règles: on comprend aisément que le voguing soit resté souterrain. «Les gays et les transgenres font partie des minorités que la plupart des gens ne veulent pas voir s’exprimer», affirme Cecilia Bengolea, chorégraphe à Paris et coauteure en 2010 de (M)imosa, pièce où la danse postmoderne rencontre le voguing.

Cerise sur le gâteau, le voguing fonctionne par cooptation. A Lausanne, Jayson, alias Hanzy Keat La’Beija, 23 ans, a été «choisi» par l’actuelle mère de la mythique House of La’Beija, à New York. Jayson a d’abord découvert cette danse dans les cours de Diana, alias Daya Jones. A 24 ans, cette étudiante en marketing est l’une des premières danseuses de hip-hop à avoir importé le voguing en Suisse romande, à Lausanne. «Durant un séjour à New York, il y a trois ans, ma colocataire Marie Ninja m’a initiée au voguing. J’ai eu le coup de foudre.» Daya ne fait pas partie d’une house, ce qui ne l’empêche pas de transmettre à ses élèves l’art de la pose et de la pirouette. Beau à regarder, mais attention aux articulations!

Démarginalisation. A l’instar des classes de Daya, la plupart des cours de voguing sont remplis de filles blanches et hétérosexuelles, séduites par ce mouvement célébrant la féminité, la sensualité et l’affirmation de soi. «Ironiquement, les gays ont montré aux femmes comment jouer avec leurs propres codes», souligne Georgina. Pour autant, la Berlinoise n’hésite pas à écarter certains «aspects négatifs» du voguing new-yorkais, telle l’attitude arrogante et ultracompétitive des danseurs. Comme Madonna avant eux, les néovogueurs seraient donc en passe de se réapproprier et de transformer la discipline.

De quoi faire bondir Stéphane Mizrahi, l’un des pères fondateurs de la petite communauté parisienne de voguing. «Ce mouvement vient de l’univers gay et doit y rester. On ne s’octroie pas une culture sans faire partie de la communauté qui l’a portée, c’est du vol», fulmine celui qui a passé quatorze ans parmi les vogueurs new-yorkais et se définit comme un «puriste». Pour ouvrir une house il faudrait ainsi: 1. être gay; 2. avoir une affiliation avec la ballroom scene; 3. trouver une mère ET un père, soit une figure affectueuse et une autre protectrice. Tout aussi critique, le plasticien Frédéric Nauczyciel déplore qu’on ne retienne «que le côté extravagant et fun» du mouvement. «C’est une manière d’ignorer l’apport des minorités à la culture dominante.» Un peu sectaire tout ça? Non, répond Cecilia Bengolea. «Mes amis vogueurs sont des travailleurs du sexe à New York. Le voguing est pour eux une arme de survie, une catharsis.»

A Berlin, Mother Georgina ne se laisse pas déboulonner. «Je ne viens pas du ghetto, certes, mais le sentiment d’exclusion est universel.» Venu exprès de Hambourg pour assister au Tit Bit Ball, le photographe Frederik Busch ne dit pas autre chose: «Ce n’est pas un hasard si les jeunes s’intéressent au voguing quand l’Europe subit la crise de plein fouet.» A la fin de la soirée, il osera se lancer sur le podium. En théorie, il est interdit de «marcher» sans être inscrit. Peu importe. «Je me suis senti en confiance avec moi-même», confie-t-il, talons aiguilles aux pieds. C’est ce qui compte.

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Gero Breloer
Philippe Gétaz
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